Recueil des lettres missives de Henri IV/1577/13 janvier ― À mon cousin monsieur l’admiral



1577. — 13 janvier. – IIme.

Orig. – B. R. Fonds Béthune, Ms. 8886, fol. 30 recto.


À MON COUSIN MONSR L’ADMIRAL[1].

Mon Cousin, J’ay receu une depesche du Roy mon seigneur, par laquelle il me commande de convoquer les depputez des catholicques associez et de ceulx de la relligion refformée, à certain jour et lieu que j’adviseray, pour là entendre, par ceulx qu’il luy plaira envoyer de sa part, son intencion sur les supplications et requestes qui luy pourront estre faictes par les Estatz-generaulx de son Royaume ; afin de prendre, en ceste conference, une bonne resolution à son service et à la conservation de ses subjectz. Suivant cela, je l’ay assignée à Montauban, au premier jour de febvrier prochain, et ce pendant commandé que toutes voyes d’hostilité cessent, tant en mon gouvernement qu’en tous autres endroictz où ceulx de la dicte Religion pouvoient estre aucunement esmeuz, à cause des choses passées au Pont-St-Esprit[2] et ailleurs, et neantmoins ordonné l’eslargissement de tous les prisonniers detenuz d’une part et d’aultre, comme je le fais entendre à Sa Majesté par le sr Pin[3], mon secretaire. A ceste cause je vous prie de pourveoir promptement à la liberté et deslivrance de ceulx de la religion reformée qui sont detenuz à Bordeaulx, comme de mesmes j’en escris à messrs de la cour de parlement ; ainsy que particulierement monsr de Foix, mon cousin, vous en escrira. Du quel ayant entendu l’ordre que vous avez donné à ce qu’il ne leur feust faict desplaisir, je vous en ay bien voullu remercier et pryer de continuer de mieulx en mieulx, suivant en tout l’edict de paciffication. Au demeurant j’ay asseuré mondict cousin de tenir tousjours voz maisons et tout ce qui vous appartiendra en la mesme protection que les miennes propres ; remectant au sr de Anglas, mon maistre-d’hostel[4], vous dire de mes nouvelles pour, en cest endroict, pryer le Createur, mon Cousin, vous avoir en sa saincte et digne garde. D’Agen, le xiije jour de janvier 1577.

Vostre bon cousin,

HENRY.


  1. L’amiral de Villars.
  2. Cette ville, comme nous l’avons dit, avait été enlevée au maréchal de Damville à la fin de l’année précédente, par le capitaine Honoré d’Albert, seigneur de Luynes, qui en était gouverneur pour le Roi, et qui d’abord avait fait arrêter M. de Montmorency-Thoré, frère du maréchal de Damville.
  3. Jacques Lallier, sieur du Pin, est qualifié, dans une pièce du cabinet généalogique à la Bibliothèque du roi, conseiller au conseil privé du roi de Navarre, son secrétaire d’état, intendant et secrétaire général de ses finances. Un certain nombre de pièces, émanées de ce prince, sont contre-signées Lallier, Au reste, du Pin a laissé peu de traces dans l’histoire, bien que les lettres du roi de Navarre nous le montrent, en maint endroit, comme son principal secrétaire. « Il avoit esté autres fois à feu monsieur l’Admiral, » dit Brantome dans la vie de la reine Marguerite. Cette princesse elle-même, dans ses Mémoires, dit de lui : « Pin, secretaire du Roy mon mary, lequel possedoit infiniment son maistre et avoit grande auctorité en sa maison, mandant toutes les affaires de ceux de la Religion. » (P. 159 et 160, de l’édit. de M. F. Guessard.) Nous le trouvons mentionné en 1585, dans l’état de la maison du roi de Navarre, comme secrétaire des commandements ordinaires pour le quartier d’avril. Il ne vivait plus au mois de décembre 1592. Une note placée dans le volume des archives des affaires étrangères, coté Correspondance politique, Ms. France, no XIX, fournit ce renseignement au sujet des lettres du roi de Navarre qui sont contenues. « Celles des lettres de Henri qui ne sont pas de sa main ont été écrites par son secrétaire du Pin, qui avait le privilége de la correspondance en écriture imitée, et qui étoit sous Henri IV ce que plus tard fut sous Louis XIV le fameux président Rose. » En constatant avec quelle perfection du Pin savait imiter l’écriture de Henri, nous avons reconnu qu’il y aurait une extrême témérité à prétendre distinguer toujours ce qui est réellement l’autographe du roi, de ce qui en est l’imitation par le secrétaire de la main. Le fac-simile no 2, joint au présent volume, donne, pour le corps de la lettre, un exemple de cette écriture imitée par du Pin.
  4. Nous le voyons, en effet, figurer en cette qualité, dans les comptes de dépenses de la maison du roi de Navarre. Un grand nombre d’états portent sa signature écrite d’Anglars. Une des branches de la maison de Corn s’est distinguée par ce nom. S’il s’agissait ici d’un membre de cette famille, ce devrait être Mercure de Corn, seigneur de Queissac, de Puymerle, d’Anglars, etc. fils de Gabriel de Corn et de Jeanne de Jaubert d’Allemans.