Recueil des lettres missives de Henri IV/1574/13 avril ― Déposition du roy de Navarre



ANNÉE 1574.

1574. — 13 avril.

Imprimé. – Mémoires de l’Estat de France sous Charles neufiesme, édition de Meidelbourg, 1578, in-8o, tom. III, fol. 159 recto. – Le Laboureur, Additions aux mémoires de Michel de Castelnau, liv. VI, tome II, p. 360, édition de 1731 ; – Et Mémoires et lettres de Marguerite de Valois, nouvelle édition, par M. F. Guessard, Paris, 1842, in-8o, p. 195.


DEPOSITION DU ROY DE NAVARRE

DANS LE PROCES CRIMINEL CONTRE LE Sr DE LA MOLLE, LE COMTE COCONNAS ET AUTRES.

[1]Madame, Je m’estime tres heureux du commandement qu’il vous plaist me faire. Encores que par droict je ne sois obligé de respondre qu’à Voz Majestez, si ne craindray-je, devant ceste compagnie et toutes aultres personnes que vous trouverez bon, disant verité, vous faire paroistre mon innocence et la meschanceté de ceulx qui peuvent avoir menti de moy. Or afin que je commence des mon enfance à vous tesmoigner ma vie et mes effects passez, je vous diray, Madame, que le Roy mon pere et la Royne ma mere m’amenerent en l’aage de sept ans en vostre Court[2], afin de me rendre aussi affectionné à vous bien et fidelement servir, comme le Roy mon pere, qui n’a voulu aultre tesmoing de ce qu’il vous estoit que son sang et la perte de sa propre vie, laquelle fut bien courte pour moy, qui des lors demeuray soubs l’obeissance de la Royne ma mere. Laquelle continua de me faire nourir en la religion qu’elle tenoit. Et voyant qu’apres le decez du feu Roy mon pere, il falloit qu’elle me fist cognoistre et aimer de mes subjects, elle me voulut mener en ses pays. Ce qui fut faict à mon trez grand regret, me voyant esloigné du Roy et du roy de Poloigne, desquels (oultre ce que nos aages estoient quasi egaulx) je recevois tant d’honneur, que le lieu du monde où je me plaisois le plus estoit en leur compagnie. Apres avoir demeuré quelque temps en ses pays, elle s’achemina pour venir retrouver Voz Majestez. Mais estant à Nerac, il arriva un gentilhomme de monsieur le prince de Condé, qui luy fit entendre que les ennemis estoient plus forts vers Voz Majestez, et s’estoient bien resolus sans doubte de se desfaire de ceulx qui portoient les armes, afin que plus aiseement ils peussent exterminer les femmes et les enfans, et par ce moyen ruiner du tout nostre maison, et qu’il savoit cela pour certain de bonne part, et que dans quatre ou cinq jours il seroit à la Rochelle avec sa femme et ses enfans. Ce qui esmeut tellement à pitié la Royne ma mere, que, craignant que mesme malheur lui advint, elle se deslibera de les aller trouver à la Rochelle, où elle me mena. Et mon oncle[3] dressant son armée, elle m’envoya avec luy, où tous ceux qui sont venus de vostre part, pour traicter de la paix, vous ont peu tesmoigner le desir que j’avois d’estre pres de Voz Majestez, pour vous faire trez humble service. Entre aultres messieurs de Cros[4], de Biron et de Boisy[5], qui furent deputez pour ce faict, vous l’ont peu assurer.

Apres la paix faicte, commença de se mettre en avant le mariage de Madame vostre fille, duquel je m’estimay trez heureux, pour me voir rapproché de Voz Majestez. Ce mariage n’estant du tout resolu, la Royne ma mere vous vint trouver pour achever de le conclure, et me laissa attendant en ses pays, où bien tost apres elle m’envoya querir, comme aussi firent Voz Majestez par Perquy. Lequel vous a peu dire le plaisir que ce me fut d’avoir ce commandement ; comme je le monstray, m’acheminant trois jours apres que j’eus eu vingt accez de fiebvres tierces. Apres m’estre acheminé sept ou huict journees, J’entendis la mort de la Royne ma mere : qui m’eust esté une excuse assez valable pour m’en retourner, si j’en eusse eu envie. Toutesfois je m’acheminay avec la meilleure troupe de mes amys et serviteurs que j’avois peu assembler, et ne fus content que ne fusse pres de Voz Majestez. Où apres mes nopces advint la Sainct-Barthelemy, où furent massacrez ceulx qui m’avoient accompagné, dont la plus part n’avoient bougé de leurs maisons durant les troubles. Entre aultres fut tué Beauvais qui m’avoit gouverné depuis l’aage de neuf ans[6]. Vous pouvez penser quel regret ce me fut, voyant mourir ceulx qui estoient venus à ma simple parole, et sans aultre asseurance que le Roy m’avoit faicte, me faisant cest honneur de m’escrire que je le vinsse trouver, et m’asseurant qu’il me tiendroit comme frere. Or ce desplaisir me fut tel, que j’eusse voulu les rachepter de ma propre vie, puisqu’ils perdoient la leur à mon occasion, et mesme les voyant tuer jusques au chevet de mon lict. Je demeuray seul, denué d’amys et de fiance.

En ces peines, Thoré[7], lequel estoit piqué de la mort de son cousin[8], me voyant desesperé, se vint joindre avec moy, me remettant devant les yeux l’indignité que j’avois receue et le peu d’asseurance que je pouvois attendre pour moy ; mesmes voyant l’honneur et bonne chere que vous, Madame, le Roy vostre fils et le roy de Poloigne faisiez à ceulx de Guise. Lesquels non contens de ce qu’ils avoient voulu faire au feu Roy mon pere et à monsieur le Prince mon oncle, triomphoient de ma honte, non toutesfois qu’il m’entrast en l’entendement de vous estre aultre que trez fidèle et affectionné serviteur. Ce que j’esperois vous faire paroir à la Rochelle, où je fus resolu de vous bien et fidelement servir, et de suivre de si pres le roy de Poloigne, qu’il vous pleust tesmoigner le fond de mes intentions. Or estant si pres de luy, je fus adverti par quelqu’un de mes bons amys, qu’on vouloit faire une seconde Sainct-Barthelemy, et que monsieur le Duc et moy n’y serions non plus espargnez que les aultres. Oultre plus, le vicomte de Turenne[9] me dit qu’il avoit sceu pour certain de la Court, que monsieur de Villeroy[10] apportoit la despesche pour faire l’execution, et que si ma femme estoit accouchée d’un fils, le Roy advanceroit ma mort. Mesmes quelques uns de mes gentilshommes furent advertis de leurs amys qui estoient à monsieur de Guise, qu’ils sortissent de mon quartier pour aller au leur, par ce qu’il ne faisoit pas seur pour les miens. Aussy le Gast[11], me venant voir, disoit tout hault que, la Rochelle prinse, on feroit parler aultrement les Huguenots et les nouveaulx Catholiques. Vous pouvés penser si ayant en tant d’advertissemens et mesmes de celuy en qui le roy de Poloigne se fioit entierement, s’il n’y avoit pas juste occasion de le croire. Toutesfois ayant promis au roy de Poloigne que si j’entendois quelque chose pour le service du Roy ou du sien, je l’en advertirois, comme je fis ; l’allant trouver le soir en son cabinet, luy donnay à entendre comme le tout se passoit. Il m’asseura qu’il n’en estoit rien, ce que je creu. Et des lors me promit tant d’amitié que quittant ceste frayeur, je cessay de faire gardes en mon logis, comme j’avois esté contrainct de faire pour l’asseurance de ma vie. Depuis, je ne perdis une seule occasion de me tenir pres de luy, tant pour le servir que pour luy faire preuve que je n’avois rien plus cher que ses bonnes graces.

En ce temps-là le camp fut rompu, et nous nous en revinsmes de la Rochelle vous trouver ; où il ne se parla que du despart du roy de Poloigne, lequel Voz Majestez furent conduire jusques à Vitry[12]. Où j’eus advertissement, de plusieurs endroicts, qu’on vouloit tuer le Roy, monsieur le Duc[13] et moy, et faire le roy de Poloigne Roy, ce que je ne voulus jamais croire. Toutesfois faisant entendre ce que j’avois entendu à monsieur le Duc, il me dit qu’il avoit eu beaucoup de pareils advis, et que monsieur de Guise[14] faisoit assemblée à Ginville pour faire l’execution de ceste entreprinse. Et moy, estant à la chasse, je trouvay dix ou douze chevaulx avec armes, comme fit le guidon de monsieur le prince de Condé, qui en trouva quarante ou cinquante en ce mesme esquipage : qui estoit assez pour nous en faire croire quelque chose. Toutesfois le roy de Poloigne estant arrivé à Vitry, je ne faillis à luy dire tous les bruits qui couroient de luy. Il m’asseura qu’il n’en savoit rien, et que si j’estois en ce doubte-là de messieurs de Guise, je ferois bien de demeurer pres du Roy et l’aller retrouver à Nancy pour prendre congé de luy. Ce que la Royne me fit commander par le Roy, qui partit de Vitry pour aller à Chaalons, où j’allay avec luy. Estant là, je demanday congé, pour tenir la promesse que j’avois faicte au roy de Poloigne d’aller prendre congé de luy à Nancy ; ce qu’il me refusa, et me commanda que j’eusse à me tenir pres de luy.

Sept ou huit jours apres avoir esté à Chaalons, je sceus le despart du roy de Poloigne ; et me fut asseuré qu’à son dernier adieu il oublia la bonne chere et amitié qu’il m’avoit promise, et ne se souvint de vous rappeler, Madame, que vous m’eussiez en vostre protection ; mais au contraire vous recommande monsieur de Guise, afin que par vostre moyen il fust faict connestable. Ce que je ne voulois nullement croire. Mais estant Vostre Majesté de retour à Reims, vous me fistes une si maigre mine, et commençastes à avoir une telle desfiance de moy, que cela me fit penser qu’il en estoit quelque chose. En ce mesme temps monsieur de Thoré arriva, lequel ne fut seulement fasché de me voir en ceste peine ; mais continua à me dire que c’estoit chose trez certaine, que demeurant à la Court je n’y pouvois attendre que beaucoup de mescontentement, et que ma vie n’y estoit trop asseurée.

De là Voz Majestez allerent à Soissons, où vous continuastes encore plus les mesfiances que vous preniez de moy, sans vous en avoir donné une seule occasion ; qui m’estoit un extreme ennuy. Là, les capitaines des gardes commencerent à venir tous les jours cercher dans la chambre de monsieur le Duc et la mienne, et regarder dessoubs les lits s’il n’y avoit personne ; et commandastes qu’il ne coucheroit en ma garderobe qu’un seul valet de chambre pour me servir. Et mesmes me levant le matin, pour me trouver à vostre lever, comme j’avois accoustumé, choquant à la porte, vous me fistes respondre que vous estiez chez le Roy. Toutesfois vous parliez à la Chastre[15] et à quelques aultres, des noms desquels il ne me souvient, qui avoient esté des principaulx executeurs de la Sainct-Barthelemy, et du tout serviteurs de monsieur de Guise. Qui me fit croire que vous desiriez plus vous servir de ceste maison que de ceulx qui ont eu cest honneur de vous estre plus proches et plus fideles serviteurs. Le lendemain, ne me voulant de rien rebuter de ce que je sçavois neantmoings venir de vous, je retourne encores pour vous trouver en vostre chambre, de laquelle vous estiez sortie pour aller chez le Roy. Pensant y entrer, vous commandastes qu’on me dist que le Roy dormoit, encores que passant par la salle plusieurs gentilshommes, mesmes de ceulx de mon gouvernement, y eussent veu entrer cinq ou six du conseil. Sçachant cela, je choque à la porte. Lors vous me fistes dire que le Roy ne vouloit pas que j’y entrasse ; qui me fut une grand honte, mesmes en la presence de tous les gentilshommes qui le virent. Cela estoit suffisant de me mettre en extreme peine, n’ayant jamais rien sceu qui importast à vostre service, que je n’en eusse adverty le roy de Poloigne, comme il vous a tesmoigné de la Rochelle et de Vitry. Et vous, Madame, estant à Reims, ayant ouï parler de quelque requeste qu’on vouloit presenter à Voz Majestez, je ne faillis incontinent à le vous dire. Cela ne meritoit pas de vous faire concevoir une desfiance de moy, mais au contraire vous convioit à vous y fier.

Or voïant que mes ennemis avoient telle part aupres de Voz Majestez, que pour nul de mes effects vous ne pouviez perdre la desfiance qu’à grand tort vous aviez prinse de moy, je creu certainement que les bruicts qu’on faisoit courir, qu’on nous vouloit mal-faire, estoient veritables. En ceste peur, monsieur le Duc, qui n’en avoit pas moings, me contoit les desseings qu’on luy faisoit ; et je luy dis les miens en la presence de Thoré. De là Voz Majestez allerent à Chantilly et puis à Sainct-Germain, où vinrent les nouvelles, qu’on avoit failli à prendre la Rochelle : et fut dict tout hault que si elle eust esté prinse, l’on eust mis prisonnier monsieur de Montmorency[16], et executé sur nous la mauvaise volonté qu’on nous porte. Voyant les grandes mesfiances que Voz Majestez avoient de nous s’accroistre tous les jours, et recevant beaucoup d’advertissemens tous nouveaulx, qu’on nous vouloit mesfaire, cela fut cause que monsieur le Duc se resolut, pour s’oster de ce danger et pour l’asseurance de sa vie, de s’en aller où je luy promis de l’accompaigner, et de là m’en aller en mon pays, tant pour ma seureté que pour donner ordre en Bearn et Navarre, où, pour mon absence, je ne suis nullement obey. Et lorsque nous estions, pour l’asseurance de nos vies, sur le poinct de nous absenter de la presence de Voz Majestez, advint que vous en fustes advertis et nous appelastes en vostre cabinet, où nous vous dismes tout ce que nous sçavions. Alors vous nous asseurastes de noz vies, et nous distes que le Roy y donneroit si bon ordre que nous n’aurions cy-apres occasion de nous plaindre.

Depuis, estans aux faulxbourgs Sainct-Honoré nous eusmes les mesmes alarmes qu’auparavant ; et disoit-on que nous serions menez prisonniers au bois de Vincennes. Alors le vicomte de Turenne arriva de la part où Vos Majestez l’avoient envoyé, lequel nous confirma les mesmes occasions de peur et de crainte, et nous mit devant les yeulx le danger où nous estions de noz vies. Qui fut cause que monsieur le Duc m’envoya dire par la Vergne[17] et Montaigu[18], qu’il estoit resolu de se retirer pour ces mesmes raisons. Ce qu’entendant, je desliberay de partir pour l’accompaigner et de là me retirer en mes pays, pour les mesmes raisons que j’ay cy-devant dictes. Voilà, Madame, tout ce que je sçay, et vous supplie trez-humblement de considerer si je n’avois pas juste et apparente occasion de m’absenter. Et qu’il plaise au Roy et à vous me vouloir d’oresnavant faire tant de bien et d’honneur de me traicter comme estant ce que je vous suis, et qui n’ay aultre vouloir que de vous estre à jamais à tous les deux trez humble, trez obeissant et trez fidele serviteur.

[HENRY.]



  1. Cette allocution est adressée à la reine mère, Catherine de Médicis, fille de Laurent de Médicis, duc d’Urbin, et de Madeleine de la Tour, comtesse d’Auvergne et de Lauraguais, née à Florence en 1519, mariée en 1533 à Henri, dauphin de France, depuis Henri II, veuve de ce prince le 18 juin 1559, morte le 9 janvier 1589.
    Les huguenots, sur l’espérance de voir le duc d’Alençon se mettre à leur tête, s’étaient concertés pour reprendre les armes, ce qu’ils commencèrent à exécuter sur plusieurs points avec succès, le mardi gras, 22 février 1574. Ils se trouvèrent partout sur le pied de guerre le 10 mars suivant, jour où ils avaient espéré que le duc d’Alençon et le roi de Navarre pourraient s’échapper de la cour et venir se joindre à eux. Mais l’irrésolution et la timidité du duc d’Alençon décidèrent La Mole, son favori, à aller tout découvrir au Roi. Catherine de Médicis vit là des vengeances personnelles à exercer et aggrava beaucoup cette affaire, qui se termina par le supplice de La Mole, du comte de Coconnas, autre favori du duc d’Alençon, et de François de Tourtay. Toute la procédure nous est parvenue. Le Roi dès l’abord avait interrogé lui-même le duc d’Alençon et le roi de Navarre. « Le premier, dit Mézeray, advoua tout, sans se soucier de mettre en peine ceux qu’il avoit employez : l’autre n’embarrassa ny luy ny ses amis. » Le 26 mars les deux princes, se trouvant à Vincennes avec la cour, qui avait affecté de s’y retirer en grand effroi, se virent ôter leurs épées ; et bientôt ils furent constitués prisonniers. Enfin, le 13 avril, le duc d’Alençon et le roi de Navarre furent interrogés dans les formes. « Le premier, dit encore Mézeray, respondit en criminel, laschement et en tremblant ; l’autre en accusateur plutôt qu’en accusé, avec des reproches qui firent perdre contenance à la Reyne mere. » Ce fut là en effet l’une des conjonctures les plus graves où se soit trouvé le roi de Navarre. Cette déposition, où il raconte toute sa vie, put faire juger dès lors quel grand homme serait ce prince, qui n’avait pas encore accompli sa vingt et unième année. La reine Marguerite nous apprend dans ses mémoires que ce fut elle qui rédigea cette pièce remarquable. « Le Roy mon mary, n’ayant lors personne de conseil auprès de luy, me commanda de dresser par escrit ce qu’il auroit à respondre, afin que par ce qu’il diroit il ne mist ni luy ni personne en peine. Dieu me fit la grâce de le dresser si bien qu’il en demeura satisfaict, et les commissaires estonnez de le voir si bien preparé. » Nouvelle édition de M. F. Guessard, p. 40.
  2. Il faut lire cinq ans. Voici le curieux passage de Favin sur ce premier voyage du jeune prince en cour : « Le roy Antoine, sa femme et le prince de Navarre leur fils, lors aagé de cinq ans, prince gaillard et beau par excellence..... vinrent trouver le Roy en la ville d’Amiens, où lors estoit la cour de France. Le Roy, voyant le prince de Navarre si gentil et disposts, resolut des lors de le faire nourrir aupres du roy dauphin François II ; et l’ayant embrassé et baizé plusieurs fois, luy demanda s’il vouloit estre son fils. Mais le petit prince luy respondit aussitost en son langage bearnez, se tournant vers son père : « Quet es lo seigne pay (Cestuy-cy est monsieur mon pere).... » Le Roy, prenant plaisir à ce jargon, luy demanda : Puisque vous ne voulez estre mon fils, voulez-vous estre mon gendre ? Il respondit promptement et sans songer : O bé (ouy bien.) Et des lors le Roy tres chrestien et les Roy et Royne de Navarre accorderent le mariage de leur fils avec madame Marguerite de France. » (Histoire de Navarre, t. XIV, année 1557, édit. de Paris, 1612, in-fol.)
  3. Louis de Bourbon, prince de Condé, dont il vient d’être question, frère du roi Antoine, et septième fils de Charles de Bourbon, duc de Vendôme, et de Françoise d’Alençon, né à Vendôme, le 7 mai 1530, tué après la bataille de Jarnac, le 13 mars 1569. Il s’était déclaré le chef du parti protestant en avril 1562, et pendant les sept années qui suivirent il acquit une célébrité qui lui a fait donner par plusieurs le surnom de Grand. Voici sur la mort de ce prince une lettre de Jeanne d’Albret à son fils, que cet événement plaçait à la tête du parti :
    « Mon filz, Ayant sceu la perte si grande que nous avons faicte de feu monsieur le Prince, vostre oncle, et de tant de gens de bien que particulierement je regrete, je n’ay voulu faillir envoyer devers vous et mon nepveu. Je scais, mon filz, que Dieu vous a donné assez bon jugement pour sentir de quelle importance vous est ceste perte, qui est d’un second père, qui vous conduisoit et favorisoit et tenoit si cher : mais aussi ayant ceste cognoissance, vous devez croire qu’encores qu’il vous ait en cela affligé et chastié, que pour cela il ne vous abandonnera poinct. Feu monsieur vostre oncle vous a laissé la memoire de sa chrestienne vie, son honneste fin pour patron, afin qu’en ensuivant ce zele qu’il avoit à la gloire de Dieu, vous vous rendiez digne nepveu d’un tel oncle et de recognoistre ceste obligation envers vos cousins, et principalement envers celuy d’Anguien, l’aimant comme frere, et nourrissant ensemble une amitié liée par debvoir de sang et religion, qui ne se separe jamais. Vous avez aussy monsr l’Amiral, pour lequel je ne vous fais poinct de nouveau commandement ; vous en savez ma volonté. Encores que l’affliction soit grande, fortifiez-vous en Dieu, et le faictes plus craindre et reverer en vostre camp qu’il n’a esté ; afin qu’en lieu d’un second chastiment que nous meritons bien, il luy plaise, nous faisant misericorde, essuyer les larmes de nos yeulx, et ne permettre que ses ennemis et les nostres se glorifient en blasphemant son nom. Je vous asseure, mon filz, que je suis si triste que je ne le fus jamais guere plus, et ma sœur qui est extremement desolée. Vous ferez bien de luy escrire ung mot pour l’asseurer que vous recognoistrez l’obligation qu’aviez à feu monsieur le Prince, en son endroict et de ses enfans. Oultre ceste grande perte irreparable de mon frere, je regrette tant de gens de bien et mesme des vostres, que je ne vous puis dire ce que j’en souffre. Je supplie Dieu nous consoler tous, mon filz ; vous avez monsr de Beauvoir qui vous conduira en tout. Obeissez luy plus que jamais ; et sur cela je prieray Dieu [vous avoir, mon filz, en sa tres saincte garde].
      « De la Rochelle, le 27 mars [1569].
    « Par vostre bonne mere et amye,
    « Jeanne. »


    Cop. – Biblioth. de Tours, ancien manuscrit des Carmes, coté M, no 50, Lettres historiques, p. 73. Communication de M. le préfet.

  4. Le personnage qui portait ce nom de fief devait jouer un grand rôle à la cour pour être mis sur la même ligne que MM. de Biron et de Boisy. Mais le nom de Du Cros ou De Cros est tellement répandu, qu’à défaut d’autre indication il est presque impossible de dire qui le portait alors à la cour. Je trouve dans la série des titres originaux une quittance, donnée le 25 décembre 1570, par François de Brettes, seigneur du Cros, guidon de la compagnie de trente lances des ordonnances, dont M. de Merville avait la charge. (B. R. cabinet généalog.)
  5. Claude Gouffier, duc de Roanès, marquis de Boisi, comte de Maulevrier, etc. grand écuyer de France, chevalier de l’ordre du Roi, premier gentilhomme de chambre, capitaine des cent gentilshommes de sa maison, était fils d’Artus Gouffier, seigneur de Boisi, de Maulevrier, etc. grand maître de France (le frère de l’amiral de Bonnivet) et d’Helène de Hangest. Il mourut en 1570.
  6. « Beauvais (ou Beauvois, ou même Beauvoir), gouverneur du roy de Navarre, logé en la rue où estoit logé l’amiral, fut tué dans son lit, où il estoit assailli des gouttes des longtemps auparavant. », (Mém. de l’Estat de France, t. I, fol. 291 ro. Voyez aussi l’histoire de M. de Thou.) D’Aubigné dit que Beauvais fut tué dans la cour du Louvre. Voici les notions précises conservées sur ce seigneur au cabinet généalogique : « Louis Goulard, troisième fils de Jean Goulard et d’Hélène Lhermite, seigneur de Beauvois et de Clousures, espousa Marguerite de Talleyrand, fille de Louis de Talleyrand, chevalier, seigneur de Grignols, prince de Chalais. Le dict Louis Goulard fut gouverneur du roy Henry quatriesme. »
  7. Guillaume de Montmorency, seigneur de Thoré, mort en 1593, quatrième fils d’Anne de Montmorency, connétable de France, et de Madeleine de Savoie. M. de Thoré, l’un des plus compromis dans cette affaire, venait de se réfugier à Strasbourg avec le prince de Condé. Le roi de Navarre pouvait donc le citer sans crainte de compromettre sa sûreté.
  8. Gaspard de Coligny, comte de Coligny, seigneur de Châtillon-sur-Loing, etc. chevalier de l’ordre du Roi, gouverneur de la ville de Paris, de l’Ile de France, de Picardie, d’Artois, du Havre-de-Grâce et de Honfleur, colonel général de l’infanterie française et amiral de France, était fils de Gaspard de Coligny, maréchal de France, et de Louise de Montmorency, sœur du connétable. Il était né le 16 février 1516, et fut la plus illustre victime de la Saint-Barthélemy, le 24 août 1572.
  9. Henri de la Tour, vicomte de Turenne, comte de Montfort et de Negrepelisse, vicomte de Châtillon, etc. fils de François de la Tour et d’Éléonore de Montmorency, né le 28 septembre 1555, commandait alors trente hommes d’armes des ordonnances. Premier gentilhomme de la chambre du roi de Navarre et ami intime de ce prince, il devint, par son mariage, duc de Bouillon, prince de Sedan, etc. le 15 octobre 1591, fut fait maréchal de France en 1592, et mourut le 25 mars 1623. C’est le père du grand Turenne.
  10. Nicolas de Neufville, seigneur de Villeroy, d’Alincourt, etc. premier secrétaire d’état sous les rois Charles IX, Henri III, Henri IV et Louis XIII, l’un des hommes qui ont eu sur les affaires de l’état l’influence la plus longue et la plus directe, était fils de Nicolas de Neufville et de Jeanne Prudhomme. Né en 1543, il mourut à Rouen le 12 novembre 1617. C’est à son grand-père qu’appartenait la maison de la Thuillerie, ou des Tuileries, sur l’emplacement de laquelle Catherine de Médicis bâtit le palais de ce nom.
  11. Louis de Bérenger, seigneur du Gast, d’une ancienne famille de Dauphiné, cinquième fils d’André de Bérenger et de Madeleine de Bérenger, mestre de camp du régiment des gardes de Henri III, dont il fut l’un des plus brillants favoris, et qu’il accompagna en Pologne. La reine Marguerite lui portait la haine la plus violente. Il fut assassiné, le 1er novembre 1575, par Guillaume du Prat, baron de Vitaux.
  12. Vitry-le-Français, en Perthois, aujourd’hui département de la Marne.
  13. Hercule de France (nommé depuis François), duc d’Alençon, puis d’Anjou, quatrième fils de Henri II et de Catherine de Médicis, né le 18 mars 1554, mort le 10 juin 1584.
  14. Henri de Lorraine, surnommé le Balafré, duc de Guise, prince de Joinville, fils de François de Lorraine et d’Anne d’Est-Ferrare, né le 31 décembre 1550, poignardé à Blois le 23 décembre 1588.
  15. Claude de la Chastre, seigneur de la Maisonfort, fils de Claude de la Chastre, célébré dans les sonnets de Passerat, et d’Anne Robertet, né en 1536, chevalier des ordres du roi, gouverneur de Berry et d’Orléans, fut fait maréchal de France en 1594, et mourut le 18 décembre 1614. Il était favori de Catherine de Médicis.
  16. Au moment du procès de La Mole, François de Montmorency s’étant rendu de lui-même à la cour, où il était attiré par des prévenances, fut mis à la Bastille, et y resta plus d’un an.
  17. Serait-ce Jean-Jacques de la Vergne, seigneur de Saint-Leu, conseiller au parlement de Paris, puis conseiller du Roi en tous ses conseils, et maître des requêtes ordinaire de son hôtel ?
  18. Jean de Balzac, seigneur de Montaigu, fils de Thomas de Balzac, était chevalier de l’ordre du Roi, chambellan du duc d’Alençon, lieutenant de la compagnie du prince de Condé et surintendant de sa maison. Il mourut en 1581, à l’âge de trente-six ans.