Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris/Lagrange

CIMETIÈRE DE MONT-LOUIS.

Planche 17.

CÉNOTAPHE DE GUILLAUME LAGRANGE.


Ce Cénotaphe est placé à l’entrée de la contre allée de celle des tilleuls, dite de Vincennes. Il a la forme d’une borne tumulaire antique. Il est construit en pierre de liais et est entouré d’une balustrade en fer. Pour y arriver, il faut, à la sortie du carrefour de l’étoile, traverser la route tournante et gravir le sentier qui serpente le penchant de la colline. On arrive alors à la route, au bout de laquelle il est érigé. M. GODDE, architecte dudit cimetière, est l’artiste qui a construit ce monument. Ce Cénotaphe[1] est chargé d’inscriptions, qui, toutes, donnent la preuve de la douleur la plus exaltée.

Un jeune homme, fils unique de la plus tendre des mères, emporté par la fougue de l’âge, l’amour de la gloire et le désir de s’illustrer dans la carrière des armes, ou ses ayeux s’étaient rendus recommandable, ne réfléchissant point assez qu’il était la seule consolation d’une mère qui ne vivait que pour lui ; quitte cette mère inconsolable de cette séparation, et vole audacieusement au-devant des dangers.

Il se signale à Austerlitz, à Iena, à Erfurt, à Spandau ; partout, son audace, son courage sont couronnés par le succès ; mais il trouve la mort dans les affreux déserts de la Pologne, au combat du 4 février 1807.

Sa mère, dans son désespoir, en apprenant qu’elle a perdu dans ce fils chéri tout ce qui l’attachait au monde, privée même de la douloureuse consolation de pouvoir répandre des larmes sur ses tristes restes, pour trouver quelques soulagemens dans sa déplorable situation, a fait élever ce Cénotaphe à la mémoire de ce fils, l’objet de toutes ses pensées, de sa pieuse et si légitime mélancolie.

Ce monument qui est le seul de ce genre, dans le Cimetière de Mont-Louis, fait nombre parmi ceux qui, dans ce Cimetière fixent les regards de l’homme sensible, de l’homme honnête et bon, qui au milieu de ces tombeaux, cherche ces douces émotions qui consolent, qui lui rappelle quelques-unes de ces vertus précieuses qui ne sont point aussi généralement répandues au milieu de nous qu’elles devraient l’être, je veux dire, l’amour maternel, la piété filiale, la fidélité conjugale, la reconnaissance, etc. etc, Sur la face opposée du monument, se lit cette Inscription.

N. B. La douleur est un peu prolixe. Mais il faut le pardonner à une mère inconsolable, qui ne croit jamais en dire assez lorsqu’elle fait l’éloge du fils qu’elle regrette. Cette faiblesse est dans la nature.


Monument élevé à la gloire du plus tendre des fils et des amis.


Antoine C. M. de Guillaume LAGRANGE, fils unique, âgé de 25 ans et demi, sous-officier au 16e régiment de dragons, mort en héros, sur le champ de bataille, victime de son courage, de sa bravoure, regretté de ses chefs, de ses amis, de ses camarades et généralement de tous ceux qui le connaissaient.

Il était le rejetton de la plus ancienne noblesse de Limoge. Ses ancêtres ont servi avec distinction et ont occupé des places honorables.


Après avoir signalé sa valeur à Austerlitz, à Iena, à Erfurt, à Spandau, etc. Il trouva la mort dans les affreux déserts de la Pologne, au combat du 4 février 1807.

Ce fut à l’entrée d’un village ; dans un passage dangereux ; on demanda : Qui veut passer le premier ? C’est moi, s’écrie-t-il. Aussitôt il s’élance… A l’instant une balle lui perce le cœur !!! Ses dernières paroles sur le champ de bataille, furent[2] : Ma mère ! ma pauvre mère !!

O mon cher et bien aimé fils, mon meilleur ami ! Tout ce que j’avais de plus précieux au monde !

C’est ta bravoure, ton grand dévouement à la patrie, qui me prive de te revoir, seul bonheur que nous désirions.

O toi, si bon, si aimant, si sensible, jamais je ne te pleurerai assez, ni autant que tu le méritais.

Toi, qui possédais toutes les qualités de l’âme et du cœur.

Reçois l’hommage de ta malheureuse et inconsolable mère. La mort seule, peut mettre un terme à sa douleur.

Êtres bons et sensibles, plaignez son sort. Il méritait bien de vivre, d’être réuni à sa tendre mère. Il ne demandait à Dieu pour récompense de tant de peines et de fatigues, que de la revoir, de la serrer encore une fois contre son cœur, avant que de finir l’un et l’autre leur carrière.


  1. Cénotaphe vient du mot grec Kenotaphion, qui signifie un tombeau vide.
  2. Combien de malheureux jeunes gens, ont fait entendre le même cri d’adieu à leur mère ; en expirant ! sur le champ de bataille.