Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris/9


(9ème Livraison.)

DESCRIPTION
DES TOMBEAUX.
Planches 33, 34, 35, 36.

CIMETIÈRE DE MONT-LOUIS.

Planche 33.

TOMBEAU DE MADAME GUYOT.


Ce tombeau est en marbre blanc veiné. Il forme un sarcophage. Il est posé sur un sous-bassement en marbre noir. Trois marches sont pratiquées dans ce sous-bassement du côté de la face principale. Les quatre faces sont un peu taludées. La saillie du couvercle forme une corniche à la capucine. Chaque face latérale est ornée d’un bas-relief de bronze. Le sujet de ces bas-reliefs est très-bien choisi ; le travail en est admirable : les inscriptions des quatre faces sont gravées en lettres d’or.

Madame Guyot est ensevelie sous ce monument, dans une fosse murée, et placée dans un cercueil ou coffre de pierre, lequel est recouvert de terre.

Sur la face opposée on lit cette inscription :


Sous ce marbre repose une épouse chérie.
Chez qui la bonté fut à la sagesse unie.
Elle vécut trop peu ; le sort, le cruel sort,
Sans pitié la poussa sous la faulx de la mort,
Hélas ! dix jours après qu’elle eut donné la vie
À sa fille du nom de Françoise-Eugénie.
Ah ! combien ses attraits lui valurent de fleurs ;
Sur sa tombe, passans, versez, versez des pleurs…


Planche 34.


Cette planche représente la face latérale de droite. Sur celle de gauche, au-dessus du bas-relief, on lit :


L’ange de la mort veille dans cette enceinte,
Mortel respecte le dernier asile de ton semblable.


Ce tombeau est ombragé par quelques épicia[1] et un frêne pleureur qui se trouve planté à la tête du monument. Il est entouré d’une balustrade en bois de vingt pieds de long sur quatorze de large.

On arrive à ce monument en prenant la route qui est en face de soi en entrant dans le cimetière. Il est à droite sur le bord de la grande allée des sycomores, et près du monument gothique.


Planche 35.


Le no . 1er. représente le médaillon en bronze qui se voit dans le tympan du fronton principal.

Le no . 2 représente celui qui se voit dans le tympan du fronton de la face opposée qui fait la tête

dudit monument.

Le no . 3 représente le bas-relief qui se voit à droite.

Le no . 4 représente le bas-relief qui se voit à gauche.

MÊME CIMETIÈRE.


Auprès de la face principale du tombeau de M. Delondre, on vient de construire une tombe en pierre semblable à celle de M. Darbonne, qui se voit au pied de la face opposée, planche de la livraison.

Sur le devant on lit cette épitaphe :
CI-GIT

Louise-Félicité Darbonne, veuve de Pierre-René Delondre, et épouse en secondes noces de Noël-Etienne Henry, pharmacien en chef des hôpitaux civils, décédée à Carcassonne le 22 septembre 1815, âgée de 50 ans, et inhumée dans cette tombe le 14 octobre suivant.

Sur la face opposée on lit :

Ceux qui auront fait de bonnes œuvres ressusciteront pour la vie.


CIMETIÈRE DE MONTMARTRE.

Planche 36.

TOMBEAU DE MADAME LAFOND.


Ce tombeau est construit en pierre de liais. Il forme un piédestal carré dans le genre égyptien. Il se trouve en entrant à gauche presqu’au pied de la colline.


TOMBEAU DE M. JEAN COCU.


Ce monument est semblable à celui de la planche no. 3 de la ire. livraison. Il se compose d’une dalle de pierre de liais formant cype, de quatre pieds de haut sur deux de large, et surmontée d’une croix. Des fleurs de différentes espèces en font l’ornement. Deux sapinettes, deux thuyas et un saule pleureur l’ombragent. Sa jeune et inconsolable veuve va souvent à ce tombeau y déposer des fleurs, les soigner et y répandre des larmes. Ce monument se voit au bout du grand chemin à droite, dans le vallon. Il est entouré d’une balustrade en treillage peinte en vert brun. On y a inscrit cette épitaphe :

Ici repose
Jean Cocu,
Né le 26 novembre 1784.

Epoux bien-aimé de Marie-Thérèse Carette, qui eut la douleur de le voir séparer d’elle le 10 avril 1810.

il fut bon fils, bon époux,

Cette inscription fut érigée par son beau-père qui l’aimait tendrement.

P. D. P. S. A.

Au pied de la balustrade on lit ces quatrains qui sont sous verre dans un encadrement.


O bon et tendre époux, tes soins charmaient ma vie !
Ah ! combien tes vertus me firent te chérir.
A me complaire en tout tu bornais ton plaisir ;
Mon bonheur près de toi fut bien digne d’envie.

Dieu de bonté exaucez ma prière.
Qu’il soit heureux dans l’éternel séjour !
Et veuillez pour toujours me rendre à son amour,
Lorsque j’aurai rempli ma tâche sur la terre.




SUITE DE L’ODE.


Tout ce que notre ame égarée
Donne à ses folles passions,
Nous l’avons pris sur la durée
Des momens dont nous jouissons.
Un navire que la tempête
Sur l’Océan long-temps arrête,
Est l’image de notre sort.
Infortuné jouet de l’onde,
Malgré sa course vagabonde,
Il est encore près du port.

La vie est un trésor immense
Qu’on ne croit jamais épuiser ;
Mais chaque instant que l’on dépense
Ne fait, hélas ! que nous user.
Vois du trépas, la porte ouverte,
Ce jour dont tu plains peu la perte
Se compte au nombre de tes jours.
Tu crains la redoutable barque,
Et tu vis comme si la Parque
Te devait épargner toujours


De mes ans le meilleur usage
Est d’en étudier la fin,
Et de faire l’apprentissage
Des lois sévères du destin.
Telle est la leçon que nous donne
Le noble espoir d’une couronne
Que le temps ne pourra flétrir.
C’est la route qu’il nous faut suivre ;
Mais apprenons au moins à vivre,
Si nous n’apprenons à mourir.


Par M. Guyot des Fontaines.


Les anciens croyaient à l’immortalité de l’ame ; et de ce dogme si essentiel au maintien de l’ordre social, a dû naître le respect pour les morts. Ce sentiment religieux a aussi porté les hommes à la conservation du corps, de l’enveloppe de cette ame ou de cette intelligence secrète émanée de la divinité elle-même, dans le sein de laquelle elle retourne après la mort.

À la suite de ce dogme, sont venus les cérémonies funèbres, les embaumemens, les bûchers, et les encaissemens, pour conserver les restes inanimés de ceux qui s’étaient distingués par leurs vertus publiques ou particulières ; chacun, en raison de sa fortune, a voulu participer à un sentiment aussi respectable, et on a vu de suite s’élever des tombeaux, des urnes sépulcrales et des mausolées. Voilà pourquoi on trouve une si grande quantité de monumens funèbres diversement composés, et plus ou moins ornés. Les anciens ont eu recours à l’allégorie pour représenter, d’une manière sensible, ce spiritus, ce soufle divin qu’on appelle Ame, et qui se dégage du corps ou de la matière au moment de la cessation de la vie ; ce n’est donc pas par un squelette, qui n’est réellement que la charpente d’un mort, comme font mal-à-propos les modernes, qu’on peut représenter la cessation de l’existence, le départ de l’ame pour les régions célestes, ou le passage de la vie à la mort. Les allégories qui couvrent les tombeaux, les urnes sépulcrales ou les mausolées des anciens, sont délicates, fines, recherchées et conçues de manière à nous présenter des tableaux simples et aimables, qui font naître des idées consolantes.

Les anciens peignaient, sculptaient sur leurs tombeaux des masques, des têtes hideuses ou larves, pour effrayer les brigands qui, violant l’asile des morts, enlevaient leurs dépouilles et pillaient les richesses qu’on était dans l’usage d’y déposer.


Mettez tous les biens en un tas,
Perles, rubis, terres, contrats,
Maison superbe et bonne table,
Honneurs à foison, dignité ;
Si je n’y vois point la santé,
Je donnerais le tas au diable.


M. Bret

Dans un enclos étroit le pauvre est relégué :
Le riche étend ses droits sur un domaine immense.
Par les biens, le rang, la naissance,
L’homme de l’homme est distingué.
Mais quand la mort parait nous sommes tous égaux,
Sa main puise au hasard dans l’urne redoutable
Les noms du juste et du coupable,
De l’homme faible et du héros.
L’impie en un festin ne sent que des dégoûts ;
Le glaive est sur sa tête et l’effroi le consume ;
Il trouve un suc plein d’amertume
Dans les alimens les plus doux.
En vain ses yeux lassés demandent le repos.
Le sommeil est ami des champêtres asiles,
Il cherche les réduits tranquilles,
Les bois, la fraîcheur et les eaux.
Quiconque au nécessaire a su borner ses vœux,
Vois sans s’inquiéter la mer et ses orages ;
Que craint-il des tristes présages
Des astres les plus rigoureux ?
Par la grêle et les vents, ses champs sont dépouillés,
Et la vigne infidèle a trompé son attente :
Qu’importe, son ame est contente,
Ses beaux jours ne sont point troublés.
Déjà loin du rivage une digue s’étend ;
Le riche dégoûté, fuit l’enceinte du monde,
Aux muets habitans de l’onde
Il dispute leur élément.
Mais il traîne en tous lieux ses ennuis accablans,
La crainte l’accompagne et le poursuit sans cesse ;
De l’agile coursier qu’il presse
Elle presse avec lui les flancs.
Eh quoi ! si tout l’éclat que donne la grandeur,
Si ce faste envié, que le vulgaire admire,
N’ôte point d’un cœur qui soupire
Le sentiment de sa douleur :
Pourquoi me construirais-je un superbe palais ?
Ô Sabine ![2] faut-il pour des biens trop pénibles
Abandonner tes bois paisibles
Et tes ombrages toujours frais ?


  1. Arbre toujours vert.
  2. Maison de campagne d’Horace. Extrait des Odes Pytiques, de Pindare.