Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris/8


(8ème Livraison.)

DESCRIPTION
DES TOMBEAUX.
Planches 29, 30, 31, 32.

CIMETIÈRE DE MONT-LOUIS.

Planche 29.

TOMBEAU DE M. DE LONDRES.


À droite en montant l’avenue des tilleuls, qui conduit au château, est le tombeau de M. Pierre-René de LONDRES.

Il est construit en pierre de liais, et les tables saillantes sur lesquelles sont les inscriptions, sont en marbre noir. Il forme un sarcophage à aurillon, surmonté d’une croix en fer bronzé. À chaque angle du terrain, on a planté une borne en pierre, lesquelles reçoivent un châssis en fer, où sont attachées de grosses chaînes de neuf pouces de mailles, dont une moitié du châssis en fer forme porte.

Ce tombeau est d’un aspect imposant. Il est d’un style sévère et qui convient parfaitement à ces sortes de constructions.


Sur la face opposée, on lit :


Sa religion, ses vertus, ses bonnes œuvres, et sur-tout sa charité envers les pauvres qui le pleurent et dont Dieu seul connaît le secret, sollicitent pour lui la clémence du juge souverain.


Ami sincère, bon parent,
Père tendre, époux fidèle
Il emporte avec lui l’estime de
ses amis, l’affection des siens,
l’amour d’un fils qu’il prive
d’un modèle,
et la tendresse d’une épouse
Inconsolable,
Qui a fait graver sur ce tombeau
L’expression de sa douleur.


On lit sur l’autre face latérale, ces paroles de Saint-JEAN.
Extraites de l’Évangile de la messe des morts, in die obitus.


Ego sum
Resurrectio et vita,
Qui credit in me,
Etiam si mortuus fuerit,
Vivet.

Cette planche représente la face latérale du tombeau de M. de LONDRES, ainsi que celui de M. DARBONNE.

Voyez le petit plan figuratif, planche 29.

Planche 30.
TOMBEAU DE M. DARBONNE.


Entre l’allée des tilleuls et la tombe de M. de LONDRES, on a placé celle de M. DARBONNE.

Il consiste en une dalle de pierre de cinq pieds et demi de long, sur laquelle on a posé une autre pierre en forme de cercueil, qui a quatre pieds et demi de long.


Sur la face qui regarde l’allée des tilleuls, on lit :
Ci-git
Jacques DARBONNE, ancien négociant, décédé à
Paris, le 18 octobre 1806,


Sur l’autre face :
Ferme dans les principes de sa religion,
Constant dans ses affections
Sévère dans sa probité
Il a laissé à ses enfants qui lui
Ont élevé ce monument
L’exemple des vertus chrétiennes
Et sociales.
Priez Pieu pour son ame.

CIMETIÈRE DE VAUGIRARD.

Planche 31.

TOMBEAU de Louis Auguste de SOYE.


Ce petit monument forme un cœur qui semble sortir de terre, il est surmonté d’une croix, le tout construit en pierre. Il se voit en entrant à gauche, près la grande porte.

Il est des hommes parmi nous, dont toute la religion n’est qu’extérieure. Ils en remplissent machinalement quelques obligations, soit par habitude, soit par politique, ou par telle ou telle autre vue d’intérêt qui les y détermine ; mais la foi, la croyance des grandes et importantes vérités du christianisme n’est point dans leur cœur. Ce tombeau élevé par sa famille, à la mémoire du jeune Louis Auguste de SOYE, nous apprend que le jeune homme dont le corps repose sous le monument, était vraiment pénétré des vérités de cette religion sainte, et qu’elles étaient gravées dans son cœur.


CIMETIÈRE SAINTE-CATHERINE.

Planche 32.

Deuxième monument placé au pied du Tombeau de Mademoiselle HORTENSE.


Ce monument consiste en une dalle de pierre de
mais, arrondie par le haut et surmontée d’une croix en bois d’ébène.

Ledit monument a quatre pieds de haut environ sur un pied de large. Derrière on a planté un grand thuya (espèce de cyprès). Un autre petit cyprès se trouve à côté, et a été planté des mains de Mademoiselle… Intime amie de mademoiselle HORTENSE.

Ce petit monument, de même que le premier est entouré d’arbres et de fleurs de chaque saison, qui sont souvent humectés des larmes de Monsieur… qui ne manque pas, depuis dix-huit mois, d’aller plusieurs fois par semaine se prosterner et gémir sur cette tombe de douleur.

Suite de l’Ode.


Mortels ingrats, rendons justice
Aux dieux auteurs de notre sort :
N’imputons point à leur caprice
Les pas empressés de la mort.
Tems précieux, nos âmes folles,
Dans mille amusemens frivoles,
Nous font sans cesse évanouir ;
Et prodigues de ces années
Que nous comptent les destinées,
Nous les comptons sans en jouir.

Toi, de qui l’âme est asservie
Sous le joug de la volupté,
Qui cent fois profanas ta vie,
Sais-tu jouir de la clarté ?
Voici la mort qui te menace :
Pourquoi te plaindre de l’espace

Que le ciel t’a fait parcourir ?
Doit-il éterniser tes vices ?
Insensé, leurs courtes délices
T’instruisaient à bientôt mourir.

La vie est la première idole,
Qui reçoit l’encens des mortels ;
Cependant, hélas ! on l’immole
Aux pieds de ses propres autels.
L’ambition la sacrifie
À la glorieuse manie
De s’exposer dans les combats ;
Comme si la funeste gloire
Que nous assure la victoire,
Nous dédommageait du trépas.

La vie est courte ; la sagesse
Doit en dispenser les momens ;
Mais, non : notre stupide ivresse
Dédaigne ces ménagemens.
Évitons un repos stérile ;
Dans une indolence tranquille
Craignons de nous ensevelir :
La sage et froide économie
Des heures d’une courte vie
Ne pourrait que nous avilir.

Ainsi parle un mortel avide
Qui cent fois traversant les flots,
Au gré d’un élément perfide
Livre sa vie et son repos,
Vil esclave d’un gain funeste,
Es-tu digne du bien céleste
Dont tu connais si mal le prix ?
Ce bien te semble peu de chose,
Et les richesses du Potose
Te coûtent peu, quand tu péris,


Loin de moi fatale opulence,
Ne viens plus m’arracher des vœux !
Dans une sage indifférence
Je veux couler des jours heureux ;
Mais quoi ? le fils de la paresse
L’ennui, père de la tristesse,
Vient déjà pour me dévorer.
De nos malheurs je vois la source
Il faut précipiter sa course,
Et jamais ne la mesurer.

Le tems rapide se consume
À blâmer sa triste lenteur,
Et dans l’avenir on présume
De trouver enfin son bonheur.
Souvent, par une ardeur fatale,
L’homme se plaint de l’intervalle
Qui retarde un heureux moment ;
Épris d’une indiscrète envie
Il consent d’abréger sa vie,
Pour hâter son contentement.

Mais contemplons la vaste scène
Des habitans de l’univers ;
Quels acteurs ! Ô ciel, que de peines
Pour jouer ces rôles divers !
Est-ce pour soi qu’on se fatigue,
Qu’on se livre, qu’on se prodigue ?
De nos intérêts peu jaloux,
Ceux d’autrui sont toujours les nôtres,
Toujours nous vivons pour les autres,
Nous vivons rarement pour nous.

Je sais quelle est la loi suprême,
Et que l’homme pour l’homme est né ;
À ne rien faire pour lui-même
Est-il par elle condamné ?

Au préjugé faut-il se rendre.
Esclave d’une amitié tendre ?
Ses amis sont-ils ses tyrans ?
Unis sans cesse à nos semblables
Par des liens inévitables
Nous, serons-nous indifférens ?

Notre amour propre est le principe
Qui fait naître tous nos désirs ;
Cependant ce qui nous dissipe
Fait aussi naître nos plaisirs.
Ah ! s’il est vrai que l’homme s’aime,
D’où vient que de se voir lui-même
Jamais son cœur ne se repaît ?
Quelle erreur, ou quelle faiblesse !
À le voir s’éviter sans cesse,
Ne dirait-on pas qu’il se hait ?

Toi, que la parque favorable
A laissé doucement vieillir,
Dis-moi de la course durable
Quel fruit as-tu su recueillir ?
Par quelles actions illustres
As-tu signalé tous ces lustres
Dont tu regrettes les instans ?
Ô que d’inutiles journées !
Non, malgré tes longues années
Tu n’as vécu que peu de tems

La suite de l’Ode à la neuvième livraisons.