Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris/3

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DESCRIPTION
DES TOMBEAUX.
Planches 9, 10, 11, 12.

CIMETIÈRE DE MONT-LOUIS.

Planche 9.

TOMBEAU DE Mad. la Duchesse DE VALMY.


Pour arriver à ce monument, il faut prendre la route à droite en entrant et en traversant le carrefour l’étoile, et ensuite sur la droite l’allée tournante. Ce monument se trouve à gauche sur le bord de ladite allée, et se compose d’un mur de terrasse construit en pierre à cet effet, il se termine en chevron brisé espèce de fronton : il est un peu engagé dans le rampant de la colline sur la face duquel est adossé ledit monument qui se compose d’un tombeau de forme antique d’un pied d’épaisseur dans sa plus grande saillie, et de six pouces la partie qui porte sur les pieds de lion, au-dessus est une table saillante, sur laquelle est gravée l’épitaphe en lettres d’or. Ledit tombeau et ladite table saillante et le socle sont en marbre noir, granit de Flandre ; les armoiries qui sont sur le retable de la face dudit tombeau sont en bronze ciselé et doré, les pieds de lion, et l’urne sont en marbre blanc statuaire.

Ce monument est entouré d’une balustrade en fer à barreaux ronds, dont le bout se termine en chardon à cinq pointes dorés.


CIMETIÈRE DE MONTMARTRE.

Planche 10.

TOMBEAU DE Mad. ROSE FÉRA.


Ce petit monument est formé d’un pilastre couronné d’un fronton. Il est construit en pierre. Il se trouve dans la vallée à droite en entrant.


CIMETIÈRE DE VAUGIRARD.

Planche 11.

TOMBEAU DE Mad. ATROF et de ses enfans.


Ce modeste monument, qui est placé à gauche

près du mur de clôture en entrant par la porte du petit Vaugirard, est formé d’une tombe horizontale, c’est-à-dire, d’une pierre en pente et posée sur deux traverses de pierre. On y lit ces épitaphes.
Ci-Gissent
Marie Antoinette Augustine
Nathalie ATROF,
Décédée le 20 Décembre, 1805.
Agée de six ans.


Marie Claudine Caroline
Eulalie ATROF,
Décédée le 26 Février, 1806.
Agée de trois ans et demie,


et


Charlotte Catherine Augustine
CONVERS, leur mère,
Décédée Épouse de Jean
Guillaume ATROF,
Le 26 Juillet 1807,
Agée de vingt-six ans et demie.




Ames sensibles,
Pleurez sur leurs malheurs,
Et priez pour elles.
De profundis, etc.


Ce monument fut élevé par l’amitié Fraternelle.


Ci-Git.
M. M. LEROY, née le 11 Octobre 1739,
Décédée le 29 Mai 1812,
Épouse de C. P. CONVERS, Architecte,
Bonne Épouse, tendre Mère,
La perte de ses Enfans l’a réunie a eux,
Soutien du malheureux,
Elle jouit maintenant
Du prix de ses bonnes œuvres,
Dans le sein de Jésus-Christ,
Requiescat in pace,
Placé par la Reconnaissanse,
Ici Repose
Le Corps de Claude Marie
Théodore MAURY,
Décédé le 28 Novembre 1808,
Agé de trois ans quatre mois vingt-trois jours
après six mois de souffrance,
Son ame
Comme un parfum
D’une agréable odeur,
S’est envolée dans sein
De son Dieu.

Lorsque l’on s’arrête devant ce tombeau, on a peine à retenir ses larmes, en pensant à la respectable famille qu’elle renferme et en réfléchissant sur la légitimité de la douleur qui causa la mort des deux mères estimables qui y reposent auprès de leurs Enfants.

Madame Atrof, née Convers, avait deux filles, (Nathalie et Eulalie), qui faisaient tout le bonheur de sa vie. Ces jeunes enfans donnaient les plus grandes espérances ; quoique encore dans la plus extrême jeunesse, tout semblait annoncer en elles qu’elles auraient la sensibilité, la bonté, toutes les vertus de leur mère. L’aînée, âgée de six ans, après une maladie vive, contre laquelle tous les efforts de l’art furent inutiles, succomba à ses souffrances et termina sa vie le 26 Décembre 1805. Eulalie, atteinte de la même maladie de sa sœur, ne lui survécut que deux mois. Elle mourut le 26 Février 1806, âgée de trois ans et demi.

Rien ne put consoler madame Atrof d’une perte aussi sensible. À une douleur vive à laquelle on ne pouvait apporter aucun soulagement succéda un chagrin lent qui, plaçant dans son cœur le dégoût de la vie, ne lui permit plus de trouver le bonheur que dans l’espoir prochain qu’elle concevait d’être bientôt réunie à tout ce qu’elle aimait. Ni l’attachement qu’elle avait pour son époux, ni les égards, les soins, les prévenances toujours nouvelles que celui-ci avait pour cette femme qui lui était si chère, rien ne put ranimer en elle le désir de vivre encore. Après avoir vécue, ou plutôt languit dans cet état de consomption pendant près d’un an et demi, elle expira le 26 Juillet 1807, âgée de 26 ans et demi, en exprimant à sa dernière heure tout le contentement qu’elle éprouvait en quittant cette vie, et en priant son époux et sa mère de réunir dans la même tombe son corps à celui de ses enfants

Madame Convers, sa mère, âgée alors de soixante-six ans, frappée dans tout ce qu’elle avait de plus cher, accablée de tant de pertes, malgré le courage dont elle voulut s’armer pour ne point affliger son époux, en lui donnant à connaître combien était concentré et profond le chagrin qui la dévorait, traîna son existence cinq années encore après le décès de madame sa fille. Enfin elle succomba à sa douleur, le 29 mai 1812, âgée de soixante-onze ans, en exprimant le même vœu que madame Atrof, d’être placée à côté de ses enfants.

Il n’y a que des mères qui soient susceptibles d’apprécier le degré de douleurs et de souffrances, qu’éprouvèrent ces deux femmes estimables, pendant le peu de temps qu’elles survécurent à tout ce qu’elles aimaient.


À la gauche de la tombe de madame Atrof, est placé le tombeau de madame Convers, sa mère.


Il est formé d’un Cippe en marbre blanc veiné de trois pieds de haut, un pied six pouces de large, trois pouces d’épaisseur.


Ce Cippe est orné dans la partie circulaire d’une couronne de feuilles d’Olivier, au milieu de laquelle on a gravé une croix. Au-dessous est l’épitaphe.

À la droite de ce tombeau est la tombe de Théodore MAURY, son neveu, et petit-fils de madame Convers. Cette tombe est composée d’une pierre horizontale de trois pieds six pouces de long, sur deux pieds de large, posée sur deux parpins, ou traverses de pierre, en tête de cette tombe on a planté un saule pleureur.

Ces trois monumens réunis sont entourés d’un treillage formant un berceau rustique, orné de chevrefeuilles, de rosiers et de violettes.


CIMETIÈRE SAINTE-CATHERINE.

Planche 12.

TOMBEAU DE M. et de Mad. DAGNET.


Ce monument, qui est en pierre, est situé à droite en entrant, en forme de pilastre. C’est-à-dire qu’il a pour épaisseur la moitié de sa largeur.


AUX MANES
De MM. Lagrange, Delille et Grétry.


Idem tergeminum patrice decus abstulit annus :
Heu ! morti triplex ecce triumphus ades.
Circimus uranies, confractis partibus, altum
Testatur vulnus tristitiamque deve.
Mœrens Calliope prœstantia carmina delet
Telluremque Erato non reditura fugit.
Grangius en cocidit, cecidit Delillius, atque
Cantator Gretry funeris ipse sui.
Gallia ! tergemini tumulo condantur eodem :
Una triun Deitas indubitata manet.
Raptos terra fleat ; raptis lœtetur Olympus ;
Terrarum lacrymœ sidera cuneta beant,
Nunc Goemetra tenet quas sedes mante tenebat ;
Natus homo, genio sit Deus ipsa suo,
Nunc patriam vates, nunc musicus occupat ; allo
Nunc solites cœlo reddit uterque sono.

Par M. Bouvet, maître de Pension.


Traduction.


La même année a enlevé à la patrie son triple ornement. Hélas ! le trépas a remporté sur elle trois triomphes. Les débris du compas d’Uranie atteste la blessure et la profonde douleur de cette déesse. Calliope efface ses vers avec les pleurs qu’elle répand ; Erato abandonne la terre pour n’y plus revenir. Nous avons donc perdu Lagrange, Delille et Gretry qui prépara lui-même les chants par lesquels nous devions pleurer sa mort. Ô France ! enfermons-les tous trois dans le même cercueil, et révérons-les tous trois comme une même divinité. Que la terre soit inconsolable de leur perte ! Que l’Olympe se réjouisse de les avoir reçus ! Les larmes de la terre sont le bonheur du ciel. C’est maintenant que l’illustre géomètre habite le séjour que son génie mesuroit. Mortel, son propre génie en fait un dieu. L’honneur de la poésie, l’orgueil de la musique, les deux autres partagent son immortalité glorieuse, et tous les deux ils font retentir l’Olympe de leurs mélodieux accens.




ÉLÉGIE.


Dans quels lieux la douleur conduit-elle mes pas ?
Je demande la mort, et ne la trouve pas.
Je t’en conjure, viens ; termine ma souffrance :
Viens, frappe, arrache-moi ma cruelle existence,
Ah ! ne te laisse plus accuser de lenteur ;
Les heures sont pour moi des siècles de douleur.
Qui pourrait m’attacher désormais à la vie ?
Mon cœur avait fait choix d’une amante chérie :
D’un heureux avenir j’avais conçu l’espoir,
Aminte, pour ton jours, me défend de la voir.
Il lui faut obéir : sort cruel et barbare !…
Mais dieux !… où m’a conduit le transport qui m’égare ?