Recueil de tombeaux des quatre cimetières de Paris/11
DESCRIPTION
DE TOMBEAUX.
Planches 41, 42, 43, 44.
Planche 41.
TOMBEAU DE GRÉTRY.
Pour trouver ce monument, il faut suivre le chemin que l’on a devant soi, en entrant, et qui conduit jusqu’au bosquet où s’élève celui qui renferme la dépouille de Jacques Delille. Il est situé vis-à-vis ce monument, de l’autre côté du chemin (voyez le plan).
Ce monument est en marbre blanc, veiné, et forme un piédestal carré, avec fronton et oreillons, dont les ornemens, sont sculptés. La lyre et les lettres sont dorées. Il est posé sur une estrade en marbre noir ; de six pouces de haut, construite sur un caveau. Un des angles de cette estrade fut mutilé, le 30 mars 1814, par un boulet de l’armée russe. Une balustrade en fer entoure le monument. Il est souvent orné de fleurs et de couronnes d’immortelles. La corbeille, les couronnes, les guirlandes de fleurs, le laurier et le rosier qui ornent ce tombeau, sont autant d’offrandes des parens et des admirateurs de l’illustre Grétry.
André-Ernest-Modeste GRÉTRY, né à Liège, est mort à Montmorency, dans l’hermitage qu’il avait acheté, et qu’a long-temps habité Jean-Jacques Rousseau, le 24 septembre 1813, à onze heures du matin, dans sa soixante-douzième année. Il a lui-même dicté ses dernières volontés, et a paru desirer que son cœur fut déposé à l’Hermitage, sous le buste de Jean-Jacques.
- Messieurs,
A l’aspect de ce cercueil, qui va bientôt disparaître à nos yeux, un même sentiment nous affecte, une même pensée nous occupe : nous regrettons un grand artiste, et nous comptons avec orgueil, pour sa mémoire, tous ses titres, tous ses droits à l’admiration de la postérité. Elle commence, pour les hommes célèbres, au moment où ils cessent d’exister ; et, trop souvent, ce n’est qu’à ce moment funeste, qu’ils reçoivent le tribut d’estime et de reconnaissance qu’ils ont mérité par d’utiles et honorables travaux.
Si, avant de consacrer ses veilles à l’étude des beaux arts, on pouvait savoir à quel prix s’achète la renommée, les hommes doués d’une âme fière et sensible, préfèreraient une vie obscure à un éclat trop envié, pour n’être pas la source de tous les chagrins.
Par un concours de circonstances dont l’heureuse combinaison ne se trouvera peut-être jamais, Grétry n’a point eu à souffrir de l’injustice de ses contemporains.
Les clameurs de l’envie ne se sont point élevées contre ses nombreux succès. Trop supérieur dans le genre qu’il s’est créé, pour avoir des rivaux dignes de l’inquiéter, il n’a pas connu les honteuses tracasseries que suscitent les rivalités.
Honoré à la cour, honoré à la ville : la gloire, la faveur, la fortune, ont été le prix de ses heureux travaux. Il a reçu tous les honneurs, toutes les distinctions qu’il a méritées, et sa longue carrière a été un long triomphe.
Dans ce lieu où il nous précède d’un moment, dans ce lieu où tant de réputations s’effacent pour jamais, son nom ne sera point enseveli avec sa dépouille mortelle.
Grétry a vu s’élever les monumens qui doivent éterniser sa mémoire. Avant de fermer les yeux, il a, si j’ose m’exprimer ainsi, assisté au jugement de la postérité, et joui de son immortalité.
Qu’il goûte le repos éternel, et cherchons à adoucir l’amertume de nos regrets, en songeant qu’il fut heureux, et qu’une plus longue vieillesse n’eût fait qu’ajouter aux infirmités douloureuses qui attristèrent ses derniers jours.
La mort d’un grand artiste ne ressemble point à celle de l’homme vulgaire. L’un s’anéantit tout entier, tandis que l’autre semble, pour ainsi dire, se réfugier et vivre encore dans les œuvres de son génie.
Si Grétry nous est ravi par la commune loi, les trésors de sa féconde imagination nous restent.
Cet héritage, précieux pour nous et nos neveux, a fait partie de la gloire du siècle qui vient de finir, et sera une source inépuisable de jouissances pour le siècle qui vient de commencer.
Faible émule d’un si grand maître, d’un maître inimitable ; en un mot, d’un Molière de la comédie lyrique, il me serait doux d’offrir à ses mânes le tribut de l’admiration dont je suis pénétré, et d’être le digne interprète des regrets de la classe des beaux arts de l’Institut ; mais je sens qu’il y aurait une présomption sacrilège à entreprendre une tâche qui est au-dessus de mes forces. D’ailleurs, il est des hommes dont la renommée est à la fois si élevée et si populaire qu’il suffit de les nommer pour rappeler les grandes qualités qui les distinguent. Grétry est de ce nombre, et Grétry a autant d’admirateurs et de panégyristes qu’il existe d’ames sensibles au bel art dans lequel il s’est illustré.
Je me bornerai donc à dire qu’il fut honoré pour ses talens, aimé pour sa personne, estimé pour son caractère, et qu’il sera long-temps regretté par sa famille, par ses amis et par ses nombreux admirateurs.
Quels sinistres accens ! j’entends des cris funèbres !
Le ciel est obscurci par d’épaisses ténèbres.
Muse, suspens ta lyre… en ce long jour de deuil,
Grétry, nouveau Linus, descend dans le cercueil !
Le célèbre Grétry, d’éternelle mémoire,
Vécut trop peu pour nous, mais assez pour la gloire,
Et son nom, cher aux arts, de toutes parts cité,
Passera, d’âge en âge, à la postérité.
Il n’est plus, l’heureux enchanteur
Qui sut exprimer, sur sa lyre,
De Richard la noble douleur,
Et la tendresse de Zémire !
Vous, ses amis, ses écoliers,
Déposez-le près de Delille,
Et les cyprès de cet asile
Disparaîtront sous les lauriers.
TOMBEAU D’ERNEST GRÉTRY.
Le long de l’avenue de tilleuls, à gauche, en montant à la chapelle, on voit un cyppe, en pierre de liais, orné d’un sablier aîlé, sculpté dans un rond creux, ombragé de quelques arbustes, et entouré d’un treillage. On y lit l’inscription suivante, accompagnée de quatre vers :
À ses innocentes vertus
Le ciel a voulu rendre hommage :
D’un ange Ernest était l’image ;
Dieu voulait un ange de plus.
Par son Père.
Planche 42.
TOMBEAU DE MADAME DUBOCAGE.
Ce monument est élevé à droite, en entrant ; mais il faut le chercher parmi les arbres qui l’environnent ; c’est ainsi que la modeste violette se cache sous le gazon. Il est formé d’une dalle en marbre blanc, perpendiculaire, et qui se termine en ceintre, avec oreillons.
Marie-Anne LEPAGE-DUBOCAGE, des académies de Rome, Bologne, Padoue, Lyon et Rouen, naquit à Rouen, le 22 octobre 1710, et fut élevée à Paris, au couvent de l’Assomption. Sevrée de bonne heure des jeux frivoles et dangereux, elle n’avait d’autre passion que celle de l’étude. Aux charmes de son sexe, elle unissait un esprit avide de connaissances, et plus solide que brillant.
Un goût vif pour la poésie se développa en elle dès les premières années de son adolescence. Dans le dessein d’imiter, en vers français, le Temple de la Renommée, de Pope, elle se livra avec ardeur à l’étude de la langue anglaise. En 1746, elle remporta le premier prix, fondé par l’académie de Rouen.
Madame Dubocage s’éteignit, pour ainsi dire, le 8 août 1802, à l’âge de 92 ans.
Planche 43.
TOMBEAU DE MADEMOISELLE ZÉLIA LENOIR.
Ce monument se voit à droite, lorsqu’on entre par la porte du Petit-Vaugirard. Il est adossé au mur de la ruelle. Sa forme est celle d’un piédestal carré, en pierre, avec socle et base. Il est décoré d’une table saillante, incrustée dans la pierre, en marbre blanc veiné, sur laquelle est gravée l’inscription en lettres d’or. Les ornemens de cette table sont en bronze. Le piédestal est surmonté d’un socle en marbre blanc de Carrare, sur lequel est posée une urne d’un marbre brun africain. Cette urne est couronnée par un amortissement, d’où s’échappe une flamme dorée, symbole de l’immortalité. Sur la droite du socle de l’urne, on lit cette inscription :
Sur la gauche du même socle, on lit :
Les couronnes, la guirlande, le bocal de fleurs sont des offrandes des parens et des amis de Zélia. Un beau saule pleureur et des arbustes, toujours verts, ombragent de leurs rameaux le sépulchre de cette fille chérie. Le petit jardin, très-bien soigné, et le silence du lieu invitent le spectateur à une rêverie mélancolique. Le tout est fermé d’un treillage.
FAUBOURG SAINT-MARCEL.
Planche 44.
TOMBEAU DE Mr. ET MADAME BELLE.
Ce tombeau, qui est construit en pierre, a la forme d’un piédestal carré, à oreillons. Il n’a pas d’autre ornement qu’un renfoncement rond, dans lequel on a sculpté, en relief, le profil de deux têtes, avec un crayon et un pinceau.
Sur la face opposée, on lit :
Au-dessous de cette inscription, on voit un renfoncement carré, dans lequel on a sculpté un pélican, qui se saigne pour alimenter ses petits.
Au-dessous, on lit cette inscription :
à gauche, on lit :