Recueil de contes populaires slaves (traduction Léger)/VI

Traduction par Louis Léger.
Ernest Leroux (p. 63-64).

VI

LA GELÉE
LE SOLEIL ET LE VENT


(CONTE DE LA RUSSIE BLANCHE)



Un jour un voyageur rencontra sur son chemin le Soleil, la Gelée et le Vent.

— Bonjour, leur cria-t-il.

— À qui de nous a-t-il dit bonjour ? se demandèrent les trois compagnons.

— À moi, dit le Soleil, car il a peur que je ne le brûle.

— À moi, dit la Gelée, car il n’a pas si peur de toi que de moi.

— Vous mentez tous les deux, réplique le Vent ; ce n’est pas vous, c’est moi que l’homme a salué.

Et les voilà partis à se disputer, à se quereller ; ils allaient en venir aux coups.

— Au surplus, s’écria le Vent, à quoi bon nous disputer ? Allons lui demander nous-mêmes à qui il a dit bonjour.

Ils courent après lui, le rattrapent et l’interrogent.

— C’est au Vent, répond l’homme que j’ai dit bonjour.

— Ah ! ah ! n’avais-je pas raison, s’écrie le Vent.

— C’est comme cela, reprend le Soleil en fureur, prends garde à toi. Je vais te griller ; tu te souviendras de moi.

— Ne crains rien, crie le Vent ; il ne te grillera pas : je vais souffler et te rafraîchir.

— Alors, c’est moi, drôle qui me charge de te geler, s’écrie la Gelée.

— Ne t’inquiète pas, mon brave, dit le Vent, si la Gelée s’en prend à toi, je ne soufflerai pas et elle ne te fera rien ; sans le vent, le froid ne peut mordre, ni le soleil brûler avec lui.[1]

  1. On peut comparer à ce conte la fable de La Fontaine qui a pour titre : Borée et Phébus livre VI, 3.