Recherches statistiques sur l’aliénation mentale faites à l’hospice de Bicêtre/I/III/D
La stupidité, chez les 10 malades que nous avons observés, n’a pas été portée au dernier degré ; elle était incomplète dans la moitié des cas, et les malades qui étaient dans cet état suffisaient à leurs premiers besoins ; ils avaient conservé le sentiment de la propreté, et pouvaient encore se livrer à la conversation : ce qu’il y avait de remarquable chez eux, c’était leur indolence, leur apathie et un état d’hébétude qui ne les quittait point. Les autres stupides étaient réduits à une dégradation voisine de la démence ; un d’entre eux, jeune homme de 20 ans, est resté plus de 30 jours sans nous parler, refusant toute nourriture, et ne paraissant jouir par moments d’aucune de ses facultés : nous disons par moments, car ce malade nous a offert des instants de lucidité où il reprenait l’exercice libre de son intelligence ; c’est un caractère particulier à cette forme d’aliénation.
Trois de ces stupides ont eu des hallucinations de la vue. La manière dont la maladie s’est développée n’a pas été la même dans tous les cas : cinq fois le trouble a été primitif ; cinq fois il a été consécutif à un délire maniaque, et en a constitué pour ainsi dire une des dernières périodes. Ainsi nous avons vu deux malades qui, entrés maniaques, sont tombés ensuite dans un état de stupidité ; l’un d’eux, chez lequel la stupeur était très prononcée, nous a raconté, à sa guérison, qu’il avait été en proie à des hallucinations terribles, et que la crainte des êtres imaginaires qui l’entouraient le tenait dans cet état de torpeur.