Recherche systématique des formules les plus propres à calculer les logarithmes/01

ANALISE INDÉTERMINÉE.


Recherche systématique des formules les plus propres
à calculer les logarithmes
 ;
Par M. Thomas Lavernède.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

I. On sait que, et représentant deux nombres quelconques, et étant plus grand que , on a

formule toujours convergente, et dans laquelle représente le module.[1]

2. Si, dans cette formule, on met à la place de et des polynômes en du degré qui, ne différant entre eux que par leur dernier terme, soient décomposables en facteurs rationnels du premier degré, ayant tous pour premier terme ; c’est-à-dire, si l’on fait

et

on aura

,

et la formule deviendra

ou

or, il est clair que, lorsque les valeurs particulières des lettres etc. etc., seront données, on pourra, par cette dernière formule, calculer le logarithme de l’un quelconque des nombres etc., etc., si l’on connaît les logarithmes des autres. Il importe donc 1.o de faire voir comment une équation telle que peut servir à trouver les logarithmes de tous les nombres ; 2.o de déterminer les conditions qui donnent à la série du second membre le plus de convergence, et par conséquent à la valeur cherchée l’approximation la plus rapide.

3. 1.o Il est évident que, quelle que soit la valeur de , les polynômes et ne changent point ; donc est variable. Il n’en est pas ainsi des lettres etc., etc. Les coefficiens étant les mêmes dans les deux polynômes, les valeurs de ces lettres etc., etc., doivent être telles que les fonctions des unes représentées par ces coefficiens dans le premier polynôme, soient respectivement égales aux fonctions semblables des autres représentées par ces mêmes coefficiens dans le second. Il suit de là que, quoique les lettres , soient toutes susceptibles d’admettre plusieurs valeurs, puisqu’elles ne sont liées que par un nombre de conditions moindre que celui de ses lettres, il y a cependant, entre leurs valeurs simultanées ou corrélatives, une dépendance mutuelle qui fait qu’on ne peut changer les unes, sans que les autres ou au moins quelques-unes des autres ne changent également. Ces valeurs corrélatives des lettres forment donc ce qu’on peut appeler un système de valeurs ; et, bien que le nombre de ces systèmes soit infini, si, par une raison quelconque, on est déterminé à en adopter un, ce choix une fois fait, les quantités etc., etc., pourront être considérées comme constantes. Dans cette hypothèse, les nombres etc., etc., ne renfermant qu’une seule variable , croitront ou décroitront en même temps qu’elle : ils pourront donc parcourir tous les degrés de grandeur et représenter successivement tous les nombres possibles. Donc une équation de la forme pourra servir à trouver les logarithmes de tous les nombres. On peut, contre cette assertion, faire l’objection suivante, savoir : que les quantités etc., etc., étant au nombre de , il faut, pour pouvoir commencer à calculer des logarithmes par des formules du genre de celle dont nous parlons, connaître logarithmes. Nous reviendrons dans la suite sur cette difficulté, et nous ferons voir comment, par le secours des formules elles-mêmes, on peut se procurer ces premières données.

2.o La série etc., est d’autant plus convergente que la quantité ou la fraction

est plus petite. Or, le numérateur de cette fraction, qui doit être constant, dépend de la différence des derniers termes des polynômes et . Mais ces derniers termes étant respectivement les produits des quantités dépendent eux-mêmes des valeurs qu’on donne à ces lettres ; donc, pour rendre la série aussi convergente qu’il est possible, il faut choisir pour les lettres le système de valeurs qui rend la différence aussi petite qu’elle peut l’être, sans nuire à la forme des polynômes et .

Quant au dénominateur qui est variable, on voit qu’il sera d’autant plus grand que le degré des polynômes et , sera plus élevé, et en même temps que le nombre , et par conséquent aussi les nombres seront plus grands. Donc, la convergence de la série dépend encore du degré de la formule et de la grandeur du nombre dont on veut avoir la logarithme.

Il est aisé de voir que les polynômes et , ne sont autre chose que les premiers membres de deux équations qui ne diffèrent entre elles que par leur dernier terme, et qui ont en outre leurs racines commensurables. C’est donc de la recherche de semblables équations, que nous devons d’abord nous occuper ; nous parlerons ensuite des formules qui s’en déduisent, et de la manière de les employer.

PREMIÈRE PARTIE.
Des équations qui, ayant leurs racines commensurables, ne diffèrent
entre elles que par leur dernier terme.

4. Deux équations, qui n’ont de différence que dans leur dernier terme, peuvent être telles que ce dernier terme soit zéro dans l’une, et une quantité effective dans l’autre, ou telles que le dernier terme soit dans l’une et dans l’autre une quantité effective. Dans le premier cas, représentant une fonction de qui devient nulle en même temps que , si l’une des équation est , l’autre sera  ; cette dernière est celle que j’appellerai la résultante, relativement à la première à laquelle je donnerai le nom d’équation principale.

5. Toutes les équations du second degré qui ont des racines commensurables ont pour résultantes des équations dont les racines sont également commensurables. En effet toutes ces équations sont comprises dans la formule générale qui, en supprimant son dernier terme, devient ou

6. Dans le troisième degré les racines des résultantes sont souvent incommensurables, quoique celles des équations principales soient rationnelles ; mais on peut facilement trouver, parmi ces dernières, celles qui jouissent de la propriété qui nous occupe. Prenons pour cela l’équation

dont la résultante

étant divisée par , devient

et donne

et

nommons de plus et ces deux racines, et supposons que et sont celles de l’équation principale ; nous aurons

et

Cela posé, pour que les valeurs de et de soient rationnelles, il faut qu’on ait

un quarré ;

Or, cette égalité, en mettant pour et leur valeur, peut s’écrire comme il suit

un carré.

On satisfait à cette condition en faisant

ce qui donne

de plus, les valeurs de et de deviennent, par cette supposition

et

l’équation principale se change en

ou

7. Le résultat auquel nous venons de parvenir renferme, pour le troisième degré, une infinité d’équations qui ont, ainsi que leur résultante, des racines commensurables ; mais, lorsqu’en passant de cette forme générale aux équations numériques, on veut avoir des nombres entiers pour racines de ces dernières, on est obligé de choisir les valeurs particulières à donner aux indéterminées et de manière à ce que les dénominateurs disparaissent. On évite cet inconvénient en observant qu’en général les résultats des questions indéterminées n’exprimant point des valeurs absolues, mais simplement des rapports, on peut les multiplier ou diviser par telle quantité que l’on veut, sans qu’ils cessent de répondre à la question qui y a donné lieu. D’après cette remarque, dont nous ferons souvent usage dans la suite, il est visible que, pour avoir les expressions des racines sous la forme d’entiers, il suffit, dans tous les cas, de multiplier les valeurs trouvées pour ces racines, par le plus petit dividende commun aux dénominateurs de ces mêmes valeurs. Par ce moyen, les équations deviennent

ou

8. On peut avoir, à la place des équations , d’autres équations d’une forme un peu différente, soit en considérant l’égalité

carré,

sous un attire aspect, soit en substituant dans les équations , au lieu de l’indéterminée , une nouvelle indéterminée augmentée ou diminuée d’une fonction de  ; mais ces différentes transformations ne pouvant nous être d’aucune utilité, nous n’entrerons point dans les détails qu’elles exigent. Nous nous bornerons seulement ici à faire voir qu’on peut encore soumettre les équations à remplir quelque nouvelle condition, outre celles auxquelles elles satisfont déjà.

9. Supposons d’abord qu’on veuille que les deux racines de la résultante soient égales, on fera ou

ce qui donnera

substituant à cette valeur dans les équations , et multipliant ensuite toutes les racines par on aura pour l’équation principale

ou

10. Si l’on veut que le second terme manque dans l’équation principale, on fera

ou

ce qui donnera

faisant ensuite la substitution, et multipliant toutes les racines par , les équations deviendront

,

ou

11. Enfin, si c’est le troisième terme qu’on veut faire disparaître, on pourra faire c’est-à-dire,

.

La seconde hypothèse donne et conduit immédiatement à ces deux équatlons

,


ou

par la première hypothèse, qui donne , on parvient au même résultat en multipliant, après la substitution, les racines des deux équations par .

12. On voit, par ce qui précède, avec quelle facilité on peut façonner, pour ainsi dire, une équation du troisième degré, de manière à ce qu’elle ait, ainsi que sa résultante, des racines commensurables. Il n’en est pas de même des équations des degrés supérieurs. Dans le quatrième, par exemple, lorsque l’équation n’est pas privée de son pénultième terme, sa résultante, qui devient alors du troisième degré, devant avoir des racines commensurables, tombe essentiellement dpns le cas irréductible. De plus, outre les difficultés que paraît devoir amener cette circonstance, l’équation principale elle-même donnerait probablement lieu à des expressions qu’on ne saurait rendre rationnelles. Ce n’est, je crois, que dans des cas particuliers qu’on peut trouver, pour les équations des degrés supérieurs au troisième, des formules de composition qui satisfassent aux conditions prescrites, et quelquefois même ces formules deviennent très-compliquées. Parmi les résultats auxquels m’ont conduit les diverses tentatives que j’ai faites, je ne donnerai, dans ce qui va suivre, que les plus simples ou ceux qui pourront fournir une application avantageuse.

13. Le premier membre d’une équation du quatrième degré pouvant toujours être considéré comme le produit de deux facteurs du second, prenons pour équation principale

,

ou

 ;

et, pour faire disparaître le quatrième terme, supposons

 ;

la résultante sera alors divisible par , et ses deux racines effectives seront

.

Si, pour rendre rationnelles ces expressions, on fait

il viendra

et

,

d’où

,

et

on aura, par conséquent, pour la résultante

et pour l’équation principale

ou, en multipliant toutes les racines par

14. Avant de parler d’une manière générale de la décomposition du premier membre de l’équation principale en facteurs linéaires, nous ferons observer ici deux cas dans lesquels cette décomposition s’effectue avec beaucoup de facilité,

1.o Lorsque , les équations deviennent

,

et

ou, en divisant les racines par ,

,

et

dans cet état, pour que les racines de l’équation principale soient commensurables, il suffit de faire  ; mais alors la rationalité des racines de la résultante exige que soit un carré.

On satisfait à cette condition en faisant

,

ce qui donne

 ;

valeurs qui changent l’équation résultante, et la principale, après qu’on a multiplié leurs racines par , en

On voit par là que, dans ce cas, les racines de l’équation principale ne sont autre chose que les valeurs des côtés de l’angle droit d’un triangle rectangle, prises en plus et en moins, et que les deux racines effectives de la résultante sont la valeur de l’hypoténuse du même triangle, prise également en plus et en moins.

2.o Lorsque , les équations deviennent

,

et

ou

,

équations qui, en faisant , se changent en

15. Revenons maintenant à la question générale. L’équation principale fournit les deux suivantes

,

et

la première de celle-ci donne

,

et, en faisant

,

on a

,

et

 ;

d’où

,

et

 ;

la seconde donne pareillement

 ;

et, en faisant

,

on a

,

et

 ;

d’où

,

et

 ;

par là l’équation principale , après qu’on a divisé toutes ses racines par ou, ce qui revient au même, après qu’on a fait devient

et les deux valeurs de p fournissent de plus l’équation de condition

en faisant . C’est à la résolution de cette dernière équation qu’est présentement réduite toute la difficulté.

16. En tirant de l’équation la valeur de , il viendra

et, cette expression devant être rationnelle, 1.o si on suppose la quantité soumise au radical égale on aura

égalant ensuite les coefficiens de , on trouvera , et l’équation ci-dessus donnera . Enfin, cette valeur étant mise dans celle de , on aura  ; chacune de ces dernières valeurs donnera, au lieu de l’équation , celle-ci

,

qui, en multipliant toutes ses racines par , devient

,

et a pour résultante

 ;

ces deux équations ne sont autre chose que les équations I du n.o 14, et les reproduisent en faisant et multipliant ensuite toutes les racines par .

2.o Si l’on fait la quantité qui est sous le radical égale à

on aura

égalant ensuite d’une part les coefficiens de , et d’autre part ceux de , il viendra .

L’équation ci-dessus donnera et les valeurs de deviendront . L’une ou l’autre de ces valeurs étant substituée dans l’équation du n.o précédent, on aura l’équation principale

,

qui, en multipliant toutes ces racines par , devient

,

et a pour résultante

.

17. Si, au lieu de tirer de l’équation la valeur de p, on prend celle de , on aura :

et, en égalant la quantité soumise au radical à

les coefficiens de , supposés égaux de part et d’autre, donneront . On trouvera ensuite fort aisément . Enfin, en substituant respectivement à la place de dans l’équation  ; on parviendra à l’équation principale :

qui, en multipliant toutes ses racines par , devient :

et a pour résultante :

Ces deux équations ne sont autre chose que les équations du n.o 14, et les reproduisent en faisant multipliant ensuite toutes les racines par .

18. On pourrait maintenant, à l’aide des valeurs obtenues dans les deux derniers n.os pour les indéterminées , avoir d’autres valeurs qui satisferaient également à la question. Pour en donner un exemple, supposons qu’ayant trouvé dans le n.o précédent que la valeur, rend la quantité qui est sous le radical égale à un carré, on substitue dans cette quantité à la place de  ; elle deviendra, par cette substitution,

et, en égalant son second facteur au carré ou

on trouvera

. La seconde valeur de conduira à l’équation principale :

qui, en multipliant toutes ses racines par , devient :

équation dont la résultante a aussi des racines commensurables. Par la première valeur de on reviendra aux équations déjà trouvées ( n.o 16, 1.o)

19. Lorsqu’on a, pour un degré quelconque, une équation principale et sa résultante dont les racines sont des nombres rationnels, on peut, par leur moyen, trouver deux autres équations qui, ayant également des racines commensurables, ne diffèrent entre elles que par leur dernier terme, soit que ce dernier terme doive être dans l’une et dans l’autre une quantité effective, soit qu’on veuille qu’une de ces nouvelles équations devienne résultante de l’autre. Ces transformations présentant d’ailleurs quelques conséquences utiles, nous allons les examiner d’une manière générale.

20. Prenons l’équation principale :

N

et mettons dans l’une et dans l’autre à la place de .

1.o Si n’est égal à aucune des racines les deux transformées auront tous leurs termes respectivement égaux, à l’exception du dernier qui sera , dans la première, et dans la seconde, et par conséquent une quantité effective dans l’une et dans l’autre.

21. 2.o Si est égal à une des racines de l’une quelconque des équations la transformée de l’équation à laquelle appartient cette racine, aura une racine égale à zéro ; son premier membre sera divisible par , et elle sera la résultante de l’autre tranformée, qui aura essentiellement ses dernier et avant-dernier termes.

22. 3.o Si l’une quelconque des équations a deux racines égales, en prenant égal à ces racines, la transformée de l’équation à laquelle elles appartiennent, aura deux racines égales à zéro, son premier membre sera divisible par , et elle sera la résultante de l’autre transformée qui n’aura point de pénultième terme.

23. 4.o Si l’une quelconque des équations pouvait avoir trois racines égales, en prenant d égal à ces racines, la transformée de l’équation à laquelle elles appartiendraient, aurait trois racines égales à zéro ; son premier membre serait divisible par , et elle serait la résultante de l’autre transformée qui manquerait de ses pénultième et antépénultième termes. Mais une équation quelconque, dont les racines sont réelles, ne peut être privée de deux termes consécutifs. Donc, en général, il est impossible que deux équations qui ne diffèrent entre elles que par leur dernier terme, et qui ont des racines réelles, et à plus forte raison des racines commensurables, puissent, l’une ou l’autre y avoir trois ou un plus grand nombre de racines égales. On voit, par ce théorème que, n étant un nombre entier positif plus grand que 2, le premier membre de l’une quelconque de nos équations ne peut avoir un facteur de la forme , mais rien ne s’oppose à ce qu’il en ait plusieurs de la forme , c’est-à-dire, à ce que l’équation ait plusieurs couples de racines égales.

24. On peut encore démontrer très-aisément que deux équations du genre de celle que nous considérons, ne peuvent avoir une racine commune ; car, en nommant cette racine, les premiers membres de ces équations seraient exactement divisibles par  ; mais, par l’hypothèse, les dividendes ne différant entre eux que par leur dernier terme, les quotiens ne pourraient non plus avoir de différence que dans le terme non affecté de  ; donc les équations primitives, abaissées d’un degré par la division, donneraient encore deux équations qui ne différeraient entre elles que par leur dernier terme. Maintenant, ces dernières, étant multipliées par , devraient reproduire les équations primitives : or c’est ce qui est impossible. En effet, 1.o les produits partiels des premiers membres par , différeraient entre eux par leur terme affecté de la première puissance de  ; 2.o les produits partiels de ces mêmes premiers membres par différeraient entre eux par leur terme non affecté de  ; par conséquent les produits totaux différeraient entre eux par leurs deux derniers termes, et ne reproduiraient pas les équations primitives. Donc deux équations qui n’ont entre elles de différence que dans leur dernier terme, ne peuvent avoir une racine commune.

25. Nous avons vu, n.o 20, que, lorsque n’est égal à aucune des racines des équations N, les transformées ne diffèrent entre elles que par leur dernier terme qui est , dans l’une, et dans l’autre. Si l’on veut que ces derniers termes soient des grandeurs égales, mais de signe contraire, il faudra faire :

ou

On peut de cette équation conclure la règle suivante :

Pour transformer une équation principale et sa résultante en deux autres équations qui ne diffèrent entre elles que par le signe de leur dernier terme, il faut, dans l’équation principale, diminuer le dernier terme seulement de moitié, ce qui fournira une nouvelle équation qui aura ou n’aura pas de racines commensurables. Si cette équation a une racine commensurable, cette racine sera la valeur de ou de la quantité dont il faut augmenter les racines, tant de l’équation principale que de sa résultante, pour avoir les deux transformées cherchées ; si elle n’en a point, on en conclura que les transformées demandées sont impossibles.

Soit, par exemple, l’équation :

qu’on obtient en faisant dans une des équations principales et des n.os 7 et 9. En divisant son dernier terme par 2, on a l’équation auxiliaire :

.

Cette dernière, ayant pour racine ; fait voir qu’il faut, tant dans la proposée que dans sa résultante,

substituer à la place de , pour avoir deux transformées qui ne diffèrent entre elles que par le signe de leur dernier terme. Ces deux transformées sont :

et

26. Avant d’aller plus loin, nous ferons observer ici que ( représentant une fonction de du degré , qui devient zéro en même temps que cette variable ), lorsque la résultante commune de deux équations , qui ne diffèrent entre elles que par le signe de leur dernier terme, a comme elles des racines commensurables, on obtient, en les multipliant l’une par l’autre, l’équation du degré qui a pareillement, ainsi que sa résultante, des nombres rationnels pour racines. Cette propriété tient à une plus générale que voici. Lorsque deux équations et , qui ont des racines commensurables et ne diffèrent entre elles que par leur dernier terme, sont telles qu’en les ajoutant membre à membre, et divisant ensuite par 2, l’équation demi-somme a aussi des racines commensurables ; si, d’un côté, on élève au carré cette dernière, et que d’un autre, on multiplie membre à membre les deux premières, les équations qui en proviendront, savoir : et , jouiront encore de la propriété de ne différer entre elles que par leur dernier terme, et d’avoir, comme les équations primitives, des racines commensurables. En effet, dans le premier cas, la résultante commune n’est autre chose que l’équation demi-somme dont nous venons de parler.

27. Prenons pour second exemple de la règle du n.o 20, l’équation littérale ;

dont la résultante est :

l’équation auxiliaire

donne :

et en faisant :

on trouve :

d’où on déduit :

Les valeurs de , dans le cas présent, seront donc,

En prenant la première valeur, et substituant, dans la proposée ainsi que dans sa résultante, à la place de , on aura deux transformées qui, en multipliant toutes leurs racines par , deviendront :

Ces deux équations, ne différant entre elles que par le signe de leur dernier terme, et ayant une résultante commune dont les racines sont commensurables, on pourra, d’après la remarque du n.o précédent, les multiplier l’une par l’autre, et on retrouvera les équations K du n.o 14.

La seconde valeur de conduirait aux mêmes équations, en changeant les signes de toutes les racines.

28. Soient maintenant les équations du troisième degré :

et

ou

et

Pour que le troisième terme de la première soit égal au troisième terme de la seconde, il faut qu’on ait :

ce qui donne ;

Cette valeur étant substituée dans les équations primitives, on a ;

et

ou

Si l’on veut encore que ces équations ne diffèrent que par le signe de leur dernier terme, il faudra faire :

équation qui, étant résolue par rapport à , donnera ( en faisant pour abréger ) :

Ces valeurs devant être rationnelles, il faudra que la quantité qui est sous le radical devienne un carré. Supposant donc que la racine de ce carré soit , on aura :

Égalant ensuite les coefficiens de , 1.o il viendra ,

2.o l’équation sera réduite à

et donnera :

Cette double valeur de conduisant à deux résultats également remarquables, nous l’emploirons successivement, 1.o avec les signes supérieurs, 2.o avec les signes inférieurs,

29. En prenant les signes supérieurs, on a :

.

Cette valeur étant mise pour dans l’expression des valeurs de qui, par l’hypothèse, devient :

on trouve :

d’où

et

Substituant ensuite l’une ou l’autre de ces valeurs de , ainsi que la valeur de dans les équations O du numéro précédent, ces équations deviennent :

P

Dans cet état, leur résultante commune a pour ses deux racines effectives :

valeurs qu’on rend rationnelles, en faisant :

ce qui donne :

À l’aide de cette dernière expression, on parvient aisément aux équations :

et

ou

et

dont la résultante est :

Enfin, ces équations, étant multipliées l’une par l’autre, d’après la remarque du n.o 26, donnent l’équation du sixième degré :

Q

qui a pour résultante :

30. Nous ferons observer ici, 1.o que les équations du troisième degré, qui nous ont donné l’équation Q, sont les mêmes que les équations F du n.o 10 ; car il suffit, pour établir une parfaite identité entre elles, de changer , ce qui est permis, étant une quantité indéterminée ; 2.o qu’on peut encore obtenir l’équation Q par le moyen des équations E du n.o 9, en changeant d’abord les signes de toutes les racines pour les rendre positives, faisant ensuite la quantité égale à un carré, et mettant enfin à la place de .

31. Prenons à présent les signes inférieurs dans la valeur de (n.o 28), nous aurons :

quantité qui, étant mise à la place de dans l’expression :

donnera :

et

L’une ou l’autre de ces valeurs de , ainsi que la valeur de , qui n’est autre chose que , étant substituées à ces lettres dans les équations du n.o 28, on aura ( après avoir multiplié toutes les racines par ) les deux équations suivantes :

et

ou

et

dont la résultante commune est :

et qui, multipliées l’une par l’autre, donnent l’équation du sixième degré ;

qui a pour résultante :

32. Le nombre , qui entre dans la composition des équations et est remarquable en ce qu’il est la somme d’un carré et du triple d’un autre carré. En effet, les lettres peuvent toujours représenter, l’une la somme, et l’autre la différence de deux nombres. On peut donc faire . Ces valeurs substituées dans , changent ces expressions en , quantité qui conserve sa forme, tant qu’on n’a pas , c’est-à-dire, .

33. Si, à la place de , et de , on met dans les équations et on aura ;

pour les premières,

ou

et

et pour les secondes,

ou

et

En examinant avec attention ces équations, on aperçoit aisément que les secondes sont des transformées des premières, transformées qu’on obtient en mettant dans celles-ci à la place de .

34. On peut aisément se procurer, pour le quatrième degré, deux équations complètes qui ne diffèrent entre elles que par leur dernier terme. Pour cela, prenons les équations :

et

ou

et

qui ont leurs racines commensurables, et dont les seconds termes ont le même coefficient. Les conditions à remplir nous fourniront les équations suivantes :

et

qui, en faisant :

deviennent :

et

La première donne :

et, en substituant cette valeur dans la seconde, on trouve l’équation :

de laquelle on tire :

on aura donc :

ou

Le second système ne peut convenir à l’objet que nous nous proposons ; quant au premier, dans lequel et ont la même valeur, il conduit, en multipliant toutes les racines par , aux deux équations suivantes :

Ces équations renferment, dans leur généralité, les équations et du n.o 14. On en déduit les premières, en faisant d’abord …  ; multipliant ensuite toutes les racines pari et laisant enfin . Pour avoir les secondes, il suffit de faire .

35. Si, d’après ce que nous avons dit (n.o 26), on voulait passer à des équations du huitième degré, à l’aide des précédentes, il faudrait, 1.o que celles-ci ne différassent entre elles que par le signe de leur dernier terme, ce qui exigerait qu’on satisfit à l’équation :

2.o que leur résultante commune eût, comme elles, des racines commensurables. Ces conditions paraissent bien difficiles à remplir.

36. Pour avoir maintenant deux équations du cinquième degré, qui ne diffèrent entre elles que par le signe de leur dernier terme, il suffit de se rappeler qu’en changeant les signes des termes de rang pair d’une équation quelconque, on ne fait autre chose que changer les signes des racines : d’où il suit que, si une équation de degré impair est privée de tous ses termes de rang pair, à l’exception du dernier, en changeant le signe de ce dernier terme, on changera les signes de toutes les racines qui, par conséquent, resteront commensurables dans le second cas, si elles étaient commensurables dans le premier. On voit de plus, par le n.o 24, qu’une pareille équation ne peut avoir à la fois pour racines. D’après ces remarques ( qui peuvent d’ailleurs servir à trouver avec facilité les équations P, du n.o 29 ), soit l’équation du cinquième degré :

qui n’a point de second terme. Il suffira, pour qu’elle n’ait de ses termes de rang pair que le dernier, de faire en sorte qu’elle soit également privée de son quatrième terme. Or, après le développement, le coefficient de ou du quatrième terme, est :

.

Égalant donc cette quantité à zéro, et ordonnant par rapport à , on aura l’équation :

qui donne :

Il faut, par conséquent, que la quantité :

ou

qui est sous le radical, soit égale à un carré. On la rend telle, en supposant d’abord :

ce qui la réduit à :

et faisant ensuite :

car alors elle devient :

On trouve, d’après cela :

et

enfin l’équation primitive se change en

ou

La résultante commune de ces deux équations n’a point de racines commensurables, et il serait difficile de l’y amener, si toutefois la chose est possible.

37. Après avoir exposé, dans ce qui précède, les divers résultats auxquels je suis parvenu, je crois devoir faire observer qu’on pourrait arriver à quelques-uns par des moyens plus simples ; mais j’ai préféré d’employer des méthodes générales, et de varier autant qu’il m’a été possible les solutions que j’ai données. La question principale, c’est-à-dire, celle de trouver deux équations du degré , qui ne diffèrent que par leur dernier terme, et aient des nombres rationnels pour racines, peut être envisagée sous différens points de vue.

1.o Il est évident, par le théorème de Newton sur les sommes des puissances des racines d’une équation, qu’elle peut s’énoncer ainsi : Trouver nombres, tels que les sommes des 1.eres, 2.mes, 3.mes … m-1.mes puissances des m premiers, soient respectivement égales aux sommes des 1.res, 2.mes, 3.mes, m-1.mes puissances des m derniers.

2.o On voit, d’après la composition générale des équations, que, si on a équations du degré m, qui ne diffèrent entre elles que par leur dernier terme, et soient telles que les sommes des produits 1 à 1, 2 à 2, 3 à 3, n-1 à n-1 des derniers termes des n premières, soient respectivement égales aux sommes des produits 1 à 1, 2 à 2, 3 à 3, n-1 à n-1 des derniers termes des n dernières, en multipliant entre elles les n premières d’une part, et les n dernières d’autre part, on aura deux équations du degré mn, qui ne différeront entre elles que par leur dernier terme. La remarque du n.o 26 rentre, comme cas particulier, dans ce que je viens de dire.

3.o Lorsqu’on a deux équations complètes en du degré m, conditionnées comme nous le demandons, on peut, après avoir rendu toutes les racines positives, chercher à les transformer en carrés : alors, en mettant dans ces équations à la place de , on a deux équations du degré , décomposables en facteurs de la forme et qui satisfont aux conditions prescrites. J’ai, dans le n.o 30, indiqué ce moyen comme pouvant servir pour parvenir aux équations, du sixième degré, par le moyen d’équations du troisième.

4.o Enfin, pour avoir deux équations de degré impair, qui jouissent de la propriété demandée, il est aisé de se convaincre que, si on peut se procurer deux équations du degré m, qui, ne différant entre elles que par leur avant-dernier terme, soient telles que leurs résultantes aient, comme elles, des racines commensurables, en multipliant la première par la résultante de la seconde divisée par , et la seconde par la résultante de la première pareillement divisée par , on aura deux équations du degré , qui n’auront de différence que dans leur dernier terme. On peut aisément, par cette voie, obtenir des équations du troisième degré, à l’aide de celles du second.

Ces diverses considérations pourront être utiles à ceux qui voudront pousser plus avant les recherches qui font l’objet de ce mémoire. Je dois convenir ici que les tentatives que j’ai faites pour cela ne m’ont pas réussi ; mais je suis loin de croire qu’on ne puisse trouver, pour les degrés supérieurs au sixième, des équations qui satisfassent aux conditions prescrites ; je suis persuadé, au contraire, que, si des personnes versées dans l’analise indéterminée s’occupaient de cette théorie, elles pourraient y faire des découvertes intéressantes.


(La seconde partie à un prochain numéro.)
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  1. Voyez le complément d’algèbre de M. Lacroix.