Rapport sur les bases de la représentation proportionnelle

Nouveau comité de Constitution, dit « Comité Sieyès-Thouret »
Rapport sur les bases de la représentation proportionnelle
Archives parlementaires de 1787 à 1860, Texte établi par MM. Mavidal, Laurent, Claveau, Pionnier, Lataste et Barbier, Paul DupontTome IX : Du 16 septembre 1789 au 11 novembre 1789 (p. 202-210).

M. Thouret au nom du nouveau comité de constitution, fait à l'Assemblée nationale un rapport sur les bases de la représentation proportionnelle.

Messieurs, le travail que votre nouveau comité a l'honneur de vous soumettre, tient, par un double rapport, à deux grandes parties de la Constitution.

D'une part, vous organisez le gouvernement représentatif, le seul qui convienne à un peuple libre ; mais sa justice et sa stabilité dépendent de l'établissement de l'égalité proportionnelle dans la représentation, et d'un ordre fixe et simple dans les élections.

D'autre part, vous voulez fonder un nouveau système d'administration, municipale et provinciale. Cette administration, également représentative exige de même, et la représentation proportionnelle, et un ordre pour les élections.

Cette similitude entre les deux objets établit, par la nature de la chose même, l'importance de fonder sur des bases communes le double édifice de la représentation nationale, et de l'administration municipale et provinciale.

Cette vérité, si propre tout à la fois, à affermir les différentes parties de la Constitution, en les liant l'une à l'autre, et à faciliter pour toujours l'exécution en la simplifiant, est la première qui nous a frappés. En suivant le fil qu'elle présente, nous sommes arrivés à la conviction que l'organisation de chaque grand district du royaume doit être constituée de manière qu'elle serve en même temps et à la formation du Corps législatif, et à celle des diverses classes d'assemblées administratives. C'est ainsi que d'un ressort commun partiront tous les mouvements du corps politique ; par là, la conservation de ce ressort unique sera d'autant plus chère au peuple, qu'en le perdant il perdrait tous les avantages de sa Constitution ; par là, sa destruction deviendrait plus difficile à l'autorité, qui ne pourrait le rompre qu'en désorganisant entièrement l'Etat.

Le comité a pensé que les bases de la représentation doivent être, autant qu'il est possible, en raison composée du territoire, de la population et des contributions. Avant de dire comment ces trois bases peuvent se combiner pour établir entre les divers districts électeurs la juste proportion de leurs députations, il est nécessaire de présenter, sur chacune des trois, quelques développements particuliers.

Base territoriale.

Le royaume est partagé en autant de divisions différentes qu'il y a de diverses espèces de régimes ou de pouvoirs : en diocèses, sous le rapport ecclésiastique ; en gouvernements, sous le rapport militaire ; en généralités, sous le rapport administratif ; en bailliages, sous le rapport judiciaire.

Aucune de ces divisions ne peut être ni utilement ni convenablement appliquée à l'ordre représentatif. Non-seulement il y a des disproportions trop fortes en étendue de territoire, mais ces antiques divisions, qu'aucune combinaison politique n'a déterminées, et que l'habitude seule peut rendre tolérables, sont vicieuses sous plusieurs rapports tant publics que locaux.

Mais puisque l'ordre que la Constitution va établir est une chose nouvelle, pourquoi l'asservirions-nous à des imperfections anciennes qui en contrarient l'esprit, et qui en gêneraient les effets, lorsque la raison et l'utilité publique commandent d'éviter ce double écueil ? Le comité a donc pensé qu'il est devenu indispensable de partager la France, dans l'ordre de la représentation, en nouvelles divisions de territoire égales entre elles autant qu'il serait possible.

Le plan de ces nouvelles divisions est projeté figurativement sur une carte du royaume ; vous y verrez, Messieurs, qu'on a respecté, autant qu'il a été possible, les anciennes limites, et la facilité des communications.

En suivant ce plan, la France serait partagée, pour les élections, en quatre-vingts grandes parties qui porteraient le nom de départements.

Chaque département serait d'environ 324 lieues carrées, ou de 18 lieues sur 18. On procéderait à cette division, en partant de Paris comme du centre, et en s'éloignant de suite, et de toutes parts, jusqu'aux frontières.

A ces quatre-vingts départements, il en faudrait ajouter un de plus, formé du district central où se trouve la ville de Paris. Cette grande cité mérite en effet, par son titre de métropole, par son énorme population, et par sa forte contribution, d'avoir le titre et le rang de département.

Chaque département serait divisé en neuf districts, sous le titre de communes, chacun de trente-six lieues carrées, et de six lieues sur six. Ces grandes communes seraient les véritables unités ou éléments politiques de l'empire français. Il y en aurait en tout 720.

Chaque commune serait subdivisée en neuf fractions invariables par le partage de son territoire en neuf cantons, de quatre lieues carrées, ou de deux lieues sur deux ; ce qui donnerait en tout 6,480 cantons. Chacune de ces fractions pourrait contenir des quantités variables, en égard à la population et aux contributions.

La France contient environ 26,000 lieues carrées.

Or, 80 départements, de 324 lieues carrées ;

720 communes, de 36 lieues carrées,

6,480 cantons, de quatre lieues carrées ; chacune de ces divisions remplit les 26,000 lieues du royaume.

Base personnelle, ou de population.

La véritable base personnelle, pour la représentation, sera dans le premier degré des assemblées qu'on peut appeler primaires.

Le comité s'est occupé d'établir une juste proportion, d'abord entre ces assemblées primaires, qui seront celles des citoyens de chaque canton : ensuite entre les assemblées communales, composées des députés des cantons ; enfin entre les assemblées de département, formées par la réunion des députés élus dans les communes.

Le nombre des individus, en France, est d'environ 26 millions ; mais d'après les calculs qui paraissent les plus certains, le nombre des citoyens actifs, déduction faite des femmes, des mineurs, et de tous ceux que d'autres causes légitimes privent de l'exercice des droits politiques, se réduit au sixième de la population totale. On ne doit donc compter en France qu'environ 4 millions 400,000 citoyens en état de voter aux assemblées primaires de leur canton.

Si la population était égale à chaque canton, les 26 millions d'individus répartis sur 26,000 lieues carrées qui composent l'étendue du royaume, donnerait 1,000 individus par lieue carrée, et par conséquent 4,000 individus par canton, dont le sixième en citoyens actifs formerait le taux moyen d'environ 680 votants par canton. Nous avertissons que par l'expression de citoyens votants, nous entendrons toujours non-seulement ceux qui seront présents, et voteront en effet, mais encore tous ceux qui auront de droit la faculté de voter.

La population étant inégalement répartie, on ne doit pas douter qu'elle sera dans un grand nombre de cantons au-dessous de 4,000 individus, et de 680 votants : mais ce qui manquera au taux moyen dans les cantons moins peuplés, se retrouvera en excédant dans ceux qui le seront davantage, et sera employé au moyen de la formation de doubles, triples ou quadruples assemblées primaires dans ces cantons plus peuplés. On sent que Paris est l'extrême en ce genre.

Le comité a pensé que les assemblées primaires doivent être établies au taux moyen de 600 votants, afin d'éviter les inconvénients des assemblées trop nombreuses.

Il y aurait toujours une assemblée primaire en chaque canton, quelque faible que fût la population ; mais il ne pourrait y en avoir deux que quand le nombre des volants se trouverait élevé à 900. En ce cas seulement l'assemblée d'un canton se partagerait en deux, afin qu'il pût y avoir toujours au moins 450 votants dans chaque assemblée primaire.

Si par la suite un nouvel accroissement de population élevait encore une de ces assemblées au nombre de 900, il faudrait qu'avant de pouvoir former une troisième assemblée dans le canton, elle reversât une partie de ses membres sur l'autre assemblée qui n'aurait pas le taux moyen de 600 votants, jusqu'à ce que celle-ci eût atteint ce taux moyen. Réciproquement, si la population diminuée réduisait une des assemblées au-dessous de 450 volants lorsque l'autre ne serait pas élevée au-dessus de ce taux, elles seraient obligées de se réunir, puisque le nombre des votants produit par cette réunion serait moindre de 900.

Il arriverait ainsi, dans le premier cas, qu'à quelque nombre que les assemblées primaires pussent être portées dans un canton, il n'y en aurait jamais que deux qui pourraient être au-dessous du taux moyen de 600 votants, ou qu'une seule qui pourrait l'excéder ; et dans le second cas, qu'il n'y aurait jamais qu'une seule assemblée dans un canton, quand il fournirait moins que 900 votants.

Il résulte de ce qui précède les trois conséquences suivantes :

La première, que si le nombre des cantons est invariable, il n'en est pas ainsi des assemblées primaires ;

La deuxième, qu'au lieu de fixer le nombre des assemblées primaires à 6,480, à raison du nombre des cantons, il est vraisemblable qu'elles se trouveront plus nombreuses, parce qu'elles suivront les vicissitudes de la population ;

La troisième, qu'un citoyen qui ne changera ni de canton ni de domicile, pourra cependant se trouver dans le cas de changer d'assemblée, lorsqu'il deviendra nécessaire de multiplier ou de réduire celles de son canton.

Base de contribution.

Le comité a pensé que la proportion des contributions directes devait entrer jusqu'à un certain point dans celle des députations.

Il est juste que le pays qui contribue le plus aux besoins et au soutien de l'établissement public, ait une part proportionnelle dans le régime de cet établissement.

Il est encore d'une sage prévoyance d'intéresser par là les provinces à l'acquit des contributions, et aux améliorations intérieures qui n'augmenteront pour elles la matière de l'impôt, qu'en augmentant en même temps leur influence politique.

Ces premières considérations n'ont pas seules déterminé l'opinion du comité. Il a senti la nécessité d'avoir égard aux contributions directes, pour rectifier l'inexactitude de la base territoriale, qui n'est établie que sur l'égalité des surfaces. Un arpent de 50 livres de rapport, et taxé sur ce taux, est réellement double d'un arpent de 20 livres de revenu, qui n'est taxé que sur ce moindre produit. Ainsi, l'égalité des territoires par leur étendue superficielle, n'est qu'apparente et fausse si elle n'est pas modifiée par la balance des impositions directes qui rétablit l'équilibre des valeurs ; et c'est par là que la base de contribution tient essentiellement à la base territoriale, et en fait partie.

Le rapport des contributions est nul sans doute, lorsqu'il s'agit de balancer les droits politiques d'individu à individu, sans quoi l'égalité personnelle serait détruite, et l'aristocratie des riches s'établirait ; mais cet inconvénient disparaît en entier, lorsque le rapport des contributions n'est considéré que par grandes masses, et seulement de province à province. Il sert alors à proportionner justement les droits réciproques des cités, sans compromettre les droits personnels des citoyens.

Formation des assemblées graduelles pour le Corps législatif.

I. Tous les citoyens actifs d'un canton se formeront en une ou plusieurs assemblées primaires, suivant leur nombre, comme il a été dit ci-dessus, pour envoyer leurs députés à l'assemblée communale.

Le comité pense que pour ce premier degré des assemblées, élément fondamental de toute la représentation, il ne faut avoir égard qu'à la seule population. Chaque homme, dès qu'il est citoyen actif, doit jouir pour ce premier acte, de toute la valeur de son droit individuel.

Le district d'une assemblée primaire est d'ailleurs trop borné, et la prépondérance des hommes puissants y serait trop immédiate, pour qu'on doive y mettre en considération, soit le territoire, soit les contributions. Ainsi, le nombre des députés à élire par les assemblées primaires, ne serait réglé que par le nombre des votants, à raison d'un députe par 200 votants.

D'après la donnée des 4,400,000 citoyens actifs, il y aurait environ 22,000 députés élus par la totalité des assemblées primaires, et envoyés en nombre inégal à 720 communes.

Le comité propose que les qualités nécessaires pour entrer, à titre de citoyen actif, dans l'assemblée primaire de son canton, soient : 1° d'être Français, ou devenu Français ; 2° d'être majeur ; 3° d'être domicilié dans le canton, au moins depuis un an ; 4° d'être contribuable en impositions directes, au taux local de trois journées de travail, qui seront évaluées en argent par les assemblées provinciales ; 5° de n'être pas pour le moment, dans un état servile[1], c'est à-dire, dans des rapports personnels, trop incompatibles avec l'indépendance nécessaire à l'exercice des droits politiques.

Pour être éligible, tant à l'assemblée de la commune qu'à celle de département, il faudra réunir les conditions ci-dessus, à la seule différence qu'au lieu de payer une contribution directe de la valeur locale de trois journées de travail, il en faudra payer une de la valeur de dix journées.

Les députés nommés par les assemblées primaires se réuniront au chef-lieu de la commune, et puisque nous avons considéré les communes comme étant les premières unités politiques qui doivent concourir et se balancer pour former la législation, il faut que les trois éléments de la représentation proportionnelle entrent dans la composition de leurs députations.

C'est ici le lieu d'expliquer comment les trois bases du territoire, de la population et de la contribution peuvent être combinées avec autant de justice dans les résultats que de facilité dans le procédé.

La base territoriale est invariable, et supposée égale ; celles de la population et des contributions sont variables, et d'un effet inégal dans chaque commune. On peut donc attribuer à chacune des neuf communes une part de députation égale et fixe, à raison de leur territoire, attacher deux autres parts de députation, l'une à la population totale du département, l'autre à la masse entière de sa contribution directe, et faire participer chaque commune à ces deux dernières parts de députation, à proportion de ce qu'elle aurait de population, et de ce qu'elle payerait de contribution.

Ainsi, en supposant que l'assemblée générale de département qu'il s'agit ici de former, dût être composée de 81 députés des communes, il faudrait en attacher invariablement le tiers, montant à 27, au territoire du département, et par conséquent 3 au territoire de chaque commune ; chacune des 9 assemblées communales nommerait donc également 3 députés, à raison de son territoire.

Il faudrait ensuite attribuer 27 députés à la population totale du département, et diviser cette population en 27 parts, de manière que chaque commune nommerait autant de députés qu'elle aurait de vingt-septièmes parties de population.

Les 27 autres députés seraient attachés à la contribution en impôts directs ; et cette contribution étant divisée de même en 27 parts, donnerait autant de députés à chaque commune, qu'elle payerait de vingt-septièmes dans la masse totale des impositions directes.

La population de chaque département sera facilement connue, puisque celle de chaque commune sera constatée par le nombre des députés qui y seront arrivés des assemblées primaires. La contribution sera également connue, puisque les départements et les communes auront l'administration de l'impôt dans leurs territoires. Au moment de la première formation des assemblées, les communes qui n'auraient pas ces connaissances pourront aisément les acquérir en se communiquant respectivement ces éclaircissements avant de procéder aux élections.

Les assemblées de département nommeraient par le même procédé les députés à l'Assemblée nationale, à raison de 9 députés par département ; ce qui porterait 720 députés à l'Assemblée nationale.

Des 720 députés nationaux, le tiers montant à 240 serait attaché au territoire, et donnerait invariablement trois députés par département. Le second tiers de 240 serait réparti sur la population totale du royaume, qui, divisée en deux cent-quarante parts, donnerait autant de députés à chaque département qu'il aurait de deux cent quarantièmes parties de population.

Enfin, les 240 autres députés seraient accordée à la contribution, de manière qu'en divisant la masse totale des impositions directes du royaume en deux cent-quarante parts, chaque département aurait un député à raison du payement d'une deux cent quarantième partie.

Le comité pense que pour être éligible à l'Assemblée nationale, il faut payer une contribution directe, équivalente à la valeur d'un marc d'argent.

Il croit encore qu'il est d'une prévoyance sévère au premier coup d'œil, mais sage et nécessaire, qu'aucun représentant ne puisse être élu pour la seconde fois, qu'après l'intervalle d'une législature intermédiaire, afin d'éviter l'aristocratie des familles en crédit, qui parviennent à se perpétuer dans les emplois, même électifs. L'expérience de tous les temps et de tous les pays démontre ce danger.

Le plan qui vient d'être exposé pour la formation des assemblées et des élections graduelles a réuni les suffrages de votre comité, parce qu'il lui a paru produire trois grands avantages.

Le premier est d'établir de la manière la plus sûre, et par les principes les plus justes, une représentation exactement proportionnelle entre toutes les parties du royaume, en y faisant entrer tous les éléments dont elle doit nécessairement se composer.

Le second est de fixer pour le maintien de la proportion établie un mode constitutionnel, dont le principe demeurant inaltérable et permanent se prêtera toujours dans l'application à toutes les variations de la population et des contributions.

Le troisième est de pouvoir appliquer la même méthode à la formation des assemblées provinciales ; en sorte qu'un mouvement uniforme fasse arriver la représentation nationale au Corps législatif, et la représentation provinciale aux assemblées administratives.

Cette première partie de notre travail ne se borne pas à vous offrir le supplément qui vous était nécessaire pour compléter la Constitution dans l'ordre législatif ; elle vous présente encore des dispositions toutes préparées, pour hâter l'établissement du régime intérieur des provinces : et c'est maintenant à cette seconde partie de notre plan que nous allons passer.

Projet d'arrêté relatif à cette première partie du travail.

Art. Ier. La France sera partagée en divisions de 324 lieues carrées chacune,[2] c'est-à-dire, de dix-huit sur dix-huit, autant qu'il sera possible, à partir de Paris, comme centre, et en s'éloignant en tous sens jusqu'aux frontières du royaume. Ces divisions s'appelleront départements.

Art. 2. Chaque département sera partagé en neuf divisions de 36 lieues carrées de superficie, c'est-à-dire, de six sur six, autant qu'il sera possible. Ces divisions porteront le nom de communes.

Art. 3. Chaque commune sera partagée en neuf divisions, appelées cantons, de quatre lieues carrées, c'est-à-dire, de deux sur deux.

Art. 4. Tous les citoyens actifs, c'est-à-dire, tous ceux qui réuniront les qualités suivantes : 1° d'être né Français, ou devenu Français ; 2° d'être majeur ; 3° d'être domicilié dans le canton au moins depuis un an ; 4° de payer une contribution directe de la valeur locale de trois journées de travail ; 5° de n'être pas alors dans une condition servile, auront droit de se réunir pour former dans les cantons les assemblées primaires.

Art. 5. Nul citoyen ne pourra exercer les droits de citoyen actif dans plus d'un endroit, et dans aucune assemblée personne ne pourra se faire représenter par une autre.

Art. 6. Dans tout canton il y aura au moins une assemblée primaire.

Art. 7. Tant que le nombre des citoyens actifs d'un canton ne s'élèvera pas à 900, il n'y aura qu'une assemblée dans ce canton ; mais dès le nombre 900, il s'en formera deux de 450 chacune au moins.

Art. 8. Chaque assemblée tendra toujours à se former autant qu'il sera possible au nombre de 600, qui sera le taux moyen ; de telle sorte néanmoins que, s'il y a plusieurs assemblées dans un canton, la moins nombreuse soit au moins de 450. Ainsi, au delà de 900, mais avant 1050, il ne pourra y avoir une assemblée complète de 600, puisque la seconde aurait moins de 450. Dès le nombre 1,050 et au delà, la première assemblée sera de 600, et la deuxième de 450, au plus. Si le nombre s'élève à 1,400, il n'y en aura que deux, une de 600 et l'autre de 800 ; mais à 1.500 il s'en formera trois, une de 600 et deux de 450 ; et ainsi de suite, suivant le nombre de citoyens actifs de chaque canton.

Art. 9. Toutes les assemblées primaires de chaque canton députeront directement à l'assemblée de leur commune.

Art. 10. Pour être éligible à l'assemblée communale, ainsi qu'à celle de département, il faudra réunir aux conditions d'électeur, c'est-à-dire de citoyen actif, celle de payer une contribution directe plus forte : cette contribution se montera au moins à la valeur locale de dix journées de travail.

Art. 11. Chaque assemblée primaire députera à la commune à raison d'un membre sur 200 votants.

Art. 12. L'assemblée communale, formée des députés des assemblées primaires, choisira ses députés pour le département, parmi tous les citoyens éligibles de la commune.

Art. 13. Chaque assemblée de département sera composée de 81 membres, dont un tiers, c'est-à-dire 27, sera député par les 9 communes du département, à raison du territoire ; ce sera donc 3 députés par commune, puisque les territoires des communes sont égaux entre eux, étant composés d'un égal nombre de cantons égaux.

Art. 14. Le second tiers formant 27 députés sera envoyé par les 9 communes, à raison de la population active de chaque commune. Ainsi, la somme totale de la population des 9 communes ou du département sera divisée en 27 parts ; et chaque commune aura autant de députés qu'elle contiendra de ces vingt-septièmes.

Art. 15. Le troisième tiers se distribuera par une semblable opération en raison de la contribution respective des 9 communes. La somme totale des contributions directes des 9 communes, ou du département, sera divisée en 27 ; et chaque commune enverra un député pour chaque vingt-septième qu'elle payera.

Art. 16. Ces deux dernières opérations donnant lieu nécessairement à des fractions, les fractions ne pouvant être que faibles ne seront pas comptées, parce qu’elles se compensent entre elles.

Art. 17. Les assemblées de département formeront par leurs députés l’Assemblée nationale, qui sera composée de 720 membres.

Art. 18. Le tiers de ce nombre, c’est-à-dire 240 sera envoyé par les départements à raison du territoire ; 240 à raison de la population, et 240 à raison de la contribution respective, ainsi qu’il a été dit ci-dessus relativement aux communes, mais en divisant entre les départements la population du royaume et la masse entière de la contribution directe en 240 parts.

Art 19. Nul membre de l’Assemblée nationale ne pourra être réélu pour l’Assemblée suivante. Il sera nécessaire qu’entre deux élections de la même personne, il y ait au moins une Assemblée d’intervalle.

Signé : thouret, l’abbé sieyès, target, l’évêque d’autun, démeunier, rabaut de saint-étienne, le chapellier

M. Thouret présente ensuite la seconde partie du rapport du nouveau comité de Constitution relative à l’établissement des assemblées administratives et des municipalités.

Établissement des assemblées administratives.
I

Les assemblées de cette nouvelle classe différeront en plusieurs points de celles dont nous avons parlé jusqu’ici.

Elles seront chargées de cette partie du pouvoir exécutif qu’on désigne ordinairement par le terme d'administration ; et les premières n’auront que la simple mission d’élire graduellement les représentants nationaux, membres du Corps législatif.

Elles seront permanentes, et se régénéreront tous les deux ans par moitié ; la première fois au sort, après deux années d’exercice, et ensuite, la seconde fois à tour d’ancienneté ; les premières n’auront d’existence que pour l’objet et le temps des élections à l’Assemblée nationale, après lesquelles elles s’anéantiront.

Celles-ci, formées uniquement dans l’ordre de la législature nationale, seront les éléments régénérateurs du Corps législatif ; les autres, au contraire, instituées dans l’ordre du pouvoir exécutif, en seront les instruments et les organes. Subordonnées directement au Roi, comme administrateur suprême, elles recevront ses ordres, et les transmettront, les feront exécuter, et s’y conformeront. Cette soumission immédiate des assemblées administratives au chef de l’administration générale, est nécessaire ; sans elle, il n’y aurait bientôt plus d’exactitude ni d’uniformité dans le régime exécutif, et le gouvernement monarchique que la nation vient de confirmer, dégénérerait en démocratie dans l’intérieur des provinces.

Le comité pense qu’il pourrait être établi une assemblée administrative dans chacun des 80 départements, sous le titre d’administration provinciale ; titre qui rappellerait sans cesse l’objet de cette institution. La division des ressorts de ces assemblées n’apporterait aucun changement nécessaire à l’ancienne distinction des provinces.

Chaque administration provinciale pourrait être divisée en deux sections, dont la première en serait comme le conseil, et, en quelque sorte, la législature ; et la seconde, chargée de toute la partie executive, en serait le vrai corps agissant, sous le titre de directoire provincial, ou de commission intermédiaire.

Le conseil provincial tiendrait tous les ans une session, dans laquelle il fixerait les principes convenables pour chaque partie d’administration, ordonnerait les travaux et les dépenses générales du département, et recevrait le compte de la gestion du directoire : mais ses arrêtés ne seraient exécutoires que lorsqu’ils auraient été approuvés et confirmés par le Roi.

Le directoire serait toujours en activité pour la conduite, la surveillance et l’expédition de toutes les affaires. Il serait tenu de se conformer aux arrêtés du conseil provincial approuvés par le Roi, et rendrait, tous les ans, le compte de sa régie.

Le comité a examiné si chaque administration provinciale devait être formée d’abord en un seul corps d’assemblée, qui opérerait ensuite sa propre division en deux sections par l’élection qu’elle ferait, dans son sein, de ceux de ses membres qui composeraient le directoire ; ou s’il ne serait pas préférable que les électeurs désignassent, en élisant, ceux des députés qu’ils nommeraient pour le conseil, et ceux qu’ils destineraient au directoire. Il s’est décidé pour la première opinion, parce qu’en remettant la nomination des membres du directoire aux électeurs des communes, il faudrait nécessairement que chaque commune nommât un sujet de son district. Or, il serait souvent difficile de trouver, dans toutes les communes, des citoyens tout à la fois capables des fonctions du directoire, et disposés à quitter leur domicile pour aller s’établir au chef-lieu du département, à la suite des opérations du directoire, avec l’assiduité qu’elles exigent. Il faut avoir autant d’égard à la convenance des sujets, qu’à leur capacité, lorsqu’il s’agit de les attacher efficacement à un service journalier, qui ne souffre pas d’interruption. Les membres des assemblées seront plus en état que les électeurs de faire les meilleurs choix sous ce double rapport ; puisqu’ils auront pu, pendant la tenue entière de leur session, éprouver les talents de leurs collègues, et s’assurer de leurs dispositions pour le service du directoire.

Le comité a discuté ensuite si les membres élus pour le directoire pourraient se réunir à ceux du conseil, pour former l’assemblée générale à chaque session annuelle, et avoir séance avec voix délibérative à cette assemblée générale ; ou si les deux sections de chaque administration provinciale resteraient si absolument distinctes, que les membres du directoire, bornés à la simple exécution, n’eussent jamais ni séance, ni droit de suffrage avec ceux du conseil. Il s’est encore déterminé pour la première de ces opinions, parce qu’il lui a paru que les membres du directoire, privés d’entrer et de voter à l’assemblée délibérante, réduits ainsi à n’être qu’exécuteurs et comptables, seraient bientôt considérés, moins comme membres de l’administration que comme ses agents et ses préposés. Le préjugé de cette sorte de dégradation déprécierait, dans l’opinion publique, des fonctions importantes, pour lesquelles il faut provoquer et encourager le zèle des principaux citoyens. D’ailleurs, l’exclusion des membres du directoire priverait l’administration du secours de leurs lumières, devenues plus précieuses par l’expérience que donne la pratique habituelle des affaires. Le comité a pensé cependant que la séance commune et le droit de suffrage ne pourraient être accordés aux membres du directoire, qu'après qu'ils auraient rendu le compte de leur gestion ; ce qui serait toujours la première opération de chaque session.

II

Il y aurait de même au chef-lieu de chaque commune, une assemblée administrative, sous le titre d'administration communale, divisée pareillement en deux sections, l'une pour le conseil, l'autre pour l'exécution. Tout ce qui vient d'être dit de l'assemblée supérieure s'applique aussi aux assemblées communales pour l'administration subordonnée de leurs districts. Ces dernières seront entièrement soumises aux administrations provinciales dont elles assortiront ; et leurs directoires seront soumis de même aux directoires provinciaux.

Les administrations communales recevront les ordres du Roi par le canal des administrations provinciales ou de leurs directoires ; et elles s'y conformeront. Elles obéiront aux arrêtés des administrations provinciales et aux décisions de leurs directoires. Elles leur adresseront des pétitions sur tous les objets de leur compétence qui intéresseront chaque commune, et seront exactes à fournir les instructions qui leur seront demandées. L'entière subordination des assemblées communales à celles de département n'est pas moins nécessaire à l'unité du régime exécutif, que la subordination immédiate de ces dernières à l'autorité du Roi.

III

Pour composer, la première fois, les assemblées communales administratives, le comité propose, qu'après la démarcation provisoire des divisions territoriales, les assemblées primaires se forment dans les 9 cantons de chaque commune, comme il a été dit plus haut pour les élections dans l'ordre législatif. Elles enverront au chef-lieu un député par 100 votants.

Les députés des 9 cantons réunis éliront 26 personnes qui composeront l'administration communale ; et ils les choisiront tant dans leur sein, que dans le nombre des autres habitants éligibles dans la commune, en observant d'en prendre au moins 2 dans chaque canton.

Les membres composant l'administration communale éliront, dans leur sein, à la fin de leur première session, 6 d'entre eux pour former le directoire.

De deux ans en deux ans, lorsqu'il s'agira de régénérer la moitié de chaque administration communale, les assemblées primaires se formeront de nouveau dans les cantons, pour nommer leurs députés qui éliront en remplacement des administrateurs sortis de fonction.

Chaque assemblée communale renouvellera aussi son directoire, par moitié, tous les deux ans.

IV

Aussitôt que les 9 assemblées communales auront été formées, elles nommeront les membres qui composeront l'assemblée provinciale au nombre de 54, à raison de 6 députés par commune ; et elles suivront le même procédé qui a été établi pour la représentation proportionnelle dans les députations au Corps législatif.

Des 54 députés à l'administration provinciale 18 formant le tiers seront attachés au territoire, et chaque commune en nommera 2 par égalité. 18 députés seront attribués à la population du département, et les 18 autres à sa contribution directe. Chaque commune nommerait autant de députés dans ces deux dernières divisions, qu'elle aurait de parties de population ou de contribution, en divisant la population et la contribution directe du département en 18 parts.

Les assemblées communales pourront nommer les députés à l'administration provinciale, soit dans leur sein, soit dans le nombre des autres habitants éligibles du département. Dans le cas où ils auraient nommé dans leur sein, ceux de leurs membres qu'ils auront élus seront remplacés à l'administration communale dont ils faisaient partie. Les électeurs nommés pour les assemblées primaires des cantons seront tenus alors de se rassembler sans délai, pour faire ces remplacements par la voie des élections.

Les membres composant l'administration provinciale éliront dans leur sein, à la fin de leur première session, 10 d'entre eux pour former le directoire provincial.

Tous les deux ans, la moitié des députés à l'administration provinciale sortira d'exercice, en observant de faire sortir, autant qu'il sera possible, la moitié de ceux qui ont été envoyés par chacune des neuf communes ; et les assemblées communales procéderont aux remplacements par la même méthode qu'elles auront suivie la première fois pour la composition de l'administration provinciale.

Il sortira toujours 27 députés faisant la moitié des 54. De ces députés à remplacer, 9 formant le tiers seront attachés au territoire, et chaque commune en nommera un. 9 autres députés seront attribués à la population, et les 9 derniers à la contribution directe ; en sorte que la population du département et la masse de ses impositions directes étant divisées en neuf parts, chaque commune nommerait un député remplaçant par neuvième de population et de contribution. Ainsi la première proportion établie dans les députation se retrouverait la même ; et la représentation se distribuant toujours également entre les neuf communes, malgré la variabilité de leur position respective, se maintiendrait constamment en équilibre.

Le directoire provincial sera aussi régénéré tous les deux ans par moitié.

L'objet essentiel de la Constitution étant de définir et de séparer les différents pouvoirs, le comité pense qu'il faut redoubler d'attention, pour que les assemblées administratives ne puissent ni être troublées dans l'exercice de l'autorité qui leur sera confiée, ni excéder ses limites. Ce n'est pas assez que l'objet de leur établissement soit indiqué dénominativement par leur qualification d'administration provinciale ou communale ; il paraît encore nécessaire qu'il soit statué constitutionnellement par des dispositions expresses : 1° qu'elles sont dans la classe des agents du pouvoir exécutif, et dépositaires de l'autorité du Roi pour administrer en son nom et sous ses ordres ; 2° qu'elles ne pourront exercer aucune partie ni de la puissance législative ni du pouvoir judiciaire ; 3° qu'elles ne pourront ni accorder au Roi, ni créer à la charge des provinces aucune espèce d'impôts pour quelque cause ni sous quelque dénomination que ce soit ; 4° qu'elles n'en pourront répartir aucun que jusqu'à concurrence de la quotité accordée par le Corps législatif, et seulement pendant le temps qu'il aura fixé ; 5° qu'elles ne pourront être traversées ni arrêtées, dans leurs fonctions administratives, par aucun acte du pouvoir judiciaire.

Établissement des municipalités.

Nous avons vu jusqu'ici que dans chaque commune la représentation nationale pour la législature, et la représentation provinciale pour l'administration générale, tirent leurs éléments des assemblées primaires. Ces deux établissements composent ensemble le grand édifice national. C'est sur la même base, c'est-à-dire sur la même assise des assemblées primaires, qu'il s'agit d'élever un second édifice politique, qui est la constitution municipale.

Commençons par bien fixer quelle est la nature de cette constitution. Le régime municipal, borné exclusivement au soin des affaires particulières, et pour ainsi dire privées de chaque ressort municipalisé, ne peut entrer sous aucun rapport, ni dans le système de la représentation nationale, ni dans celui de l'administration générale. Les communes devant être les premières unités dans l'ordre représentatif qui remonte à la législature, et les dernières dans l'ordre du pouvoir exécutif qui descend et finit à elles, chaque municipalité n'est plus dans l'Etat qu'un tout simple individuel, toujours gouverné ; et ces touts séparés, indépendants les uns des autres, ne pouvant jamais se corporer, ne peuvent être élémentaires d'aucun des pouvoirs gouvernants.

S'il est important de donner à la nation l'énergie et la puissance nécessaires pour défendre sa liberté, et aux municipalités une consistance utile et respectable dans leurs territoires, cette double considération doit vous porter à constituer les 720 grandes communes du royaume, en autant de corps de municipalité.

Vous n'auriez ainsi que sept cent vingt unités pour bases, tant du régime municipal, que de la représentation nationale et de l'administration générale. Vous augmenteriez par là les forces de chaque municipalité en rassemblant à un seul point toutes celles d'un même territoire que leur dispersion actuelle réduit à l'inertie. Au lieu d'atténuer la vigueur nationale en divisant le peuple par petites corporations, dans lesquelles tout sentiment généreux est étouffé par celui de l'impuissance, créez plutôt de grandes agrégations de citoyens unis par des rapports habituels, confiants et forts par cette union ; agrandissez les sphères où se forment les premiers attachements civiques ; et que l'intérêt de communauté, si voisin de l'intérêt individuel, si souple sous l'influence des hommes à crédit, quand ses moyens sont faibles et son objet trop borné, se rapproche davantage de l'esprit public en acquérant plus de puissance et d'élévation.

Si vous agréez cette vue, l'institution des hôtels de ville et des municipalités villageoises, telle que nous la voyons aujourd'hui, devrait être entièrement réformée. La différence de nature et d'objet qui se trouve entre l'administration générale et le régime principal ne permettrait pas, sans doute, de faire reposer ce dernier dans l'assemblée administrative de chaque commune ; mais les assemblées primaires, formées, comme a été dit, pour la représentation, nommeraient des députés pour composer au chef-lieu de la commune une assemblée municipale.

Cette assemblée serait le conseil d'administration, et exercerait une sorte de législature pour le gouvernement du petit État municipal, composé du territoire entier de la commune ; et le pouvoir exécutif, tant pour le maintien des règlements généraux que pour l'expédition des affaires particulières du ressort de la municipalité, serait remis à un maire élu par toutes les assemblées primaires.

Le conseil municipal déciderait, dans toute l'étendue de son ressort, de tout ce qui concerne la police municipale, la sûreté, la salubrité, la régie et l'emploi des revenus municipaux, les dépenses locales, la petite voirie des rues, les projets d'embellissements, etc. Cette autorité du conseil s'étendrait ainsi non-seulement aux choses communes au district entier, mais encore aux choses particulières à chaque ville, bourg ou paroisse, qui lui adresserait ses requêtes ou pétitions. Les villes et les paroisses de campagne auraient chacune une agence sous le titre de bureau municipal, qui veillerait à leurs intérêts locaux, et correspondrait pour leurs besoins avec le conseil de la municipalité commune. Enfin, le maire, chef du pouvoir exécutif municipal, comptable et responsable de ses fonctions au conseil, en ferait exécuter les arrêtés et les décisions par les bureaux municipaux qui lui seraient subordonnés.

Il résulterait de ce régime des municipalités une foule d'avantages dont elles n'ont pas paru susceptibles jusqu'ici. La faiblesse de celles qui subsistent maintenant, excepté dans quelques grandes villes, les expose à être aisément séduites par l'intrigue, ou subjuguées par l'autorité : de là la dissipation des deniers communs, les entreprises inconsidérées, les dettes élevées au dessus des moyens, et tant de délibérations inspirées par l'esprit particulier à la ruine de l'intérêt général. Combien de municipalités dans les campagnes ne sont pas à la merci des seigneurs, ou des curés, ou de quelques notables ! Combien, dans les petites villes, ne sont pas dominées par le crédit des principaux citadins! N'attendons rien de ces administrations trop faibles pour se conserver indépendantes ; l'unique moyen d'émanciper l'autorité municipale est de la distribuer en plus grandes masses, et de rendre les corps qui en seront dépositaires plus éclairés et plus puissants, en les rendant moins nombreux. Alors ils pourraient devenir utiles, sous une infinité d'autres rapports publics, soit pour la police, soit pour l'administration de l'impôt, soit pour l'inspection et l'emploi de la garde nationale, et milice intérieure, puisqu'elles offrirait en chaque district d'une certaine étendue des centres de pouvoir unique et de régime uniforme.

Les agences ou bureaux de municipalité nécessaires en chaque ville ou paroisse seraient composés dans les villes, de quatre membres, lorsque la population serait de 4,000 âmes et au-dessous ; de six membres, depuis 4,000 âmes jusqu'à 20,000 ; de huit membres, depuis 20,000 âmes jusqu'à 50,000 ; de dix membres, depuis 50,000 âmes jusqu'à 100,000 ; et de douze membres au-dessus de 100,000 âmes. Ils pourraient être composés dans les campagnes de quatre membres, y compris le syndic, dans les paroisses de 150 feux ; de six membres, y compris le syndic, dans celles depuis 150 feux jusqu'à 300 ; et de huit membres y compris le syndic, au-dessus de 300 feux.

Pour élire les membres des bureaux municipaux, tous les citoyens actifs se réuniront dans les villes en assemblées primaires, et, dans les campagnes en assemblée générale de paroisse.

Tous les deux ans, les bureaux de municipalité seraient régénérés par moitié : la première fois au sort, et la seconde fois à tour d’ancienneté.

Le comité a cru devoir se borner aujourd’hui à vous présenter ces points fondamentaux de son travail. Pressé par votre juste empressement à vous occuper de cette importante matière, il s’est hâté de vous soumettre ses premières vues, et il doit attendre le jugement que vous en devez porter, afin de ne pas continuer, peut-être inutilement, à bâtir sur des bases que votre approbation n’a pas consolidées.

La nature des fonctions à confier, tant aux assemblées administratives qu’aux municipalités, les détails ultérieurs de leur organisation, le service qu’elles pourront remplir pour la manutention de l’impôt, depuis la répartition jusqu’au versement de ses produits, mériteront sans doute une attention particulière ; mais ce qui serait praticable dans le plan qui vous est proposé, pourrait cesser de l’être, à plusieurs égards, si ce plan éprouvait des changements essentiels.

Le comité a l’honneur de vous présenter le projet de quelques articles, dont la décision est nécessaire pour régler la suite de son travail.

Suite du projet d’arrêtés relatifs à cette seconde partie du rapport.

Art. 20. Il sera établi au chef-lieu de chaque département une assemblée administrative supérieure, sous le titre d'Administration provinciale.

Art. 21. Il sera établi au chef-lieu de chaque commune une assemblée administrative inférieure, sous le titre d'Administration communale.

Art. 22. Pour composer chaque Administration communale, tous les citoyens actifs se réuniront en assemblées primaires, dans chacun des neuf cantons de la commune, en la même forme établie pour les élections au Corps législatif ; et ils nommeront 1 député électeur par 100 votants.

Art. 23. Les électeurs nommés par les assemblées primaires se réuniront pour nommer 26 membres, dont chaque Administration communale sera composée.

Art. 24. Les électeurs pourront choisir ces 26 membres, tant dans leur sein que dans le nombre des autres habitants éligibles de la commune ; mais ils observeront d’en prendre au moins 2 dans chaque canton.

Art. 25. Les neuf administrations communales de chaque département éliront les membres qui composeront l'Administration provinciale, au nombre de 54.

Art. 26. Des 54 membres à députer pour nommer l’administration provinciale, 18 seront élus à raison du territoire, et chaque commune en nommera 2. 18 seront nommés à raison de la population active du département, divisée en dix-huit parts ; et chaque commune enverra autant de députés qu’elle contiendra de ces dix-huitièmes, enfin les 18 autres seront nommés à raison de la contribution directe du département, divisée en dix-huit parts ; et chaque commune élira autant de députés qu’elle payera de ces dix-huitièmes.

Art. 27. Les administrations communales pourront nommer les députés à l’administration provinciale, soit dans leur sein, soit dans le nombre des autres habitants éligibles du département ; et, dans le cas où elles auront élu dans leur sein, les électeurs nommés par les assemblées primaires se rassembleront, sans délai, pour remplacer, dans chaque administration communale, les membres élus pour l’administration provinciale.

Art. 28. Chaque administration, soit provinciale, soit communale, sera permanente ; et les membres en seront renouvelés, par moitié, tous les deux ans ; la première fois au sort, après les deux premières années d’exercice, et ensuite à tour d’ancienneté.

Art. 29. Les membres des assemblées administratives seront en fonctions pendant quatre ans, à l’exception de ceux qui sortiront par le premier renouvellement au sort, après les deux premières années.

Art. 30. Lorsqu’il s’agira de régénérer la moitié de chaque administration communale, les assemblées primaires se formeront dans les cantons pour nommer leurs députés électeurs, à raison d’un par cent votants ; et ces électeurs procéderont aux remplacements, en renvoyant à l’administration communale autant de membres de chaque canton qu’il en sera sorti.

Art. 31. Les administrations communales procéderont tous les deux ans au renouvellement, par moitié, de chaque administration provinciale, ainsi qu’il va être dit dans l’article suivant.

Art. 32. Des 27 membres, faisant moitié de 54, qui sortiront à chaque régénération, 9 seront remplacés à raison du territoire, et chaque commune en nommera 1. 9 seront remplacés à raison de la population active du département divisée en neuf parts, et attribuant 1 député par neuvième ; les 9 autres seront remplacés à raison de la contribution directe du département, divisée de même en neuf parts, et attribuant 1 député par neuvième.

Art. 33. Chaque administration provinciale sera divisée en deux sections : l’une, sous le titre de Conseil provincial, tiendra annuellement une session pendant un mois, ou plus, si la nécessité des affaires l’exige, pour fixer les règles de chaque partie d’administration, et ordonner les travaux et les dépenses générales du département ; l’autre, sous le titre de Directoire provincial, sera toujours en activité pour l’expédition des affaires, et rendra compte de sa gestion tous les ans au conseil municipal.

Art. 34. Les membres de chaque administration provinciale éliront, à la fin de leur première session, 10 d’entre eux, pour composer le directoire provincial, et ils le régénéreront tous les deux ans, par moitié ; les 44 autres membres formeront le conseil provincial.

Art. 35. À l’ouverture de chaque session annuelle, le conseil provincial commencera par entendre et recevoir le compte de la gestion du directoire ; ensuite les membres du directoire prendront séance, et auront voix délibérative avec ceux du conseil.

Art. 36. Chaque administration communale sera divisée de même en deux sections, l’une, sous le nom de Conseil communal, l’autre, sous celui de Directoire communal, composé de 6 membres. Tout ce qui est prescrit par les articles précédents pour l’élection, la régénération, le droit de séance et de voix délibérative des membres du directoire provincial, aura lieu de même pour ceux des directoires communaux.

Art. 37. Les assemblées administratives étant instituées dans l’ordre du pouvoir exécutif, seront les agents de ce pouvoir. Dépositaires de l’autorité du Roi, comme chef de l’administration générale, elles agiront en son nom, et sous ses ordres, et lui seront entièrement subordonnées. Leurs arrêtés ne seront exécutoires qu’après avoir été approuvés et confirmés par le Roi.

Art. 38. Elles ne pourront exercer ni le pouvoir législatif, ni le pouvoir judiciaire ; octroyer au Roi, ni établir à la charge des provinces aucun impôt, pour quelque cause ni sous quelque dénomination que ce soit ; en répartir aucun au delà de la quotité accordée ou du temps fixé par le Corps législatif ; et elles ne pourront être troublées dans l'exercice de leurs fonctions administratives par aucun acte du pouvoir judiciaire.

Art. 39. Les municipalités actuellement subsistantes en chaque ville, bourg, paroisse, ou communauté, sous le titre d'hôtels de ville, mairies, échevinats, consulats, et généralement sous quelque titre et qualification que ce soit, sont supprimées et abolies ; et cependant les officiers municipaux, actuellement en exercice, continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'ils aient été remplacés.

Art. 40. Le district de chaque commune qui sera établie suivant la division territoriale ci-dessus, formera à l'avenir le ressort d'une seule et même municipalité.

Art. 41. Tous les citoyens actifs du district communal municipalisé se formeront en assemblées primaires, pour nommer un député par chaque assemblée primaire ; et ces députés réunis composeront, au chef-lieu de la commune, l'assemblée municipale du district entier.

Art. 42. Cette assemblée municipale sera le Conseil d'administration, qui fixera pour toute l'étendue de son ressort les règles du régime commun, et décidera de tout ce qui concerne la police municipale, sa sûreté intérieure, la salubrité, la régie et l'emploi des revenus municipaux, les dépenses locales, et généralement tout ce qui est du ressort des municipalités.

Art. 43. La puissance active sera tout entière, et pour toute l'étendue du district municipal, dans les mains du maire et de son lieutenant, qui seront élus immédiatement par les assemblées primaires.

Art. 44. Lorsque les assemblées primaires procéderont à l'élection du maire et de son lieutenant, il sera tenu, par le secrétaire de chacune d'elles, une liste exacte de tous les noms sortis du scrutin, indicative du nombre des suffrages portés sur chaque nom. Ces listes cachetées seront adressées à l'assemblée municipale, qui déclarera le résultat des élections par la pluralité des votes recueillis dans toutes les assemblées primaires.

Art. 45. L'assemblée municipale sera régénérée tous les deux ans par moitié : la première fois au sort, après les deux premières années et ensuite à tour d'ancienneté. Le maire et son lieutenant seront en fonctions pendant deux ans ; mais ils pourront être continués par une nouvelle élection.

Art. 46. Il y aura dans chaque ville, bourg ou paroisse, un bureau municipal pour régir les biens communs, et pourvoir aux besoins locaux. Ces bureaux s'adresseront à l'assemblée municipale pour tout ce qui sera de sa compétence comme conseil de l'administration municipale ; et ils seront subordonnés au maire et à son lieutenant pour la partie exécutive.

Art. 47. Le bureau municipal sera composé les villes de 4 membres, lorsque la population sera de 4,000 âmes et au-dessous ; de 6 membres, depuis 4,000 âmes jusqu'à 20,000 ; de 8 membres, depuis 20,000 âmes jusqu'à 50,000 ; de 10 membres, depuis 50,000 âmes jusqu'à 100,000, et de 12 membres, au-dessus de 100,000 âmes.

Art. 48. Pour élire les membres du bureau municipal dans les villes, tous les citoyens actifs s'assembleront, et voteront en assemblées primaires.

Art. 49. Le bureau municipal sera composé, dans les bourgs et paroisses de campagne, de 4 membres, y compris le syndic, dans les paroisses de 150 feux et au-dessous ; de 6 membres, y compris le syndic, dans celles depuis 150 feux jusqu'à 300 ; et de 8 membres, y compris le syndic, dans celles au-dessus de 300 feux.

Art. 50. Dans les paroisses de campagne, l'élection des membres du bureau municipal sera faite par l'assemblée générale de tous les citoyens actifs de chaque paroisse.

Art. 51. Les bureaux municipaux seront régénérés tous les deux ans par moitié ; la première fois au sort, après les deux premières années d'exercice, et ensuite à tour d'ancienneté.

Signé : Thouret, l'abbé Sieyès, Target, l'évêque d'Autun, Demeunier, Rabaud de Saint-étienne, Le Chapelier.
  1. L'étal servile, exclu ici, ne peut s'entendre, sous aucun rapport, des anciens main-mortables, dont la servitude a d'ailleurs été abolie par le décret de l'Assemblée nationale du 4 août dernier.
  2. La lieue adoptée est la lieue commune de 2,400 toises.