Résumé d’une conférence

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Résumé d’une conférence
University press (p. 235-237).


(iv) 1931

RENÉ CREVEL

Résumé d’une conférence prononcée à Barcelone le 18 septembre 1931 et plan d’un livre en réponse aux histoires littéraires, panoramas, critiques

Le surréalisme : pas une école, un mouvement, donc ne parle pas ex cathedra mais va y voir, va à la connaissance, à la connaissance appliquée, à la Révolution. (Par un chemin poétique.) Lautréamont avait dit : La poésie doit être faite par tous. Non par un. Éluard a commenté ainsi cette phrase : La poésie purifiera tous les hommes. Toutes les tours d’ivoire seront démolies.

Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir de neutralité poétique.

Le surréalisme a mis les pieds dans le plat de l’opportunisme contemporain, c’est-à-dire l’assiette au beurre (enquêtes sur l’amour, le suicide, déclaration antifrançaise lors de la guerre du Riff, les tracts à l’occasion de l’exposition coloniale, de l’incendie des couvents espagnols par les révolutionnaires).

Le surréalisme s’attaque aux problèmes qui ne sont éternels que par la peur éternelle qu’ils n’ont cessé d’inspirer à l’homme.

Le surréalisme s’attaque à Dieu,

aux alliés de Dieu (fanatisme, chauvinisme, capitalisme, pensée vague qui se donne pour une pensée libre et sous le couvert d’une feinte séparation de l'Église et de l'État, fait le jeu de l’abominable idée chrétienne). Breton a écrit : « Dieu est un porc ».

Le surréalisme contre la réalité au sens où l’entendent et le réalisme bondieusard et si atrocement restrictif des thomistes et la passivité sceptique.

Dieu c’est l’immobile puisqu’il occupe tout le temps, tout l’espace et n’a donc à se mouvoir. Pour le bonheur de se croire à l’image de l’immobile, que d’amputés volontaires. Mais on ne décroche pas son sexe pour le laisser au vestiaire comme un parapluie.

Si on s’émascule, ça saigne, ça fait mal. Revers de la médaille, tous les idéalistes qui, en vue d’une revanche extra-terrestre se sont restreints, tombent dans la folie (l’extravagance meurtrière des pays idéalo-capitalistes) à moins qu’ils ne se laissent choir soudain dans le plus grossier matiérisme. (Duel entre la chair et l’esprit, pour le triomphe de l’Église. Bonté morte à laquelle Aragon oppose la poésie et Breton la beauté qui sera convulsive ou ne sera pas. (Nadja).

Cette beauté qui sera convulsive ou ne sera pas, le surréalisme l’a trouvée dans des zones jusqu’à lui interdites.

S’il a pu atteindre ces zones, c’est qu’il était parti du postulat : Le salut n’est nulle part (ce qui ne voulait pas dire que la damnation fût partout. Bien au contraire. La damnation, le salut ne sont nulle part).

Par cette dialectique négative, le surréalisme à ses débuts et Dada qui l’avait précédé s’opposaient au romantisme maudit, théâtral, antithétique par bravade, antithétique sans thèse ni synthèse.

Dada : premier signal du bouleversement, Mr. Aa l’antiphilosophe de Tzara. Ne pas oublier que, pour les métaphysiciens, la philosophie c’était l’alpha et l’oméga.

Enquête de Littérature : Pourquoi écrivez-vous ?

Du négatif, de l’interrogation, on passe au positif, à l’affirmation avec le Premier Manifeste du surréalisme : Si les profondeurs de notre esprit recèlent d’étranges forces capables d’augmenter celles de la surface ou de lutter victorieusement contre elles, il y a tout intérêt à les accepter, à les capter pour les soumettre ensuite, s’il y a lieu, au contrôle de la raison.

Hegel avait déjà constaté : Ce n’est pas la faute de l’intellect si on ne va pas plus loin. C’est une subjective impuissance de la raison qui laisse cette détermination en cet état.

Subjective impuissance déifiée par chaque impuissant (idéalisme, individualisme).

Chacun se refuse à se dire ce que Feuerbach constatait de toute évidence : Je suis un objet psychologique pour moi-même mais un objet physiologique pour autrui.

Opposition de la dialectique à la métaphysique. (Engels : Anti-Dühring : L’habitude d’envisager les objets, non dans leur mouvement mais dans leur repos, non dans leur vie mais dans leur mort, cette habitude passée des sciences naturelles dans la philosophie a produit l’étroitesse spécifique des siècles passés, la méthode métaphysique.

Étroitesse spécifique de ce siècle encore, mais à quoi s’attaque le surréalisme, de toutes manières (écriture automatique, transcription des rêves, enquêtes déjà citées, simulation de délires nettement caractérisés. — Dali, ses tableaux, la Femme visible, Breton et Éluard : L’Immaculée Conception).

Parti de Hegel comme Marx et Engels, bien que par d’autres voies, le surréalisme aboutit au matérialisme dialectique.

Hegel avait écrit : « Le vrai est le délire bachique dans lequel il n’y a aucun des composants qui ne soit ivre et puisque chacun de ces composants, en se mettant à l’écart des autres se dissout immédiatement, ce délire est également simple et transparent.

Transparent d’une transparence absolue (René Char : Artine). Transparence qui révèle et protège la liberté des images, qui jouent mais pas à la marelle, car le verbe jouer n’est plus le doublet parent pauvre du verbe jouir depuis que Breton, au temps des sommeils, a dit : Les mots, les mots enfin font l’amour.

Les objets surréalistes (dont l’idée naquit d’une sculpture animée de Giacometti) eux aussi font l’amour, eux et leurs reflets, les notions, depuis que ne s’opposent plus à leur liberté, à leur mouvement, la richesse, la propriété, attributs divins du capitalisme et, comme Dieu, principe de paralysie, de mort.


Le Surréalisme au Service de la Révolution
No. 3 (Décembre 1931), pp. 35-6