Réponse du marquis de La Fare, à l’abbé de Chaulieu, en 1701

Réponse du marquis de La Fare, à l’abbé de Chaulieu, en 1701
Œuvres de ChaulieuPissotTome 1 (p. 100-102).


RÉPONSE DE M. LE MARQUIS DE LA FARE.


Vous insultez, maître fripon,

Au peu d’imagination
Que la Nature m’a donnée :
Ces traits brillans, la fiction,
Dont votre lettre est tant ornée,
Vont à ma veine infortunée
Faire abandonner Apollon.



À mon esprit ce Dieu n’inspire
Que de tristes moralités,
C’est avec vous qu’il aime à rire :
Il est toujours à vos côtés ;
Et sur-tout lorsque vous buvez.
Là prendrez votre temps, beau-Sire,
Et pour moi lui demanderez
Le don d’égayer la Satyre,
De ce sel que vous possédez :
Me l’accordant, je pourrai dire
D’assez plaisantes Vérités
Au Public, qui se les attire ;
Mais jusques-là, sans me flatter,
Je sens, sur ma foi, qu’au Parnasse
J’aurois de la peine à monter ;
Je perds haleine, et je me lasse :
Puis Pégase, sans hésiter,
Considérant ma lourde masse,
Sans un ordre, et sans cette grace,
Refuseroit de m’y porter.

Je vous suis très-obligé, mon cher ami, de m’avoir tiré d’une espece de léthargie où j’étois, et dont je crains que ces Vers ne se ressentent encore. Pour les vôtres, ils sont charmans ; je viens de les montrer à M. le Duc d’Orléans, à Madame de Chatillon, et à beaucoup d’autres Dames, avec qui nous venons de dîner ; on a bu à votre santé ; on vous a loué ; on vous a desiré : n’eft-ce pas là tout ce que nous pouvions faire ? Le Roi a été incommodé un jour, mais ce n’est plus rien. Adieu, mon cher ami, Vale et bibe.