Réponse de M. Tullius St.-Ceran


Réponse de M. T. St.-Céran
À M. Alexandre Latil

Arbrisseau que courba le bras de la tempête,
Tu me dis : — Pauvre oiseau, j’abriterai ta tête
De la pluie et des vents : vois comme est gros le temps !
 — Tu ne sais pas que moi, jamais sous le feuillage,
Je n’ai fait résonner ma luette sauvage,
Et que je suis fils des autans !


Qu’emporté loin du nid dans un coup de tonnerre,
La tourmente, pour moi, fut la seconde mère
Qui berça mon enfance et me tendit le sein ;
Que l’ouragan m’entend jeter des cris de joie ;
Que du fier océan, où le bulbul se noie,
Mon aile fouette le bassin !

Je me croirais débile, et toujours dans l’enfance,
Si le Monde gardait à mon nom le silence.
La haine, c’est l’Amour et son brûlant flambeau !
Cela vit, cela veut, cela porte une face ;
Je souris quand son dard s’émousse à ma cuirasse !
L’indifférence est un tombeau !

Aux veines de la fleur qui le poison distille,
L’abeille va pomper pour doter son asile,
Un Pactole enivrant aux dorés flots de miel.
Mon cœur possède aussi la grande urne chimique
Qui transforme en nectar tout mortel narcotique,
Que je bois au banquet du ciel !


Sans l’envie un laurier est un rameau vulgaire,
Qui des hommes jamais ne fixe la paupière ;
D’aigle, avant la couvée, il me simule un nid.
C’est lorsque le génie, avec ses pleurs d’Achille,
L’a longtemps arrosé, que cette branche vile
Se change en rameau bénit !

Ami, quand cessera pour nous deux la bataille,
Si de notre âme encore on veut savoir la taille,
Exhibons aux regards notre glaive brisé !
Il faut pour qu’on le croie et noble et formidable,
Qu’il soit moins scintillant, moins au soleil semblable,
Et par des flots de sang bronzé !

Sans Xercès, qu’eût été le fier soldat de Sparte ?
Sans l’Anglais à Toulon, le géant Bonaparte ?
C’est peu d’avoir un cœur, il faut montrer ce cœur !
Il faut, pour rehausser du talent l’apanage,
Qu’il ait foulé le front du reptile sauvage,
Que de Python il soit vainqueur !