Réponse au duc de Saint-Aignan pour le duc de Vendôme


Réponse au duc de Saint-Aignan pour le duc de Vendôme
Chapelle


RÉPONSE POUR MONSIEUR LE DUC DE VENDÔME
Aux Stances du Duc de Saint-Aignan.

Duc, qui portez avec vous votre sauce,
Tout vert encore et dans tout succulent,
De votre rare et singulier talent,
Sans prendre ailleurs aucune beauté fausse,
Tirez toujours quelque trait excellent.

C’est bien ici que, pour faire réponse,
Il faudroit être et poète et guerrier,
Dons qu’hormis vous nul n’a su marier ;
Car partout croît le chardon et la ronce,
Mais non partout la palme et le laurier.

Mais, bien qu’en rien on ne vous puisse suivre,
Ni, comme vous, être digne du cuivre
Dans le métier d’Apollon et de Mars,
Il faut pourtant montrer et qu’on sait vivre,
Et qu’on connoît les deux plus beaux des arts.

De la vertu qui par trop nous devance
La raison veut qu’on adore les pas :
Mais avec cœur et sûre confiance
Que de la joindre à nous n’appartient pas,
Oser la suivre aura sa récompense.

Si de celui1 qui pensa mettre en cendre
Avec son roi2 la fameuse Sardis
L’exemple eût plus étonné que su rendre
Les peuples grecs plus forts et plus hardis,
Eussent-ils eu pour vengeur Alexandre.

Elle eût été reine de l’univers,
Mais n’eût point eu Rome son cher Virgile,
Si l’Iliade eût rebuté ses vers.
Notre Paris n’eût point vu mainte idille
Courir partout dans les quartiers divers,
Si l’abbé3 n’eût, d’une force virile,
Osé marcher après le grand Nevers.

Si du Béthune, ambassadeur à Rome
Qui parle encor de sa noble vigueur,
Au rejeton la mémoire eût fait peur,
Eussions-nous vu pénétrer ce grand homme
Jusqu’où de vers grossit son triste tome4
Nason, pleurant de ces lieux la rigueur ?
Bref, de Dantzic jusqu’à Crim, le vieux tome
Eût-il marqué son esprit et son cœur ?

Puis nous avons encor cet avantage
Qu’une princesse5, en qui tant exceller
On voit le beau de l’âme et du corsage,
Sans oublier ce doux air de visage
Dont on ne peut jamais assez parler,
Par sa présence accroît notre courage ;
Et son savoir, son favori partage,
A bien voulu parmi ces vers mêler,
Voyant qu’à vous s’adressoit cet ouvrage.
Il ne faut pas en dire davantage ;
Ce seroit trop à vous nous déceler.
Adieu, grand duc; adieu, grand personnage.
Déjà d’ici, finissant cette page,
Je vous l’entends de son nom appeler.



1. Cyrus.

2. Crésus.

3. L’abbé de Chaulieu.

4. Les Tristes d’Ovide et ses Élégies de Ponto.

5. La duchesse de Bouillon.