Répertoire national/Vol 1/Un Voyageur

Collectif
Texte établi par J. Huston, Imprimerie de Lovell et Gibson (Volume 1p. 251-253).

1834.

UN VOYAGEUR.

(inédit.)


Du Canada fils généreux
Au voyageur donnez asile :
Je cherche un pays plus heureux
Que celui dont un roi m’exile.
Banni par un ordre inhumain
Des lieux qui virent ma naissance,
Je vois le ciel américain,
Je sens renaître l’espérance.

UN CANADIEN.

Jeune étranger, de ta douleur
Nous comprenons tous l’amertume :
Mais chercher ici le bonheur,
Lorsque la discorde s’allume !
Pour nous opprimer, de nos droits
On veut détruire l’influence.

LE VOYAGEUR.

Rien ne fera taire vos lois,
Conservez encor l’espérance.

LE CANADIEN.

Lorsqu’un despote couronné
Te força de fuir ta patrie,
Les lois t’avaient donc condamné,
Tu respectas leur voix flétrie.
Ou d’un ministre ou d’un tyran
Où peut s’arrêter la vengeance ?

LE VOYAGEUR.

Rome enfin vit tomber Séjan ;
Conservez encor l’espérance.

LE CANADIEN.

Quand jaloux de nos libertés
Qu’une faction veut abattre,
Nous proclamions nos députés,
Il nous fallut longtemps combattre :
Vainqueurs enfin, un prompt trépas
Nous fit expier cette offense.

LE VOYAGEUR.

Songez qu’un peuple ne meurt pas :
Conservez encor l’espérance.

LE CANADIEN.

L’orage est loin d’être calmé,
Tout vient redoubler nos alarmes :
Le soldat au meurtre animé
Frappe le citoyen sans armes ;
À nos cris sur ces attentats
La loi répond par le silence.

LE VOYAGEUR.

Le fer ne vous manquera pas :
Conservez encor l’espérance.

le canadien.

Loin de nous un pareil transport :
Le soupçon même nous outrage ;
Si tu nous vois souffrir la mort,
N’accuse pas notre courage.
Le moment où la nation
Doit triompher bientôt s’avance ;
Voici venir l’élection !…
C’est là notre seule espérance.