Répertoire national/Vol 1/Le dernier Jour de l’Année

Collectif
Texte établi par J. Huston, Imprimerie de Lovell et Gibson (Volume 1p. 212-213).

1832.

LE DERNIER JOUR DE L’ANNÉE.

        Tu fuis enfin fatale année,
        Source d’éternelles douleurs !
        Enfin ta course terminée
        Un instant fait trêve à nos pleurs.
Tout souriait au jour de ta naissance,
Notre horizon paraissait s’éclaircir ;
Ton cours fâcheux trompa notre espérance,
        Ne croyons plus à l’avenir.

        À combien de malheurs en proie
        Ton règne nous a-t-il laissés ?
        Heures de plaisirs, jours de joie,
        Par le deuil furent remplacés.
Quand le fléau qui dévastait le monde,[1]
Nous décima, nous avons su mourir :
Du plomb mortel la plaie est plus profonde,
        Ne croyons plus à l’avenir.


        L’inévitable maladie
        Sur nous répand son venin ;
        L’art le combat par son génie,
        Elle résiste, et cède enfin.
Mais qu’opposer au plus affreux des crimes ?[2]
De coups de feu l’air vient de retentir !…
On a frappé d’innocentes victimes !…
        Ne croyons plus à l’avenir.

        L’an expire ; un autre succède :
        Aux maux qui nous ont accablés,
        Vient-il apporter le remède
        Nos vœux seraient-ils donc comblés ?
De Dieu sur nous l’œil bienveillant s’abaisse.
Et sa bonté se lasse de punir ;
Faibles humains, que votre haine cesse,
        Et nous croirons à l’avenir.

        Puisse aux rigueurs de la fortune
        Le nouvel an mettre une fin,
        Et que d’une mère commune
        Les enfants se donnent la main.
Il est bien temps, dans la même carrière,
Que les partis aillent se ré unir :
Fils égarés, rentrez sous la bannière,
        Et nous croirons à l’avenir.

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  1. Le choléra asiatique.
  2. Le meurtre de trois canadiens, tués le 21 mai 1832, par une compagnie de soldats qui fit feu sur une foule de citoyens, dans la grande rue St. Jacques, à Montréal. Ces citoyens se nommaient Languedoc, Billette et Chauvin.