Répertoire national/Vol 1/Le Vingt-un Mai, Quatrième Anniversaire

Collectif
Texte établi par J. Huston, Imprimerie de Lovell et Gibson (Volume 1p. 338-339).

1836.

LE VINGT-UN MAI.

QUATRIÈME ANNIVERSAIRE.


Quel est ce chant funèbre et ce drap mortuaire
Étalant à nos yeux des marques de douleur ?
Le peuple, le regard fixé sur une bière,
Fait lire sur son front la vengeance et l’horreur !

Le sourd gémissement d’une ombre qui voltige
Sur les rives du Styx vient nous glacer d’effroi,
Et de l’Être Divin cette ombre qui s’afflige
Contre les vils tyrans semble implorer la loi.

Silence… Ô dieux vengeurs ! c’est la voix des victimes
Qui du fond du cercueil fait entendre ces mots :
« C’est d’ici que je veille au châtiment des crimes.
Frappez, concitoyens, immolez nos bourreaux ! »

      Ils sont là, sous ces mausolées !
Fléchissez le genou, ils étaient Canadiens ;
Et leur âme en repos, dans les champs élysées,
Nous promet la faveur des célestes destins.

À toi Chauvin, salut ! accepte cet hommage,
Que j’offre à ta mémoire au nom de mon pays :
Mort pour la liberté, tu vivras d’âge en âge,
Et ton sang coule encor sur des fronts ennemis.

Et ces dignes vieillards, Languedoc et Billette,
Victimes comme toi d’un complot infernal,
Tous trois morts innocens ! vos noms, on les répète…
      C’est un hymne national !

Ils les ont égorgés, en plein jour, dans la rue !
Les monstres ! Et le peuple a-t-il vu l’assassin
Sans froncer le sourcil, sans l’écraser soudain,
Sans au moins lui crier : arrête, ou je te tue ?
Le peuple n’a rien fait ; morne, silencieux,
Il a dit seulement en regardant les cieux :
      Mon heure n’est pas venue !

Plus lâches que l’Indien, et plus cruels encor,
Des hommes, achetés et vendus pour de l’or,
Hument l’odeur du sang, et radieux du crime
Du meurtrier qui frappe en fuyant sa victime,
Ils vont, mais l’œil hagard, tranquillement s’asseoir,
Méditant leurs forfaits sur les bancs du pouvoir !

Oh vingt-et-un de mai ! jour, hélas, mémorable !
Ton soleil éclaira des cadavres sanglants.
La liberté gémit sur leur sort déplorable,
Et nous montre du doigt leur criminels tyrans !

      Ils sont là sous ces mausolées !
Fléchissez le genou, ils étaient Canadiens ;
Et leur âme en repos, dans les champs-élysées,
Conserve une auréole à leurs concitoyens.

J. Phelan.