Réfutation des sectes/Texte entier


INTRODUCTION.


Philosophons pour la vie civile et non pour l’école, disait Socrate. Philosophons pour une vie meilleure, en démontrant ici-bas la vérité des grandes vérités éternelles, semble dire à chaque ligne Eznig, ce philosophe arménien du cinquième siècle, si justement célèbre parmi ses compatriotes, et malheureusement resté jusqu’ici inconnu de l’Europe, faute de traduction : malheureusement, disons-nous ; car bien que les Pères des Églises grecque et latine nous offrent de grands et parfaits modèles, nous trouverions dans les Pères de l’Église arménienne, notamment dans Eznig, de sublimes inspirations, des idées neuves et profondes, exprimées dans un style original comme elles, et souvent comme elles grandiose.


Nous n’essayerons point ici d’établir de rapprochement entre les propositions du docteur d’Hippone, surtout au sujet du libre arbitre, et celles du docteur arménien ; ce serait assurément un curieux et intéressant parallèle, que nous entreprendrons peut-être plus tard, que nous étendrons même, en comparant les ouvrages de Tertullien, d’Origène, et autres docteurs de l’Église avec l’ouvrage d’Eznig. Nous espérons aussi comparer Eznig avec les auteurs grecs, persans, indous, et tirer de cette comparaison la preuve que l’ouvrage d’Eznig est extrêmement précieux pour la connaissance encore si confuse du pyrisme et des anciens cultes. Mais contentons-nous aujourd’hui de citer, en le traduisant, l’article Eznig, dans le Quadro della Storia letteraria di Armenia (pages 22, 23), par feu monseigneur de Somal, archevêque de Siounik, abbé général des moines arméniens méchitaristes de Saint-Lazare :

« Eznig, surnommé Corhpatzi ou de Corhp, nom de sa patrie, fut un des disciples les plus distingués du patriarche Isaac ; il était profondément versé dans les langues arménienne, grecque, syriaque et persane. Revenu d’un long voyage qu’il avait entrepris en Mésopotamie et à Constantinople, dans l’intention de traduire les saints Pères ; il fit, en effet, plusieurs traductions, et composa l’ouvrage suivant : Réfutation des différentes sectes. Cet ouvrage est divisé en quatre livres : le premier contre les païens, le second contre les Perses pyristes ou ignicoles, le troisième contre les philosophes grecs, le quatrième contre les marcionites et les manichéens[1]. Dans ces livres, l’auteur traite heureusement, avec toute la rigueur théologique, les points les plus difficiles et les plus délicats sur la prescience de Dieu, et sur le libre arbitre de l’homme. On trouve aussi dans le cours de cet ouvrage plusieurs notions mythologiques très-utiles pour bien entendre l’antiquité de la Perse, et en même temps très-agréables. L’ouvrage d’Eznig fut imprimé à Smyrne en 1762, et à Venise en 1826, avec plus de correction et d’exactitude. Un recueil de préceptes moraux est joint aux deux éditions. Quant au style et à l’érudition de cet ouvrage, l’auteur est rangé parmi les classiques les plus célèbres de la littérature arménienne. »


Ainsi, nous croyons que la connaissance d’Eznig doit être utile et agréable à un grand nombre de lecteurs : — aux membres du clergé, aux orateurs chrétiens, dont il n’augmentera pas sans doute les lumières, mais à qui il fournira des images neuves et brillantes qui viendront animer, rajeunir l’éloquence de la chaire ; — aux penseurs profonds qui admireront, dans le philosophe arménien, une suite de raisonnements judicieux, sévères, et enchaînés selon toutes les règles de la logique ; — aux amis de la science archéologique, qui y puiseront des renseignements précieux sur les anciennes religions et traditions ; — aux savants de tout genre, qui, sans compter les avantages précités, pourront recueillir de la lecture d’Eznig des notions curieuses sur l’astrologie, sur plusieurs points des connaissances physiques, astronomiques, atmosphériques, en Orient, au cinquième siècle. Assurément, loin de nous de garantir la vérité de toutes les assertions de l’auteur arménien, elles sont l’expression des croyances du temps ; et aujourd’hui même que, dans l’état avancé des sciences physiques et mathématiques, on croit avoir trouvé la vérité, il est bon de connaître les erreurs mêmes du passé, ne fût-ce que pour apprendre à connaître la marche de l’esprit humain. D’ailleurs, de notre traduction, nous pouvons dire ce que disait de Ségur pour l’histoire : Scribitur ad narrandum, non ad probandum.


L’ouvrage d’Eznig est plein de citations et de réminiscences bibliques, que nous avons généralement indiquées par un * , se rapportant à une table ; malheureusement, il faut le dire, le docteur arménien, tout en paraissant citer le texte des Écritures, souvent n’en exprime que le sens. Nous avons dû traduire littéralement : lors même que le texte de la Bible, mais de la bible arménienne, considérée comme une des meilleures versions, faite directement sur les Septante, est religieusement reproduit par Eznig, ce texte diffère souvent de la Vulgate quelquefois pour le sens même, mais plus souvent encore pour l’expression. Ainsi, la Vulgate dit, Gen. ii, 24 : … Et adhærebit uxori suæ ; et, d’après le texte de la bible arménienne, il faut traduire littéralement : … Et ira après sa femme, légère différence, qui cependant peut donner lieu à divers commentaires.

Une dernière observation sur l’ouvrage qui nous occupe. Certains passages dans Eznig paraissent entachés d’idées, d’expressions techniques, et peu chastes ; mais, si l’on pense que l’auteur arménien écrivait au cinquième siècle, c’est-à-dire dans un siècle où l’on était encore habitué aux naïvetés bibliques, où telle expression, qui serait aujourd’hui le signe d’une grande impudence, pouvait alors n’être que la marque d’une grande innocence, on ne jugera pas Eznig d’après les idées du dix-neuvième siècle, où le raffinement du langage est parvenu à déguiser les choses les moins décentes. Si l’innocence de nos mœurs répond à l’innocence de notre langage, félicitons-nous d’être nés dans un siècle aussi pur ! Mais souvenons-nous, pour excuser les licences de parler d’un autre âge, que même au seizième siècle, le plus grave personnage de son temps, le sage de Thou, disait à sa belle-fille, penchée sur le balcon d’une croisée : Prenez garde que la tête n’emporte le cul, faisant ainsi allusion aux idées quelque peu folâtres de sa belle-fille. Le grave de Thou croyait-il dire une inconvenance ? Non sans doute ; il parlait le langage du temps, comme Eznig, dans l’exposition quelque peu libre de certaines opinions reçues, parlait le langage de son temps.


Simple traducteur aujourd’hui, nous serons heureux si nous pouvons revendiquer tout le mérite que comporte ce titre modeste en apparence, mais en réalité plus difficile souvent à mériter que celui d’auteur, si, par traducteur, on entend, non pas l’imitateur plus ou moins éloigné de son modèle, mais l’homme studieusement occupé de faire connaître l’auteur original tout entier, l’homme luttant sans cesse avec les difficultés du texte, sacrifiant au désir d’être utile aux élèves en leur offrant le moyen de suivre l’auteur original dans la traduction, sacrifiant à ce soin pénible le plaisir facile d’employer une locution plus française, mais plus éloignée du texte. Sans doute, cette servilité judaïque, dans la reproduction française de notre auteur arménien, ne peut donner une idée de sa diction pure, élégante, facile, souvent éloquente ; mais nous avons voulu seulement faire connaître ses pensées, et toute sa pensée. Cependant, vu la concision extrême, quoique extrêmement belle, du texte, nous avons quelquefois intercalé entre ( ) des mots destinés à compléter le sens en français.


En lisant — Moyse de Chorène, si riche en documents historiques, — Eznig, sublime spécimen de la littérature sacrée, si féconde dans la langue arménienne, on est forcé de reconnaître qu’il y a plus de vérité que d’exagération dans ces lignes de l’abbé Villefroy : « l’Arménie une fois découverte, les portes de l’Orient commencent à s’ouvrir et nous laissent entrevoir des richesses que nous n’aurions pas osé espérer, et, si nous pouvons avoir des manuscrits, on ne saurait exprimer quelles lumières nous allons recevoir, pour les rejeter ensuite sur l’histoire de cette savante nation, et sur celle de ses voisins. »






N. B. Malgré tout le soin donné à cette traduction, quelques erreurs de sens s’y seront glissées. Plus tard, dans un errata, nous les relèverons. Disons de suite que : le mot Mani (page 77) doit être substitué au mot Mané, moins usité ; — le mot étrangeté (page 165) doit être remplacé par le mot « étranger », qui n’est pas lui-même le mot consacré en parlant des hérésies de Marcion, mais qui est la traduction fidèle du texte arménien ; — fin de la page 197, ce collecteur de passages, doit s’entendre : qui fait un triage dans les passages.





LE DOCTEUR


EZNIG GORHPATZI



LIVRE PREMIER.

RÉFUTATION DES SECTES DES PAÏENS.




1. Lorsque sur l’(être) invisible et son éternelle puissance l’homme vient à discourir, car (l’homme) est (créature) corporelle, il doit éclaircir son intelligence, purifier ses pensées, modérer l’agitation de ses mouvements, afin de pouvoir parvenir au but qu’il s’est proposé : car celui qui veut regarder les rayons du soleil doit écarter de ses yeux tout trouble, toute ordure, toute chassie, afin que ces (causes d’)obscurités, qui formeraient rayon autour de ses paupières, ne l’empêchent pas de contempler la pureté de la lumière.

Or, comme la seule et unique essence est inexaminable, inaccessible par nature, devant sa nature inexaminable il faut faire offrande d’ignorance, et devant son essence il faut faire profession de savoir et non d’ignorance : car celui qui est doit être éternel et sans commencement ; il n’a reçu de personne commencement d’être, il n’a personne au-dessus de lui qu’on doive estimer sa cause, ou de qui on doive penser qu’il ait pris commencement d’exister ; car nul n’est avant lui, nul après lui n’est semblable à lui ; pour lui point de compagnon à son niveau, point d’essence contraire à lui, point d’existence opposée, point de nature matérielle à son usage, dont il fasse ce qu’il doit faire. Mais il est lui-même cause de tout ce qui est arrivé à être et à exister de ce qui n’est pas et de ce qui est ; comme les cieux supérieurs et ce qui est dans les cieux, les cieux apparents qui sont (composés)* d’eaux, et la terre et tout ce qui est d’elle et en elle ; de lui émane tout, et lui (n’émane) de personne. Il a, selon chaque classe, donné commencement d’être aux créatures invisibles, incorporelles, et aux créatures visibles et corporelles. Comme il est capable de donner la vitalité, de même aussi il est capable de faire arriver à la connaissance de son essence incréée et de procéder à l’établissement de ses créatures, selon leurs natures. Il est admirable, non-seulement parce qu’il a du néant amené à exister ce qui n’existait pas, et que de rien il a changé en quelque chose ce qui n’était pas, mais encore parce qu’il a conservé intactes, inviolables ses créatures, à qui il a tout d’abord donné sans jalousie la vitalité, pour manifester la magnificence de sa bonté.

Ce n’est pas qu’il manquerait de quelque chose, si pour cela il ménageait, à lui seul se l’appropriant, la vitalité ; il ne serait pas faible et sans force, si (même) il ne pensait qu’à la force de sa personne ; ni dénué de science, s’il conservait seulement pour lui-même la science ; ni dépourvu de sagesse, si, quand il distribue sa sagesse aux autres, quelque pensée de réserve (pour lui-même) entrait dans les esprits. Mais il est plein de vie et source de vitalité : il donne à tout la vitalité, et il reste lui-même plein d’une incessante vitalité. Il fortifie les faibles avec une grande et puissante force, et lui-même ne manque pas de la force fortifiante. Il octroie la science à tous les ignorants, et il a lui-même toute science en abondance. Il répand sur tous une sagesse intarissable, et il reste lui-même inébranlablement pourvu de la sagesse universelle.

Si les sources toujours jaillissantes qui ont été établies par son ordre, coulent sans cesse et ne tarissent pas, si de leur jet continu elles remplissent les besoins des autres, et restent elles-mêmes dans la même abondance continuelle, combien plus (riche) encore est celui qui a formé l’abondance de leur flux, lui qui est la source de bonté, lui qui a fait beau tout ce qu’il a fait, c’est-à-dire les êtres raisonnables et irraisonnables, intelligents et inintelligents, parlants et non parlants, etc. ! Aux êtres raisonnables et intelligents, entre les qualités particulières à chacun, il a assigné celle d’acquérir la bonté, et non pas la beauté ; car de la beauté il est le donateur. Quant à la bonté, il a fait le libre arbitre de l’homme cause (de cette vertu).

2. Si donc, celles des créatures qui sont belles sont réputées produites par le bon Créateur, selon quelques-uns, comme les Grecs païens, les mages et les hérétiques, qui admettent une mauvaise essence contraire à la bonne, (mauvaise essence) qu’ils appellent ὑλη, qu’on traduit : matière. Notre première et subite réponse est que, par le Créateur infiniment bon, rien de mal ne se fait. Il n’est rien de mauvais qui soit mauvais par nature ; Dieu n’est pas créateur de mauvaises choses, mais de bonnes choses.

Or, quelles sont celles des créatures qu’ils estiment bonnes, ou quelles (sont celles) qu’ils estiment mauvaises ? car souvent celle qu’ils estimeront bonne, prise isolément, sans mélange avec sa compagne, devient nuisible, ce qui est attesté par tous en général. Le soleil est bon, mais sans le mélange de l’air, il brûle et dessèche ; de même aussi la nature humide de la lune, sans le mélange de la chaleur du soleil, est nuisible, corruptrice ; et l’air, sans l’humidité de la rosée, et sans la chaleur, est nuisible, corrupteur ; et les eaux arrosent le sol de la terre et le corrompent ; et la terre sans les eaux se déchire et se fend. Ainsi les quatre natures-(éléments) d’où résulte la composition, la constitution de ce monde, prises en particulier, sont corruptrices les unes des autres : mêlées avec leur compagne, elles deviennent utiles et profitables. Il en est bien ainsi, cela est évident, pour tous ceux qui veulent apprendre.

Il est donc quelque puissance cachée qui, de natures destructrices les unes des autres, par les mélanges a fait des natures utiles les unes aux autres. Ceux qui ont un sens droit ne doivent pas glorifier le mobile, mais bien le moteur. Ce n’est pas ceux qui marchent, mais bien celui qui les fait marcher qu’il faut admirer ; car ceux-là (les objets mus), chacun par ses changements, montrent bien qu’il est un être qui les change ainsi : le soleil, par son lever, son ascension, son coucher, et la lune par sa croissance, son plein, sa décroissance ; et les autres d’entre les créatures, chacune, selon leurs natures, par leur mouvement et leur repos. Or, il n’est pas d’un esprit sain de laisser de côté le moteur, le modificateur, pour porter culte aux objets mobiles et modifiables et leur offrir adoration ; car l’être mû et modifié n’est point l’être essentiel ; mais, ou c’est le produit de quelqu’un, de quelque chose, ou c’est un être tiré du néant. Celui qui est et meut tout n’est lui-même ni mû, ni changé ; car il est essentiel et il est immobile.

3. Il est une essence éternelle, cause de l’être de tous ; c’est ce dont témoignent ceux mêmes qui ont introduit le culte du polythéisme ; ils argumentent ainsi : Nous, disent-ils, comme nous ne sommes pas capables d’approcher de la cause de tout, de l’être infini, éternel, inaccessible, pour cela, par (l’intermédiaire d’)autres êtres plus humbles, nous lui adressons un culte, et ceux, par (l’intermédiaire des)quels nous lui adressons ce culte, il faut bien aussi les honorer par des sacrifices et des offrandes.

Si, comme ils le témoignent, il est une seule cause de tout, l’être essentiel et éternel, il est évident que les autres êtres ne sont point essentiels et éternels ; et comment des êtres non essentiels, non éternels, avec l’être essentiel, avec l’être éternel, recevront-ils adoration ? Surtout des êtres corporels et apparents, comme votre soleil et votre lune, et les astres, et le feu, et l’eau, et la terre qui par les mages et les païens sont honorés.

Mais, si quelqu’un de ces gens-là dit : C’est bien ; il est une essence cause de tout, vous dites : or, s’il est une essence qui suscite, inspire tout dans tout, si rien ne lui est opposé, comment ces ministres si bons, si bienfaisants, qui ont été établis par elle (essence), comment nous ordonnez-vous de les mépriser ?

Nous dirons : Ces ministres si bons, si bienfaisants, qui ont été institués par elle (essence), nous n’ordonnons pas de les mépriser, mais nous ordonnons itérativement de ne pas offrir aux créatures le culte du Créateur ; car il n’y a de bienfaisant, de généreux que celui-là seul qui a fait tout sans parcimonie. Il conserve en vie les êtres raisonnables, invisibles, et n’est point jaloux ; je dis les anges, les âmes des hommes, les objets inanimés, chacun à leur place. Or, le soleil est bon et beau par nature, pour nous, pour toutes les créatures qui sont sous les cieux ; il est utile à la conservation, comme un flambeau dans une grande maison, allumé entre le toit et le sol, pour dissiper, écarter l’obscurité et les ténèbres des deux grands vases (ou cavités supérieures et inférieures) : mais, pour lui (soleil), s’il est, s’il n’est pas, il n’en sait rien ; car il n’est pas du nombre des êtres raisonnables et intelligents ; de même aussi des autres créatures inanimées ; et soit l’eau, soit le feu, soit la terre, soit l’air, si elles sont, si elles ne sont pas, elles ne le savent point. Mais le service pour lequel elles ont été instituées, elles le remplissent incessamment, sous la direction de celui qui les a formées ; et nous, nous ne méprisons pas ces créatures, mais aussi nous ne leur rendons pas de culte ; mais, en les contemplant, nous glorifions leur auteur, leur créateur, parce qu’elles sont faites pour nos besoins et pour la gloire de leur organisateur.

Comment adorerions-nous le soleil, qui tantôt est appelé comme un serviteur à venir faire le service auquel il a été destiné, et tantôt fuit comme épouvanté et cède la place aux ténèbres pour remplir l’espace dans la grande maison (de ce monde), et de temps en temps tourne à l’obscurité pour la condamnation et la honte de ses adorateurs ; manifestant (et disant ainsi) : je ne suis pas digne, moi, d’adoration, mais celui-là (en est digne), qui me conserve, moi, et tout le jour lumineux, celui-là qui fait poindre l’aurore ; quelquefois il obscurcit le soleil, et celui-ci, être inanimé, semble crier d’une voix sonore : je ne suis pas digne de recevoir adoration, mais de provoquer adoration (pour Dieu) ; ou (comment adorer) la lune qui chaque mois dépérit et meurt presque, puis reprend commencement de vie, afin de te peindre l’exemple de la résurrection ; ou (comment adorer) l’air, qui tantôt mugit furieux à commandement, et tantôt cesse de mugir, par l’effet d’une réprimande ? Ou (comment adorer) le feu, dont l’auteur t’a fait comme le second créateur ; car, quand tu voudras, tu l’enflammeras, et quand tu voudras, tu l’empêcheras de brûler ; ou (comment adorer) la terre, que continuellement nous creusons, que nous foulons sans cesse, et dans laquelle nous versons nos ordures, les ordures de nos bêtes ; ou (comment adorer) les eaux, que sans cesse nous buvons, dont nous changeons la douceur en putridité dans notre estomac, avec lesquelles nous purifions nos souillures intérieures et extérieures ?

D’après tout cela, il est évident que ce qu’ils tiennent pour des dieux, beaucoup ne le respectent ni ne l’honorent. Bien plus, un certain tremblement, emportement, s’empare des créatures, quand on leur rend l’honneur dû au Créateur : la terre manifeste cette agitation en s’ébranlant, les astres en s’obscurcissant, les airs en s’irritant, se déchaînant, la mer par la violence de ses flots menaçants ; car, si la sévérité du Créateur ne les retenait, chacune de ces créatures pourrait, à elle seule, exterminer tous (les téméraires), afin de tirer vengeance de leurs mépris pour le Créateur ; la mer, en les cachant dans ses profondeurs, elle qui, enfermée dans une faible enceinte, ne peut pas la franchir, d’après l’ordre (du maître) ; la terre, en les engloutissant, elle, qui sur rien demeure assise ; mais il ne lui convient pas de retourner et de faire retourner ses habitants au néant ; ou le vent, par la ruine des impies, lui qui est la vitalité de tous les êtres ayant souffle, et ne peut arrêter cette vitalité sans l’ordre du gardien de la vie ; ou les airs, tantôt en soufflant le froid glacial, tantôt en apportant l’excessive chaleur ; et tout ce qui est quelque chose deviendrait rien.

Mais voici que, comme un char attelé de quatre chevaux, nous voyons ce monde traîné par la chaleur, par le froid, par la sécheresse, et par l’humidité. Une puissance cachée est le conducteur qui maintient et soumet à une paisible et uniforme allure ces quatre coursiers mutinés l’un contre l’autre. Tous les chars sont attelés de bêtes de même race, mais lui (le char du monde), est le seul qui ne soit pas attelé de bêtes homogènes. Les chars qui sont attelés de bêtes de même race, culbutent quelquefois, quelquefois les coursiers jettent leur conducteur en peine et s’arrêtent eux-mêmes. Quelquefois aussi ils causent la destruction du char. Lors même que le char est sauf, le conducteur aussi, et les coursiers bien dressés, ils ne tendent qu’à se précipiter tout droit devant eux. Mais ce char merveilleux, attelé de bêtes contraires et dissemblables, conduit par une main cachée, ne se précipite pas seulement d’un seul côté tout droit devant lui, mais il se porte de tous côtés, se précipite partout, vole sur tous les points, et suffit à tout. Quand il marche vers l’orient, il n’est rien qui l’empêche de se porter vers l’occident ; et, quand il se porte vers le nord, il n’est rien qui l’empêche de voler vers le midi ; car la main du conducteur suffit à le faire arriver de tous côtés, et à le lancer aux quatre coins de l’univers.

4. Puis, à ces véridiques assertions, ils opposent d’inconvenantes questions. D’où viennent donc, disent-ils, de telles contradictions ? car, si Dieu est créateur des bonnes et non des mauvaises choses, d’où viennent les ténèbres ? d’où viennent les maux, d’où viennent les peines, d’où viennent les angoisses, causées tantôt par le froid, tantôt par l’excessive chaleur ? ou bien d’où viennent les barbaries ? car nous voyons deux hommes, de même race, animés l’un contre l’autre ; ils ont soif de la mort et du sang l’un de l’autre. D’autres fouillent les tombeaux, et des corps qu’ils ont déterrés et dépouillés, faisant un objet de moquerie, ils les montrent à la lumière du soleil, et, ce cadavre glorifié, pour ne pas prendre la peine de le cacher, ils le jettent peut-être en pâture aux chiens. Il arrive quelquefois que l’un fuyant, ira çà et là pour sauver sa vie ; que l’autre, enflammé de colère, courant après lui avec le glaive, ne s’arrête pas jusqu’à ce qu’il assouvisse sa fureur. D’où vient donc cette insatiable fureur ? Celui-ci arrache les habits de son compagnon, et, s’il revient à la charge, il le jette hors du soleil (de la vie) ; celui-là, ayant résolu de voler les droits du mariage d’autrui, s’élance illégalement sur une couche étrangère, et ne laisse pas le droit d’être père à celui qui est époux de par les lois. Souvent des combats s’engagent où le coupable et le juste sont exterminés ensemble ; de là des morts prématurées, des maux affreux. Mais, quel besoin avons-nous de les énumérer l’un après l’autre ? Il suffit de dire brièvement d’où provient tout cela, quel est le principe, le fabricateur de ces désordres, s’il est quelque puissance mauvaise qui laisse faire tous ces désordres, et qui en soit elle-même l’auteur ; car, dire Dieu créateur de pareilles choses, est inconvenant ; de lui les maux ne tiennent pas leur existence : comment est-il possible de les croire produits par Dieu ? car Dieu est bienfaisant et créateur de ce qui est bien, rien de ce qui est mal n’approche de lui ; il ne se plaît pas dans le mal, il en fuit les actes et les artisans. Car antipathiques sont les maux à la nature (de Dieu).

C’est pourquoi ils pensent qu’il était avec lui (Dieu) quelque chose qui s’appelait ὑλη, c’est-à-dire matière, d’où il a fait toutes les créatures, qu’il a séparées avec un art et une sagesse admirables, et a ornées d’agréments. De cette matière il faut croire les maux sortis, elle (matière) qui était ineffective et informe, et dans la confusion, serpentant çà et là, allait, venait, et avait besoin de l’habile mise en œuvre de Dieu. Dieu ne la laissa pas (cette matière) continuellement s’agiter dans la confusion, mais il vint faire les créatures, et des grossièretés (de la matière) il voulut extraire de bons, d’excellents objets ; il fit, il tira de la matière, autant qu’il lui plut de faire des créatures ; tout ce qui était lie, fangeux, impropre à la création, il le laissa, et de cette lie proviennent les maux de l’humanité.

5. Réponse. — Vraiment les maux qui arrivent mettent beaucoup de personnes dans la perplexité, beaucoup d’hommes sages à ce sujet ont fait de très-grandes recherches. Les uns ont voulu admettre quelque chose sans commencement avec Dieu ; les autres, à son instar, une certaine matière qu’ils appellent ὑλη, disant que d’elle il a fait les créatures. Quelques-uns ont renoncé à toute recherche, parce qu’à ces recherches il n’y a pas de fin. Mais quant à nous, il nous a fallu, par amour pour nos amis, et non pour affronter nos adversaires, d’après notre impuissance, en nous réfugiant dans les grâces de Dieu, (il nous a fallu) nous enfoncer dans la recherche des discussions ; surtout parce que, plein d’espérance, nous sommes confiant dans les bonnes et impartiales dispositions des auditeurs ; d’où il adviendra pour eux (l’avantage) d’apprendre la vérité, et pour nous (celui) de ne pas dépenser en vain nos discours ; car ce n’est pas par l’injustice que nous nous efforçons de vaincre, mais c’est par la justice que nous voulons apprendre la vérité.

Par là il est évident qu’à deux choses incréées il n’est pas possible d’être ensemble ; car là où deux êtres sont ensemble, il faut qu’il y ait quelque chose qui les sépare. Or, comment considèrent-ils Dieu ? comme étant en quelque place, en tout ὑλη, ou dans une seule partie de ὑλη ? S’ils disent que tout Dieu est en tout ὑλη, quelque grand qu’ils disent Dieu, ὑλη se trouve plus grand que Dieu ; car celui dans lequel est quelqu’un, celui-là dans lequel il est, se trouve plus grand que celui qui est en lui, puisqu’il a été capable de le contenir tout entier. S’ils disent que Dieu est dans quelque partie seulement de ὑλη, ainsi ὑλη se trouve mille fois plus grand que Dieu, puisqu’une partie de ὑλη a été capable de contenir tout Dieu ; et, si Dieu n’est ni dans ὑλη, ni dans aucune partie de ὑλη, il est évident qu’il y avait quelque autre milieu entre eux deux, plus grand qu’eux deux ; et non-seulement deux êtres se trouvent sans commencement, mais même trois êtres. Dieu, ὑλη, et surtout ce milieu plus grand que les deux (autres êtres).

Or, s’il était autrefois un ὑλη sans ornement, sans actualité, sans forme, et que Dieu l’ait orné ; car, de cet état mauvais, il a voulu le faire passer à un état meilleur ; donc il fut un temps où Dieu était dans des choses sans ornement, sans actualité, sans forme, et il fallait que, comme ὑλη, Dieu même s’agitât dans la confusion.

Si en tout dans ὑλη, comme ils le disent, était Dieu, quand il amena (ὑλη) à l’ornement, à l’actualité, à la forme, lui-même (Dieu) en qui pouvait-il se recueillir ? car il ne lui était pas possible de se recueillir quelque part. Est-ce que lui-même (Dieu), avec ὑλη, s’amenait aussi, lui, à l’état d’ornement, d’actualité, de forme ; car il n’y avait nulle part de lieu où se recueillir ? ce qui est de la dernière impiété.

Mais, s’ils disent que ὑλη était en Dieu, d’après cela il faudrait s’enquérir comment (y avait-il) séparation d’avec lui, comme les brutes au milieu de l’air, lesquelles sont dans l’air et séparées de l’air, ou bien (était-ce) en un lieu (fixe) comme les eaux dans la terre ?

Ὑλη, disent-ils, était impropre, sans ornement, sans actualité, mauvais ; si, selon leurs pensées, il en est ainsi, donc le lieu des maux était Dieu ; car les choses monstrueuses, sans ornement, étaient en lui ; ce qui est une injustice inouïe, penser que Dieu fut autrefois le réceptacle des maux, puis le créateur des maux ! De plus, il était inséparable même, s’il était là comme en un lieu fixe.

6. Maintenant il faut en venir aux causes des maux, et montrer d’où proviennent les maux, que Dieu n’est pas cause des maux, par cela même qu’ils mettent ὑλη auprès de lui. Or, quel ὑλη mettent-ils entre les mains de Dieu ? N’est-ce pas le ὑλη d’où il a tiré, fait le monde ? qui était sans forme, sans ornement, sans actualité ; car nous voyons ce monde (arriver) à différentes formes, aux ornements, aux actualités ; donc des formes, des ornements, des actualités, le créateur est Dieu, et (il ne l’est pas) des natures. Mais, si c’est l’œuvre du Créateur de faire les natures, et non pas seulement les ornements, les actualités et les formes, il est évident qu’il est superflu de penser que d’une matière quelconque présente avec lui, Dieu a fait ce monde, mais (il l’a fait) de rien et de ce qui n’existait pas. Il y a plus, nous voyons les hommes qui, de ce qui n’existe pas, font quelque chose ; ainsi vos constructeurs, non pas (avec) des villes font des villes, ni (avec) des temples des temples. Comme ils ne peuvent absolument de rien faire quelque chose, les pierres qu’ils disposent en bâtiments ne s’appellent plus pierres, mais villes ou temples ; car cette ville, ce temple, est l’œuvre, non pas de la nature, mais de l’art qui, (lui, est) dans la nature ; et l’art ne reçoit d’aucun objet, là présent, qui soit dans la nature, la connaissance de l’art, mais (il la reçoit) des accidents qui arrivent dans les natures mêmes. Car ce n’est pas à l’état personnel, issu (d’êtres) personnels, qu’il est possible de montrer l’art, mais (produit) d’accidents qui arrivent. Comme de la forge (procède) le forgeron, de la menuiserie le menuisier ; car l’homme antérieurement à l’art existe ; mais l’art n’est pas, si avant l’homme n’est pas. D’où il faut dire que l’art n’est par rien approprié aux hommes. S’il en est ainsi pour les hommes, combien plus encore est-il convenable de penser de Dieu, que non-seulement des actualités, des ornements, des formes, il est le créateur, mais que de rien il est capable de faire les natures, et non pas qu’il est une matière effective, d’où Dieu (a tiré et) extrait le bien en un tas, et le mal fangeux en un autre tas, d’où ce qui est fangeux s’efforce de troubler ce qui est clair.

7. Les maux qui arrivent, d’où viennent-ils ?

Nous demanderons aussi, nous : Les maux qui arrivent sont-ils personnes ou produits de personnes ?

Ils disent : Il est à propos de penser que (les maux) sont produits de personnes.

Et ὑλη, qu’ils disent improductif, informe ; comment improductif, informe pourrait-il faire naître des produits dans les autres, si ce n’est que les maux arrivent d’accidents, et non de lui ; car l’assassinat n’est pas une personne, et la fornication n’est pas une personne, ni les autres maux l’un après l’autre. Mais, comme de la science s’appelle le savant, de l’art l’artiste, de la médecine le médecin, non pas que ce soit des personnes, mais des choses dont on tire les noms, de même aussi les maux des accidents prennent leur dénomination.

S’ils imaginent un autre instigateur, promoteur qui jette les maux dans l’esprit des hommes, et de l’acte qu’il fait prend le nom de méchanceté. Mais il faut savoir que ce que fait quelqu’un n’est pas ce quelqu’un lui-même ; comme le potier, quand il fait des vases, n’est pas lui-même vase ; mais il est fabricant des vases, d’où il prend la dénomination de son métier ; de même aussi le malfaiteur, de l’action de faire le mal, prend le nom de méchanceté, qu’il soit fornicateur ou assassin. Donc, avec raison, les hommes sont dits auteurs des maux ; car ils sont eux-mêmes les causes du faire et du ne pas faire ; et les maux, nous ne devons pas les appeler personnes, mais produits de personnes, et mauvais (produits). S’ils demeurent dans cette stupidité, (en pensant) que, justement sans actualité, sans forme était ὑλη, et que Dieu l’a amené à l’ornement, aux formes, aux produits, donc ils supposent Dieu cause des maux. Mieux serait qu’un pareil objet fût resté informe, improductif, que d’arriver aux produits, aux formes, et de devenir la cause des maux des autres ; car, que peut être un individu qui serait, s’il était informe ? Il y a plus, dire informe, montre évidemment (qu’il s’agit) d’objets ayant forme. Or, s’il était quelque chose ayant personnalité, forme, il est superflu d’en dire créateur, Dieu.

Mais par cela même, disent-ils, que de la non-actualité, et de l’état-monstre (Dieu) a fait passer (cette chose) à l’état d’ornement, de forme, avec raison il est appelé créateur.

Ceci ressemble à cela. Quand, (avec) des pierres quelqu’un fait des constructions, de l’appropriation, de la disposition seulement il est créateur, et non de la nature même. Or, pour quel objet donc Dieu a-t-il fait l’informe, pour un état meilleur ou pour un état pire ? S’ils disent pour un état meilleur, alors, quant aux maux qui arrivent, ils doivent chercher d’où ils viennent ? Donc ces produits ne sont point restés tels comme ils étaient, mais, parce qu’ils ont été convertis à un état meilleur, meilleurs seulement ils paraîtront ; mais, s’ils ont tourné à un état pire, ils peuvent (les païens) dire que Dieu est cause des maux, puisque lui-même avait converti ces produits à un état meilleur.

Mais ils disent que Dieu a séparé (ce qui était) clair en un côté, d’où il a fait les créatures, et a laissé (ce qui était) fange.

Nous dirons : Puisque Dieu pouvait éclaircir ce (mélange impur), supprimer même les maux, et qu’il n’a pas voulu les supprimer, donc il faut le dire cause des maux ; car d’une moitié (de la matière) il a fait les bonnes créatures, et a laissé l’autre moitié telle quelle devenir (un moyen de) corruption pour les bonnes créatures. Si quelqu’un examine avec vérité les choses, il trouve ὑλη tombé dans un péril plus immense que (celui de) la première confusion ; car, avant le triage et la conscience des dangers des maux, ὑλη était dans la tranquillité et l’insouciance, et maintenant, par suite de la perception acquise des maux, il se trouve dans le trouble et la perplexité. Si tu veux, prends exemple de l’homme même ; car, avant de prendre forme et de devenir vivant, (l’homme) était non participant des maux, et, quand il vient à l’état d’homme, alors il est porté aux maux par son propre libre arbitre ; de même aussi, (par suite) de bonté, ce qu’ils disent émaner de Dieu, ὑλη, se trouve arrivé à un état pire.

Mais, si Dieu, par son impuissance à supprimer les maux, les a laissés tels quels ; par là même, ils imputent l’impuissance à Dieu, qu’il soit impuissant par nature, ou que, par crainte, il ait été vaincu par un autre être plus fort que lui : s’ils disent (Dieu) en proie à l’appréhension, vaincu par un être plus grand que lui, il faut qu’ils admettent les maux juges tyranniques des volontés de Dieu ; et pourquoi, selon leurs raisonnements, les maux ne seraient-ils pas dieux, eux qui peuvent vaincre Dieu ?

8. Puis encore nous demanderons, au sujet de ὑλη : Est-ce une nature simple ou (formée) par agrégation ; car les différentes factures des choses nous amènent à un pareil examen ; car, si nature simple était ὑλη et d’une seule forme, (comme) ce monde est établi, composé d’agrégations, de différentes natures et de mélanges, il est impossible de dire qu’il soit matériel ; parce qu’il n’est pas possible aux agrégations d’avoir, (de tirer) leur constitution d’une nature simple, car les agrégations s’adjoignent, (se forment) de natures simples (réunies).

Si de natures simples (ὑλη) a été joint (composé), il fut donc un temps où ὑλη n’était pas là, puisque, par l’adjonction des natures simples, ὑλη fut : d’où (il suit que) ὑλη paraît créé et non pas incréé ; car, si par agrégation était ὑλη, (comme) les agrégations tirent leur personnalité des natures simples, il fut donc un temps où n’était pas même ὑλη, avant qu’il ait surgi des (natures) simples entre elles, et, s’il ne fut pas un temps où ὑλη n’était pas, donc il n’exista pas un temps où ὑλη n’était pas incréé ; car, si Dieu était encore et les natures simples aussi incréées, d’où ὑλη (sortit agrégé), il est évident qu’il n’y avait pas seulement deux êtres incréés, mais cinq.

Et maintenant voyons, étaient-elles en harmonie les unes avec les autres ces natures, d’où ὑλη (sortit) agrégé, ou étaient-elles contraires les unes aux autres ? Or, voici que nous voyons ces natures contraires les unes aux autres ; car opposé au feu est l’eau, à la lumière l’obscurité, au froid le chaud, à la sécheresse l’humidité. Contraire et nuisible à soi-même n’est pas (chacune de ces natures), mais bien à sa compagne. De là il est évident que (ces natures) ne sont pas (nées) d’une seule matière, et qu’une seule matière ne provient pas de quatre (natures) contraires ; ainsi, quand advint la matière, ce n’est pas à elle-même qu’elle fut opposée, mais à sa compagne, comme le blanc au noir, le doux à l’amer.

9. Maintenant donc, laissant la question ὑλη, qu’ils appellent matière de tout, arrivons à la question des maux, qu’ils estiment émanés de ὑλη ; car, quand les maux seront évidemment démontrés n’être pas à l’état de personnes, de là ὑλη est aussi convaincu n’avoir jamais été, ni nature à l’état de personne.

Maintenant, au sujet des maux de l’humanité, nous demanderons : Ces maux sont-ils produits de personnes, ou sont-ils personnes ? car tous les mouvements qui ont lieu dans le corps et dans l’esprit, on ne peut dire que ce soit l’homme, mais mouvements volontaires ; car l’homme est à l’état de personne, et les maux ne sont pas à l’état de personnes, comme l’assassinat, la fornication, qui sont le fait de ses mœurs.

Or, si ces actes sont créatures à l’état de personnes, il faut aussi, quant à la cause qu’ils admettent, l’estimer créature à l’état de personne ; car celui, dont une partie est créature, il est évident que celui-là est entièrement créature, et celui, dont une partie n’est pas créature, il est évident que lui-même n’est point du tout créature : donc il fut un temps où il n’y avait pas de créateur entier, avant que Dieu eût fait l’homme, d’où proviennent les maux ; car, de la partie des maux l’homme se trouve créateur ; de là, il est évident que même des maux le créateur propre est Dieu : qu’il n’arrive jamais de dire que Dieu soit la cause des maux ! mais (la cause) est celui qui, par sa propre volonté, commettra l’acte de ces maux ; et, à celui par qui le mal est fait, justement est appliqué le nom de méchanceté, comme précédemment nous l’avons dit.

10. Maintenant, arrivons à l’examen même des choses, afin que, quand avec précision les assauts auront lieu, ils déploient facilement la manifestation de leurs arguments.

Or, diront-ils Dieu bon et bienfaisant ? Il faut qu’ils le disent bon et bienfaisant, qu’aucune méchanceté n’approche de lui ; et, s’il en est ainsi, d’abord au sujet de la fornication et de la luxure, nous demanderons, puis au sujet d’autres pareils (excès) : Si par l’ordre de Dieu se commettaient ces maux, pourquoi des artisans de ces maux (Dieu) tire-t-il vengeance ? mais par cela même que selon ces actes méchants il tire vengeance, il est évident qu’il n’agrée pas les maux, mais qu’il les hait et qu’il lance des punitions rigoureuses sur leurs auteurs, par qui, selon leur stupidité, les admonitions de Dieu sont estimées fléaux. Comme même encore à présent les meurtriers, quand ils arrivent au châtiment, n’appellent pas bienfaisants, mais malfaisants ceux qui leur infligent ces châtiments ; car telle est la manière des malfaiteurs : ce qui est justice ils l’appellent injustice. Pour qu’il ne nous arrive point de dire rien de semblable, estimons les maux non pas (êtres) personnels, mais produits de la volonté.

La luxure et la fornication arrivent par l’approche intime de l’homme et de la femme. Si un homme marié légitimement a commerce avec sa femme pour la filiation et la génération, bien est ce commerce ; mais, si un homme, laissant sa propre femme, ravit le mariage d’un autre, il fait acte de méchanceté ; et, quoique le commerce soit le même, l’exemple de ce commerce n’est pas le même ; car l’un est père légitime des enfants, et l’autre voleur (de paternité). Mêmes raisonnements aussi au sujet de la luxure ; si, pour la filiation, un homme s’approche de sa femme, c’est juste ; mais si, par concupiscence, il convoite (et cherche) ailleurs des plaisirs charnels, c’est là une grande iniquité. Il est évident que les choses deviennent mauvaises, alors que le besoin (et l’usage) n’en est pas consacré par les lois.

Touchant le meurtre, encore même discours. Quand quelqu’un tuera un homme surpris en adultère, faisant tomber sur lui le coup fatal à cause de son audace, il ne fait aucun mal ; mais, si quelqu’un tue un homme innocent, qui ne lui aura rien fait de répréhensible, (s’il le tue) ou pour ravir son bien, ou pour morceler sa propriété, il commet une méchanceté. L’acte est le même des deux côtés, mais l’exemple n’est pas le même.

Pour ce qui est de prendre quelque chose, mêmes raisonnements. Celui qui prendra d’un maître quelque présent ou quelque cadeau d’un ami, ne fait rien de mal ; mais celui qui violemment enlèvera quelque chose à un pauvre, fait acte de méchanceté. L’action de prendre de ces deux hommes est la même, mais l’exemple n’est pas le même.

De même aussi, pour le culte divin, par l’exemple se démontre le mal. Si c’est le vrai Dieu qu’un homme honore, il fait une action excellente ; mais si, ayant laissé le vrai (Dieu), aux pierres et aux bois comme (si c’était) à Dieu, il offre un culte, il fait un mal inouï ; car il a tourné à des choses inconvenantes l’exemple de ses devoirs. Si un homme fait une image, non pas pour l’amour d’un ami qui, par (l’effet de) la mort, a disparu de ses yeux, ou pour montrer son talent ; mais (si), prenant (cette image) pour objet de culte, il l’adore comme Dieu, (cet homme) fait acte de méchanceté.

Ainsi, dans la disposition de certaines choses, l’intention de l’ouvrier fait le mal ; comme le fer, tantôt au bien est employé, et tantôt au mal ; car, si un homme le fait pieu, faux, serpe, à de bonnes choses le fer a été employé ; mais si un homme le fait glaive, lance, javelot ou autre arme, qui soit nuisible à l’humanité, (cet homme) fait une œuvre de méchanceté. La cause du mal est donc l’ouvrier, et non pas le fer.

11. Or, les hommes, disent (les païens), auront-ils d’eux-mêmes ces mouvements, ou (ces mouvements) leur viennent-ils de Dieu ? ou y aurait-il quelque autre (être) qui les provoquât dans les hommes ?

Que de Dieu émanent ces effets dans les hommes, cela ne paraît pas convenable à dire. Mais avoir le libre arbitre fut le propre du premier homme créé par Dieu, et de lui (premier homme) ses successeurs l’ont hérité. Or, l’homme, ayant reçu le libre arbitre, à qui il veut se soumet ; ce qui est une grande faveur octroyée à l’homme par Dieu ; car toute autre (créature) est forcément soumise aux ordres divins. Si tu parles des cieux, ils demeurent fixes et ne remuent pas de la place à eux assignée ; si du soleil tu veux parler, il accomplit le mouvement à lui imprimé, et ne peut s’écarter de sa marche ; mais forcément il obéit à l’ordre de son seigneur ; de même aussi, nous voyons la terre solidifiée. Elle porte (en elle) l’ordre du maître, et tous les autres êtres du même genre sont soumis aux ordres du Créateur, et ne peuvent faire autre chose que ce à quoi ils ont été destinés. C’est pourquoi nous les louons d’observer ainsi les ordres (qu’ils ont reçus).

Mais l’homme, ayant reçu le libre arbitre, à qui il veut s’assujettit. Il n’est ni contraint par la nécessité de la nature, ni arrêté par cette puissance qui lui a été donnée pour le bien ; mais par son obéissance seulement il trouve avantage et profit, et par la désobéissance dommage ; et cela, non pas pour le malheur de l’homme, disons-nous, mais pour son plus grand bien ; car, s’il était comme un individu des autres natures, qui forcément servent Dieu, il ne serait pas digne de recevoir le prix dû à son action volontaire, mais il serait comme un instrument du Créateur. Quoique le Créateur le poussât au mal ou au bien, ni le blâme ne lui serait (dû) ni la louange ; mais la cause serait celui-là qui l’aurait poussé. De plus, l’homme dès lors ne connaîtrait rien de mieux ; car il ne serait capable de rien autre chose que de ce à quoi il aurait été approprié. Mais Dieu a voulu honorer ainsi l’homme, que pour qu’il devienne instruit du bien, il lui a donné le libre arbitre, à l’aide duquel l’homme puisse faire ce qu’il voudra, et (Dieu) l’avertit de faire tourner au bien ce libre arbitre.

Comme un père, quand il engage son fils, afin qu’il puisse apprendre quelque science, à ne pas se relâcher de ses études, il le presse de progresser dans le bien, parce qu’il sait que (son fils) peut faire des progrès, il exige de lui application à l’étude à laquelle il a été destiné ; de même aussi il faut penser de Dieu, qu’il dispose l’homme à écouter ses ordres. Mais, quant au pouvoir de faire ce qu’il veut, Dieu ne lui retire pas ce pouvoir, par lequel l’homme puisse obéir ou désobéir aux ordres de Dieu. Mais il engage et dispose l’homme à désirer ce qui est bien, afin qu’il puisse devenir digne des grands bienfaits (de Dieu) s’il obéit à Dieu ; mais de manière qu’il ait le pouvoir de ne pas obéir ; car ce n’est pas inconsidérément que Dieu a voulu octroyer à l’homme ce présent, qui est l’éternelle indestructibilité. Or, il serait inconsidéré de donner un pareil présent à celui qui n’aurait pas le pouvoir des deux actes, (savoir) d’obéir à ce que Dieu voudrait, et de ne pas obéir à ce que (Dieu) n’agréerait pas ; mais cela est juste, quand l’homme reçoit le digne prix de ce qu’il a fait.

Comment apparaîtrait le choix des actes, si l’homme n’avait pas le pouvoir des deux partis : obéir et ne pas obéir ? Il est donc évident que l’homme a été créé libre de faire le bien ou de se porter au mal ; non pas qu’il y eût devant lui quelque mal auquel il dût se porter, mais il y avait seulement devant lui le choix : obéir à Dieu ou lui désobéir, fait que l’homme comprenait être seulement la cause du mal ; car le premier homme créé reçut un ordre de Dieu, et, n’ayant point obéi à cet ordre divin, il se porta au mal ; de là vint le commencement des maux.

D’où (il suit que) personne ne peut montrer le mal comme être incréé et personnel ; du Créateur il n’émane point, mais il est arrivé par l’audace de l’homme rebelle, et provoqué par la doctrine de quelqu’un ; car tel n’a pas été constitué l’homme naturellement : personne ne peut prouver cela. Si l’homme avait reçu (en partage) une telle nature ; donc, d’après sa nature créée, la doctrine des livres divins ne lui eût point été offerte ; comme dit quelque part le langage divin, * dès l’enfance, l’homme s’est adonné aux soins du mal, pour montrer que, celui qui s’adonne (au mal), s’y adonne volontairement et non par (force), par la tyrannie de quelqu’un.

Donc, l’impudence seule qui, en dehors des volontés de Dieu, se commet, doit être estimée cause des maux. Il ne faut pas compter d’autre docteur caché, instigateur, tyran, qui ait voulu dépouiller l’homme de ses perfections. Si donc ils veulent scruter encore la cause, qu’ils estiment donc l’envie qui vint chez l’homme cause (véritable) ; et si, touchant cette envie, ils examinent attentivement d’où elle advint, nous dirons qu’elle vint du surcroît d’honneur rendu à l’homme ; car seul, l’homme, selon l’image et la ressemblance de Dieu fut fait. Or, si par cela même ils veulent dire Dieu cause des maux, ils tombent en dehors de (toute) pensée judicieuse. Si Dieu avait soustrait quelque chose de lui, et l’eût donné à l’homme, peut-être justement, comme cause des maux, serait-il regardé, lui, donateur ? mais, si, tel qu’il était, Dieu s’est conservé, s’il a voulu faire l’homme ainsi, la cause des maux, c’est l’envieux ; car, quand un homme a dix esclaves, et qu’il retient l’un dans l’esclavage, inscrit l’autre comme fils adoptif, si celui-là se ruant sur celui-ci, le tue ; est-ce que, comme cause du mal, il faut regarder le maître, lui qui n’a rien soustrait à l’un de ses esclaves, mais a donné à l’autre (esclave) ?

12. Mais ils demandent encore cela : S’il n’y avait aucun mal présent, d’où (vient que) le serpent, que vous appelez Satan, a pressenti les circonstances du mal ?

Nous disons que Satan, dans sa méchanceté, a pressenti la révolte de l’homme contre Dieu ; pour cela même, il a disposé l’homme ; comme, lorsque quelqu’un a un ennemi (qui), cachant son inimitié, veut secrètement lui nuire ; quoiqu’il ne sache point les (moyens) et circonstances pour pouvoir nuire, il tourne, il s’ingère à chercher (tous) les moyens ; puis, ayant trouvé le temps (propice), quand un des médecins de son ennemi lui donnera ordre de ne pas toucher à telle chose, de ne pas goûter de tel aliment, afin de pouvoir ainsi arriver à la santé, celui-là (le perfide) ayant entendu (la prescription), avec la feinte apparence de l’amitié, blâmera le médecin, fera, par ses insinuations, regarder comme nuisibles ses salutaires prescriptions, donnera des ordonnances contraires à celles du médecin, et par là fera tort au malade. Ce n’est pas que, précédemment, (cet ennemi) sût les circonstances (ou moyens) de pouvoir nuire ; mais, d’après l’ordonnance du médecin, ayant trouvé ces moyens, il devint nuisible ; de même aussi on pense à l’égard de Satan, qu’il était jaloux du premier homme créé, mais qu’il ne savait pas les circonstances (ou moyens) pour pouvoir nuire ; car il n’y avait là présent rien de mal, d’où il pût prendre (tirer la connaissance de ces) circonstances. Instruit d’après l’ordre de Dieu qui fut donné à l’homme, pour l’empêcher de manger (du fruit) d’une plante mortifère, (Satan) proposa à l’homme (son perfide conseil). Ce n’est pas que cette plante fût inutile à l’alimentation de l’homme, ni nuisible par sa nature, et que pour cela l’homme fût empêché d’en goûter ; mais la désobéissance (de l’homme) fut cause de sa mort, comme (il arrive) au prévaricateur qui transgresse l’ordre du maître qui lui aura été imposé.

Or, l’ennemi de l’homme l’a porté à transgresser l’ordre de Dieu, non pas qu’il sût pertinemment si par là il pouvait faire quelque tort à l’homme ; mais il restait dans l’incertitude s’il en serait ou n’en serait pas (ainsi). Puis, après l’arrêt de Dieu qui advint contre l’homme, à cause de sa transgression, (Satan) comprit que les ordres de Dieu causaient sa mort, et que, justement, ils étaient punis, lui et l’homme qu’il avait entraîné à la rébellion, à goûter (du fruit) de l’arbre qui, non mortifère par nature, mais d’après les menaces de Dieu, devint cause de ces événements.

Comme nous ne pouvons inculper un médecin pour avoir prédit d’avance de quelle manière un homme pourra revenir à la santé (si) celui-là (le malade), laissant de côté les ordonnances du médecin, écoute l’ennemi qui donnera des conseils nuisibles ; ainsi, la cause du dommage, il ne faut pas la croire le fait du médecin qui, précédemment, avait annoncé (le contraire), mais le fait de l’ennemi qui, d’après la prescription du médecin, a trouvé (les moyens de) nuire ; de même aussi de Satan nous disons : étant ennemi des hommes, il ne savait pas les circonstances des maux ; mais, avisé d’après l’ordre de Dieu, il voulut nuire à l’homme afin que (l’homme) si, sans la volonté de Dieu, goûtait du fruit de l’arbre, reçût pour punition la mort ; car, si précédemment Dieu n’avait pas averti l’homme de ne pas manger de la nourriture de cet arbre, et que l’homme non sciemment en eût mangé, il n’y eût pas eu pour lui peine de mort ; ou, comme si, sans le savoir, il en eût mangé, ou bien encore, pour ne pas s’abstenir du fruit de l’arbre, il n’aurait pas été passible de punition ; car l’enfant qui, nourri jusqu’alors de lait, se jette sur quelque autre aliment, ne doit pas être puni, mais empêché, vu que, par l’absence du lait, il s’est porté à cet acte. De plus le serpent, qui est Satan, a été justement puni à cause de son inimitié implacable pour l’homme.

Donc, le commencement des maux est la jalousie, disons-nous, jalousie conçue surtout à cause des grands honneurs accordés à l’homme, et les maux proviennent de sa désobéissance ; car Dieu honora ainsi l’homme magnifiquement, et (l’homme) se révoltant, rejeta les ordres de Dieu ; d’où (il suit que) tout le mal qui arrive n’est pas mal par nature, nous le savons, mais, parce que sans la volonté de Dieu se font certaines choses, elles deviennent mal.

De plus, comme Satan provenait de Dieu, il savait que, si quelqu’un n’obéit pas à Dieu, c’est mal, et non pas bien ; car c’eût été une créature privée de sens par Dieu, s’il n’eût pas su que, ce qui selon la volonté de Dieu se fait, est bien, et que ce qui hors de sa volonté arrive, est mal ; et, pour cela, justement Dieu tourmente (Satan), parce que (Satan) connaît le bien et ne le fait pas. Il est instruit du mal et ne le fuit pas. Dieu ne l’a constitué ni mauvais, ni malfaisant, ni tentateur, lors même que, par son moyen, il purifie les justes éprouvés (par la tentation). (Satan) ne s’est donc pas trouvé mauvais de lui-même, ni être incréé et opposé à Dieu ; mais, fait intelligent par Dieu, pourvu (des moyens) de savoir qu’il est mal de résister à l’ordre de Dieu ; et son action de se porter à ce qu’il savait être mal, nous l’appelons révolte, impudence, non pas que cette impudence soit à l’état de personne et comme un être précédemment trouvé, venu à la connaissance de Satan ; mais ce fut comme quelque chose résultant des accidents de sa volonté.

De plus, au sujet de l’homme, justement, disons-nous, il subit le fatal arrêt pour ce qu’il fait ; car il va volontairement chercher l’enseignement des choses dont, quand il voudra, il peut s’abstenir ; car il a la puissance de vouloir et de ne pas vouloir ce après quoi il court, ainsi que le pouvoir de faire ce qu’il veut.

13. Puisque, disent-ils, vous ne voulez pas dire Dieu créateur des maux, mais (vous voulez qu’ils émanent) des hommes, à l’instigation de Satan, (par son influence) sur eux, qui lui obéissent et qu’il a trompés, alors les hommes subissent une juste punition ; car ils pouvaient couper, rejeter loin d’eux les maux, et ils ne l’ont pas voulu. Maintenant, au sujet même de Satan, nous demanderons : Dieu l’a-t-il fait tel (qu’il est) ? s’il n’était pas tel (qu’il est), Dieu l’a-t-il disposé à malfaire ?

Si tel (qu’il est) l’avait fait Dieu, il ne devrait pas tirer punition (de Satan), parce que (Satan) a conservé la condition de la nature dans laquelle l’a fait Dieu. Quiconque, non par l’effet de sa volonté, commet quelque acte, ne doit pas pour cet acte subir punition. Mais quiconque volontairement peut agir, et commet un acte de perversité, justement est puni, parce qu’il ne s’est pas arrêté à ce que Dieu veut. Si donc (Satan) a été fait bien par Dieu, et que de lui-même il ait tourné sa volonté au mal, en s’éloignant du bien, c’est avec justice que punition est tirée (de Satan) pour les actes qu’il a osé commettre ; car Satan, nous le savons, nous, n’a pas été fait Satan par Dieu ; mais ce nom de Satan, il l’a reçu comme son propre nom, à cause de son égarement ; car Satan, d’après la langue des Hébreux et des Syriens, se traduit par : égaré ; mais une certaine force pour le bien lui a été constituée par Dieu ; et Satan, animé de haine contre l’homme, s’est fait volontairement son tentateur. Ayant laissé la soumission due à Dieu, il commença à lui désobéir, à enseigner aux hommes à résister aux ordres de Dieu ; et, comme un rebelle, (Satan) se tint éloigné de Dieu ; (c’est ce que) témoigne le langage divin, qui l’appelle dragon (en disant que :) * par ordre, il a tué le dragon révolté. Juste est cette parole. Dieu a tué le dragon, par cela même qu’il a donné le pouvoir de le fouler aux pieds. Révolté, ainsi l’appelle l’Écriture. Si tel qu’il a été fait par Dieu, il était resté, (l’Écriture) ne l’appellerait pas révolté ; car, quiconque se révolte laisse de côté son engagement, par quoi il montre qu’il n’est pas incréé ; car s’il était incréé, il ne changerait rien à sa nature d’être ; car il est impossible à la nature de quelqu’un, sans sa volonté, d’être tantôt bonne, tantôt mauvaise.

14. Or, si (Satan) n’était pas incréé, disent-ils, selon votre Satan à vous, si tel il n’était pas fait par Dieu, il s’est donc de lui-même détourné du bien vers le mal, c’est-à-dire de l’obéissance à la désobéissance ; vous avez dit cela. Dieu savait-il si (Satan) deviendrait ainsi (rebelle), ou ne le savait-il pas ? Si (Dieu) le savait, et fit (Satan) ; Dieu lui-même est cause de la malversation (de Satan). Si Dieu ne le savait pas, comment a-t-il fait cet être, ne sachant pas quel il deviendrait ?

Imputer l’ignorance à Dieu, c’est là une incroyable folie, car seul il a la prescience de l’avenir. Mais, comme bienfaisante essence est Dieu, il n’a pas voulu cacher sa suprême grandeur. C’est pourquoi d’avance il savait que Satan s’égarerait, et disposerait les hommes à ne pas écouter ses ordres, et Dieu, pour laisser se manifester le libre arbitre de l’homme, fit Satan, afin que la surabondance de sa bonté devînt évidente aux hommes, à cause du pardon fait aux hommes de leurs péchés antérieurement commis ; car, quand ils verront Satan tomber dans l’impiété, et non exterminé, au sujet même de leurs péchés, ils comprendront qu’il est un moyen de pardon par la pénitence, afin que la bonté de Dieu se manifeste, et que les hommes reconnaissent sa grâce ; car, s’il n’en avait pas été ainsi, on n’aurait point été instruit de la bonté de Dieu.

Dieu, disent-ils, après que Satan se fut égaré et eut trompé les hommes, pourquoi ne l’a-t-il donc pas exterminé, pour l’empêcher de faire périr une foule (de victimes) ?

Ce n’est pas que Dieu ne fût assez puissant pour exterminer Satan ; car il n’y a point du tout impuissance en Dieu ; mais c’est que ce n’eût pas été une grande affaire pour Dieu de tuer lui-même Satan, et de faire retourner au néant une de ses infimes créatures ; (Dieu ne voulait) pas qu’on pensât que, pour ne pas endurer la méchanceté de Satan, il l’eût tué. Secondement, c’est que, inconnue serait (restée) pour les hommes à venir la bonté de Dieu, si d’avance il eût tué Satan ; car personne n’aurait eu (alors) de signe (certain) pour appeler Dieu bienfaisant ; mais peut-être fût-elle entrée (dans l’esprit des hommes) cette pensée que Satan était un être égal à Dieu, et que Dieu (pour cela) s’était hâté de l’exterminer. C’est pourquoi Dieu l’a conservé et ne l’a point exterminé, afin que les hommes, quand ils seront instruits de ce qui est bien, puissent vaincre Satan, contrairement à ceux qui, en premier, ont été vaincus par Satan.

Ce qui est encore plus grand, plus étonnant, c’est que l’homme de Dieu, armé du secours de Dieu, après avoir combattu, vaincra Satan. Comme un maître d’armes, de tous les moyens et coups possibles s’étant ingénié à instruire ses élèves, pour montrer tous les accidents et circonstances des combats, afin qu’ils puissent vaincre leurs adversaires, enverra (ses élèves) s’escrimer contre ces adversaires, les avertissant de bien faire attention à la victoire, au point même de mépriser la vie ; car il vaut mieux que, pour (la gloire de) leur nom ils meurent, que de demeurer en vie et d’être déshonorés. Ceux-ci (les élèves), gravant dans leur esprit la recommandation du maître, et les avantages de la victoire, l’emporteront sur leurs adversaires, tout couronnés arriveront près du maître ; et, comme signe de leur (heureuse) lutte contre leurs dits adversaires, à leur maître apporteront leur couronne. Mais, si (ces élèves) n’ont point gravé dans leur esprit les leçons du maître d’armes, ils ne peuvent point aspirer à la victoire et aux couronnes ; ils sont abattus, déshonorés par leurs adversaires. À bon droit désormais ils sont insultés, tourmentés, et la mort même pour peine de leur lâcheté ils ont à subir.

De même aussi il faut comprendre, touchant Dieu, que par ses commandements il conduit bien les hommes, pour couronner le vainqueur et faire (rougir) de honte le lâche. Si un homme compte pour rien les commandements de Dieu, quand (cet homme) luttera et combattra contre le tentateur, il sera promptement défait ; car il n’a pas le signe de la victoire ; et (c’est) justement (qu’il) subit la peine d’un pareil coup, parce qu’il n’a pas ressemblé à son compagnon qui a lutté et vaincu.

Ainsi, pour cela, Dieu a laissé (vivre) Satan comme (pour servir) aux exercices des luttes du monde, afin que, quand les champions (de Dieu) lutteront et vaincront Satan, la gloire de la première victoire (de Satan) soit brisée par ces hommes d’à présent, qui, par l’effet de leur grand désir du bien, auront défait (Satan), et le signe de la victoire, ils l’érigeront comme signe de leurs glorieux exploits ; car jeté, foulé sous nos pieds, Satan abattu succombe et meurt ; il est terrassé par l’effet de notre passion pour le bien, et livré à une défaite (complète).

15. Or, après acquiescement atout cela, les insensés, ils mettent en avant la même chose. Par nature sont les maux, disent-ils, et non produits de la volonté.

Nous disons : Si par nature sont (les maux), pourquoi des lois sont-elles établies par les rois, des rigueurs par les princes, des punitions par les juges ? N’est-ce pas pour extirper les maux ? De plus, si par nature sont les maux, le législateur ne doit point porter de lois, ni le prince lancer des peines sur le malfaiteur. Pourquoi punirait-on celui-là qui, non par volonté est méchant, lui qu’il faudrait prendre en pitié, et non pas lancer sur lui des peines (sévères) ?

Ainsi donc, si cet homme se débauche avec une femme, il ne doit pas être inculpé ; car (ce n’est) pas par volonté, comme ils disent, (qu’il) a été porté au mal, mais (il y) a été forcé par nature. Si son fils, prenant un glaive, fond sur lui, qu’il ne soit pas inculpé ; car, non par volonté, il marche ; mais le mal le porte à cela. Si un homme par un voisin et un ami est injurié, qu’il ne l’injurie pas à son tour, mais que même il ait encore plus pitié de lui ; car (ce n’est) pas lui (le voisin, l’ami) qui l’insulte, mais (c’est) le mal qui pousse tyranniquement (l’insulteur). De même, quand une fille méprisera sa mère, une belle-fille son beau-père, une femme son mari, un esclave son maître, et un frère son frère, qu’ils ne portent rien de fâcheux dans l’esprit de ceux qui ont été méprisés, mais que ceux-ci (au contraire), aient pitié de ces gens-là, comme (de gens) tyrannisés par le mal.

Or, si nous voyons que le roi tire vengeance de ses lois (violées) et par cette vengeance (justement tirée) arrête le dommage, le juge enchaîne plus ou moins fortement le voleur et le bandit pour lui enlever les moyens de nuire ; un père, condamnant à mort son fils pervers, le livre aux juges ; tous les autres (hommes) tirent vengeance des insultes (qu’ils éprouvent) soit par eux-mêmes, soit par les princes ; il est évident que les maux qui se commettent sont nés de la volonté et non pas naturels ; mais allons, cet homme plongé dans la concupiscence lie-le fortement et frappe-le rudement, vois s’il se trouve encore en lui (le moindre) souvenir de sa concupiscence ; et vraiment, ce n’est pas en vain qu’a été dite cette parole du sage : * Que l’esclave qui n’entend pas par l’oreille, on lui fait entendre par l’échine.

De plus, d’autre part, nous pouvons comprendre que la nature de l’homme est désireuse du bien et non des maux ; car le fornicateur qui commet la fornication, tandis qu’il est encore même en acte de fornication, si quelqu’un l’appelle fornicateur, il se fâche. La putain, qui se prostitue publiquement, n’aime pas à entendre le nom de prostitution. De même aussi le voleur et le brigand, et même les (autres) malfaiteurs, quoiqu’ils commettent acte de forfaits, ne veulent pas accepter le nom de forfaits. De plus, le fourbe en état de fourberie qui, par de douces (et insidieuses menées), voudra faire tort à son compagnon, cache sa fourberie, et, comme s’il donnait quelque bon avis, le séduisant, il jette dans les dommages (de la perdition) l’innocent ; mais, s’il ne revêt cet extérieur de bien et ne fait le doucereux, il ne peut détourner de l’équité celui qui connaît l’équité.

De plus, quand quelqu’un veut amener à la douceur un prince sévère, il ne peut ouvertement aller lui dire : Tu es sévère ; mais s’approchant de lui avec de douces paroles, il le supplie, (en disant) : Seigneur, tu es doux et bienfaisant à tous, tout le monde te tient pour juste, et ainsi il peut tout doucement adoucir la sévérité du prince, le plier et l’amener à ce qui est juste et digne. De même aussi auprès d’une personne irritée et contristée, auprès d’un homme envieux, on s’approche avec douceur et on l’apaise. Et de là il est évident que la nature des hommes est désireuse du bien et non du mal.

Si la férocité des bêtes féroces fait penser (aux païens) que c’est un mal par nature, qu’ils sachent que la moitié des brutes a été faite pour les besoins (de l’homme), comme le gros et le petit bétail, et tout ce qui est bon à manger et à porter. (L’autre) moitié (des brutes a été faite) pour faire naître la crainte dans l’esprit des hommes ; car si les bêtes féroces sont terribles, les dragons, les serpents et autres animaux nuisibles, et que l’homme soit superbe à ce point, que, franchissant les bornes de la crainte de Dieu, il lui résiste, si ces bêtes terrifiantes n’étaient pas, combien encore plus (l’homme) ne se tiendrait jamais dans le devoir !

Il y a plus, les choses mêmes qui sont crues mauvaises par les insensés, souvent deviennent utiles et préservatifs de la mort. Qu’y a-t-il de plus mauvais que le serpent, et de lui (cependant vient) la thériaque. Ainsi de drogues meurtrières, qui ont été composées par la perfidie des hommes, il n’en est pas résulté la mort, mais la guérison. Si par nature chose mauvaise était le serpent, ou créature de quelque mauvais être, il ne se trouverait absolument rien en lui d’utile, et jamais il ne se départirait de sa férocité. Nous le voyons même par l’art des enchanteurs devenu apprivoisé ; il est pour eux comme un danseur de corde, souvent même il habite dans la même maison sans faire aucun mal aux habitants.

Or, si c’est un païen qui regarde comme mauvais par nature certains objets, il sera réfuté par ses compagnons d’art, les éleveurs de serpents. (Ces gens), qui savent si bien apprivoiser les serpents, au point de les appeler par des enchantements dans les maisons, de leur présenter à manger, comme (faisaient) les Babyloniens au dragon qu’ils adoraient, mais leur dieu chéri le tua pour en faire sa nourriture ordinaire.

Si c’est un mage qui dise mauvaises créatures les bêtes féroces, à cause de leur férocité, il sera réfuté, blâmé par le sens commun ; car, si les bêtes féroces sont créatures du mal et la terre créature du bien, comment (elle) créature du bien, sera-t-elle mère nourrice des créatures du mal, qui par elles sont alimentées et se reposent dans son sein ? car deux choses contraires l’une à l’autre sont destructrices l’une de l’autre, comme la lumière (est destructrice) des ténèbres, et la chaleur des frimas.

Donc, si les bêtes féroces étaient créatures du mal et la terre créature du bien, les consommer serait un devoir pour la terre, et non les entretenir ; (elle devrait) les anéantir et non pas les propager. Si donc la terre nourrit les bêtes féroces et ne les détruit pas, il est évident que par le même créateur, par qui la terre est produite, les bêtes féroces ont été faites. Et surtout ces bêtes féroces, dont ils disent qu’elles sont produites par le mauvais créateur, montrent bien qu’elles ne sont pas d’ailleurs que de la terre, par cela même qu’elles sont nourries par la terre, qu’elles l’habitent, et, qu’ayant erré sur la terre, elles redeviennent terre.

De plus, si par le mal étaient faites les mauvaises (créatures), rien d’utile ne se trouverait (résulter) d’elles, mais elles seraient entièrement malfaisantes. Or, si nous voyons que les peaux d’une partie (des bêtes féroces) servent d’enveloppe à notre nudité, que la graisse des unes sert à l’éclairage, celle des autres (est bonne) pour les membres, comme la graisse du lion, de l’ours et autres animaux successivement ; il est évident que par le créateur du bien (ces créatures) ont été faites, par cela même que l’on trouve en elles quelque chose d’utile ; car une bête qui est (créature) mauvaise, tout en elle est nuisible, et la peau et la chair. Mais nous nous revêtons de leur peau, et elle ne nous fait point de mal, et même si quelqu’un prenait leur chair, même leur cœur et le mangeait, cela ne lui ferait point de mal, comme du sanglier, qui est la plus féroce de toutes les bêtes féroces, on mange la chair et elle ne fait point de mal ; de même aussi, si quelqu’un mangeait leur chair (celle des bêtes féroces), elle ne lui ferait point de mal.

Dans le gros bétail, qu’ils disent fait par le bon créateur, il se trouve quelque chose de nuisible. Manger de la chair de taureau est une nourriture du corps, mais si quelqu’un boit du sang (de taureau), il est perdu. De même aussi dans les plantes, il en est qui, prises isolément, sont mortifères, et (qui), mêlées avec d’autres plantes, deviennent un remède pour différentes douleurs. La mandragore, si quelqu’un en mange seulement quelque peu, est meurtrière, et, mêlée avec d’autres racines, elle est somnifère pour les personnes privées de sommeil. Et le mil, si dans un temps de grande chaleur quelqu’un en mange, comme il est rafraîchissant, il dissipe la grande chaleur de l’estomac, et si, par un temps frais, quelqu’un en mange, il fait mal. Et l’eau extraite (du mil) non mélangée, si quelqu’un en boit, c’est un homme mort. Et le sperme, délayé dans l’eau, si quelqu’un en boit, il le retire de la concupiscence. Et le chanvre est un arbuste dont la semence est un remède qui sert encore à arrêter la concupiscence. Et la ciguë qui, prise seule dans un temps fixe, est mortifère, (c’est aussi) par elle que les médecins ont imaginé de détruire les fièvres invétérées. Et la titinaille est une espèce qui seule est meurtrière ; mêlée avec une autre drogue, elle est un remède contre la bile et préserve de la mort.

Donc, pour n’avoir pas regardé avec droiture (et attention) ces choses incohérentes, ils ont imaginé qu’il y avait quelque chose de mal par nature. Mais Dieu, avec tant de sagesse, a fait l’homme (de sorte) qu’il puisse profiter même de ces drogues ; (que même dans celles) qui sont réputées nuisibles, il puisse encore, par (certains) moyens, trouver utilité, (comme) pour reprendre la conduite des insensés, (en leur prouvant) qu’il n’est rien qui soit mal par nature.

16. Mais, quoique ces gens-là ne croient point aux lois divines, ne privons pas nos amis d’une réponse directe.

Tant de mal n’existait pas par nature dans les bêtes féroces, avant que Dieu, ayant amené ces nouvelles créatures au nouvel homme créé, lui eût enjoint de leur imposer des noms ; et, si ces créatures ne s’étaient pas approchées (de l’homme), comment leur eût-il assigné un nom à chacune selon leurs espèces ? Donc, si ces bêtes s’approchèrent et eurent familiarité avec l’homme, il est évident qu’elles n’étaient ni mauvaises, ni malfaisantes pour l’homme. Mais après sa transgression des ordres de Dieu, (à l’homme) furent données ces bêtes terrifiantes pour arrêter l’orgueil de cet être terrestre qui a été fait de terre et devait retourner en terre.

Ce premier état d’innocuité des bêtes à l’égard de l’homme (est un fait dont) témoignent leur apprivoisement, leur familiarité actuels ; car un (homme) élève le petit d’un loup, et (le louveteau), comme les petits d’un chien, avec familiarité s’attache (à cet homme). Un autre (homme) ayant élevé le petit d’un lion, il l’habitue aux embrassements et aux caresses, au point d’étreindre son nourrisson, et si quelqu’un approche, (l’animal), n’oubliant pas les mœurs de sa férocité, fond sur lui ; (le maître), grondant alors l’animal comme (il gronderait) un chien, abat son indomptable férocité. Un autre (homme), ayant élevé le petit d’un ours, lui apprend à danser, et, le formant aux manières des hommes, détruit ses mœurs féroces. Quelque autre personne ayant attrapé des singes sauvages, les dresse en farceurs, en faiseurs de grimaces, et de toutes sortes de mauvais tours. D’autres, ayant pris des basilics aux formes féminines, par des enchantements les amènent à être en familiarité avec l’homme, détruisant ainsi leur venin meurtrier.

Or, si mauvaises par nature étaient les bêtes féroces, il ne serait pas possible à ces êtres nuisibles, avec leur caractère malfaisant, de prendre des manières apprivoisées, et si, quant aux chaleurs excessives, au froid glacial, ils les croient faits pour nuire par le mauvais créateur, qu’ils sachent donc : que, si la neige et les frimas ne durcissaient les montagnes, les racines des plantes ne grossiraient pas, et, si la grande chaleur n’échauffait les plaines, les fruits ne viendraient pas.

17. Si les maux et les maladies et les morts prématurées, et la mort elle-même, ils pensent tout cela produit par quelque mauvais créateur, s’ils croyaient aux lois divines, (arguant) de ces lois elles-mêmes, nous leur ferions réponse. Mais, puisqu’ils supposent produits par le mauvais créateur tous ces désordres, nous leur demanderons, nous : Du créateur des biens, et (du créateur) des maux, lequel est le plus puissant ? S’ils disent que le créateur des biens est (le plus) puissant, ils mentent ; car s’il était plus puissant que le créateur des maux, il ne lui donnerait pas (permission) de jeter ses maléfices sur les bonnes créatures, et, de plus, il ne devrait pas lui donner aucune place sur son territoire ; car si (le créateur du bien) était quelque peu puissant, d’abord il séparerait son domaine de (celui du créateur du mal), et puis, ensuite, ses créatures, quoi que pût faire (son ennemi).

Mais ils diront cela : Pourrait-il, lui, le bien, écarter le (mal) de ses bonnes créatures, s’il n’était puissant ? S’ils disent que le bien était puissant, qu’ils sachent donc que, s’il pouvait écarter le mal, et qu’il ne l’ait pas écarté, il est lui-même cause du dommage ; et, s’il ne pouvait écarter le mal, il se trouve que plus puissant que lui était le mal qui le persécute violemment, et corrompt ses bonnes créatures. Encore plus faux est ce qu’ils disent que : à la fin, vainqueur du mal est le bien ; car celui qui d’abord n’a pu vaincre, il est évident qu’à la fin il ne peut vaincre.

Mais des douleurs et de la mort nombreuses sont les causes que nous avons à exposer en termes véridiques. D’abord ceci (savoir) que quand l’homme eut transgressé l’ordre de Dieu il fut ensuite sous (le coup) des douleurs et de la mort ; car (Dieu) dit à la femme : * Avec douleur et tristesse tu enfanteras ; et (il dit) à l’homme : Par le travail et à la sueur de ton visage, tu mangeras ton pain, jusqu’à ce qu’arrive pour toi retour à la terre d’où tu as été fait ; car tu étais limon et en limon tu retourneras. Par cela il est évident que, quoique la nature de l’homme, car (l’homme est un être) corporel, fût réputée sous l’empire de la douleur et de la mort, mais, si (l’homme) était demeuré (soumis) à son commandement, l’auteur de sa vie l’eût conservé vivant. Celui qui de rien a pu faire le souffle de l’homme, et le conserve toujours vivant et immortel, celui-là pouvait de même pour son corps qu’il a créé (et tiré) de la terre le conserver vivant.

18. Mais, quand ils entendent ceci, les ennemis de la vérité, avec différentes armes combattent contre l’évidence ; car la moitié (d’entre eux) disent qu’il n’était pas possible à un être corporel de demeurer immortel ; et les autres disent, par cela même que le corps ne durait pas avec le souffle pour vivre un long temps, il faut que, ne durant pas, il meure.

Mais les premiers sont réfutés par (l’exemple d’) Élie et Énoch qui, jusqu’à présent, sont en vie ; et les autres sont confondus par la résurrection générale et universelle ; car si, à présent, parce que les corps ne sont pas durables, ils meurent, ensuite et lors de la résurrection, selon leur raisonnement, (les corps) ne restent pas avec le souffle. Par là, ils montrent qu’ils veulent éluder la résurrection du corps, bien que les divines Écritures et la nature même des créatures témoignent sans cesse de la résurrection des corps.

Mais ils disent : Si non mortel était le corps, comment serait-(il arrivé) que, pour une petite transgression, il fût tombé sous (le coup de) la mort, et que le Créateur n’eût pas eu pitié de lui et pardonné la transgression ?

Indulgent et miséricordieux est le Créateur, cela pour tous est évident ; surtout d’après (cette circonstance, savoir) que : après la transgression de l’homme, l’être incorporel étant descendu, comme un être corporel, fit entendre le bruit de ses pas dans le Paradis, et d’une voix douce et pitoyable dit au prévaricateur : * Où es-tu, Adam ? de peur qu’en le saisissant il ne lui laisse pas le moyen de penser à la pénitence ; et, comme (Adam) ne vint pas à résipiscence, il encourut justement pour peine, la mort.

Encore un autre (argument, c’est) que son Créateur (d’Adam) lui avait précédemment fait cette injonction : * Le jour où tu manges du fruit de cet arbre, tu meurs ; et son ennemi (l’ennemi d’Adam) étant ensuite survenu, dit : * Tu ne meurs point, mais comme Dieu tu deviens. Or, des paroles de qui fallait-il être assuré, (des paroles) de celui qui précédemment a prémuni Adam et, par sa docilité au commandement, voulait le conserver vivant ; ou (bien) des paroles de l’autre qui, par des tromperies, s’efforçait de rendre (Adam) mortel ?

Si le Créateur, après la transgression de son commandement, n’eût pas fait l’homme mortel, sans cesse l’homme croirait Satan et non pas Dieu ; car celui-ci (Dieu) a dit : * Si tu manges de ce fruit, tu meurs ; et celui-là (Satan) disait : * Si tu en manges, tu ne meurs pas, mais comme Dieu tu deviens.

Donc, la mort fut imposée sur la nature de l’homme par le créateur même de sa nature, afin que la parole (de Dieu) fût confirmée, et que le mauvais conseiller se trouvât condamné ; car, quoique pour un temps, à cause de ces deux raisons, (l’homme) soit tombé sous (le coup de) la mort, (Dieu), selon sa puissance le ressuscitera, et sans cesse dans l’éternité le conservera vivant et immortel. Celui qui, de rien ayant fait les anges et les âmes des hommes, les conserve vivants et immortels, celui-là était capable de conserver notre corps plein de vie, si le premier homme n’avait pas rejeté l’ordre de Dieu.

19. Mais Dieu n’est pas cause de la mort, (c’est ce dont) témoigne le sage par excellence, qui dit que : * Dieu n’a pas fait la mort, et ne se réjouit pas de la perte des hommes ; mais Dieu a établi l’homme dans l’indestructibilité de l’image de son éternité, et, par jalousie du tentateur, la mort est entrée dans le monde ; puis (Dieu) dit lui-même : * J’ai dit que vous étiez des dieux, et tous fils du Très-Haut ; c’est-à-dire que je vous ai faits immortels, si vous demeuriez (fidèles) à mon commandement ; mais, puisque vous n’êtes point restés (fidèles) à mon commandement, comme hommes vous mourez, comme un des princes vous tombez. Moi, je ne voulais point votre mort, ni (vous faire) tomber avec le mauvais prince (votre) conseiller.

Mais enfin, disent-ils, (Dieu) les a-t-il mis (Satan et l’homme) en conflit l’un avec l’autre ?

Par là ils veulent annihiler le libre arbitre de Satan et de l’homme ; car Dieu qui, sans jalousie, les a faits indépendants, ne voulait pas que, comme les brutes, ils fussent conduits par la nécessité, et puis leur indépendance dès lors n’aurait plus été indépendance.

Mais Dieu, quoiqu’il eût la puissance de voir les démarches de ses créatures, ne les excita pas à tomber l’une sur l’autre. Quand il vit Satan enflammé de jalousie, il laissa cet être indépendant lutter avec un être indépendant ; car (Dieu) savait que l’indépendance (ou libre arbitre) de celui-ci n’est pas plus faible que (l’indépendance) de celui-là. Celui-là n’a pas la prescience, et celui-ci n’a pas la prescience ; celui-là n’est pas (d’une force) tyrannique, et celui-ci sans pouvoir. Comme (Satan) n’était pas (d’une force) tyrannique (ou irrésistible), de là il est évident que, s’étant approché de la femme avec tromperie, il la questionna et ne l’effraya pas par la violence ; et comme il n’avait pas la prescience, il dit : * Qu’est-ce que t’a dit Dieu ? afin d’apprendre d’elle les circonstances.

Puis encore, d’après les épreuves de Job, on peut apprendre que Satan n’a ni force tyrannique ni prescience ; car s’il était d’une (force) tyrannique, de Dieu il ne chercherait pas, il ne prendrait pas secours, et puis il pousserait (ses victimes) aux tentations ; et, s’il avait la prescience, il ne viendrait pas tenter, car il saurait que, quand il ne peut vaincre, il doit être (couvert) de honte.

De plus, d’après les tentations même du Seigneur, on doit comprendre que (Satan) n’a pas la prescience, par cela même qu’il disait : * Si tu es Fils de Dieu, il montrait ainsi que, quoiqu’il eût appris des prophètes que le Fils de Dieu devait venir, il ne savait pas le temps de sa venue. S’il eût su que justement le Fils de Dieu était celui-là qui lui paraissait comme un (être) humain, il ne l’eût pas tenté et n’eût point été couvert de honte, lui Satan, qui, quoique d’après les miracles divins il comprît la venue du Fils de Dieu, plein de trouble s’écriait : * Je sais que tu es le Saint de Dieu.

Puis encore, s’il eût eu quelque prescience, il n’eût pas excité les Juifs à mettre (Jésus) en croix ; car il aurait su que la mort du Christ le jetterait, (lui, Satan, déchu) de sa puissance : selon ce qu’a dit le Seigneur : * Le prince de ce monde sera jeté dehors, et puis : * Je voyais Satan comme un éclair tombé des cieux ; puis encore : * Le prince de ce monde est dès à présent condamné, pour montrer que (déchu) de sa puissance est tombé celui qui a voulu devenir Dieu, (et qu’il) est devenu passif des jugements éternels.

20. Or, puisqu’au sujet de la mort et des douleurs imposées à l’homme, il a été prouvé, d’après les livres donnés par Dieu même (la Bible), qu’à cause de la transgression des commandements de Dieu, (la mort et les douleurs) sont entrées dans le monde, nous dirons encore d’autres causes pour lesquelles arrivent les morts prématurées.

Bien des fois peut-être des maux immenses se dressent devant l’homme, ou des angoisses qu’il ne peut endurer, ou des épreuves qu’il n’est pas capable de supporter ; Dieu prescient et humain, ayant alors pitié de sa créature, par une mort prématurée délivre l’homme de ses maux, selon ce que l’Écriture dit que : * Avant le méchant sera recueilli le juste ; puis encore autre raison : Les morts prématurées arrivent afin que, à tout âge et en tout temps, l’homme, (pour être) trouvé préparé, ne s’affranchisse pas du culte de Dieu.

Mais quoique, d’après la malédiction (de Dieu), les douleurs soient entrées dans le monde, cependant il y a encore d’autres causes ; quelquefois (elles arrivent) à cause des péchés, selon ce que le Seigneur a dit au paralytique : * Tu as été guéri, désormais ne pèche point. Ayant égard à la foi de ceux qui s’approchent (de lui), le Seigneur dit à un autre paralytique : * Que tes péchés te soient remis, pour montrer qu’il est des douleurs qui arrivent à cause des péchés, et qu’il est aussi des douleurs qui arrivent non à cause des péchés, comme, lorsque ses disciples demandèrent au Seigneur touchant l’aveugle : * De qui est le péché, à cause de sa cécité, de lui ou de ses parents ? et (le Seigneur dit : * Ni de lui ni de ses parents ; mais (c’est) pour la gloire de Dieu, afin que Dieu soit glorifié en lui. Il est aussi des douleurs qui (se produisent), non à cause des péchés, et non pour la gloire de Dieu, mais (qui résultent) de la non-pondération des mélanges ; car le corps de l’homme est mêlé de quatre éléments, de l’humidité, du sec, du froid et du chaud. S’il y a diminution ou augmentation, (cela) produit des douleurs dans le corps ; et cela vient de trop manger ou boire, ou bien de jeûnes austères, ou d’aliments sans choix, ou de trop de chaleur en travaillant, ou d’un excès de froid, ou d’autres contraires de ce genre, par l’effet desquels ces désordres se produisent dans les corps.

Le commencement des combats provint de l’avarice des hommes, d’où l’envahissement des frontières, des villages et des villes étrangères, des biens et des possessions.

De même aussi la luxure (advint) pour ne pas s’être tenu dans les bornes du mariage, que Dieu a institué dès l’origine (disant :) * L’homme quittera son père et sa mère et ira après sa femme ; après sa femme, dit (Dieu,) et non après les femmes. Pour confirmer la première règle de la nature, le Seigneur a dit dans les saints Évangiles : * Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare point !

Les attaques du démon arrivent à cause de l’orgueil des hommes ; car, si un fils est sage, il ne reçoit pas la bastonnade, et, s’il n’est pas sage, bien des fois on applique devant lui la bastonnade à un esclave, afin que, en voyant cela, il devienne sage ; mais, si par cela même il n’est pas encore amendé, on lui applique à lui-même le châtiment.

21. Ceci a été dit au sujet des questions de quelques-uns : Si les pécheurs, à cause de leurs péchés, sont tourmentés par les démons, quant aux enfants innocents, pourquoi les démons les dominent-ils ?

Tous les hommes, Dieu les appelle à l’adoption, comme il disait par (la bouche de) son prophète : * Mon fils aîné Israël ; puis : * J’ai engendré et j’ai élevé mes fils. Si les hommes vertueux sous la loi (judaïque) étaient appelés fils, combien plus encore ceux dont (Dieu dit) qu’il leur a * donné le pouvoir de devenir fils de Dieu !

Or, quand Dieu s’approche de nous, ses enfants, pour nous avertir, tantôt il frappe devant nous, comme (dans l’exemple de) l’esclave, nos bêtes, et tantôt nos champs et nos vignes, afin que, en voyant cela, nous entrions sous le joug de la crainte de Dieu ; puis, si par cela nous ne sommes pas encore (suffisamment) avertis, (Dieu) nous applique à nous-mêmes des tourments, soit par (le moyen) des douleurs, des afflictions ou des démons ; les innocents sont aussi tourmentés, afin que les autres retiennent dans leur esprit cette parole du sage, qui dit : * Si le juste à peine vit, l’impie et le pécheur où se trouveront-ils ? Et cela arrive aussi afin que le juste ne se relâche point de la justice et que le pécheur ne demeure pas toujours dans le péché ; de cela coupable n’est pas Dieu, mais les méchancetés des hommes amènent Dieu à avertir les hommes par ces tourments ; comme, par (le moyen de) la foi des autres, il a rétabli le paralytique et lui a accordé le pardon de ses péchés ; de même aussi par les tourments de quelques-uns, (Dieu) amène à la crainte et à amendement grand nombre d’hommes, quand cela arrive par (le moyen) des innocents, et quand cela arrive par (le moyen) des pécheurs, comme le sait lui-même le seul sage suprême. (Ce n’est) pas pour la condamnation des âmes qu’arrivent à l’homme les tourments des démons, mais (c’est) bien plus par suite de la miséricorde (de Dieu), surtout si c’est un innocent (qui soit frappé), (c’est) pour jeter la crainte dans l’esprit des autres (qu)’il est livré à ces tourments, que, comme une torche suspendue dans une grande maison, montre la providence de Dieu, afin que, en voyant cela, beaucoup se recueillent et entrent par crainte sous (le joug de) l’obéissance de Dieu.

Il arrive quelquefois que, à cause même des péchés, adviennent ces tourments ; quelquefois aussi il arrive que, ces coups terribles approchent, et que, se réfugiant dans les reliques des saints martyrs, les hommes sont sauvés de ces tourments, par quoi paraît la puissance de Dieu qui est dans ses saints, et (les hommes) n’éprouvent eux-mêmes aucun dommage.

Mais le démon ne chasse pas le démon, c’est ce que (Jésus) a rendu lui-même évident. * Si Satan, dit-il, chasse Satan, donc il est divisé, séparé de lui-même ; mais moi, dit (Jésus), par l’esprit de Dieu je chasse les démons ; et pourquoi celui-là même qui était Dieu, disait-il, par l’esprit de Dieu je chasse les démons ? (c’était) pour enseigner aux hommes que, s’ils ne se rendent pas dignes des grâces de l’Esprit saint, ils ne peuvent chasser les démons, comme les apôtres, quand ils n’avaient pas reçu le pouvoir du Seigneur, ne pouvaient pas chasser les démons ; il y a plus, à celui-là même qui est dans les tourments, (Dieu) a donné le pouvoir de chasser les démons. (Le Seigneur) dit : * Cette race (maudite) ne sort que par (le moyen) des jeûnes et des prières ; non pas qu’il y ait une certaine espèce de démons qui sorte par les jeûnes et les prières, et les autres non, mais toutes les légions des démons s’en vont, mises en fuite par les jeûnes et les prières.

22. Mais les enchanteurs, disent-ils, envoient les démons, et chassent les démons.

Les enchanteurs ne peuvent chasser les démons ; il suffit, pour nous en convaincre, de cette parole du Seigneur, qui dit que : * Satan ne chasse point Satan ; car, si l’enchanteur chassait (les démons), il les chasserait donc de par les démons, et du démon le Christ a dit que : * Le démon ne chasse point le démon ; puis il est évident qu’autrement se passent les choses, comme (le prouve) cette parole sortie d’eux et non de nous, ils disent : (Les enchanteurs) ne peuvent pas chasser (le démon), mais ils peuvent l’enchaîner, afin que sans cesse le démon soit là pour étrangler les âmes des hommes. Et cela arrive justement d’après les arrêts de Dieu ; car quelqu’un a laissé Dieu, les saints, les jeûnes, les prières, et s’est réfugié dans l’enchanteur, qui ne peut se secourir lui-même ; car, qui des enchanteurs est inaccessible à la douleur, exempt des démons, immortel ? Il y a plus, nous voyons même les enchanteurs toujours exténués par les démons, et surtout les crisiaques ; car d’abord eux-mêmes sont pris du démon, et puis ils promettent aux autres de (leur) donner ce qui n’est ni en leur pouvoir ni (au pouvoir) des démons, par le langage de qui ils parlent de donner, mais (ce qui est au pouvoir) seulement de Dieu qui est le créateur, le donateur (de toutes choses).

Or, pour les enchanteurs, plutôt que d’enchaîner le démon et d’en faire comme un lacet prêt à étrangler sans cesse les âmes de l’homme, mieux serait si (le démon) apparaissait, que par (l’intercession) des saints priant Dieu, ils trouvassent du secours pour guérir de leur mal.

Mais nous disons que (le démon) n’a pas le pouvoir d’entrer dans l’homme sans le laisser-faire de Dieu, et de cela il y a plusieurs raisons, comme seul il le sait lui-même ; et cela est évident, par cela même que quand * (les démons) résolurent d’entrer dans un troupeau de porcs, ils ne purent y entrer qu’ils n’en eussent d’abord reçu l’ordre du Christ ; et, * lorsque Satan voulut tenter Job, il ne le put qu’il n’eût d’abord reçu de Dieu l’ordre pour tenter ; et le Seigneur dit de Judas que * Satan est entré par une fente ; car si le Christ ne l’avait pas permis à Satan qui le pressait, et à Judas qui, à cause de son avarice, en vint là, (le démon) ne pouvait entrer en lui ; mais, pour leur reprocher à tous deux (Satan et Judas) leur libre arbitre, (le Seigneur) les laissa faire, selon leur volonté à tous deux.

De plus, lorsque quelques-uns sont encore tourmentés par le démon, si l’œil de Dieu n’était sur lui, il les exterminerait par la plus cruelle mort ; et même, si Dieu ne gardait fermement leurs serviteurs, ils les estropieraient de toutes manières, et de la mort la plus affreuse les feraient périr. Mais, parce qu’ils ne sont pas libres d’agir, ils ne peuvent se porter à de pareilles choses. De là, il est évident que, quoique Dieu sache par avance que tel individu doit être idolâtre, tel autre enchanteur, tel autre assassin, il n’empêche pas le tracé de leur embryon, et l’insufflation de leur âme, afin que sa bonté se manifeste, et que (ces gens-là) soient condamnés dans leur propre libre arbitre.

Et il est évident que, comme (Dieu) est le maître de (l’action de) faire, de même aussi (il est le maître) de faire trouver du plaisir dans les moyens, et de sauver des étreintes du mal ; car (pour) celui qui est à lui, (Dieu) le préserve et le soigne, et (pour) celui qui n’est pas sien, (il le traite) en étranger, le dépèce, le disperse, comme il dit dans l’Évangile que : * Le loup ne vient point pour autre chose, si ce n’est pour ravir et disperser. Mais, quant aux véritables croyants, Satan ne peut pas les subjuguer par ses tentations, ni les enchanteurs (les dompter) par les démons ; comme le Seigneur lui-même a dit à ses disciples : * Je vous ai donné la puissance de fouler (aux pieds) les serpents et les scorpions, et toute puissance sur l’ennemi ; et puis (il dit) : * Voici les signes des croyants : ils chasseront les démons, et ils prendront en mains les serpents, et ils boiront des drogues de mort, et (tout cela) ne leur fera point de mal. Il est dit en même temps que : à l’innocent les démons ne peuvent nuire, que les bêtes féroces ne sont pas portées à le dévorer, comme à * Daniel les bêtes féroces n’ont fait aucun mal, ni aux trois enfants le feu de la fournaise.

Comme au premier homme, quand il n’avait pas encore transgressé, (les bêtes féroces) étaient obéissantes et non malfaisantes ; et comme, par (le moyen des) apôtres, Satan était maltraité, au point que * les enchanteurs, par crainte des miracles que faisaient (les apôtres), se hâtaient d’apporter les livres de leur sorcellerie les plus précieux, et de les brûler devant les apôtres ; et les démons de s’écrier : * Ce sont là les serviteurs du Dieu très-haut : des restes de leurs miracles apparaissent encore à présent dans les saints évêques et les vrais cénobites. (C’est ce) dont l’expérience est connue, (non-seulement) des chrétiens, mais aussi des païens et des mages.

23. Mais nous aussi, nous devons savoir que les anges et les démons, et les âmes des hommes, sont incorporels ; car, des anges il dit : * Il a fait ses anges esprits, et ses serviteurs flamme de feu : il les appelle esprits à cause de leur vélocité, comme pour dire que : ils sont plus légers que les vents ; car, de (esprit ou) souffle et du vent, le nom hébreu, et grec, et syrien, est le même ; ainsi se trouve-t-il en arménien, si l’on fait attention. Quand quelqu’un est vivement pressé par un autre, il dit : il ne m’a pas donné (le temps de) pousser un souffle (ou haleine) ; et par là il indique l’air que nous suçons ; et (Dieu) appelle les anges (êtres) enflammés, à cause de leur impétuosité ; comme ailleurs il dit : * Ils sont forts par la puissance de faire ses volontés. Mais ce n’est pas qu’ils soient de la nature du vent et du feu ; car, s’ils étaient de la nature du vent et du feu, ils seraient donc justement appelés (êtres) corporels et non pas incorporels ; car celui qui est corporel est composé de quatre éléments, comme les corps des hommes et des brutes ; et ce qui est incorporel est une nature simple, comme celle des anges et des démons, et des âmes des hommes.

Et où donc pourront-ils respirer (ces êtres, car) ils disent que les anges ont épousé des femmes ; car ceux-là (les anges) sont appelés ignés et les hommes graminées ; d’où il est évident que du feu et de l’herbe il n’y a pas mariage, mais absorption. Ces trois séries d’êtres, comme étant de même nature, sont aussi appelées du même nom. Ange est dit esprit, mais esprit obligé, qui est obéissant et exécute les volontés (du maître). Démon est aussi dit esprit, mais esprit méchant, à cause de sa désobéissance et de sa rébellion. Quoique dans notre langue, nous le disions mauvais génie, comme d’après les distinctions de nos premiers pères, suivant la coutume établie chez nous ; mais nous savons que ce génie est vent, et le vent esprit, selon la précédente assertion ; car nous disons que le zéphyr souffle ; les Syriens disent : le génie souffle ; et à cause de leur extension seulement et de leur rapidité, les anges et les démons, et les âmes des hommes, sont appelés aériens, c’est-à-dire venteux ; comme à cause de leur impétuosité, les anges sont appelés ignés ; de même aussi à cause de leur vélocité et de leur extension (ils sont appelés spirituels), c’est-à-dire venteux ; mais leur nature est au-dessus du vent, au-dessus du feu, plus déliée, plus véloce que l’intelligence.

Et il n’y a rien d’étonnant si ceux-là (c’est-à-dire les anges), sont nommés du nom des créatures, nos voisines, puisque leur créateur ne rougit pas de prendre lui-même ces noms à cause de certains rapports. Dieu est appelé esprit, mais il est une supériorité d’esprit ; il est dit : * Dieu est esprit, c’est-à-dire vivifiant ; il est aussi appelé feu, selon ce que * ton Dieu est un feu qui consume. Or, voyons si Dieu est seulement le feu qui consume. Voici que cet esprit, par un autre prophète, est déclaré lumière, selon ce qui (est dit) que : * Le Seigneur est ma lumière et ma vie, de qui craindrai-je ?

Si (Dieu) était seulement le feu qui consume, comment serait-il appelé lumière vivifiante ? N’est-il donc pas évident, que là où l’ardeur est utile, là il est appelé feu ; et là où la douceur (est utile), là (il est appelé) lumière vivifiante ; c’est-à-dire il est au-dessus du feu et au-dessus de la lumière. Bien d’autres noms il prend encore, à cause de différentes propriétés.

Et, quand (Dieu) voulait apparaître à ses saints, jamais sous une autre forme, mais seulement sous la forme de l’homme qu’il a fait à son image, il se manifestait ; et cela ne se faisait pas en vain, mais pour montrer surtout l’amour qu’il avait pour l’homme, puis aussi pour prédisposer les hommes à la connaissance (de Dieu), afin que, quand il enverrait son Fils comme homme en ce monde, on ne regarde point (cet événement) comme chose étrange, surtout afin qu’on sache que lui-même se manifestait sous cette forme ; comme : * étant descendu dans le Paradis auprès d’Adam, (Dieu) faisait (entendre) le bruit de ses pas, à l’instar de l’homme, — * étant venu près d’Abraham avec deux anges, il trouva bon de manger dans sa tente, — * et, s’étant abouché sur la montagne avec Abraham, il expédiait ses deux jeunes gens, les anges transformés en hommes, à Sodôme, en sa belle hôtellerie, auprès de Loth, — * et, faisant briller comme le feu et l’éclair, son ange dans le buisson, l’ayant dressé au langage humain, il le faisait parler avec l’homme déjà consacré à Dieu, avec Moïse, — * et, ayant transformé en héros son général Michel, il le montrait dans la plaine à son capitaine Josué, — * et, ayant envoyé un ange dans la maison de Manué pour parler avec lui, il le présenta à la manière des hommes, — * et souvent aussi (Dieu), presque fait homme, parlait bouche à bouche, la main dans la main, avec son ami, avec Moïse, — * et l’homme-roi ayant été trouvé selon son cœur, étant accablé des coups (de l’adversité), un ange, sous forme humaine, le glaive en main, lui apparut, — * et à Ézéchiel, sous l’aspect de feu et de langue de flamme, dans un char attelé de différents spectres, il faisait apparaître le conducteur sous forme humaine, — * et lui-même, tantôt comme un vieillard, tantôt comme un jeune homme, pour différentes intentions, se transformant, il apparaissait à l’homme favorisé ; et, en se montrant ainsi à ses serviteurs, (Dieu) manifestait l’amour qu’il avait pour l’homme.

Tout ceci a été dit pour montrer que tout ce qui paraît est corporel, et tout ce qui ne paraît point est incorporel ; et des êtres corporels, il en est qui sont lourds de corps ; il en est qui sont des corps minces (et légers) ; comme dit l’apôtre que : * Autres sont les corps des êtres célestes, et autres (sont) les corps des êtres terrestres ; terrestres, c’est-à-dire des hommes et des brutes, des oiseaux et des reptiles ; et des êtres célestes, (c’est-à-dire) du soleil et de la lune, et des astres ; et puis il parle (de ces êtres), et non des anges, ramenant sur eux le discours (de l’Apôtre) : * Autre est la gloire du soleil, et autre la gloire de la lune.

En même temps, il est aussi dit que : tout ce qui, des êtres sensibles, est palpé, examiné, senti, tout cela est corporel ; et tout ce qui, parmi les êtres sensibles, n’est pas senti, est incorporel. Délié est l’élément de la lumière ; mais comme par l’œil il est examiné, il est corporel. Délié est l’élément de l’air ; mais, comme par le froid il se fait sentir au corps, il est corporel. Délié est l’élément du feu ; mais, comme par la chaleur il se fait sentir au corps, il est corporel ; de même aussi l’élément de l’eau, qui est plus subtil que ce qui est lourd, et plus lourd que ce qui est léger.

24. Or, comme incorporels sont les anges et les démons ; pour cela même, il n’est point pour eux de lignées ; mais ils disent, les sirènes ont progéniture, et meurent.

D’abord, voyons cela : s’il y a quelques créatures raisonnables autres que les anges, les démons et les hommes, et puis venons à l’examen de cette (question) des démons. Y en a-t-il une partie corporelle et une partie incorporelle ; car il n’est aucune créature raisonnable en dehors de ces trois espèces, savoir : des anges, des démons et des hommes ; d’après les divines Écritures, et d’après la nature même des créatures, cela est évident. Mais, quoique soient mentionnés dans l’Écriture quelques noms d’onocentaures, ou de sirènes, ou de monstres, (c’est) d’après l’opinion de l’imagination des hommes et non d’après la nature, que ces noms se produisent ; car c’est le propre des démons de revêtir différentes formes, et les hommes, selon ces formes, imposent des noms. Comme quand les villes et les villages seront détruits, et les démons y habiteront, et ils apparaîtront sous différents déguisements ; et les hommes, d’après leurs déguisements, leur imposant des noms, appelleront l’un (de ces démons) un centaure, un autre monstre, puis un autre sirène ; de même aussi l’Écriture, d’après l’opinion des hommes, pour signifier l’intensité de la ruine du monde, dit que les * onocentaures habitent dans ces ruines, (animaux) que la langue grecque appelle onocentaures (c’est-à-dire âne-taureau).

Or, qu’ils montrent donc qu’il se trouve des ânes-taureaux à Babylone. Il est donc évident que sans (application à des) individus se trouvent les noms de centaures et d’onocentaures ; et l’Écriture, d’après l’habitude de l’opinion des hommes, aura aussi employé ces noms pour signifier la ruine de Babylone ; comme le taureau marin qu’on dit produit d’une vache, et le satyre issu des hommes, et le lécheur du chien. Ce ne sont point là des êtres-personnes, mais des noms imaginaires, et des sottises d’esprits égarés par les démons ; car d’un être corporel, rien d’invisible ne résulte, comme d’un être invisible (ne résulte) point (un être) corporel. Jamais des hommes n’est sorti le satyre, qui serait créature à visage humain, et (jamais) des vaches n’est sorti un taureau marin, qui habiterait dans les lacs, car à (un être) terrestre il n’est pas possible de vivre dans les eaux, comme aussi à un être aquatique il n’est pas possible de vivre en terre ferme ; et du chien il n’est sorti (aucun être) qui vive doué de puissances inapparentes, et qui, quand un homme blessé tombe dans le combat, le guérisse en le léchant, c’est ce qu’ils appellent lécheur. Mais tout cela est fables, contes de vieilles femmes, et surtout produit de la furie des démons.

25. Mais, discutant encore sur ces points, ils s’y affermissent de plus en plus. L’un dit que : dans notre village un taureau marin a fait une vache et sans cesse nous entendons tous ses beuglements. Un autre dit : Moi, j’ai vu un satyre de mes yeux.

Est-ce que, quant au lécheur, quelqu’un pourra dire aussi qu’il en a vu ; et si dans les premiers temps, les lécheurs léchaient les blessés et les rendaient bien portants, pourquoi maintenant ne lèchent-ils plus et ne guérissent-ils plus ? N’est-ce pas mêmes combats et pareillement n’y tombe-t-il plus de blessés ?

Mais alors, disent-ils, il y avait des demi-dieux. Et nous, au sujet des dives, nous leur demanderons impérieusement : Étaient-ils corporels ces dives ou incorporels ? S’ils étaient corporels, il est évident qu’ils étaient hommes, et que, prenant pour objet de culte ces fantômes d’hommes, on les appelait dives. S’ils étaient incorporels, il n’était pas possible à des êtres incorporels de se marier avec des femmes corporelles ; car si cela était possible, jamais Satan ne cesserait de procréer avec des femmes des (êtres) sataniques. Celui qui est incorporel est sans sperme, parce que le sperme est le propre des (êtres) corporels, et non pas des (êtres) incorporels ; et, sans sperme naître d’une femme, cela n’a été possible qu’à un seul être, qui est le créateur de la nature du corps, et comme il l’a voulu, il a pu naître d’une vierge, sans le (moyen du) mariage.

D’où (il suit que) tous les sages profanes, en considérant l’impuissance de chacun de ces dives, n’ont pas pu dire que d’une femme quelqu’un (d’eux) fût né sans le (secours du) mariage. Et, comme il n’y a pas de progéniture pour les dives, de même aussi il n’y a pas mort. Quoique immortelle par nature soit seulement la Divinité qui est éternelle, et non pas (celle) prenant de quelqu’un commencement d’être, mais aux êtres ayant commencement, aux êtres raisonnables, (Dieu) a donné l’immortalité, j’entends aux anges et aux démons, et aussi aux âmes des hommes. Parmi ces êtres, les hommes, car ils sont (composés) des deux natures, (de la nature) des (êtres) corporels et (de celle) des (êtres) incorporels, se propagent par (voie de naissance), et viennent à la propagation (de l’espèce) par le (moyen du) mariage. Ils meurent par le corps et non par l’âme, à cause de la transgression (du premier homme).

Mais les anges et les démons ne reçoivent ni accroissement par naissance, ni diminution par mort ; mais, comme ils ont été institués, de même aussi ils restent en même nombre, sans accroissement et sans diminution, et il n’y a nulle autre créature qui puisse venir à différentes formes, comme on le publie touchant les dragons et les monstres de fleuves. Mais (c’est) seulement les anges et les démons qui peuvent parcourir les airs, les explorer, et affecter différentes formes.

Mais les dragons, disent-ils, et les monstres de fleuves se produisent sous différentes apparences. L’une d’elles est à l’état d’individu, l’autre à l’état non individu.

Le dragon, qui est un être corporel, ne peut changer ses formes ; car s’il était possible aux êtres corporels de changer leurs formes, d’abord l’homme qui est plus qu’eux (dragons et monstres de fleuves) changerait ses formes en celles qu’il voudrait. Mais comme il n’est pas possible à l’homme de changer (ses formes) en quelques formes qu’il voudrait, de même aussi (cela n’est pas possible au dragon).

De plus, il n’existe pas de monstre à l’état de non individu, si ce n’est que le démon ait habité en (quelques) lieux, et que tantôt il se soit transformé, et tantôt il ait commis des dommages. Les dragons ne portent pas leur ménage (avec eux) et ils n’ont pas de bêtes de charge qui le leur porte de leur gîte ailleurs ; il est absurde de dire à un individu : Tiens-toi constamment au gîte et n’en prends pas d’autre ; car le dragon qui est lui-même bête de charge, par cela même qu’il est (à l’état de) brute et non parlant, comment lui qui est bête de charge gouvernerait-il une autre bête de charge ? car le dragon n’a pas une nature autre, si ce n’est (celle) du serpent ; cela est évident : le serpent énorme, ou quelque bête marine, les Écritures l’appellent dragon ; comme l’homme invincible elles l’appellent géant ; de même aussi le serpent terrestre, monstrueux, et toute bête marine ayant forme de montagne, je dis les baleines et les dauphins, elles l’appellent dragons, selon (ce qui est dit) : * Que tu as brisé les têtes des dragons sur les eaux, et tu les a donnés en nourriture aux peuples éthiopiens.

Vois-tu ? que : les grands poissons de la mer, les Écritures les appellent dragons. Cela est évident, par ce qu’elles disent des poissons : * Tu les a donnés en nourriture aux nations éthiopiennes. Quoique ici d’autres aient figuré le dragon en Satan, comme le montre * ce que Job a écrit ; autre chose ne sont pas les dragons, si ce n’est d’énormes serpents terrestres ou de monstrueux poissons marins. (C’est d’eux) que les Écritures disent que : * Ils sont hauts comme des montagnes et d’une grandeur excessive. Leur chasse et leur nourriture sont les petits poissons, comme (la chasse et la nourriture) des serpents, ce sont les petits animaux ou brutes ; mais non pas chasse comme (celle que) les hommes ont faite aux dragons, ou même feront. Ils n’ont pas de palais comme (en ont) les hommes pour habitation, ils n’ont aucun ni d’entre les princes de sang royal, ni d’entre les héros enchaînés près d’eux vivant ; car il n’y a de vivant parmi les êtres corporels que deux (individus) Énoch et Élie.

Mais, comme au sujet d’Alexandre, les démons trompaient en disant que : * il restera vivant ; ceux-ci, selon l’invention égyptienne, ayant enchaîné et jeté par des incantations le démon dans une fiole, faisaient croire qu’Alexandre était vivant et cherchait la mort ; et la venue du Christ confondit cette imposture et supprima ce scandale ; de même aussi le maléfice des démons trompa les sectateurs du culte des héros en Arménie (en leur faisant croire) qu’un (individu) nommé Ardavazt est prisonnier des démons, (Ardavazt) qui jusqu’à présent est vivant, mais doit s’échapper et posséder le monde ; ainsi à un vain espoir demeurent attachés les infidèles ; comme les Juifs qui à une vaine attente restent attachés, (en croyant que) David doit venir bâtir Jérusalem et rassembler les Juifs, et régner sur eux.

Et ainsi s’efforce Satan de frustrer tout homme de la bonne espérance, et de l’attacher à un vain espoir. Il glorifie aux yeux des hommes les dragons, afin que, quand ils paraîtront terribles à quelques-uns, on les prenne pour (objets de) culte. (Satan) fait croire qu’il y aurait des monstres de fleuves et des génies de plaines, et, après avoir persuadé cela, (Satan) se métamorphose en dragon ou en monstre de fleuve et en génie, afin par là de détourner l’homme de son Créateur ; car s’il y avait quelque monstre (de fleuve) à l’état personnel, il n’apparaîtrait pas tantôt sous la forme d’une femme et ne serait pas tantôt phoque, et n’engloutirait pas les nageurs tombés sous ses pieds. Mais ou femme, femme il se tiendrait, ou phoque, phoque il resterait.

De même aussi, ce qu’ils appellent génie des plaines, ne paraîtrait pas tantôt homme, et tantôt serpent, (moyen) par lequel on a imaginé d’introduire le culte du serpent dans le monde. De même aussi, il ne paraîtrait pas une fois sous forme de serpent, et une autre fois sous forme humaine ; comme précédemment il a été dit que tout ce qui est corporel en d’autres formes ne peut changer.

Mais, si dans les aires (des champs) paraissent des mulets et des chameaux, c’est là forme de démons et non de dragons ; et si dans les plaines, des bêtes à la course rapide, chevauchant comme des hommes, s’élancent après le gibier, c’est là surprise de démons ; c’est là feinte de démons, et non vérité de choses (réelles), et, si dans les fleuves apparaît quelque chose sous forme de femmes, c’est transformation de Satan ; car il n’y a pas de monstre de fleuve à l’état personnel, et dans l’homme comme démon n’entre pas le dragon, comme quelques-uns l’ont pensé d’après les exclamations du possédé ; car à un (être) corporel, dans un être corporel il n’est pas possible d’entrer. Même, si un tel dragon s’élevait en l’air, (ce ne serait) pas par le moyen de bœufs, mais par quelque puissance cachée d’après l’ordre de Dieu, de peur que le souffle du dragon ne nuise à l’homme ou à la brute, comme cette espèce de serpent, qui est appelé basilic, par son regard seul extermine l’homme ou la brute. D’où (il arrive que), quand il s’en trouve dans les puits, on y descend avec une lumière pour saisir le serpent, afin que, le regard fixé sur la lumière, il ne fasse aucun mal à l’homme.

26. Mais nous, selon les livres saints, nous savons les anges préposés au secours des hommes, des nations et des royaumes, selon ce qui est dit que : * Il a établi les états des nations selon le nombre des anges de Dieu, et puis par ce que (Dieu) dit dans l’Évangile : Ne méprisez pas un des petits ; car leurs anges sans cesse voient la face de mon Père qui est dans les cieux. Ainsi, il paraît qu’à chaque homme demeure (attaché) un ange gardien. Quoique d’autres aient pensé au sujet de la prière proférée par le Seigneur, que leurs prières qui sans cesse entrent devant Dieu, sont appelées anges ; mais l’apôtre dit : * Tous les esprits ne sont-ils pas des envoyés nécessaires (attachés) au service de ceux qui doivent posséder le salut ? Ces êtres, qui sont préposés à cet office, deviennent pour nous des auxiliaires de salut.

27. Mais, si Satan est, disent-ils, l’instigateur des maux, aux autres créatures pourquoi offre-t-il le culte du paganisme et ne se l’arroge-t-il pas à lui seul ?

Car Satan est accusé de méchanceté, cela à tous est évident. Or, si lui seul exigeait culte, promptement il terrifierait ses adorateurs par cela même qu’il leur paraîtrait méchant et persécuteur. Mais il a disposé la moitié (des hommes) à adorer les astres, et les autres (à adorer) l’air et le feu, la terre et l’eau, et les substances, et les bois et les pierres, jusqu’aux serpents et aux bêtes féroces, et aux animaux, afin seulement de satisfaire sa haine (et l’envie) qu’il s’est mise en tête de s’attaquer à l’homme. Donc, qu’ils ne triomphent point ceux qui adorent les créatures, (en disant) qu’ils ne font pas les volontés de Satan ; car, du culte rendu aux créatures, il n’y a pas d’autre docteur et maître que Satan lui seul.

Or, comment pourront-ils maudire Satan, ceux qui accomplissent ses volontés ? et, si ceux qui cultivent le vrai Dieu, et se perdent par leur conduite, sont confondus par le langage divin (qui dit que) : * Ils promettent de connaître Dieu, et par leurs œuvres ils le renient ; combien encore plus restent sans répondre, ceux-là qui, ayant reçu le culte du vrai (Dieu), aux créatures inanimées et muettes offrent (adoration) !

28. Mais, quoique de différentes armes soit pourvu l’ennemi de la vérité, en faisant penser aux sages de la Grèce qu’une matière se tenait toujours auprès de Dieu, (matière) d’où il a (tiré et) fait les créatures ; et, comme le nom de matière, dans leur langue, se rapproche de fange, à cause de cela, ils ont pensé de la (matière) sorti le commencement des maux.

Les inventeurs de la religion des Perses, pour avoir douté d’où proviennent les maux, par les mêmes routes, s’égarèrent loin de la vérité, balbutièrent les mêmes sottises avec d’autres histoires, feignant que d’un seul père deux enfants sont nés, l’un bon et créateur du bien, l’autre mauvais et artisan des maux. Dans le même piége sont aussi tombées les sectes que * l’ennemi, comme l’ivraie, a semées au milieu du froment ; car les unes (de ces sectes) admettaient trois racines (ou principes, celui) du bien, (celui) du juste, et (celui) du mal. Les autres (admettaient) deux (principes, celui) du bien et (celui) du mal. D’autres encore admettaient sept (principes).

Or, de l’Église de Dieu telle est l’œuvre : confondre les profanes (ou infidèles) par les réalités de la vérité, sans (le secours des) Écritures, et, quant aux opinions des croyants non conformes à la vérité, les corriger, par le secours des livres saints.

Pour les opinions matérielles dans lesquelles se sont égarés les Grecs, nous croyons suffisamment les atteindre par ce premier traité, mais, contre les inventeurs de la religion des Perses, (après nous être) réfugiés dans les grâces de Dieu, nous entrerons en lutte.




LIVRE DEUXIÈME.

RÉFUTATION DE LA RELIGION DES PERSES.




1. Tandis qu’il n’y avait encore rien, disent-ils, ni cieux, ni terre, ni aucunes autres créatures qui sont dans les cieux ou (sur la) terre, était un nommé Zérouan, (mot) qui se traduit : * sort ou gloire. Mille ans il fit sacrifice, afin qu’un fils lui advînt, dont le nom (serait) Ormizt, qui fasse les cieux et la terre, et tout ce qui y (est), et, après mille ans de sacrifices faits, (Zérouan commença à réfléchir, et dit : * De quelle utilité sera le sacrifice que je fais ? m’adviendra-t-il un fils Ormizt, ou ferai-je enfin des efforts ? Et pendant qu’il pensait encore cela, Ormizt et Arhmèn furent envoyés (ou conçus) dans la matrice de leur mère. Ormizt, d’après le sacrifice fait, et Arhmèn, d’après le doute (exprimé) ; puis instruit (de cela), Zérouan dit : Deux fils sont ici dans ce ventre. Celui qui d’ (entre) eux viendra le premier à moi, je le ferai roi ; et Ormizt, ayant connu les pensées de son père, (les) révéla à Arhmèn. Il dit : * Zérouan, notre père, a pensé que celui qui de nous viendrait à lui le premier, il le fera roi. Ce qu’ayant entendu, Arhmèn troua le ventre (de sa mère), et alla se présenter devant son père ; et l’ayant su, Zérouan ne sut pas qui il était, et il demandait : Qui es-tu ? et lui (Arhmèn) dit : * Je suis ton fils. (Mais), dit Zérouan, * mon fils est d’une odeur suave, et lumineux, et toi, tu es ténébreux et puant. Et tandis qu’ils parlaient encore entr’eux, Ormizt étant né à son heure, lumineux, et d’une odeur suave, vint se présenter devant Zérouan ; et, l’ayant vu, Zérouan sut qu’il était son fils Ormizt, pour lequel il faisait des sacrifices ; et ayant pris les baguettes qu’il avait en main, il (les) donna à Ormizt, et dit : * Jusqu’à présent, pour toi, je faisais des sacrifices ; dès ce moment, tu en feras pour moi ; et, en lui donnant les baguettes, Zérouan de bénir Ormizt. Arhmèn s’étant (alors) présenté devant Zérouan, lui dit : * N’as-tu pas ainsi fait serment ? que celui qui, de mes deux fils, le premier viendra à moi, je le ferai roi ? Et Zérouan, pour éluder son vœu, dit à Arhmèn : Oh ! être faux et malfaisant, qu’il te soit donné un règne de neuf mille ans, et j’établirai Ormizt roi sur toi, et, après neuf mille ans, Ormizt régnera, et tout ce qu’il voudra faire, il le fera. Alors Ormizt et Arhmèn commencèrent à faire des créatures, et tout ce qu’Ormizt faisait était bon et droit, et ce qu’Arhmèn faisait était mauvais et tortu.

2. À ces discours impies, à ces billevesées d’esprits ignares, fantastiques, il ne fallait pas du tout faire réponse ; car suffisante était leur ineptie pour les confondre, (et confondre la fausseté) de leurs paroles qui s’entre-choquent les unes les autres, et sont contraires les unes aux autres. Mais, comme par cela même, les chefs de leur religion paraissent en grande estime à ceux qui leur obéissent, et, jetant (pour ainsi dire) le lacet sur eux, les entraînent dans l’abîme, il faut donner une réponse, et montrer que (ces chefs) ne disent rien de plus que (ce qu’a dit) Mani, qu’ils ont eux-mêmes écorché.

Car lui (Mani) dit (qu’il y a) deux racines, (l’une) du bien et (l’autre) du mal, et cela non par projection et naissance, mais existantes d’elles-mêmes et contraires l’une à l’autre ; et ceux-là (les mages) disent la même chose, (comme produites) par les désirs de Zérouan au moyen de projection et de naissance ; et, si c’est même religion des deux (côtés), pourquoi les mages haïssent-ils les sectaires (de Mani), si ce n’est qu’ils sont séparés entre eux par les mœurs, quoique (ce soit) par les formes et non par la réalité ? Mais, dans une seule et même religion, ils sont deux (partis) ; ceux-là admettent deux racines, et ceux-ci de même ; ceux-là adorateurs du soleil, et ceux-ci serviteurs du soleil ; ceux-là attribuent le souffle à toute chose inanimée, et ceux-ci pensent de la même manière.

Mais, c’est que Mani a voulu feindre des mœurs plus excellentes que les leurs, comme s’il était tout à fait libre des passions, des désirs (charnels), non pas plus qu’eux seulement, mais aussi plus que (les croyants de) toutes religions, d’où (il arriva que), ayant été accusé de séduction (envers) de jeunes filles, il fut privé de la vie par une mort (cruelle), il fut écorché. Par là, il est évident que, par les mœurs seulement sont séparés les uns des autres (les Perses et les Manichéens).

3. Or, laissant ceux-là, nous demanderons à ceux-ci : Zérouan, qu’ils disent antérieur à tout, était-il (un être) parfait ou imparfait ? S’ils disent qu’il était parfait, qu’ils écoutent ceci : S’il était parfait, avait-il donc besoin de demander à quelqu’un un fils, qui vienne et fasse les cieux et la terre ? car s’il était parfait, il était lui-même capable de faire les cieux et la terre ; puis, s’il était imparfait, il est évident qu’il était quelqu’un au-dessus de lui, qui pouvait remplir (le vide de) son imperfection ; et, s’il était quelqu’un au-dessus de lui, il fallait à ce quelqu’un faire les cieux et la terre, et tout ce qui s’y trouve, pour montrer sa bienfaisance et sa puissance, et non pas accorder à Zérouan un fils qui fasse les cieux et la terre, et tout ce qui s’y trouve.

Mais, disent-ils, à la gloire il faisait sacrifice.

Nous demanderons : la gloire, de qui lui était-elle advenue ? puisqu’il était éternel, il était glorifié. Si par quelqu’un lui était donnée la gloire, il faut penser qu’il était quelqu’un au-dessus de lui, plus puissant et plus glorieux, d’où lui est arrivée la gloire. Puis, s’il n’y avait personne au-dessus de lui, il était en vain de faire des sacrifices millénaires ; car la gloire n’est pas à l’état de personne ; mais, d’après le bonheur d’un individu, on dit gloire, comme, d’après l’infortune d’un individu, on dit adversité ; et ces deux (états) sont produits d’accidents, et non constitutions de personnes.

Autre (chose) encore ; car si le soleil et la lune n’étaient pas encore produits, (ces astres) par qui les heures, et les jours, et les mois, et les années sont réglés, (ce compte de) mille ans, d’où paraissait-il ? car il n’y avait pas dans l’espace d’astres qui réglassent le nombre des jours, et des mois, et des années ; mais il est évident que pleines de sottise sont ces balivernes.

Puis encore, si les cieux et la terre et ce qui s’y trouve n’était pas, où (donc Zérouan) faisait-il sacrifice ? ou, avec quoi ? Quand la terre n’était pas, ni les plantes qui (viennent) d’elle, d’où trouvait-il (à tirer) des baguettes à avoir en main, ou que sacrifiait-il donc, puisque les brutes n’étaient pas encore formées ? Et ce qui est plus stupide que tout (le reste), mille ans, disent-ils, il fit sacrifice, et, après mille ans, il douta et dit : * M’adviendra-t-il Ormizt, ou n’adviendra-t-il pas, et travaillerai-je en vain ? et par là, (Zérouan) montre que Zérouan était impuissant, besoigneux et sans connaissance. La cause des maux, c’est lui-même et non pas Arhmèn ; car si lui (Zérouan) n’avait pas douté, comme ils disent, Arhmèn ne serait pas advenu, (Arhmèn) qu’ils proclament créateur des maux ; mais il douta, ce qui est incroyable et plein de confusion.

Car jamais d’une seule (et même) source deux flux ne sortent, l’un doux et l’autre amer ; ni d’un seul et même arbre deux fruits, l’un suave et l’autre acerbe. Or, si (comme) doux ils reconnaissent Zérouan, ils ne doivent pas penser sorti de lui un fruit amer, Arhmèn ; et s’ils tiennent (Zérouan) pour amer, il n’y a pas de raison pour admettre (comme sorti) de lui un fruit doux, Ormizt. Ainsi leur convient le langage divin, qui dit : * Ou faites l’arbre doux, et son fruit doux aussi ; ou faites l’arbre amer et son fruit amer ; car, d’après l’arbre, son fruit est connu.

Et si les créatures restent chacune dans leur (état) de formation, et jamais ne dépassent les limites à elles assignées, combien plus encore Zérouan, s’il était un être immortel, et cherchait les moyens de faire des créatures, soit par lui-même, soit par autrui, soit par son fils, comme ils disent, devrait montrer quelque ordre et non pas désordre et confusion !

Car jamais nous n’avons vu que des vaches donnassent naissance à des ânes, ni des ânes à des bœufs, ni des loups à des brebis, ni des brebis à des renards, ni des lions à des chevaux, ni des chevaux à des serpents. Mais seulement il est une propagation que les hommes ont inventée en dehors des règles de la nature, (propagation qui consiste à) faire naître des mulets (de l’accouplement) des chevaux et des ânes ; et ces (produits ou mulets) sont sans sperme et sans génération ; car ils n’ont pas été établis par Dieu, mais par une invention des hommes. Or, Zérouan, s’il était bœuf, comment engendrerait-il le scorpion Arhmèn ? et, s’il était loup, comment engendrerait-il l’agneau Ormizt ? Ne sont-ce donc pas là des sottises de l’imagination des hommes ?

Car Zérouan est fait homme, personnage fameux chez les Titans. Comme sont habitués les Grecs, les Arik et toutes les nations des païens à prendre les braves pour fils de dieux ; considérant (sous ce point de vue) le chef de la religion des Perses, puisque les hommes de ce pays le tiennent pour Dieu, moi, quant à la création même des cieux et de la terre, et de toutes les créatures, je supposerai (qu’ils la font émaner) de lui.

Et, comme véritable est ce discours, de là il est évident que (Zoroastre) institue sa religion à la manière humaine, et que par (voie d’) engendrement et de naissance il compose cette religion ; car d’abord il publie comme (provenant) d’un seul père les naissances de deux créateurs, (savoir celui) du bien et (celui) du mal, et puis, par (voie d’) inceste avec la mère et avec les sœurs, il introduit la créature des astres, et cela non pour autre chose, si ce n’est à cause de la sensualité et de l’agréable concupiscence ; car, ayant égard à la nation des Arik, (voyant) qu’ils étaient portés aux femmes, d’après cela propice à ces inclinations, il a combiné ses lois, afin que, quand (les Arik) entendront dire de leurs dieux qu’ils se sont portés à d’infâmes mélanges, eux aussi, en leur ressemblant, commettent indistinctement les mêmes turpitudes, ce dont est bien éloignée la Divinité qui est en haut ; car Dieu, (pour) avoir un fils, n’use pas du mariage ; mais (il a ce Fils) de toute éternité, comme la raison de l’intelligence, le flux de la source, la chaleur du feu, l’action lumineuse du soleil ; et non pas, comme ils l’assurent, que Zérouan avait besoin qu’un fils lui advînt, dont le nom serait Ormizt.

Ô sottise ! Nulle part de fils présent, et (Zérouan) imposait un nom à qui n’était ni conçu ni né ; à tous les enfants, après leur naissance seulement des noms sont imposés, et lui (Zérouan), comment avant la naissance (de son fils), lui imposait-il le nom Ormizt ? si ce n’est qu’il croyait que justement il lui viendrait un fils ; et, s’il le croyait, pourquoi douta-t-il, et fut-il par son doute cause de la naissance d’Arhmèn ? d’où (vient que) les maux sont entrés dans le monde ; et, chose encore étonnante, c’est que l’un (des enfants), d’après un sacrifice fait pendant mille ans, était à peine produit, l’autre aussitôt du doute (était le résultat).

Puis (lui, Zérouan), qui sut que deux fils étaient ici dans le ventre (de leur mère), pourquoi ne sut-il pas aussi cela : que l’un (était) bon et l’autre mauvais ? et s’il le sut, et ne détruisit pas le mauvais (fils), il est lui-même cause du mal ; puis, s’il ne le sut pas, comment est-il croyable qu’il connût l’autre ? Et, si alors il ne comprit pas (la vérité), quand il vit le ténébreux et puant (Arhmèn), ne le sut-il pas alors ? Mais il le sut et le vit, et fit roi (cet être) ténébreux ; il est lui-même cause des maux, par cela même qu’il n’anéantit pas le mauvais (fils), mais même lui donna un règne de neuf mille ans ; et sur qui donc le fit-il régner, si ce n’est sur les bonnes créatures produites par Ormizt, pour les tourmenter en mêlant avec elles ses mauvaises créatures ?

Mais aussi, quant à Ormizt, disent-ils, Zérouan le fit régner sur Arhmèn.

Si Ormizt était son roi, comment lui donnait-il ses bonnes créatures à tourmenter ? Si le père n’a pas soin des créatures de son fils, par cela même qu’il les a livrées aux mains du mal, et le fils comment ne ménage-t-il pas les siens ? (Est-ce) par impuissance ou par méchanceté ? Si, par impuissance, il ne les préserve pas, donc à présent il ne lui est pas (donné) de régner, ni même à la fin, il ne peut vaincre, comme ils disent. Mais, si (c’est) par méchanceté (qu’il ne préserve pas les siens), il se trouve que non-seulement le père, qui a fait régner le mauvais fils, est responsable des maux, mais même son fils (Ormizt) qui fut complice de son père et libérateur du méchant (Arhmèn), ou plutôt cause de son irruption.

Puis, comme (Zérouan) donna le royaume à ses fils ; à l’un (pendant) neuf mille ans, et à l’autre pour toujours, dans quel ordre était-il donc, lui (Zérouan) ? car, tandis qu’il n’y avait encore rien, il n’était roi de personne, car il n’était créateur de rien ; et, quand ses fils furent (nés), ils furent créateurs, l’un des biens, et l’autre des maux, et ils furent rois, l’un temporairement et l’autre éternellement ; et Zérouan resta dépourvu (du pouvoir) de création et de royaume. Il n’est pas créateur, car il n’a rien fait ; il ne fut pas roi, car de quelles créatures serait-il roi ? Et il est évident qu’il n’y eut jamais de Zérouan et qu’il n’y en a pas ; car quiconque est quelqu’un, est ou créateur ou créature. Or, lui (Zérouan), comme il n’est ni créateur ni créature, jamais (il ne fut) Dieu, il ne l’est pas et ne le devint point.

4. Mais, comme Zérouan, disent-ils, a pensé cela dans son esprit : Si l’un de mes enfants vient le premier vers moi, je le ferai roi, Ormizt le sut et découvrit le projet à Arhmèn.

Si Ormizt connut la pensée de son père, pourquoi ne connut-il pas le projet de son perfide frère, qui troue le ventre (de leur mère), s’élance, et va en avant pour prendre le royaume, qui par malheur devait lui advenir à lui et à ses créatures ? car, d’abord l’ayant rejeté en arrière, (Arhmèn) maltraitera (Ormizt), et puis, pendant neuf mille ans, (Ormizt) sera affligé, désolé, par suite du mauvais œil lancé sur ses bonnes créatures, que (Arhmèn) vaincra, corrompra ; ou bien Zérouan, qui sut la conception de ses deux fils dans le ventre de leur mère, quand devant lui se présenta Arhmèn, pourquoi ne le connut-il pas ?

Puis (Zérouan), qui savait son fils Ormizt être d’une odeur suave, et lumineux dès le ventre (de sa mère), comment ne sut-il pas que son autre fils était puant, et ténébreux ? N’est-il donc pas évident que ce ne sont pas choses certaines qui sont racontées par eux, mais fables et sottises ?

Et encore une autre chose qui est plus incroyable que tout, (c’est) que l’un (des fils), d’après un sacrifice de mille ans, était à peine produit, l’autre aussitôt d’après le doute advint ; et, si d’après ce doute advint le fils Arhmèn, (Zérouan) ne devait pas l’appeler son fils ; car s’il était son fils, il était semblable à lui, ou bon, si (son père Zérouan) était bon, ou mauvais, s’il était mauvais. Est-ce qu’aussi leur père Zérouan était bon et mauvais, et de la bonne veine lui advint le bon fils, et de la mauvaise artère (naquit) le mauvais (fils) ? S’il n’en était pas ainsi, (Zérouan) n’appellerait pas le méchant son fils et ne lui donnerait pas le royaume. Mais, si (Zérouan) était lui-même bon, il anéantirait le méchant, et au bon donnerait le royaume ; par là il deviendrait lui-même (digne d’un) nom illustre, et ne rendrait pas son bon fils Ormizt toujours contristé. Mais de tout cela il est évident que jamais il n’y eut de Zérouan père des dieux, et donateur de royaumes.

5. Ils disent encore : Les baguettes que (Zérouan) avait en main, il les donna à son fils Ormizt, et dit : Jusqu’à présent pour toi j’ai fait des sacrifices, dorénavant tu en feras pour moi.

Or, si (Zérouan) faisait des sacrifices pour lui (Ormizt), afin qu’à lui (Zérouan) il lui advînt un fils ; Ormizt au sujet de qui faisait-il des sacrifices pour Zérouan ? Est-ce que quelque soupçon était venu de quelque part (à Zérouan), et que, à cause de cela, il avait enjoint à Ormizt de faire des sacrifices pour lui ? Est-ce que celui de qui il sollicitait un fils, en lui donnant ce fils, en prendrait sa part ? Si cela était dans son esprit, les baguettes ne pouvaient pas l’aider ; et, en lui donnant ces baguettes, (Zérouan) ne dit point à Ormizt : Tu me feras des sacrifices, pour montrer qu’il était quelqu’un à qui lui, (Zérouan), pour son fils faisait des sacrifices, et (Zérouan) ordonna à son fils (Ormizt) de faire à cet être des sacrifices pour lui.

S’il était quelqu’un au-dessus de lui (Zérouan) et de son fils, (quelqu’un) à qui ils faisaient des sacrifices, il fallait croire ce quelqu’un cause de (Zérouan et d’Ormizt), et créateur de tous, et non pas (croire) Zérouan cause d’Ormizt et d’Arhmèn, et ceux-ci créateurs des maux et des biens ; (plutôt) que de donner à Zérouan un fils créateur, celui qui était au-dessus de Zérouan ne pouvait-il pas, par lui-même, faire les cieux et la terre et tout ce qui s’y trouve, comme il a été dit précédemment, et montrer (ainsi) sa puissance et sa bienfaisance ? ou, si de son fils Arhmèn Zérouan avait quelque soupçon, et à cause de cela donnait les baguettes à Ormizt, afin que, par (la vertu de) ces baguettes, en faisant des sacrifices à un être supérieur, il fût sans inquiétude ; donc il fallait qu’il y eût quelqu’un là à qui il fit des sacrifices, et, s’il était quelqu’un là à qui il y avait obligation de faire des sacrifices, donc Zérouan n’était pas éternel, mais produit par quelqu’un, et il fallait s’enquérir de qui il provenait, et qui était celui à qui il faisait lui-même des sacrifices, et qui était celui à qui il ordonna à son fils de faire des sacrifices pour lui ? car il n’est pas possible à quelqu’un de prendre commencement d’être, si d’un autre il ne prend (ou ne reçoit) l’être. Et Dieu seul pourrait faire de rien quelque chose, comme il veut. Donc, qui est-ce qui a fait Zérouan, si ce n’est Dieu, à qui (Zérouan) faisait des sacrifices, (Dieu) qui lui donna un tel fils, afin que (ce fils) fasse les cieux et la terre et tout ce qui s’y trouve ? Il est étonnant que lui-même ne fit pas (tout cela), et put donner au fils de Zérouan le (pouvoir de) le faire.

Mais il n’y avait personne là, disent-ils, à qui Zérouan faisait sacrifice : s’il en est ainsi, Zérouan même n’était point ; et c’est une chose bien digne de moquerie, que qui n’était pas, à qui n’était pas, pour qui n’était pas faisait des sacrifices.

6. Mais si fortune était, comme ils disent, Zérouan, donc de quelqu’un il était la fortune. Et, quel était donc celui dont il était la fortune ? car fortune n’est rien à l’état de personne, mais accident de prospérité ; comme de la justice est appelé le juste, de la vaillance le vaillant, de même aussi de la gloire (est appelée) la fortune. Donc, si fortune était Zérouan, il n’était rien à l’état de personne. D’où il est évident que même n’était pas du tout Zérouan.

Et si, comme ils disent, du doute fut conçu Arhmèn, d’abord, il lui fallait (à lui Zérouan) douter, car aussitôt un fils lui serait advenu, et non pas attendre mille ans, faire des sacrifices afin qu’il lui naquît un fils. Cependant, il lui arriva bon et méchant (fils, le méchant) prit de ses mœurs sa méchanceté, et non de la naissance même ; car il n’était pas possible à une seule matrice de recevoir le fabricateur des maux, et le créateur du bien ; car si (cette matrice) était mauvaise, du méchant seulement elle devait être le réceptacle ; et, si elle était bonne, du bon (seulement) elle devait être le contenant ; car le bon et le méchant dans une même (matrice) ne pouvaient advenir ; comme les loups et les agneaux d’une même matrice ne naissent point. Le côté du bien, ils le supposent émané de la part d’Ormizt, (tels que) les bœufs, les brebis et autres animaux utiles ; le côté du mal, (ils l’imputent) à Arhmèn, (tels que) les loups, les bêtes féroces et animaux nuisibles. Ils ne savent pas que, comme aux êtres nuisibles, avec les êtres inoffensifs, il est impossible d’habiter, de même aussi il n’était pas possible au bon d’être conçu dans une même matrice avec le méchant ; car, par exemple, il n’est pas possible de faire (réunir) le feu et l’eau en un même point, sans que le côté prédominant devienne destructeur de son compagnon, de même aussi au bon et au méchant, il n’était pas possible d’entrer en un même lieu ; sinon, ou celui-là corrompait celui-ci, ou celui-ci celui-là.

Or, si (Ormizt et Arhmèn) étaient produits de sperme, il n’était pas possible à un seul individu de projeter deux spermes contraires l’un à l’autre. De plus, (il n’était pas possible) à une même matrice de recevoir deux spermes différents ; car, quoique plusieurs hommes s’approchent d’une même femme, les spermes de tous ces hommes ne se combattent point ; car le premier sperme tombé (dans la matrice) laisse les autres comme superflus (et inutiles), et comment serait-il (advenu) que cette matrice-là reçût deux spermes ennemis l’un de l’autre ?

Et puis, pourquoi ne vainquit-elle pas, (elle), progéniture issue des sacrifices, et lui advint-il un obstacle dans la progéniture issue du doute ? Mais descendus là ensemble, ces ennemis, avec un accord (tout) pacifique, dans une même matrice se prélassaient. Il y a plus, le père, s’il savait deux enfants (enfermés) dans ce ventre, ne devait pas inconsidérément promettre le royaume ; mais il devait (le promettre) à celui-là seul pour qui il faisait des sacrifices.

Mais Ormizt, avant qu’il fût né, était donc imparfait ; et comment, imparfait, comprit-il la pensée de son père ? car celui qui peut connaître la pensée de quelqu’un, celui-là est au-dessus de (l’autre). Ce qui est (le fait) de Dieu et non de l’homme. D’où (il suit que) Ormizt est plus excellent que son père, (plus) fort et (plus) sage ; car, tandis qu’il était encore dans le ventre (de sa mère), il connut la pensée de son père, et sortit de ce ventre ; il fut (assez) puissant pour faire les cieux et la terre, que son père ne put pas faire.

Et maintenant, (Ormizt), qui était si fort et si sage, (plus) que son père, se trouve plus dupe, parce qu’il a été trompé par le perfide, en ce qu’il a révélé la pensée de son père à celui-là avec lequel il devait avoir une inimitié implacable, et non pas amitié.

Puis encore, s’il fallait trouer le ventre de la mère, et en sortir, c’était à lui, (Ormizt), qui connaissait la pensée de son père ; car ainsi, il allait le premier (se présenter), et prenait le royaume, et non pas à Arhmèn, qui ne savait pas la pensée du père, et n’était point (destiné) au trône. Mais, si (Arhmèn) troua le ventre (de sa mère), il fit peut-être même périr sa mère. Il faut s’enquérir si vraiment (Ormizt et Arhmèn) eurent une mère.

Mais, d’où serait-il évident qu’ils avaient une mère, surtout parce qu’ils disent que, tandis qu’il n’y avait encore rien, ni cieux, ni terre, Zérouan seul était ? Ce qui est bien digne de risée, (c’est) que : il serait père, et (il serait) mère ; le même (individu) aurait projeté le sperme, et l’aurait recueilli. Et ce qui est encore plus pitoyable : Quand Arhmèn, disent-ils, eut troué le ventre (de sa mère) et vint se présenter devant son père, le père ne le reconnut point. Comment ne le connaissait-il pas, puisqu’il n’y avait personne, quand lui-même était seul ? N’était-il donc pas évident que celui qui vint à lui était un de ses enfants ? Et il se trouve encore une chose plus pitoyable que la pitoyable (proposition ci-dessus), c’est que celui-là (Arhmèn) connut celui-ci (Zérouan), et celui-ci (Zérouan) ne connut pas celui-là (Arhmèn), et reniait son fils, (disant :) Mon fils est d’une odeur suave, et lumineux ; et toi, tu es ténébreux, et puant ; et comment n’était-il pas son fils, celui qui avec son bon fils avait été conçu dans la même matrice ; et il le reniait, (disant :) Toi, tu n’es pas mon fils, et reconnaissait l’autre, (disant :) C’est mon fils. S’il reniait (Arhmèn) comme étant mauvais, donc il ne devait pas le trouver digne d’être conçu, mais (il devait) le rejeter comme méchant, et l’exterminer, non-seulement lui (Arhmèn), mais encore Ormizt, qui révéla les pensées (de son père).

7. Mais encore autre chose plus ridicule, qu’ils disent : c’est que (Zérouan) donna ses baguettes à (Ormizt) pour faire des sacrifices en sa faveur, comme si (ce n’était) pas dans Ormizt ou dans le sacrifice même qu’était la puissance, mais dans les baguettes ; car, si (Ormizt) avait l’assurance d’être exaucé, il lui était superflu d’avoir en main des baguettes ; et, s’il n’était pas digne, les baguettes n’étaient pas (chose) suffisante pour rendre digne de faire des sacrifices celui qui était indigne ; car avoir (en main) ces baguettes et faire des sacrifices, c’est le fait de l’homme et non pas de Dieu. Or, si lui (Ormizt) était Dieu, et était (assez) puissant pour faire les cieux et la terre, quel besoin avait-il d’avoir (en main) ces baguettes, et de faire des sacrifices pour délivrer son père de ses craintes ? lui (Ormizt) qui était assez puissant pour faire les cieux et la terre sans ces baguettes, comment ne pouvait-il pas tranquilliser son père sans ces baguettes ? Il fut donc évident que le père était insensé, impuissant, et cherchant appui dans un autre, et que le fils (était) également impuissant, insensé ; car ni celui-là (Zérouan) ne put engendrer son fils sans faire des sacrifices, ni le fils, sans prendre en main les baguettes, ne put affranchir (son père) de ses craintes.

8. De plus, aux vexations du mal il y eut deux causes, de tourmenter les bonnes créatures du bien ; car Ormizt, disent-ils, (tout) ce qui était bon, il le faisait, et les hommes justes et bienfaisants ; et Arhmèn faisait les mauvaises créatures et les démons.

Or, si les démons étaient mauvaises créatures et méchants par nature, nul d’entre eux ne pourrait jamais rien concevoir de bon, Arhmèn principalement. Mais nous voyons ici que, d’un objet qui est même très-agréable au milieu des créatures, comme ils disent, Arhmèn fut l’inventeur. Quand il vit, disent-ils, qu’Ormizt avait fait de belles créatures et qu’il ne savait pas faire la lumière, il réfléchit avec les démons, et dit : Quel avantage y a-t-il pour Ormizt ? Il a fait ces belles créatures, et elles demeurent dans les ténèbres ; car il n’a pas su faire la lumière. Maintenant, s’il était sage, il entrerait (en commerce) avec sa mère, il se jetterait sur sa sœur, et la lune naîtrait ; et il donnerait ordre que personne ne révélât sa pensée. Ayant ouï cela, Mahmi, démon, alla promptement près d’Ormizt, et lui révéla ce projet. Ô ineptie et insipide sottise ! (Ormizt), qui put trouver le moyen de faire l’économie des cieux, de la terre, et de tout ce qui y est, ne pouvait pas pressentir ces quelques moyens de ruses ; et, par cela même, non-seulement ils font Ormizt insensé, mais aussi (ils font) Arhmèn bon, auteur de bonnes créatures.

Comme ils disent encore une autre chose, (savoir) qu’Arhmèn a dit : Non pas que je ne puisse faire quelque chose de bon, mais je ne veux point ; et, pour établir cette assertion, il fit le paon. Vois-tu que par sa volonté il est méchant, et non par nature ?

Or, qu’y a-t-il de plus éclatant que la lumière, dont Arhmèn fut l’inventeur ? ou bien, quoi de plus beau que le paon qu’il fit, pour montrer sa puissance à faire le beau ? et par là, il est évident que, si mauvais par nature était Arhmèn, il ne serait pas l’inventeur de la lumière, ni le créateur de la beauté. De plus, si les démons par nature étaient mauvais, il ne serait pas possible à Mahmi de pressentir les conditions de la création de la lumière, à laquelle jusqu’à présent les sectateurs de cette religion, trois fois par an, offrent des sacrifices. D’où (il suit que) ils sont atteints du reproche d’être, eux aussi, sectateurs des démons ; et les démons ne sont pas mauvais par nature, mais par volonté ; et, si eux-mêmes offrent des sacrifices aux démons, par quelle puissance chasseront-ils les sectateurs des démons ? Vois-tu que tout ce qui par eux est dit, ce sont fables et vaines histoires ?

9. Puis ceux-là qui imputent à ces causes la création des (corps) lumineux, contournant cette assertion, introduisent une autre cause de l’existence du soleil ; Arhmèn, disent-ils, convia Ormizt à un repas ; Ormizt y étant allé, ne voulut pas manger que d’abord leurs fils ne se fussent battus ; et le fils d’Arhmèn ayant terrassé le fils d’Ormizt, (les deux pères) furent à la recherche d’un juge, et n’en trouvèrent pas ; puis ils firent le soleil pour qu’il devînt leur juge.

Là, ils disent Arhmèn inventeur de l’être du soleil ; ici, il est évident (qu’il ne fut que) cocréateur de la lumière ; et, s’il n’y avait pas là quelque autre être pour juge, ne pouvaient-ils pas (Ormizt et Arhmèn) aller près de leur père ou près de celui à qui le père et le fils (Ormizt) faisaient des sacrifices selon la fable ?

Et maintenant, comment étaient-ils ennemis l’un de l’autre, Ormizt et Arhmèn, eux qui, dans une même matrice reposèrent, et allaient au repas l’un de l’autre ; eux qui, par une mutuelle coopération, ayant créé le soleil, l’établissaient leur juge ? Or, en premier, un certain Zratachd (Zoroastre) attribue (le fait) au libertinage (disant que), du commerce incestueux avec la mère et la sœur, furent produits le soleil et la lune, afin qu’en voyant cela, sa nation (c’est-à-dire la nation de Zoroastre) se livrât sans réflexion aux mêmes turpitudes. Une autre fois, pour cacher cette honte, Zoroastre publie que, pour le (besoin de) jugement (Ormizt et Arhmèn) ont fait (le soleil), et, comme par écrit ne sont pas (consignées) les religions, tantôt ils disent cela, et par là ils trompent, et tantôt (ils disent) ceci, et par cela même ils abusent les ignorants. Mais, si Ormizt était Dieu, de rien il pouvait faire les astres, comme les cieux et la terre, et non pas par suite d’un commerce infâme, ou bien d’un manque de juge.

10. Puis ils disent encore une autre chose, qui n’est pas du tout croyable ; (ils disent que :) comme mourait Ormizt, il projeta son sperme en une source, et près de la fin, de ce sperme doit naître une vierge, et d’elle un enfant (issu), défait grand nombre des troupes d’Arhmèn ; et deux (êtres) de même espèce s’étant produits, battent ses troupes et les exterminent.

D’abord, par cela ils sont confondus ; car l’eau n’est pas conservatrice du sperme, mais (elle en est) destructrice ; et puis, sur un autre point, ils sont aussi battus : plutôt que de donner à une fontaine son sperme à conserver en vie, pourquoi (Ormizt) ne put-il pas lui-même se conserver en vie ; mais fils de ce Dieu bon, par le mauvais fils (Arhmèn) il fut exterminé. Il est évident que ceux qui, dans leur état d’abjection, ont vaincu (l’être) bon (Ormizt) et son fils, à la fin doivent dominer ceux qui comptent des troupes si innombrables.

Puis, si leurs dieux sont mortels eux-mêmes, comment auront-ils espérance de la résurrection, et surtout d’une résurrection triple, qu’il ne faut pas réputer résurrection, mais non-résurrection. Mais si justement, comme ils disent, son fils, (le fils d’Ormizt) mourut, touchant Ormizt et son autre fils Chorached, il n’était pas permis de douter qu’ils ne mourussent, puisque de race d’ (êtres) mariés et mortels est la maison de leurs dieux.

De tels dieux, il faut les tenir, non (pour) de vrais dieux, mais (pour) de faux dieux ; car celui qui est le vrai Dieu a tout (réuni) autour de son éternité ; comme son essence, de même aussi, (il a) l’éternelle vitalité, et son fils, toujours avec lui, sans cause, sans intermédiaire de qui que ce soit. La création, (il la tient), non pas de quelque invention, mais de sa puissance volontaire ; il n’a personne (qui lui soit) contraire, (personne autre qui, tandis) qu’il serait, lui, créateur des biens, (soit, elle), créateur des maux ; comme eux ils attribuent à Ormizt les bonnes créatures, et à Arhmèn les mauvaises. Ce qu’ils ne peuvent démontrer, s’ils y regardent attentivement, (c’est qu’il n’est pas une) mauvaise créature, qui soit mauvaise par nature, ni Arhmèn, ni même les démons qu’ils supposent ses créatures ; comme bien des fois, par de fréquents exemples, nous n’avons pas oublié, dans notre premier discours, de le démontrer.

Mais, si Arhmèn leur paraît mauvais, à cause qu’il porte le nom d’Haraman, pour avoir jeté hors du soleil (de la vie) les sectateurs du soleil, (circonstance) d’où il a pris le nom d’Haraman ; de même aussi le nom de Satan n’est pas un nom de nature, mais de mœurs, comme de la bonté, quelqu’un est appelé bon, et de la méchanceté, méchant. Ce n’est pas que les mœurs soient innées, mais (elles sont) venues (avec le temps). Et de là il est évident que bien des fois nous voyons beaucoup (de gens) irréfléchis devenus réfléchis, et des (gens) réfléchis devenus irréfléchis ; des gens insensés devenus sensés, des gens sensés devenus insensés. Voilà ce qui (arrive) de la part des êtres raisonnables.

11. De plus, (quant à ce qui est) des êtres irraisonnables, des brutes, à cause de leurs différentes mœurs, il ne faut pas leur croire deux créateurs, comme ces gens-là, par ineptie, ont pensé qu’Ormizt fit les brutes, les quadrupèdes, et les oiseaux, et les poissons, et tout ce qui est bon et beau ; et qu’Arhmèn (fit) les bêtes féroces et les oiseaux impurs, et les reptiles, et les serpents, et les scorpions, et tous les animaux nuisibles. Si les cieux et la terre, et les eaux, d’Ormizt étaient créatures, comment les êtres nuisibles faits par Arhmèn habiteraient-ils sur la terre d’Ormizt et suceraient-ils l’air, (se nourriraient-ils) des aliments qui sont (tirés) de la terre, et dans les mêmes eaux croîtraient les animaux impurs avec les poissons non impurs, et dans le même air les oiseaux carnassiers tourneraient-ils avec les plus doux oiseaux, (êtres malfaisants) qu’Ormizt, (auteur) des bonnes créatures, devait exterminer et non pas entretenir ; car de lui sont la terre, et les eaux et les airs.

Et, si les bêtes féroces, à cause de leur action malfaisante, sont réputées (provenir) de quelque mauvais créateur, il est plus convenable de croire les hommes (faits) par le mauvais créateur, et non pas les animaux ; car ceux-ci (c’est-à-dire les hommes), sont plus nuisibles aux bêtes féroces que les bêtes féroces à ceux-ci ; car ceux-ci (les hommes), sortis des villes et des villages, se mettent à poursuivre, pour les exterminer, les bêtes féroces ; et celles-là, (les bêtes féroces) s’élancent dans les montagnes et les lieux abruptes, se hâtent de se jeter partout fugitives. Les tanières de la plupart (de ces bêtes féroces) sont hors de la fréquentation des hommes.

De même aussi des reptiles percevant le bruit seul de l’homme ; il en est qui dans des trous, qui dans des tanières, qui dans des excavations de la terre pénètrent et se tapissent ; et, si, en poursuivant trop les animaux, les hommes éprouvent dommage, le tort en est aux hommes, et non pas à ceux-là, (c’est-à-dire aux animaux), par cela même par quelque mauvais créateur il ne faut pas croire les bêtes féroces et animaux (nuisibles) produits, mais bien créés par un seul bon créateur ; moitié pour nos besoins et moitié pour ornement, quelques-uns (comme) épouvantail pour rabaisser l’injuste orgueil de l’homme. Même, en regardant à leur action nuisible, on ne les voit pas se nuire les uns aux autres ; et, s’il faut haïr leur action malfaisante, qui ne se produit pas par la pensée, combien encore plus (faut-il haïr) l’action malfaisante des hommes qui s’exerce par la réflexion et la ruse !

De plus, par (les êtres) les plus infimes (Dieu) nous fait tourmenter, comme par la puce et par la mouche, et par le cousin et par la guêpe, et par le moustique et par le rat, et par d’autres semblables (insectes) qui sont des animalcules, et peuvent nous fatiguer ; car il en est parmi eux qui nous fatiguent, et il en est qui nous sont nuisibles, comme le rat, la teigne et le ver, et autres (animaux) qui leur sont semblables. (Dieu), par leur moyen, abaisse et déprime (l’orgueil de) nos pensées ; car, quand nous saurons que de si petits (animaux) peuvent nous être nuisibles, nous descendrons (du faîte) d’un injuste orgueil (pour) ne pas avoir notre personne en si grande estime.

Puis (il nous faut) considérer la providence de Dieu ; si de petits (animaux) peuvent nous nuire, comment pourrions-nous vivre si, avec les reptiles et avec les bêtes féroces, (Dieu) nous avait fait cohabitants ? Mais aussi à cela nous devons regarder, (c’est) que, combien de brutes (Dieu), pour nos besoins, nous a soumises : les chevaux, les chameaux, les éléphants, les troupeaux de bœufs et de brebis ; et, dans les montagnes et dans les plaines, les daims, les cerfs, les moutons sauvages et les sangliers, (tous animaux) dont la moitié est bêtes de charge, et la moitié bonne à manger.

Et (Dieu) nous a donné à connaître que des animaux dont il veut (que nous triomphions), nous pouvons devenir vainqueurs, et (que) de ceux dont il ne veut pas (nous rendre vainqueurs), nous ne pouvons triompher, non-seulement des (animaux) considérables, mais même des (plus) infimes. Quoi de plus misérable que la puce et le rat ? et nous ne pouvons exterminer cette (engeance) ni l’expulser du monde. Il est encore quelque autre être dans les eaux, (fait), non pas pour satisfaire nos besoins, mais seulement pour nous tourmenter. Quand nous verrons que nous ne sommes pas capables de les exterminer, nous connaîtrons notre impuissance, et nous rabattrons de notre vain orgueil, et à celui-là seul nous donnerons la victoire, qui par des êtres infimes nous fatigue, et nous assujettit les plus grands animaux ; par exemple, les éléphants et les chameaux, et les lions, et les léopards, et les panthères, (animaux) dont Dieu façonne et apprivoise la moitié, pour (servir de) bêtes de charge, et l’autre moitié pour l’amusement (de l’homme).

12. Mais d’autres ont pensé différemment de Satan, (croyant) que Dieu même l’a fait mauvais.

Or, si Dieu l’a fait mauvais, pourquoi l’Église chasse-t-elle les démons ? Si vengeurs des maux ont été établis les démons, l’Église fait donc tort à ceux-là qui par eux sont admonestés, et s’oppose aux volontés de Dieu ; car (Dieu) a fait les démons pour la correction (de l’homme), et celui-ci les chasse ; mais ce pouvoir de les chasser, (l’homme) ne l’a pas de lui-même, mais de Dieu, (cela) est évident. Si le Seigneur n’avait d’abord soufflé son esprit sur les douze, et donné puissance aux soixante-dix (disciples), ils ne pouvaient chasser les démons ; bien plus, si (Dieu) lui-même savait les démons propres à corriger les hommes, il ne sévirait pas contre eux, et il n’ordonnerait pas à ses disciples de chasser (des démons), à qui il aurait donné ordre d’entrer dans les hommes.

Et comment serait-il (vrai) que les anges, lorsqu’ils entendent le nom de Dieu, deviennent joyeux, et les démons jamais ; mais bien plus, lorsqu’ils entendent (le nom de Dieu), ils s’emportent. Si répresseurs des péchés étaient les démons, jamais ils ne disposeraient les hommes à l’idolâtrie, ni à différentes sectes de philosophes et d’hérétiques, ni aux distributions de sorts, ni aux arrêts du destin, etc., ni à fixer les yeux sur les astres, (par croyance) qu’ils sont cause de la prospérité et de l’adversité.

Invention des démons est l’idolâtrie ; David témoigne que tous les dieux des païens sont des démons. Et le bienheureux Paul dit : * Quel rapport y a-t-il du Christ avec Bélial ? Et voici comme ils disent, il y a rapport entre eux ; car si, parce que Dieu l’a fait mauvais, (Bélial) persécute (les hommes), il ne faut pas l’appeler mauvais, mais vengeur ; car mauvais alors il serait, s’il n’accomplissait pas l’ordre (de Dieu).

Mais pourquoi non pas (Satan), * mais l’ange de Dieu frappa-t-il les aînés des Égyptiens, et bien des fois les Juifs dans le désert, car si (Satan) à cela était préposé, pourquoi ne frappait-il pas ? Mais l’ange (frappait), * et aux jours de David soixante-dix mille (hommes) des douze tribus d’Israël, et du camp d’Assyrie cent soixante-quinze mille hommes de troupes furent frappés par l’ange de Dieu, et non par les démons. Pourquoi aux jours de Jésus, fils de Josédech, l’ange disait-il au tentateur qui lui était opposé : * Le Seigneur sévira contre toi, Satan ? Pourquoi aussi fils de Satan sont appelés les Juifs, à cause de leur transgression des lois, si lui (Satan) reste (fidèle) à l’ordre qu’il a reçu, et que ceux-là (les Juifs) l’ont transgressé ? Et pourquoi serait-il appelé faux celui qui juste demeure dans l’ordre, car de lui (Satan) n’est pas la méchanceté, mais de celui-là qui l’a fait tel ; et pourquoi (Satan) sera-t-il envoyé dans les ténèbres extérieures ?

Mais, disent-ils, repos sont pour lui les ténèbres. Ce n’est pas cela que criait la légion de démons, mais (elle criait) que les tourments sont préparés pour lui (Satan). * Qu’y a-t-il de commun entre nous et toi, dit-il, Fils de Dieu, pour que tu sois venu avant le temps nous tourmenter ? Et pour rendre évidente sa perversité, Dieu dit : * Nul ne peut prendre les instruments du fort qu’il ne lie d’abord le fort. Or, pourquoi le lierait-il, si ce n’est parce qu’il savait que par volonté il est méchant, et quand il veut, il peut devenir sage ?

Si, dès sa naissance, Dieu l’avait préposé pour persécuter (les hommes), pourquoi flétrirait-il du nom de mauvais (Satan) qui conserverait la nature telle (qu’elle lui) fut (donnée) ? bien plus, de châtiment il ne serait pas digne, pour avoir justifié sa nature ; car personne ne punit le feu (et ne dit) : Pourquoi brûles-tu ? ni les eaux, (en disant) : Pourquoi noyez-vous ? Et puis, quant aux ordres (immuables), les questions se résolvent dans le même sens.

13. Par ordre, disent-ils, les hommes mourront-ils, ou sans ordres ?

D’abord, nous devons savoir ce que sont ces ordres, et d’où le terme de ces ordres par le monde s’est étendu ?

L’ordre lié (ou destin) au sujet de la mort, nous ne le trouvons nulle part dans les livres divins (la Bible) ; car le maître de la mort et de la vie peut abréger son ordre, et le prolonger, comme au temps du déluge il dit : * Seront les jours de la vie de ces hommes de cent vingt ans ; et à cause de la multitude des iniquités, il en retrancha vingt ans ; et comme à Adam, il dit : * Le jour où tu manges du fruit de cet arbre, tu meurs ; et dans sa bonté, et à cause de la filiation et de la propagation des hommes en ce monde, il accorda à Adam * neuf cent trente ans, afin que sa belle créature ne fût pas totalement anéantie ; et à * cause des larmes du roi Ézéchias, il ajouta à sa vie quinze ans ; et, * à cause de la pénitence des Ninivites, il ne perdit pas leur ville le troisième jour, selon la prédication de son prophète.

Et non comme les Chaldéens-astrologues, qui attribuent les causes des naissances et des morts aux astres comme à des (êtres) vivants ; comme si, quand on naît, de ce moment les morts de chacun étaient immanquablement fixées ; et, d’après cela, il n’était possible pour personne que le (moment de) mourir fût avancé, ni retardé.

Mais ils sont confondus par les événements des batailles ; car en un seul jour des myriades d’hommes sont exterminées à différents âges, moitié encore enfants, et moitié jeunes hommes, et d’autres dans l’âge accompli de la vieillesse ; (victimes) dont les naissances n’étaient pas (arrivées) en une même heure, (mais dont) les morts ont lieu en même temps.

Et puis, si des astres étaient (tirées) les causes des naissances, pourquoi dans les Indes personne ne naît-il blanc, et dans les autres pays ce n’est pas la même couleur ? Est-ce qu’ici seulement n’est pas arrivé l’astre qui fait blanc, ni dans les autres pays l’astre qui fait noir ? Et les dents de l’Indien, d’où vient qu’elles sont si blanches ?

14. Puis des bonheurs et des malheurs ils supposent les astres causes ; comme s’il y avait des maisons sidérales, et (que), selon l’arrivée des astres causatifs dans ces maisons sidérales, des naissances analogues se produisaient.

Lorsque le lion, disent-ils, est encore dans sa maison sidérale, et qu’il naît quelqu’un, (cet homme) est pour devenir roi. Et, quand c’est le taureau et qu’il naît quelqu’un, cet homme doit arriver fort et bien constitué. Et, quand c’est le bélier, et qu’il naît quelqu’un, cet homme est pour devenir riche, et, comme le bélier, il est épais et velu. Et, quand c’est le scorpion, et qu’il naît quelqu’un, cet homme est pour devenir méchant et coupable. Et les autres (astres) sont causes de différentes choses. Comme si, lorsque Chronos (ou Saturne) entre dans sa maison sidérale, le roi mourait, (entrée de Saturne) qui eut lieu trois fois, comme ils disent, sous l’empereur Théodose ; et les Chaldéens (ou astrologues) étaient assurés que le roi mourait, et lui (Théodose) ne mourut point, afin que (voué à la) honte fût leur art menteur.

D’abord, qu’ils disent qui donc a attiré ces noms terrestres, ces êtres carnassiers et herbivores dans les cieux, pour qu’ils devinssent causes de la naissance des hommes ? car quiconque peut devenir cause de la naissance de quelqu’un, (bien) au-dessus de celui dont il est cause, doit être en sagesse. Or, en considérant (les choses) avec le sens commun, nous verrons qui est supérieur, nous verrons qui est au-dessus, l’homme qui commande à la brute, ou la brute qui est sous l’empire de l’homme ? Et non-seulement elle est sous son empire, mais aussi elle est sa nourriture, et des bêtes féroces nous voyons la moitié devenir fugitives, et la moitié dans les épaisses forêts de pins se fortifier, quand elles entendent seulement la parole de l’homme ; car le Créateur a jeté la peur et la crainte de l’homme sur les bêtes féroces et les reptiles, et les brutes et les oiseaux, pour mieux honorer (l’homme), dont Dieu présente la créature (comme une) merveille, qu’il a créée de ses propres mains, et (sur laquelle) il a soufflé le souffle vital pour ainsi dire de sa propre bouche. Et par cela même, Dieu manifeste qu’il veut montrer l’homme plus honorable (que les autres créatures.)

Mais Dieu est au-dessus des corps articulés, cela est évident pour les (hommes) sincères ; et, si pour lui (homme) furent faites les bêtes féroces et les brutes, comme l’expérience des choses le montre, comment serait-il (arrivé) qu’aux cieux (ces bêtes) montassent, et y devinssent les causes de la naissance des hommes, (ces bêtes) qui sont aussi éloignées de la vitalité que (l’est) la torche, qui par les hommes est composée pour servir de lumière à la maison pendant la nuit ? Et des objets n’ayant pas vie, comment peuvent-ils devenir cause d’êtres vivants ?

Mais, si (les astres) n’étaient pas (des êtres) vivants, disent-ils, (les astres) ne seraient pas marchant, mais, puisqu’ils marchent, il est évident qu’ils sont vivants.

Or, qu’ils écoutent (ceci) : Si tout ce qui est marchant était vivant, donc les eaux qui marchent seraient réputées vivantes. Et le feu, à cause de son mouvement, serait considéré vivant. Et les airs, et les vents, à cause de leur souffle, seront censés vivants. Et les plantes, les pousses des herbes qui, quoique d’une marche lente, cependant par leur accroissement semblent (des êtres) ambulants. Or, comme tout ce qui est ambulant n’a pas la vitalité réfléchie et raisonnable, de même aussi ni le soleil, ni la lune, ni les astres, ni les cieux même à travers lesquels ils tournent, n’ont une vitalité réfléchie et raisonnable. Mais les cieux et la terre, (comme des) vases-réceptacles, sont établis par le Créateur (pour) contenir, renfermer en eux tout ce qui est entre eux. Et les corps lumineux, comme des flambeaux allumés pour écarter les ténèbres du milieu de la grande maison (de ce monde). Ce sont des habitants obligés pour l’agrément de tous les (êtres) vivants. Ils ne sont pas eux-mêmes à eux-mêmes, car ils ne savent point s’ils sont ou s’ils ne sont pas. Comme aussi les cieux et la terre, et les bois, et les pierres sont pour ceux pour qui ils ont été (faits), et ne sont pas eux-mêmes à eux-mêmes ; car ils ne savent pas s’ils sont ou s’ils ne sont pas, par cela même qu’ils ne sont pas des (êtres) réfléchis et raisonnables.

Puis, comme ils disent que : Quand le lion sera dans sa maison sidérale, un roi doit naître. S’il en était ainsi, bien des fois beaucoup de rois devraient naître ; car non pas un seul (individu) naît quand le lion est dans sa maison sidérale, mais un grand nombre.

Et, si justement le lion était cause de la naissance des rois, donc le fils du roi ne deviendrait pas roi, mais (ce serait) celui dont la naissance arriverait à l’entrée du lion dans sa maison sidérale. Or, si nous voyons que le fils du roi devient roi, comme le fils de David, Salomon, s’assit sur le trône de son père, et le fils de celui-là (c’est-à-dire de Salomon) sur son trône. Et successivement la série des rois de Juda fut prolongée jusqu’aux Machabées. De même aussi, quant aux Assyriens et aux Babyloniens, le fils recevait du père par ordre (de succession) la couronne ; comme aussi d’un certain Sassan, les Sassanides prirent de père en fils, par ordre de succession, le trône des Sassanides jusqu’aujourd’hui. Et le lion ne se trouva pas dans les cieux entré dans sa maison sidérale, afin de pouvoir transporter le trône à une autre race en la terre d’Orient.

15. Il est évident que, comme du royaume l’astre n’est pas cause, de même aussi il n’est pas la cause ni de la puissance, ni de la richesse. Surtout, puisque nous voyons les riches devenir pauvres, et les pauvres devenir grands. Est-ce qu’ils pourront dire aussi cela que : un seul et même astre peut devenir cause de la grandeur et de la pauvreté, de la puissance et de la faiblesse ? car souvent nous voyons les puissants devenir faibles, et les faibles devenir puissants, et les méchants devenus sages, et les sages devenus méchants. Et où donc est ce qu’ils disent que : Tout ce qui est écrit dans les ordres du destin, il n’est pas possible d’y échapper, mais que celui qui a été inscrit glorieux, est glorieux, et celui (qui a été inscrit) malheureux est malheureux ? Et que là où seront les ordres (du destin) et par qui ces ordres (l’auront fixé), ainsi l’on meurt. Et il n’est pas possible de se soustraire à l’ordre fixé.

Ô ordre impuissant, règle sans force, que les voleurs et les brigands peuvent renverser, lorsque, survenant, ils jetteront quelqu’un hors de ses biens et du soleil (de la vie) ; et si, d’après un ordre fixé, les choses se font, il ne doit pas (être permis) aux rois de donner des ordres de mort, ni aux juges de poursuivre et de faire périr l’homicide ; eux qui, en portant la peine de mort sur (les criminels), manifestent ainsi que les crimes des coupables n’arrivent pas selon un ordre fixé, mais d’après la violence de leur méchanceté.

Ou bien, quand un bandit fond sur un pays pour dépouiller le seigneur, et exterminer les habitants, qu’on ne rassemble point de troupes, qu’on ne forme point de légions sur légions pour chasser le brigand du pays ; mais qu’on lui donne (plein) droit (en disant) : Si les ordres du destin sont de laisser exterminer le pays par le brigand, pourquoi nous tournerions-nous contre ces ordres ? Mais en rassemblant des troupes, en chassant l’ennemi du pays, on montre que ce n’est pas d’après un ordre fixé que ces déprédations se commettent, mais d’après la violence du brigand qui, venu là par cupidité, saccage le pays, et le dépouille de ses biens et possessions.

16. Mais il faut aussi savoir que tout le dommage qui se fait par les malfaiteurs, par avance Dieu le sait.

Et s’il sait, disent-ils, les dommages qui doivent arriver (ou fondre) sur les hommes, pourquoi ne les empêche-t-il pas ?

Combien de dommages Dieu écarte des hommes ; cela non pour tous est évident, mais pour celui-là seul qui distribue (à tous) sa providence selon les besoins de chacun. Il abrége quelquefois le dommage (causé par) des malfaiteurs, de peur qu’ainsi il paraisse qu’il ne peut pas empêcher ce dommage. Puis il permet aussi au malfaiteur d’assouvir ses volontés (brutales) sur son compagnon, de peur que (lui Dieu) ne paraisse conduire par la nécessité les (êtres) raisonnables, mais (aussi), afin que par les œuvres de chacun apparaissent les manières d’être de chacun.

Et par avance (Dieu) sait tout, et cette prescience n’est point cause des maux ; car, quand quelqu’un verra son compagnon aller par des lieux à précipices, et dira que (cet homme) sera précipité, (ce quelqu’un) n’a pas été cause de la chute de son compagnon ; ni, quand quelqu’un verra son compagnon aller par des lieux infestés de voleurs, et dira que cet homme y trouvera sa ruine, ce (quelqu’un ne sera pas cause du dommage ; ni, quand quelqu’un verra le fils d’une noble personne en venir à la dissipation, et dira que ce (jeune homme) perdra les biens paternels, ce quelqu’un ne sera pas cause de la dissipation de ces biens ; de même aussi, la prescience de Dieu n’est pas cause des biens ou des maux.

Dieu sait tout par avance ; mais il est (des choses) qu’il veut, il en est qu’il ne veut pas. Il a voulu produire le déluge, et sa volonté n’était pas que l’homme et la brute en général fussent exterminés, mais la perversité des infâmes désordres du genre humain l’amena au point de faire ce qu’il ne voulait pas ; comme lui-même le jure par son prophète, (disant) : * Je ne veux pas la mort du pécheur, mais son retour (au bien) et sa vie.

(Dieu) voulait qu’Adam ne péchât point ; et, comme par avance il connaissait sa transgression, d’avance il lui ordonna de ne pas manger du fruit de l’arbre ; et comme (Adam) * n’obéit pas à l’ordre, justement il fut puni. Par avance, (Dieu) * savait à l’égard de Job, qu’il serait vertueux ; et, touchant Ésaü, qu’il se perdrait dans les désordres. Et pour cela, avant même qu’ils fussent nés, il dit : * J’ai aimé Jacob, et j’ai haï Ésaü. Et * d’avance, considérant le zèle de Josias, roi de Juda, il avertit d’avance par son prophète que d’eux il doit surgir un roi qui anéantira l’idolâtrie des enfants d’Israël. Et * d’avance, ayant fait connaître l’excellence du Perse Cyrus, il annonce par avance qu’il doit délivrer de la captivité son peuple : il est évident que par avance savoir (l’avenir) est le comble de la merveilleuse essence de Dieu.

17. Vouloir le bien et non le mal, ce fut la bienfaisance de sa nature philanthropique. Considérant par avance l’obstination de Pharaon, Dieu dit : * J’endurcirai le cœur de Pharaon.

Et s’il l’a endurci, disent-ils, pourquoi l’a-t-il frappé de (rudes) coups, lui et la terre d’Égypte ?

Mais l’apôtre entre en justification de son maître (en disant) que * non pas (Dieu) a endurci Pharaon, mais lui s’est endurci lui-même. Et ce dire de Dieu : J’ai endurci, est pareil (à ce que dit) quelqu’un, lorsqu’il aura glorifié son compagnon ou son serviteur, et que celui-ci devenu fier, méprisera celui qui l’a élevé : (le bienfaiteur) dira : * Pourquoi lui imputerai-je la faute ? moi-même je me suis fait cette injure, car j’ai porté aux honneurs un homme indigne ; de même aussi, il faut entendre touchant Dieu : J’ai été par mon indulgence cause de son endurcissement, parce que je n’ai pas d’abord exterminé son premier-né.

Mais (Dieu) a voulu, dit l’apôtre, montrer sa colère et manifester sa puissance, qu’il a étendue avec beaucoup de longanimité sur des vases préparés pour la perdition. D’où il est évident que la longanimité de Dieu fut cause de l’endurcissement du cœur de Pharaon, par cela même que Dieu ne lança pas d’abord les derniers coups sur lui.

Mais, comme (Dieu) n’avait pas pétrifié le cœur de Pharaon, par là il faut comprendre que tantôt (Pharaon) consentait à laisser partir le peuple (de Dieu), et tantôt n’y consentait pas. Ils se sont eux-mêmes faits vases préparés pour la perdition, et non pas Dieu (les a faits ainsi, Dieu) dont l’apôtre dit que : * Il veut que tous les hommes vivent et arrivent à la connaissance de la vérité. Et n’étaient-ils donc pas eux (du nombre) de tous les hommes ?

Et non pas, comme dit (notre) partie adverse, que (l’homme agit) non pas selon son vouloir, ni même selon sa marche, mais selon la miséricorde de Dieu ; car de celui dont il veut (avoir pitié), il a pitié, et sur celui, sur qui (il veut sévir), il sévit. Aussi, confondant le côté de nos adversaires, l’apôtre dit : * Qui es-tu, ô toi, ô homme, qui exiges réponse de Dieu ? S’il en était ici ainsi, qui serais-tu donc, toi qui exigerais des comptes de Dieu ? * Est-ce que l’argile dit au potier : pourquoi ainsi m’as-tu fait ? Mais il n’en est point ainsi. (L’apôtre) lui-même, dans la même épître, le dit : * À l’obéissance de qui vous voulez, vous vouez vos personnes, (à l’obéissance) de la justice ou à l’obéissance du péché. Et, écrivant à Timothée, (l’apôtre) dit : * Si quelqu’un se purifie lui-même, il est devenu vase utilement préparé pour l’œuvre de son Seigneur ; et le prophète dit : * Si vous vous plaisez à m’écouter, vous mangerez la bonté de la terre.

Par tout cela et bien d’autres choses encore, il est évident que (Dieu) ne dispose pas des vases de colère pour la perdition, ni des vases de miséricorde pour la gloire, mais que les (hommes) eux-mêmes se disposent pour la perdition ou pour la gloire ; et, comme il n’est pas de partialité de la part de Dieu, (l’apôtre) dit : * Est-ce qu’il serait Dieu seulement des Juifs, et non pas aussi des païens ? Oui, (il est aussi Dieu) des païens ; car c’est le même Dieu qui justifie la circoncision par la foi, et l’incirconcision par la même foi. Puis (il dit aussi * sur nous) qu’il a appelés non-seulement d’entre les Juifs, mais aussi d’entre les païens. Et ailleurs (il dit) : * Il est un Seigneur, une foi, un baptême, un Dieu sur tous et pour tous et en tout.

Puis, ayant précédemment menacé son peuple de captivité, Dieu disait avec serment : * J’ai parlé, maintenant je ferai (ce que j’ai annoncé), et je ne ferai pas retourner (mes paroles en arrière). Non pas que ce fût là sa volonté, mais leur impiété l’amena à ce qu’il ne voulait pas. Et, si dans la même obstination, après ces menaces, (les Juifs) ne persévéraient pas, (Dieu) ne les livrait pas aux mains de leurs ennemis. Il aimait mieux éluder sa parole que de les livrer aux mains des infidèles ; comme, * considérant la pénitence des Ninivites, il ne détruisit point leur ville.

Puis (Dieu), par avance, considérant Jérémie : * Lorsque tu n’étais pas encore tracé (en embryon) dans le ventre (de ta mère), je t’ai connu, dit-il, afin de montrer que par avance il savait quel il devait être ; et (Dieu) l’inscrivit parmi les saints par cela même qu’il dit : * Quand tu n’étais pas encore sorti du ventre (de ta mère), je t’ai sanctifié et t’ai donné (pour) prophète aux nations.

De même aussi quant à Samuel, et à Jean, et à Paul ; comme dit lui-même (l’apôtre) : * Il m’a choisi dès le ventre de ma mère pour annoncer l’Évangile de son Fils par moi ; et tous les saints que, comme dit l’apôtre, (Dieu) par avance connaissait, par avance il les marqua pour être conformes à l’image de son Fils. Et puis : * Il nous choisit avant même l’existence du monde.

Et Dieu est (toujours) voulant le bien ; (c’est ce que) enseigne notre Seigneur en disant que : * Telle est la volonté de mon Père qui est aux cieux, que tout être qui verra le Fils, et croira en lui, reçoive la vie dans l’éternité. Et puis (il dit) que : * C’est là ma nourriture, que je fasse la volonté de mon Père ; et c’est la volonté de mon Père que tous (ceux) que m’a donnés mon Père, je ne les laisse pas se perdre loin de lui, mais que je les ressuscite au dernier jour.

Donc (Dieu) veut que tous ceux qui croient à son Fils ne soient pas perdus, mais qu’ils ressuscitent au jour de la résurrection ; et l’œuvre de la résurrection, après bien des générations, doit avoir lieu. Mais Dieu avait dès le principe ces bonnes volontés et les a toujours. Ce ne sont pas des volontés venues en lui, mais des volontés naturelles, selon son indicible bonté ; et, comme précédemment nous l’avons dit, sa volonté se plaît toujours dans le bien, et il veut que ses créatures raisonnables soient désireuses du bien, et fassent des œuvres de justice.

Mais, comme il sait que la moitié (des hommes) marchent selon sa volonté, et la moitié ne marchent pas (dans la même voie), à cause de cela, la vertu des uns, pour exciter les autres au zèle du bien, il l’annonce dès le ventre (de leur mère) ; de même aussi il annonce l’indignité des autres ; non pas que Dieu créera l’un vertueux dès le ventre de sa mère, et l’autre indigne ; et, s’il en était ainsi, quel besoin serait de louer (l’homme) vertueux, et de flétrir celui qui ne l’est pas ? Bien plus, il ne faudrait pas inculper le vice parce que Dieu l’aurait ainsi créé dès le ventre de la mère.

Donc, il est évident que ce dire de Dieu : * J’ai aimé Jacob et j’ai haï Ésaü, est bien savoir par avance que celui-ci (Jacob) serait aimable par ses mœurs, et celui-là (Ésaü) haïssable ; et comme, (en effet), par ses mœurs fut haïssable Ésaü, l’apôtre dit que : * Nul (ne soit) fornicateur et impur comme Ésaü ; et que nul, (comme une) racine d’amertume surgissant, n’opprime les autres ; et (Dieu) manifesta ainsi que d’après sa propre volonté tel fut Ésaü, et non par (l’effet de) la création de Dieu. Comme aussi ailleurs (l’apôtre) dit que : * Dieu a fait l’homme droit (et juste), et (l’homme) a médité des pensées de méchanceté. Et (Dieu) dit par son prophète : * Je t’ai plantée vigne délicieuse, et comment t’es-tu convertie pour moi en amertume, vigne inculte ?

18. D’où il est évident que Dieu fait belle la création de tous, et que de tourner au bien et au mal il a fait libre leur indépendance, afin que du côté qu’il voudra (chacun) puisse tourner, et selon ses œuvres reçoive une rétribution analogue. Que (l’homme) ne se conduise pas comme la brute, dont aucun acte n’est bon (et pour qui il n’y a) nulle espérance de rémunération, par cela même que c’est la brute, et qu’elle ne sait pas choisir et distinguer le bien du mal par la pensée, mais d’après ses instincts naturels. Par ces réminiscences seulement, (la brute) est poussée à (ce qui lui est) utile, et se préserve de (ce qui est) nuisible.

Pour les brutes, il est des aptitudes par lesquelles leur espèce doit être préparée à certaines choses ; comme (l’espèce) du cheval par son sabot (est propre) à courir, celle du bœuf en hiver à se reposer dans l’étable, et à l’approche du printemps à se tourner du côté de la porte ; celle de l’hirondelle avant l’automne (est disposée) à aller dans les lieux chauds en quartier d’hiver. (L’espèce) de la grue (est propre) à pressentir les froids considérables et à s’en aller de bonne heure dans les lieux chauds. (L’espèce) de la cigogne (a l’instinct) de bonne heure de circuler en bande. (L’espèce) des pigeons (est disposée) à voler par troupe compacte. (L’espèce) des corbeaux, à aller promptement des pays froids dans les pays chauds. (L’espèce) des vautours est propre à épier de loin la charogne.

Et (ainsi) de toutes les autres brutes et des oiseaux ; comme (l’espèce) des fourmis (est propre) à emmagasiner sa nourriture, et à couper le grain en deux, pour qu’il ne germe pas, et dans les temps chauds à tirer ces grenailles du trou et à les faire sécher. (L’espèce) des abeilles (est propre) à boucher la porte des ruches avec de la cire avant le froid. (L’espèce) de l’ours (est propre) à entrer dans sa tanière avant l’hiver. (L’espèce) du daim (est propre) à venir de bonne heure des montagnes dans la plaine. (L’espèce) des cerfs (est propre) à savoir précisément le temps de l’accouplement. (L’espèce) des ânes sauvages à l’instinct vindicatif, (est propre) à couper les ânons dans le jeune âge. Et tous ces instincts sont naturels dans les brutes et non pas réfléchis ; ils ont été, par leur créateur, implantés en elles pour les disposer à (ce qui leur est) utile, et les détourner de (toutes choses) nuisibles.

19. Et non-seulement dans les brutes sont naturels ces instincts, mais aussi dans les hommes, eux qui sont doués de la parole et de la sagesse ; comme lorsque l’œil est en mouvement, c’est par l’effet d’un avertissement naturel pour voir quelque nouvelle personne, un signe (certain), disent ceux qui font souvent attention à cela. Lorsque, dans les reins ou autre membre, la chair est agitée, c’est un signe d’un homme montant à cheval, ou revêtu d’habits magnifiques, ou rencontrant un ami, ou recevant la bastonnade. De même aussi, quand le pied piquera ou la main, le premier (cas), disent-ils, est un signe de voyage ou de pluie, et l’autre (cas est un signe) de prendre de quelqu’un ou de donner quelque chose. De même aussi, éternuer et se mordre la langue, battement d’oreille, picotement de gosier, cela n’arrive point par le fait de quelque génie, mais par une influence naturelle que le créateur a implantée dans les membres, afin que, quand l’homme sera distrait de l’attention méditative, il soit entouré d’une influence naturelle.

Bâiller et s’étendre, comme l’ont pensé quelques-uns, ne vient pas du démon, mais de la mollesse et de la nonchalance du corps ; d’où (il suit que) bâiller fréquemment et s’étendre proviennent, disent d’habiles médecins, de l’amas des humeurs, ce que l’expérience démontre ; car, quand quelqu’un bâille souvent, un frisson court dans ses os, un tremblement parcourt ses membres.

Éternuer ne (vient) pas du fait d’un ange, mais bien du froid, ou de quelque autre influence naturelle. De plus, soupirer a lieu quelquefois par réminiscence, et quelquefois même sans se rappeler quelqu’un. Et, comme ce sont des influences naturelles, et non (provenant) des démons, il est évident que même dans les brutes se trouvent les mêmes natures. Soupirer, quand cela a lieu sans se rappeler quelqu’un, ou quelque chose de bien, ou des besoins, c’est un avertissement naturel, pour concentrer l’homme sous la crainte de son créateur, et connaître la faiblesse de sa nature. Et, quand il arrive (de soupirer) par souvenir, c’est par attachement pour un ami, ou pour avoir souffert quelque indignité, quelques dommages : comme quand quelqu’un, dans la veille, s’abandonne à l’inertie, il est, par (l’effet des) songes nocturnes, concentré sous (l’empire de) la crainte.

20. Et des songes différentes sont les causes. Il est des choses que sur le soir un homme aura proférées ; de ces mêmes choses, lors du repos du corps et dans le sommeil, l’esprit est occupé. Il est aussi des choses que l’homme n’a point pensées du tout, et qu’il voit en songe. Et à cela il y a deux causes :

Ou voir quelque chose de déterminé, comme dans un miroir, par exemple, (effet produit) par l’influence des grâces de Dieu pour exhorter l’homme au bien, et non par la réalité d’une chose évidemment présente ; comme à Joseph et à Daniel se manifestèrent des visions de grandes choses.

(Il est aussi) quelque (effet produit) par l’ennemi (des hommes) ; car il est incorporel, comme le souffle de l’homme (est) incorporel ; et, prenant différentes formes, il les retrace devant nous, tantôt (formes) de femmes, pour nous exciter à la concupiscence, et tantôt formes d’animaux effroyables et de reptiles pour (nous) épouvanter ; comme Job dit que : * Par des songes tu m’épouvantes. Et bien des fois, se produisant sous forme de femmes, (le démon) trompe les hommes en songe. Il arrive aussi parfois que, revenant sous forme d’hommes, il fait faillir les femmes. Ce n’est pas qu’il ait des membres mâles et femelles, mais, remuant, le vase de la concupiscence, il fait répandre (le signe de) la virilité ; non pas (que), quand il sera entré dans un individu, et se sera engagé dans des discours (de sensualité) mâle ou femelle, il faille croire qu’il y ait en lui état mâle ou femelle. Ni, quand il montre qu’il craint le bâton ou le glaive, il ne faut pas croire cela ; car pour lui, le bâton c’est la réprimande de Dieu et les grâces des saints qu’ils tiennent de l’Esprit saint. Ou bien, en état de veille ou dans le repos au doux sommeil, il montre qu’il craint le bâton et le glaive, afin que arrêtant les hommes à cette idée, il les fasse se relâcher du soin de demander le secours de Dieu. (C’est ce que le Seigneur même a indiqué en disant : * Cette espèce (de démons) ne s’en va que par les jeûnes et par les prières.

Non, tout égarement, tout délire des hommes n’est pas (produit) par le démon ; mais il est (de ces désordres) qui viennent de la bile, il en est qui des humeurs, il en est qui de l’épuisement de la moelle épinière, il en est qui de l’estomac dérangé, il en est qui du ventre endurci, au point d’écumer et de convulser les yeux.

21. Mais, par suite de l’épuisement de la moelle épinière, l’homme tombe (privé) de son intelligence, parle avec les murs, se bat contre les vents ; d’où (il suit que) les médecins soutiennent qu’il n’y a pas de démon qui entre dans l’homme, mais ce sont là des douleurs ; et, nous (disent-ils), avec des remèdes nous pouvons les guérir.

Mais (nous), nous ne disons pas cela ; car véritable est pour nous la parole de l’Évangile (qui dit) que : * Beaucoup de démons, quand ils voyaient Jésus, criaient et sortaient des hommes. * Et lui (Jésus) sévissait contre eux, et ne leur donnait pas permission de parler. (Tel est ce passage concluant) avec d’autres du même genre. Et ceux qui sont dits lunatiques sont ainsi appelés, non pas que la lune (leur soit) nuisible, mais il est un ordre de démons qui se manifestent selon (les phases de) la lune.

Satan ne peut tenter qu’autant qu’il en reçoit l’ordre, cela est évident d’après les tentations de Job ; * car, si d’abord il n’en avait pas reçu l’ordre de Dieu, il n’eût pas osé tenter (Job) ; et aussi, d’après * le troupeau de porcs dans lesquels ne purent entrer les démons, qu’ils n’eussent pris l’ordre du Seigneur.

22. Mais il en est quelques-uns qui prétendent que Satan ne tente nullement l’homme.

Mais ils sont confondus par l’apôtre, qui dit que : * Bien des fois j’ai voulu aller vers vous, et Satan m’a empêché. Et il dit encore : * Il n’y a pas pour nous combat avec le corps et avec le sang, mais bien contre les puissances, et contre les dominations, et contre les conquérants de ce monde de ténèbres. Et (Dieu) dit dans l’Évangile que : * Satan avait jeté dans le cœur de Judas Iscariote la pensée de livrer (Jésus), et puis que * Satan est entré par une fente ; puis encore : * Satan demanda à vous cribler comme le froment.

(Dieu) donne à Satan le pouvoir de tenter autant que l’homme peut supporter (la tentation) ; comme le bienheureux apôtre dit que : * Dieu est sincère, il ne vous jettera point dans la tentation plus que (n’est grand) votre pouvoir (de résistance) ; mais il vous fera (trouver) avec la tentation les moyens d’en sortir, afin que vous puissiez la supporter. Et notre Seigneur enseigne dans sa prière à dire : * Ne nous porte point à la tentation, mais délivre-nous du mal. Afin de montrer que par les prières nous pouvons échapper aux tentations du mal.

23. S’il en est ainsi, disent-ils, pour tenter Dieu a établi (Satan). Mais nous, nous avons montré ci-dessus, par de nombreux témoignages des Livres saints, que (ce n’est) pas pour tourmenter et pour tenter (les hommes) que Dieu l’a fait. Mais par lui (Satan), qui s’est précipité dans la méchanceté, Dieu fait œuvre bonne. Quoique le méchant ne vienne pas dans cette intention pour tenter ; mais il croit vaincre et se trouve défait. Dieu le laisse selon son mauvais vouloir tenter les (hommes) vertueux, et (ceux-ci), entrés dans les tentations (de Satan), comme dans le creuset, sont affinés et extraits comme l’or pur sortant des fourneaux.

Or, si Dieu avait fait Satan ministre des maux, aux jours d’Achab, l’esprit imposteur ne serait pas (venu) à la bouche des faux prophètes. Mais il lui fallait (à lui Satan) exécuter ce service. Et pourquoi l’esprit, qui ne confesse pas le Seigneur Jésus, ne serait-il pas (émané) de Dieu, lui (esprit) qui ne trompe pas le service de Dieu ? Et pourquoi ceux qui ne croient point au Seigneur Jésus seraient-ils appelés fils du mal, si (le mal ou Satan) par la parole de Dieu est tentateur ? et, si du mal, exécuteur des volontés de Dieu, les Juifs sont les enfants, pourquoi Abraham n’est-il pas ainsi nommé ? et pourquoi faux et homicide est nommé le mal, s’il se tient dans la vérité et non dans la fausseté ?

Nous écrirons encore (ceci) : Si le juif de lui-même parle fausseté, pourquoi lui (Satan) est-il appelé père du juif, lui (Satan) qui ne fausse pas sa nature, mais comme il a été (fait), ainsi parle ? Et pourquoi l’apôtre dira-t-il que : * Satan doit obéir à notre Sauveur jusqu’à la mort, et choir de sa puissance et de sa domination, lui (Satan) qui a voulu par lui-même se faire Dieu ? Et pourquoi (Satan) sera-t-il enchaîné et livré aux tourments ? N’est-ce pas que par sa volonté il cherchait à prendre des hommes le culte (dû) à Dieu, et les attire à l’idolâtrie, et, par enchantements, sortiléges et astrologie, il détourne les hommes de la vérité de Dieu ?

Et (Satan) est appelé ennemi (de l’homme) parce qu’il sème l’ivraie au milieu du froment. D’où il est évident que non pas par nature il est ennemi (de l’homme), mais par volonté. Et, si par nature il lui était donné de ne pas connaître Dieu le père, comment pouvait-il connaître son Fils et crier : * Tu es le fils de Dieu ? Et puis, touchant les apôtres, (comment pouvait-il) dire que : * Ces hommes-là sont les serviteurs du Dieu très-haut ?

Et de tout cela, il est évident que (Satan) n’est pas méchant par nature, mais par volonté. Ni méchant, ni persécuteur ne l’a fait Dieu, mais par ses manières volontairement mauvaises, (Satan) rend vertueux les justes. Et de lui il n’y a en cela aucune grâce.

24. Et les (corps) lumineux, comme nous l’avons dit précédemment, ne sont point êtres vivants, et causes des biens ou des maux, mais seulement le service auquel ils ont été destinés, ils le remplissent ; comme dit Moïse que : * Dieu a fait les grands corps lumineux et les a placés au firmament des cieux pour donner leur lumière à la terre. D’où il est évident que, pour donner leur lumière, seulement ils ont été faits, et aussi pour (servir de) signe aux temps et aux jours, aux mois et aux années, non comme des êtres vivants, mais comme des (corps) lumineux pour donner lumière aux (objets) qui sont sous les cieux, et montrer des signes certains de la connaissance de Dieu, des pluies et des changements des airs : comme notre Seigneur dit : * Quand vous voyez le matin les cieux empourprés, vous dites que la pluie viendra, et elle vient. * Et quand le vent du midi souffle, vous dites qu’une grande chaleur se fera, et elle se fait.

Car, au lever du soleil, l’air ayant pris l’humidité des eaux, autour des rayons du soleil les jette, et, comme l’air n’est pas encore épaissi, et devenu nuageux ; en arrêtant quelque peu son éclat, il rougit seulement le soleil et ne l’obscurcit pas. D’où il paraît que c’est signe de pluie.

De même aussi la lune, gênée par l’humidité des airs, s’efforce d’écarter cette humidité. D’où (il suit que) cette humidité, se rapprochant et n’arrivant pas à (la lune), tenue enfermée, s’épaissit autour d’elle ; ce par quoi est fait évident le signe de pluie ; et non-seulement pour la lune, mais aussi pour un flambeau, qui est une lumière bien plus petite, cela se remarque.

25. Et les cieux ne tournent point, quoi qu’en disent les sages païens que tantôt en tournant ils cachent les corps lumineux, et tantôt ils les découvrent ; et, s’ils tournaient tout le jour, comment amèneraient-ils le soleil chaque jour au même orient, et la lune, dans le (même) mois à peine, aux mêmes lieux ? Il est encore d’autres astres qui, dans une année à peine, arrivent une fois aux mêmes lieux. (Il en) est (qui), comme ils disent, en douze ans (arrivent) au même lieu ; (il en) est (qui) en un an et demi, (il en) est (qui) en trente ans.

Mais, dans l’expérience des choses, le contraire est fait évident ; car les astres qui jusqu’à l’aurore sont dans les cieux, jusqu’au soir s’y trouvent. Si les cieux tournaient, dans les mêmes sentiers où nous les voyons à l’aube du jour, ils ne se trouveraient plus le soir. Mais, comme dans les mêmes sentiers ils marchent, comme aussi nous voyons la lune et les astres dans les mêmes sentiers, il est évident qu’eux (les astres) cheminent, et que les cieux restent immobiles, sédentaires, comme aussi les livres mêmes donnés par Dieu (la Bible) appellent * firmament les cieux, et ce qui est firmament n’est point mobile.

Mais, des autres livres prenant prétexte, ils disent : Dans ces livres il est écrit que Dieu mit les astres dans le firmament des cieux : d’où il est évident qu’ils y sont cloués, et non ambulants.

Mais, s’il en était ainsi, quand Dieu dit d’Adam * qu’il l’a mis dans le paradis de délices, ils l’y croiront donc cloué, et non ambulant ? Or, si le mouvement d’Adam, les livres divins l’appellent (par ce mot) * il a mis, il est évident que la marche des corps lumineux, les livres (divins) la nomment (par ce mot) * il a mis. Surtout que dans beaucoup d’endroits nous trouvons marche des (corps) lumineux ; comme quand Josué, fils de Nun, dit que : * Le soleil s’arrêta vis-à-vis la vallée de Gabaon, et la lune vis-à-vis la plaine d’Aïalon. Et il ne dit pas que les cieux s’arrêtèrent dans leur marche, mais (les corps) lumineux ; d’où il est évident que les cieux étaient stationnaires, et les (corps) lumineux ambulants. Et sous Ézéchias, il est dit : * La lumière rétrogradera de dix degrés du palais d’Achaz. Par là il paraît que le soleil retourna en arrière, et non pas les cieux. Et dans l’Ecclésiaste il est écrit que * le soleil s’élève et le soleil se couche, et il s’étend en sa place. * Le soleil étant levé, marche vers le midi et s’allonge vers le nord. Pour montrer que le soir il s’en va par le côté du midi en occident, et au point du jour retourne vers le nord en orient par la base des montagnes, comme disent les sages, et non pas par mer, comme ils disent, eux, et non pas sous terre ; car sous terre il n’y a rien, comme dit Job que : * (Dieu) a étendu la terre sur rien. Et en Syrie, il est dit que (Dieu) a posé la terre sur rien. Or, à quelque chose, il n’est pas possible de marcher sur rien, ou à la nature continentale (c’est-à-dire sèche) d’être dans l’humidité des eaux.

Mais, disent-ils, nous, nous voyons de nos yeux que de la mer sort (le soleil).

Et ils ne savent pas que, parce que quelque part le continent n’apparaît pas de la mer, pour cela il paraît qu’il sort de la mer : comme quand quelqu’un est près de l’occident, et qu’une montagne se trouve du côté de l’orient, il lui semble que de la montagne sort le soleil ; et en tous lieux, partout où quelqu’un se trouve, il lui paraît que près de cet endroit sort le soleil. De même aussi pour ceux qui se tiennent près de la mer, comme il n’est pas possible de faire que l’œil s’ouvre sur le continent, il paraît que de la mer sort (le soleil, lui) qui de la mer ne sort point, mais bien de l’extrémité des cieux ; comme David, instruit par l’Esprit saint, dit que : * De l’extrémité des cieux est la sortie du soleil, et son repos (ou coucher) quand (il arrive) à la même extrémité.

Mais le soleil, disent-ils, jette au monde une forte rosée, d’où il est évident qu’il sort de la mer.

Et ils ne savent pas que l’air, qui, la nuit, se gonfle de l’humidité des eaux, la chaleur des rayons du soleil étant arrivée, secoue et disperse cette humidité ; d’où il arrive que non-seulement ici, mais par toute la terre, au lever du soleil la rosée tombe.

Et, si les cieux tournaient, comment, touchant Chronos et les autres astres causatifs, diront-ils qu’ils entrent dans leurs demeures sidérales, (ces astres) dont l’entrée se ferait donc en marchant et non pas sans marcher ?

26. Mais la terre aussi, disent-ils, se tient dans l’espace, et ils en donnent cet exemple : Une vessie, quand tu veux la souffler, jette dedans un grain de mil ; et le vent, qui fait obstacle dans la vessie, prend le grain de mil et le tient dans l’espace, ni en haut ne le laisse venir, ni en bas se précipiter ; de même, disent-ils, l’air, qui est au milieu du globe des cieux, s’y tient enfermé, et tient le monde dans un juste milieu, ni au-dessus il ne le laisse s’élever, ni en bas s’incliner.

D’abord par leurs propres paroles ils sont confondus ; car ils disent que ce qui est léger vers la partie supérieure s’avance, et ce qui est lourd vers le bas ; comme aussi l’expérience des choses le démontre : car la fumée et la vapeur de la terre, et la flamme du feu, comme ce sont (choses) légères, vers la partie supérieure s’avancent ; et la pierre, et le fer, et le bois, et même les autres choses de même espèce, autant on les tire en haut, autant attirées vers le bas elles descendent ; et, si le moindre poids, l’air ne peut le soutenir au-dessus, combien encore plus pour l’immense poids de la terre, il n’est pas possible à l’air de la soutenir élevée, mais (cela est possible) à la parole de Dieu qui a établi la terre sur rien.

Et (celui) qui doutera comment un tel poids peut se tenir sur rien, en voyant le firmament des cieux qui ne se tient sur rien, qu’il consente (à croire) que celui qui, par sa parole, a établi les cieux sur rien, tient aussi par son ordre tous les deux (les cieux et la terre) immobiles et stationnaires ; selon ce qu’il a dit lui-même : * Et (les cieux et la terre) furent ; il a ordonné, et ils furent établis, et il les a mis là dans les siècles des siècles. * Il a imposé son ordre, et (son ordre) ne passera point.

Et ils disent encore autres choses. Si la terre se tient sur rien, comment David dit-il que (Dieu) * a affermi la terre sur les eaux ? * Et puis, que sur la mer il jeta les fondements de (la terre), et sur les fleuves la prépara.

Celui qui a appris cela de David, apprendra autre chose de Job et d’Isaïe ; car ils disent, eux, (la terre établie) sur rien, et David (dit) * sur les eaux. Or, non pas contraires l’un à l’autre sont les livres (saints) ; mais ce que l’un (de ces livres) a omis, un autre le complète, (inspiré) par le même Esprit (saint), comme nous voyons que ce que Moïse n’a pas dit, les autres prophètes l’ont complété (inspirés) par le même Esprit. Moïse dit : * Dieu créa l’homme du sol de la terre, et souffla ensuite le souffle divin. Or, (ce mot) souffler est encore dans un milieu d’opinion : (savoir) si souffler serait ici créature, ou ne le serait pas. Or, vient le prophète Zacharie, poussé par le même Esprit (saint), et il montre la créature de ce souffle ; il dit : (Dieu) * qui établit le souffle de l’homme en lui ; et Isaïe dit : Tout (ce qui est) souffle, (c’est moi) qui l’ai fait.

De même aussi, ni du feu, ni de l’eau, ni de l’air, ni des éclairs, ni du tonnerre, ni des ténèbres ne parle Moïse, (choses) qu’il faut comprendre sorties des deux grands vases, les cieux et la terre ; (par ce qui est dit) que : * Tout ce qui se trouve entre eux (le ciel et la terre), il faut que tout cela ait été fait avec ; selon ce qui (est dit) que * Dieu fit le ciel et la terre et tout ce qui est en eux.

27. Mais de peur que, dignes des honneurs d’une constitution indépendante, paraissent (aux) ignorants (les choses) dont la création n’est pas inscrite par Moïse, pour couper les prétextes des argumentateurs, (voici que), par les autres prophètes, le même Esprit saint présente la création de ces (choses).

D’abord David (confirme le fait), par cela (même) que toutes les puissances imaginables, et toutes les créatures, il les appelle à la glorification du Créateur, quand il dit : * Bénissez-le, cieux et terre, anges et puissances, et feu, et vents, et tempêtes, qui faites (la volonté de) sa parole ; et, ce qui entre en fonction, et exécute un service, il est évident que ce sont des créatures.

Et la neige, et la glace, et la grêle, et les tempêtes, si d’un autre créateur elles étaient (sorties), l’Esprit (saint) ne les appellerait pas à la glorification (de Dieu), mais, comme (choses étrangères), il les mettrait de côté ; mais nous voyons que non-seulement ces choses, mais aussi les dragons, et les bêtes féroces, et les ténèbres, et les éclairs, qu’ils supposent (émanés) du mal, à la même glorification le même Esprit (saint) les appelant, et, par David, et par les trois enfants dans la fournaise, (nous) les présente pour montrer que pour celui, par qui elles ont été faites, (toutes ces choses) sont appelées justement à sa glorification.

Et non pas, comme Marcion dit faussement, que devoir est aux créatures du juste d’offrir un culte à l’étranger, à cause de sa bienfaisance. Son immortalité, en temps opportun, nous la réfuterons.

28. Et maintenant, quoique par cela même il soit évident que ce qui est appelé à la glorification du Créateur est sa créature ; mais de chacune de ces choses, il faut, d’après les livres (saints), montrer (l’état) de créature.

D’abord (créature) des anges, comme dit David, que : * (Dieu) a fait les anges ses esprits, et son ministre la flamme du feu ; puis créatures du feu et des autres choses l’une après l’autre. Ses éclairs, il les a faits dans les pluies. Non pas que les éclairs soient de nulle part (émanés), si ce n’est de la nature du feu ; et des ténèbres, il dit : * Tu as posé les ténèbres, et la nuit fut. Et du tonnerre et du vent tout ensemble, Moïse dit que : * pour celui qui établit le tonnerre, et établit le vent, Seigneur tout-puissant est son nom. Et ainsi, ce qu’un prophète a omis, par un autre (prophète) l’Esprit saint le complète.

Or, si David dit que * sur les eaux est la terre, par Job et Isaïe (il est dit) que sur rien elle se tient. Il ne faut pas s’étonner (de cette différence de langage), ni croire les prophéties contraires les unes aux autres ; car cela est vrai, et ceci est constant. Et prends un exemple du corps, sur lequel est la peau et la chair, et entre (sont) les veines et les vaisseaux du sang, et dessous encore (il y a) également peau et chair ; et le corps est donc au-dessus des veines du sang, et au-dessous des veines. D’après cet exemple, la terre est sur les eaux ; car dans son milieu elle a les eaux, et au-dessous les eaux. Et sur rien elle est établie stationnaire, et a renfermé en elle la fluidique nature des eaux ; et de ces deux prophéties, il n’y a qu’une (seule) et même inspection, et il n’y a pas allégorie ; car ce (n’est) pas un esprit, puis un autre (qui) ont donné cette prophétie, mais c’est un même et seul esprit qui a trouvé bon de faire l’un historien de certaines choses, et les autres, historiens des (faits) laissés de côté par lui.

Or, que les cieux ne tournent pas, que tout ce qui n’était pas et fut est créature, et non constitué de lui-même, les exemples des natures premières, les témoignages des livres saints étaient suffisants pour convaincre de cette vérité les esprits exercés ; mais, comme ils persistent (eux) dans la même ineptie, regardant tout (comme) vivant et respirant, nous ne négligerons pas, selon notre pouvoir, de faire réponse aussi à cette (absurdité).




LIVRE TROISIÈME.

RÉFUTATION DE LA RELIGION DES SAGES DE LA GRÈCE.




1. La lune, disent-ils, trente jours plus tôt que le soleil, passant par toutes les maisons sidérales, c’est-à-dire par tous les cieux, arrive au même lieu (d’où elle était partie) ; et le soleil dans une année, et les cieux (en) un jour et une nuit, emportés autour d’eux-mêmes, tournent (et reviennent) au même lieu. Et sept astres seulement sont ambulants, et tous les autres sont cloués aux cieux ; et les astres qui (sont) ambulants sont le soleil et la lune, et encore cinq astres, (ce n’est) pas d’orient en occident qu’ils marchent, mais d’occident en orient.

Et ils donnent un exemple qui n’est pas ressemblant : ils (disent) que, quand une roue tourne, et qu’une fourmi, (placée) dans un vase de terre, chemine d’orient en occident, à cause de l’évolution rapide de la roue vers l’occident, il paraît que la fourmi va d’orient en occident ; non pas que (vraiment) elle aille d’orient en occident, mais (bien) d’occident en orient. Et la roue, par sa rapide évolution, fait paraître (la chose) ainsi.

Et les cieux, disent-ils, autant ils sont au-dessus, autant ils sont en bas, autant de tous côtés, autour de la terre ; et l’eau enveloppe la terre, et l’air (enveloppe) l’eau et la terre ; et le feu (enveloppe) et l’air, et l’eau, et la terre ; et la lune n’a pas sa lumière particulière, mais du soleil lui vient la lumière. Et de là, il est évident, disent-ils, que de quelque côté que soit le soleil, de ce côté commence à naître pour elle (lune) la lumière, et, selon l’éloignement du soleil, lui vient en peu (de quantité) la lumière, et, selon le rapprochement peu à peu (du soleil), lui abonde la lumière ; et, quand (le soleil) arrive proche de la lune, il la remplit (de lumière) ; et, quand (la lune) dépasse le soleil, sa lumière commence un peu à diminuer ; et autant s’éloigne la lune, autant manque la lumière, jusqu’à ce qu’elle disparaisse tout à fait ; et quand une autre fois cela arrive, alors point pour la lune quelque peu de lumière à cause de l’éloignement ; et autant la lune s’approche (du soleil), autant peu à peu augmente pour elle la lumière.

Et la lune, disent-ils, est plus basse que le soleil et que tous les astres, et, comme elle est au-dessous, quand la balance vis-à-vis le soleil arrive, alors s’obscurcit le soleil. Et causes des changements (ou mutations) des quatre natures d’éléments, ils (font) les astres, et les supposent comme êtres vivants. Tout cela, ils le disent par blasphème, afin de faire passer les cieux et les astres (pour êtres) vivants, et même pour dieux.

2. Justement, comme dit le bienheureux apôtre, que : * Par la sagesse de Dieu le monde ne connut pas Dieu. Et qu’y a-t-il d’étonnant que les cieux, à cause de leur incommensurable grandeur, et les corps lumineux, à cause de leur immense éclat, ils les aient crus des dieux, lorsque dans le bois, et dans la pierre, et dans les bêtes féroces, et les animaux ils cherchaient des dieux ? (Ce sont des gens) que le caractère même de leur nature condamne, par cela même qu’ils sont à la recherche du créateur, à la recherche de Dieu, et, tombés (dans l’égarement) hors du seul vrai (Dieu), ils se sont heurtés à plusieurs (dieux), et nulle part il n’y eut pour eux assiette et stabilité ; car chercher Dieu était digne de louange, et en introduire non pas un seulement, mais plusieurs, est une indicible impiété.

3. Et surtout les sages de la Grèce sont blâmés ; car, parvenus à la sagesse, ils n’ont pas connu le créateur de la sagesse ; car ils admettent, eux aussi, quelque (chose), existant de soi-même, cause de tout, (cause) ne procédant de personne, mais existant de soi-même, premier (principe) trouvé. En second, ils admettent Dieu, et créateur l’intelligence, et en troisième le souffle, qu’ils appellent âme de tout.

En supposant ces deux (derniers êtres) émanés d’une seule cause, ils ont montré qu’ils approchaient des portes de la science du vrai ; et en faisant procéder de ces êtres par naissance, et à l’infini, d’autres dieux perceptibles et apparents, ils se sont d’eux-mêmes fermé les portes de la connaissance de la foi ; car, comme le soleil et ses rayons, ils supposent Dieu, et même des dieux perceptibles, apparents, et le monde tout à fait coéternel à lui (Dieu) ; et en toute (chose), son esprit comme souffle de tout, et dans les cieux, et dans les corps lumineux, et dans le feu, et dans les airs, et dans les eaux, et dans la terre, jusque dans les pierres, et les bois, et les arbres, et les racines même de l’herbe. Et par cette vitalité, disent-ils, toutes les créatures dépendent de sa nature, comme les rayons du soleil dépendent de la roue même, (c’est-à-dire) du disque (du soleil). Il (Dieu) est un et plusieurs, plusieurs et un seul, comme le soleil est un et plusieurs, car il est une seule roue ou disque, et beaucoup de rayons. Et ceci, ils ne le disent pas tous ainsi, mais il y a plusieurs religions de philosophes.

4. Les pythagoriciens et les péripatéticiens disent (qu’il y a) unité (de Dieu), et providence, et (commandent) de ne pas sacrifier aux dieux. Pythagore a établi (comme principe de) religion de ne pas manger la chair des êtres ayant souffle, et de s’abstenir du vin ; tout ce qui est de la lune et au-dessus (de la lune) de le réputer immortel, et tout ce qui est au-dessous mortel ; (d’admettre) la permutation des souffles ou âmes de corps en corps, jusqu’aux brutes et (autres) animaux. Et (Pythagore) a établi la religion du silence, et puis il se nomma lui-même Dieu.

Mais les platoniciens (admettent) Dieu, et ὑλη, et idée ; la première (de ces deux dernières choses) est la matière, la seconde le propre de chaque individu. (Ils admettent aussi) le monde créature, et destructible, et le souffle incréé, et immortel, et divin, dont les trois parties sont le raisonnable, le colérique, le concupiscible, (ordre de) regarder les femmes (comme propriété commune ou) de tous ; et (défense) à tout homme d’avoir (à lui) une femme particulière ; mais (il veut que) celle, que les hommes voudront, (et celui, que) les femmes agréeront, soit l’un avec l’autre. (Il admet) la transmutation des âmes en différents corps, jusqu’aux animaux et aux reptiles. En même temps, il établit plusieurs dieux sortis d’un seul (Dieu).

Mais les stoïciens ont admis partout un corps, et regardent le monde apparent comme Dieu. Mais quelques-uns de l’essence du feu croient qu’il tient sa nature. Ils ont arrêté que Dieu, c’est l’intelligence, comme si le souffle de tout était l’élément des cieux et de la terre. (Pour) corps, ils lui ont donné tout ce qui est, et pour yeux (les corps) lumineux ; ils ont fait les corps de tous périssables, et les âmes transmutables de corps en corps.

Or, les épicuriens disent : inséparables et indivisibles étaient les corps en premier, et de là tout fut constitué. Et comme fin suprême du bien, ils ont établi la concupiscence. Et Dieu n’existe pas, ni providence qui gouverne tout. Telle est la religion des philosophes (épicuriens).

5. Mais le commencement du paganisme, du temps même de Saruch, eut lieu ; car un homme excellent, venu au monde, mourait-il, (aussitôt) pour (conserver le) souvenir de son mérite, on tirait (les traits de) son image en peinture ; et par là instruits, les ignorants peu à peu prenaient (cette image comme objet de) culte ; et, ce qui regarde les idoles, les sculptures, (eut lieu) sous Thara, père d’Abraham. Chacun, avec son art, sculptait la même (idole) ; le forgeron par la forge, le menuisier par la menuiserie, l’argentier, et le bronzier, et le tailleur de pierres, et le potier, chacun par le moyen de son art. Et de là, ainsi disposés, arrivaient aux Égyptiens et aux Babyloniens, et aux Phénicéens, et aux Phrygiens l’œuvre de la sculpture et ses mystères ; puis aux Hellènes, qui sont les Grecs, sous Cécrops ; et même dans la suite s’accrut cet état de choses sous Chronos, et Rhéa, et Jupiter, et Apollon, et beaucoup d’autres, que l’un après l’autre ils nommaient dieux.

Et Hellènes sont appelés les Grecs (du nom) d’un certain personnage dont le nom était Hellenus au pays des Hellades. Mais les autres disent que (ce nom vient) de l’olivier qui poussa de lui-même à Athènes, parce que olivier en grec est appelé ελαία.

Mais les (Grecs ou) Ioniens (tirent leur nom) de Javan qui était l’un des directeurs de la construction de la tour ; c’est pourquoi ils sont tous appelés Mérob, à cause de la confusion des langues ; car division en grec est appelé μερισμὸς.

Les premières religions étaient appelées barbares et scythiques, et païennes, jusqu’à ce que vint le culte du vrai Dieu d’Abraham, (qui) ruina ces religions.

Et le judaïsme (est appelé ainsi) de Juda, quatrième fils de Jacob ; de lui était (sorti) le royaume, et toute la nation prit son nom, le (nom) judaïque.

Et, à la fin du judaïsme, le nom de christianisme vint du Christ, lequel (christianisme) fut d’abord à Antioche appelé ainsi par les disciples.

6. Donc, les philosophes, en cherchant Dieu d’après la loi naturelle qui est implantée dans l’intelligence, comme nous l’avons dit précédemment, sont dignes de louanges. Mais, tomber dans (l’erreur qui admet) plusieurs dieux, supposer le monde coéternel à Dieu, c’est une énorme impiété. Et à ces gens-là convient la parole apostolique, qui dit : * Ils ont connu Dieu, et ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu.

Car la glorification de Dieu, c’était que de ses créatures fût séparé l’honneur du créateur. Par quoi aussi les créatures, chacune par leurs mouvements, et leurs changements, parlent (bien haut) du créateur. Or, si les astres, selon leurs absurdités, étaient dieux, et les cieux, et le soleil, et la lune, qui sont sans parole, et sans son, que serait donc la cause, plus que les objets ayant cause ? Et surtout, quand l’intelligence et le souffle (de cette cause), si l’on peut dire le souffle de Dieu, ils les mettent dans toutes les créatures animées et inanimées naturellement (et procédant) de l’essence de lui (Dieu). Ce qui est d’une indicible impiété, de regarder la vitalité de l’essence de Dieu comme (celle) des êtres animés et inanimés en général ; et non pas plutôt (de regarder comme) créature la vitalité dans les anges, dans les démons, et dans les hommes, qui sont (des êtres) raisonnables et intelligents ; et dans les autres (êtres) animés une vitalité naturelle mêlée et agrégée des quatre matières, qui, quand (ces êtres) se brisent (se brisent également), et la vitalité dans ces quatre matières se dissout.

Ce sont les esprits des anges et des démons, et le souffle des hommes. Or, de leurs propres paroles ne rougiront-ils pas ceux qui disent le souffle (ou âme) incréé, immortel et divin (émanant) de la nature de Dieu même, et puis ils admettent des tourments, des peines pour les âmes prévaricatrices ; ce qui est du dernier blasphème, si l’essence de Dieu se partageait en parties, et était torturée dans beaucoup de (ces parties ou) souffles ; et puis encore qu’une partie (de Dieu) tourmentât une (autre) partie de sa nature ; qu’une partie fût (vouée) à la gloire, une autre aux mépris, et une partie aux délices, une autre portion aux enfers.

Et puis ils disent : S’il n’y avait pas quelque vitalité en tout, comment serait-il (vrai) que tout se meut ? Et les semences, et les plantes jetées dans la terre poussent. Et dans les familles des hommes et des brutes les semences tombées arrivent à génération et à propagation. C’est ce que nous, nous ne nions pas, à cause de l’expérience des choses, qui rend évidents ces faits.

Mais telle est la question : (savoir) que cette vitalité n’est pas la vitalité de l’essence de Dieu, mais créature-vitalité, différente dans les êtres raisonnables et intelligents, et différente dans les brutes, et dans les (êtres) ayant souffle, différente encore dans les (substances) naturelles, comme les semences qui tombent dans les femelles des hommes, et des brutes. Celles des hommes sont bien plus honorables. Dans (l’homme) il y a vitalité naturelle, selon le corps, et vitalité raisonnable et merveilleuse, selon le souffle (ou âme) ; car le corps se compose des quatre matières, et l’âme (n’émane) pas de ces quatre matières agrégées, mais d’une nature simple et subtile. (L’âme) des autres brutes n’est pas semblable, mais (elle émane) d’une nature naturelle et instinctive. (L’âme) des semences (n’est) pas encore pareille, mais (elle procède) d’influences naturelles et inanimées.

7. De même aussi dans les (corps) lumineux l’animation n’est pas raisonnable, mais mouvements naturels et influencés. D’où quelques-uns leur ont supposé des anges propulseurs. Mais nous, nous marcherons sur la trace des livres saints, qui disent des pluies, que * Dieu n’avait pas encore fait pleuvoir à torrent sur la terre. Et non pas, comme quelques-uns l’ont ridiculement débité, que Satan avait la puissance de remuer, et de changer les airs, selon ce que l’Apôtre dit que : * Selon le prince de la puissance de cet air ; il l’appelle prince de cet air, à cause de sa chute du ciel, et de sa divagation dans les airs. Et de là, est évident ce que dit (l’Apôtre), * prince de cet air ténébreux, pour montrer que de la lumière (Satan) a été précipité dans les ténèbres, et qu’il ne change pas l’air tantôt en pluie, tantôt en neige, tantôt en grêle.

Mais c’est là l’œuvre de Dieu, et non pas de Satan, dira David (inspiré) de près par l’Esprit saint, (lorsqu’il dit) que : Il (Dieu) * tire les nuées de l’extrémité de la terre, et il a fait les éclairs dans les pluies, * et il tire les vents de ses magasins, * et puis, il met la neige comme la laine, et la brume comme la poussière des greniers, et il jette le frimas comme des miettes, etc. Et un prophète dit : * Que (Dieu) appelle l’eau de la mer, et la répand sur la surface de la terre. Et Job dit que : * Qui a engendré les gouttes de pluie, et du ventre de qui sortent les frimas, qui a engendré la brume dans les cieux, qui descend comme l’eau tombant goutte à goutte ? pour dire que c’est là mon ouvrage, et non (l’œuvre) de nul autre.

De même mouvoir les corps lumineux est l’œuvre de sa parole, et non de nul autre. Et non-seulement sept astres sont ambulants, (tandis que) les autres seraient sans marche, mais tous sont ambulants ; la moitié à marche lente, la moitié à marche rapide ; et ils ne sont pas cloués aux cieux, comme il a été dit précédemment que, tantôt comme une roue, ils tournent, et tantôt se montrent, et tantôt se cachent. Et, ce qui est encore plus digne de risée, (c’est) que le soleil marche d’occident en orient. Et pourquoi n’appellent-ils pas l’occident orient, et l’orient occident ?

Mais point du tout, disent-ils, le soleil n’entre (ou ne se couche) nulle part. Il n’entre nulle part, cela est évident, puisque la nuit (c’est) de sa lumière projetée dans le vase (ou globe) de la lune, que s’élève la lumière ; car lui (le soleil) s’en va, s’éloigne, et se trouve dans d’autres régions.

Et si tu dis que le soleil est dans les cieux, la nuit, l’obscurité qui se produit, d’où serait-elle (produite) ?

Ils disent : Par l’ombre même de la terre arrive l’obscurité.

Mais (alors) l’obscurité qui se produit au-dessus dans les cieux, d’où serait-elle produite ? N’est-il donc pas évident que le (soleil) est caché quelque part la nuit, comme on peut le voir par son coucher ; car, comme de haut en bas il descend, et puis, en montant, comme de bas en haut il s’élève.

En vain leurs discours emphatiques ! car, aussi étendue est la grandeur de la maison des cieux, que celle de la terre ; car les livres divins disent les cieux d’une coudée, et la terre d’une palme, et nous ne trouvons pas la coudée plus (grande) que la palme.

8. Puis, (dire) que la lune n’ait pas sa propre lumière, d’abord leur assertion est fausse si, dans sa croissance en tout point, croît la matière qui vient d’elle, et que dans son plein (cette matière) se complète, et dans sa défaillance manque.

Comme l’expérience des choses le montre dans tous les (êtres) charnels, et dans les arbres et dans les plantes, (se trouve) de l’humidité, et en Europe il y a certains points de mers dont les eaux, selon la croissance de la lune, croissent, et, selon son plein débordent, et selon sa décroissance diminuent. Et ces (gens-là) sont si impudents qu’ils veulent capter les yeux de tous les hommes, qui la nuit, au coucher du soleil, voient la lumière de la lune plus resplendissante.

Comment plus rapide que le soleil, diraient-ils la lune non existant d’elle-même ? car, disent-ils, en trente jours elle accomplit sa marche, et le soleil en une année. L’expérience des choses les confond, ainsi que le livre divin qui dit que : * Il a fait deux grands (corps) lumineux, et les a placés dans le firmament des cieux. Et pour montrer le plus grand éclat du soleil (le même livre) dit : * Il a fait le grand (corps) lumineux pour la puissance du jour, et le petit (corps) lumineux pour la puissance de la nuit, et (il a fait) les astres. D’où il est évident que pour chaque puissance ils sont établis, et l’un ne prend pas sa lumière de l’autre.

Et la croissance et la décroissance de la lune (est) comme l’entrée et la sortie (d’une lame) par un fourreau, disent ces sages, et ils en donnent pour signe, qu’il arrive quelquefois, quand (la lune) est dans sa croissance et dans son plein, autour de son vase elle s’épaissit, comme si, par quelque petite fente de trous, des lueurs apparaissaient.

Et puis de l’obscurcissement du soleil si la rencontre de la lune était cause, quand la lune (elle) s’obscurcit, quel (obstacle) a-t-elle rencontré ? S’ils supposent un astre cause de cette rencontre, nous ne voyons pas, nous, qu’un astre si grand soit dans les cieux que, rencontrant la lune, il puisse cacher la lune ; et il n’y a pas d’astre plus bas que la lune, qui, au-dessous d’elle la rencontrant, l’obscurcisse.

De plus, si la lune pouvait empêcher la lumière du soleil, donc elle lèverait sa lumière sur la terre, de sorte qu’il paraîtrait au moins comme un jour de lune, et non pas obscurité complète.

9. Mais véritable est la parole de l’Écriture qui dit que : * Je ferai tourner le soleil en obscurité et la lune en sang ; pour montrer qu’il est le maître des corps lumineux, (le maître) d’éclairer et d’obscurcir pour la condamnation des adorateurs du soleil et des adorateurs de la lune.

Et il n’est pas possible à la lune de descendre sur terre ; comme des enchanteurs, ayant vu dans le temps, par ordre de Dieu, une forme de lune ensanglantée, publient que la lune ressemble au démon, (disant) qu’ils feront descendre la lune. Il n’est possible que cela soit, que la lune, elle qui est plus grande que plusieurs mondes, soit concentrée en une petite place, il n’est pas possible que (une femme) sans mamelle donne à téter.

Et que d’innombrables myriades d’enchanteurs il y a sur terre ! Si chacun d’eux pouvait faire descendre la lune, jamais ils ne lui donneraient (permission) d’aller aux cieux. Mais jamais la lune ne descend (sur terre), cela est évident, puisque personne ne la voit descendre ni monter, et, si tu fais bien attention, le vase de la lune est éclairé peu à peu, jusqu’à ce qu’il soit tout à fait formé. S’il était possible à la lune de descendre, quoique personne ne l’ait vue descendre, cependant tous la verraient monter. Mais les corps lumineux sont d’une telle mesure, comme disent les livres divins, qu’ils seront (destinés) pour signes, aux temps, et aux jours et aux années.

Or, si les astres sont (pris) en signes des chaleurs ou des froids, ce n’est pas comme êtres vivants, mais comme préposés par Dieu à cet (office), afin que nulle des créatures de Dieu ne soit inoccupée. Et les sages de la Grèce sont blâmables en cela que, ils ont suivi et adoré les créatures, et non le Créateur.

10. Et puis, il n’est pas (vrai), comme ils le disent, que l’eau environne la terre, mais en terre et sur la terre sont les eaux ; et par delà la terre il n’y a rien, ni même des eaux ; ce que témoignent les colonnes d’Hercule, sur lesquelles il est écrit, disent-ils, que * au delà de ce point, personne n’ait l’audace d’aller.

Et l’air est mêlé avec les eaux et avec la terre, et avec les eaux l’air est mêlé ; cela est évident d’après les reptiles, qui dans les eaux sucent la vitalité de l’air ; et avec la terre aussi le même air est mêlé, quand il fait de la pluie et que le soleil donne, par la vapeur qui s’échappe du cœur de la terre, cela paraît évident ; et avec l’air aussi le feu est mêlé, d’après les éclairs, qui du choc naturel du vent et des nuées jaillissent, cela est évidemment démontré ; et puis, si dans un verre blanc vous jetez de l’eau au soleil, l’éclat du soleil, entrant par la blancheur du verre, et à travers la limpidité de l’eau pénétrant par l’air, fait naître (l’apparence du) feu ; avec les eaux le feu est mêlé, d’après les pierres tirées de l’eau, qu’on choque l’une contre l’autre, et (dont) on tire du feu, cela est évidemment démontré ; et la nuit, quand tu es au bord de la mer, et que tu bats l’eau, des éclairs de lumière s’échappent.

Et les reptiles qui sont dans l’intérieur des eaux sont composés des quatre matières, savoir : de la terre et de l’eau, de l’air et du feu, comme aussi tous les (êtres) corporels qui sont sur le continent ; car ainsi Dieu a composé le monde. D’abord, ayant fait les quatre matières séparées, ensuite avec elles il a tout composé. D’un seul créateur tout est l’œuvre, et lui (seul) conduit et entretient tout.

11. Et non pas comme le chef de leurs philosophes et les péripatéticiens disent une (seule) unité, cause de tout, et la Providence, qu’ils ne disent pas (émanée) d’elle (unité), mais cette providence serait une certaine force particulière, et comme la cause de tout ; (Pythagore) la tire d’une unité ; s’il admettait la providence comme née de cette unité, il formerait un système beau et digne de louanges ; mais, parce que d’un être il fait émaner les causes, et d’un autre (être) la Providence, il est digne de blâme, et non de respect.

Et puis, par cela même qu’il n’a pas ordonné de sacrifier aux dieux, il est louable. Mais, parce qu’il n’a pas ouvertement prêché qu’il y a un seul Dieu, et non plusieurs, il est très-blâmable.

Louable et très-louable est Pythagore, parce que, pour vaincre les passions et la concupiscence, quant à la nourriture, il a vécu en religieux. Mais, parce qu’il a donné (comme certain) la transmutation des âmes, des corps dans les corps, il est très-répréhensible : comme si les âmes des justes morts passaient dans d’autres corps purs, ou (dans des corps) d’hommes ou de brutes non immondes, et que cela leur advînt comme une rémunération de bonnes actions ; et (comme si) les âmes des pécheurs passaient dans les corps souillés, soit d’hommes, soit de bêtes féroces, et d’animaux, et de reptiles, et que cela leur arrivât pour rétribution de leurs mauvaises actions.

Et (l’ordre) de ne pas manger de viande, si, pour tromper les passions du corps, il donnait cet ordre, il faisait bien et (chose) juste, mais si, comme de créatures immondes il ordonnait de s’en abstenir, (c’était) très-mal ; mais évidentes sont les raisons pour lesquelles il ordonnait de ne pas manger la chair des animaux ayant souffle ; comme si le souffle divin était dans leur chair, et que pour cela il ne fallût pas manger la chair d’(êtres) vivants. C’est pourquoi aussi les mages d’abord immolent, puis tuent les brutes, afin que, devenues insensibles, le souffle sorte de leurs corps ; et ils ne savent pas qu’ils les tuent deux fois, l’une en les immolant, l’autre en les égorgeant.

De même aussi, Pythagore n’ordonne pas de sacrifier les brutes aux dieux, comme s’il ne fallait sacrifier les dieux aux dieux ; car le souffle divin, dit-il, (est) dans les brutes. Et de là, il est évident qu’il ordonne d’adorer la terre, et de ne pas sacrifier.

C’était là une action extrêmement indigne de réputer immortel tout ce qui est au-dessus de la lune. Il montre que tout cela il le considérait comme dieux. Et de là, supposant mortel (ce qui est) en bas, il indiquait que le feu, et l’air et la terre, étaient des êtres vivant et mourant, mais n’ayant pas le sentiment de la vitalité, (le feu, l’air, la terre) ne prennent pas l’impression de la mort ; ce qui est le propre des (êtres) animés et non des (êtres) inanimés.

Et ce silence de cinq ans que Pythagore imposa à ses nouveaux disciples, quoique ce fût un exemple de grande patience, car ils ne pouvaient rien demander, mais seulement se taire, n’était pas très-utile ; car, si avant le temps (fixé) de cinq ans, quelqu’un de ces disciples mourait, quoique (à force) d’avoir bien et beaucoup écouté il fût devenu sage, lui-même ne jouissait pas de cette sagesse, car il ne pouvait parler, et personne autre (n’en jouissait), parce que personne n’entendait (parler) la sagesse.

Et ce qui est d’une inconcevable ineptie, ensuite, disent-ils, Pythagore se nomma lui-même Dieu, ce qui lui arriva surtout par orgueil, car il ne se conduisit pas selon la parole du sage qui dit que : * Autant tu arriveras à la grandeur, autant tiens-toi dans l’humilité.

12. Mais Platon, qui admet Dieu, et la matière, et l’idée en essence, montre que Dieu est créateur des formes, et non des natures. D’où les sectes, ayant pris (ce système), avec lui (Platon) répètent faussement que, comme Dieu était en essence, de même aussi la matière et l’idée, qui est une propriété particulière de l’individu. Comme à Dieu l’habileté était particulière, la matière (était) matérielle ; (Dieu) ne put qu’amener aux formes la matière qui s’agitait pêle-mêle, et non pas de ce qui n’existait pas il amena à exister tout, comme il peut tout ; ce qui rejette sur Dieu (le reproche de) la faiblesse, s’il eut besoin d’emprunter d’un autre la matière. Par là, (Dieu) se trouve n’être rien de plus que les habiles ouvriers, puisque, comme eux, il aura besoin de la matière. Et (Pythagore) dit le monde créature et destructible. Et quelquefois lui et les autres le disent coéternel avec Dieu.

Si le monde est créature et destructible, comment serait-il coéternel à Dieu ? et, s’il était coéternel, comme ils disent que, comme l’ombre d’un individu ne s’éloigne jamais de lui, de même aussi le monde ne se sépare jamais de Dieu ; s’il en est ainsi, vain est ce qu’ils disent que ce monde est créature destructible. Mais, s’ils pouvaient encore avancer cette impiété que celui qui est la cause de l’ombre doit disparaître. Si donc il n’en est pas ainsi, car cela n’est pas, et l’ombre ne doit pas disparaître ; alors condamnables sont ces sottises.

Et les âmes (ou souffles), si, parce qu’elles sont de l’essence de Dieu, étaient incréées, et immortelles, les trois parties qui (sont) en elles, d’où seraient-elles ? (la partie) raisonnable, et la colérique, et la concupiscible ; car, quoique l’une (de ces parties) soit Dieu, car il est la source de toute rationabilité, mais de la colère et de la concupiscence, Dieu, supérieur (aux passions), est libre ; car sans besoins, et sans parties est Dieu.

Et si lui-même, comme ils disent, pour plus de perfection, vierge est sorti de ce monde, comment ordonnait-il aux autres de mettre les femmes en commun, et de ne pas seulement veiller sur sa femme ?

Et les âmes divines, pourquoi lui aussi (Platon), comme les premiers, les regardait-il transmutables de corps en corps, jusqu’aux reptiles et aux animaux ? Son blasphème va même (s’attaquer) à la nature dans son impiété ; comme s’il avait en lui la moitié de lui, et qu’il tourmentât son autre moitié dans les reptiles et les animaux. Ce qui n’est pas (le fait) de celui qui est indivisible, indéfini, infractionnable et sans parties.

Et si, comme ils le disent faussement, plusieurs dieux d’un seul Dieu étaient sortis, pourquoi n’y aurait-il pas plusieurs mondes, ni plusieurs cieux, ni plusieurs soleils, ni plusieurs terres ? Mais peut-être est-ce des dieux insignifiants que (Dieu) a tirés de lui, et des dieux insignifiants à quoi seraient-ils utiles ?

13. Quant aux stoïciens, qui ne pensent qu’aux corps, en regardant le monde apparent, ils crurent que tout était corps, et ils considérèrent le monde apparent comme Dieu. Ces sectaires savent cela d’après les philosophes, ils n’ont pas voulu eux-mêmes se mettre dans l’esprit un point bien compréhensible, ni l’apprendre des autres, c’est qu’il est une puissance qui meut les choses apparentes, et qu’il faut regarder le moteur comme Dieu, et non pas les choses mobiles.

Or, quelques-uns d’entre eux, de l’essence du feu disent la nature du monde, (et cela) pour faire passer le soleil (comme une merveille) encore plus étonnante, et la nature enfin (comme) encore plus véhémente ; et, considérant qu’on peut tout contempler par l’intelligence, pour cela ils ont cru l’intelligence Dieu (même) ; comme le souffle des cieux, de la terre, et de tout (ce qui est) dans les cieux et sur la terre. Ils ont pris pour ses yeux les (corps) lumineux. (Ces gens-là), dans leur indigne stupidité, ne sont pas même dignes de réponse.

Et les corps, comme les astres, ils les tiennent pour périssables, et les âmes transmutables de corps en corps, ce qu’ils ne peuvent démontrer, ni eux, ni les autres plus éminents qu’eux ; car tous débitent des fables. Et, quoique la moitié soient arrivés à la vérité, ils ne se sont pas tenus dans la vérité.

14. (Quant aux) épicuriens, ils croient le monde constitué de lui-même ; comme si d’abord les atomes marchaient. Comme, quand un rayon (du soleil) entre par la fenêtre, des atomes paraissent dans ce rayon ; tels, disent-ils, les corps infractionnables et indivisibles étaient en premier, puis épaissi (successivement), le monde se forma par agrégation ; et (ils disent) qu’il n’y a ni Dieu, ni providence qui conduise le monde. Ces gens, que les philosophes déprécient, les autres sectes ne les estiment pas du tout. C’est d’eux dont l’apôtre dit que : * Sans Dieu ils circulaient dans le monde. Tellement extravagante fut leur obstination, à ce point que, d’une si grande troupe de dieux, ces philosophes ne retinrent pas un dieu. Vois-tu que le fait d’une telle audace dominant ces possédés (de l’erreur), allait jusqu’à (faire naître ou) tirer l’athéisme du monde.

15. Sous Saruch fut, disent-ils, le commencement du paganisme ; d’où il est évident que jusqu’à ce moment, on était adorateur de Dieu, et que l’Église de Dieu était (établie) depuis le commencement du monde. De quoi David étant instruit par l’Esprit saint, offrait des prières (à Dieu, disant) : * Rappelle-toi ton Église que tu as établie dès le commencement.

Mais, quoique le paganisme entrât dans le monde, le culte de Dieu ne manqua pas entièrement ; et cela est évident, puisque Abraham, s’en étant allé du pays des païens, rencontra des adorateurs de Dieu. Melchisédech, prêtre du Dieu très-haut, n’est jamais nommé prêtre, qu’il n’y ait son peuple ; et Abimélech qui, par (la puissance de) Dieu seulement, parlait avec Abraham, et non pas par (la puissance des) démons. Et les amis de Job, et Élie, par (la puissance seule de) Dieu tout-puissant, parlaient avec lui.

Ainsi, jamais Dieu ne laissa ce monde sans témoignage ; comme le prophète, sous le judaïsme, disait, comme en face de Dieu, que : * En tous lieux on jette de l’encens, et on offre des sacrifices en mon nom ; pour montrer que dans tous les siècles des adorateurs de Dieu se trouvaient, qui confondaient les idolâtres.

16. Mais, disent-ils, pourquoi tarda-t-elle (tant) la venue du Christ, et tant de générations furent-elles perdues sans la connaissance de Dieu ?

S’il n’y avait pas eu des prédicateurs du culte de Dieu envoyés dans tous les siècles, peut-être y aurait-il lieu à de tels discours ; mais, comme (Dieu) ne cessa de donner témoignage, qu’ils s’en prennent à eux-mêmes, les incrédules, et non pas à Dieu !

Le Christ ne vint pas dans l’enfance du monde, parce que le lait était utile à des enfants, et non pas une nourriture solide, ni (il ne vint pas) dans sa bouillante jeunesse, quand se répandait le culte des démons. Mais, d’abord, il éleva le monde par (le moyen) des prophètes, comme avec du lait, et puis il vint donner sa doctrine accomplie ; car nul ne donne à l’enfant une nourriture solide, ni ne lui découvre de grands mystères, ni ne lui parle un langage sérieux, jusqu’à ce qu’il arrive à l’âge parfait.

Comme l’apôtre, prenant sur lui tous les traits de l’humanité dit : * Quand j’étais enfant, comme un enfant je pensais ; mais, quand je fus homme, je laissai là l’enfance, pour montrer que le Christ vint au monde dans l’âge accompli (du monde), dans sa parfaite connaissance, comme dans ce monde on peut y arriver. Mais, à la jouissance de cette connaissance, le Christ se convia, lui et les autres, en disant que : * Maintenant nous savons peu de choses, mais quand viendra la consommation, nous verrons face à face.

D’où il est évident que, pour toute chose, Dieu est puissant, et à tout il suffit. Il pouvait même plutôt, dans les premiers âges de l’éternité, faire le monde, mais il a voulu ainsi, pour ne pas le faire ni trop tôt, ni trop tard, mais quand il était à propos et convenable, de peur que, en le faisant trop tôt, les êtres créés ne lui nuisissent, en pensant qu’ils lui étaient coéternels, et de peur aussi que, en le faisant tardivement, on (n’eût de lui) des soupçons de faiblesse, de projets indécis, de pensées premières, et médiales, et dernières.

De plus, l’homme, que Dieu a voulu faire héritier de tout, il ne l’a pas fait avant (de faire) l’héritage ; mais d’abord (il a fait) les cieux et la terre, les eaux et le feu, et l’air et l’herbe, et les plantes et les bêtes féroces, et les brutes et les oiseaux ; d’abord la maison, puis le tenancier de la maison ; d’abord les possessions, puis le possesseur ; d’abord les esclaves, puis le maître, de peur que, quand ensuite viendraient les êtres dont (l’homme) devint le prince, il ne conçût des idées coupables (comme) si c’étaient ses créatures. Mais quand, d’abord, il les verra faites, il prendra en l’esprit (cette idée) que, il est une puissance qui les a faites, et les (lui) a données, (et mises) sous sa main, et que l’homme ne pense pas à se faire à lui-même honneur de cette glorification, mais (qu’il l’offre) à son Seigneur-créateur qui gratuitement lui a donné tout cela.

De même la venue de son Fils, (Dieu l’a) préparée dans le temps où il savait qu’elle devait être utile. Et si un médecin, selon les différentes maladies, présente différents remèdes à ses malades, de sorte que (le remède) qui conviendra au commencement du mal, on l’administre au commencement, et (que le remède qui conviendra) à la période médiale, (on l’administre) au milieu (de la maladie), et que le remède (qui conviendra) à la vieille période de la maladie, (on l’administre) aussitôt après ; combien plus encore le souverain auteur, par qui sont ménagés tous les moyens d’invention, fait-il en temps opportun ce qu’il fait ; non par (l’effet) d’une première et deuxième et dernière pensée, mais en même temps, selon sa volonté, il accomplit l’œuvre de ses produits, et non pas par suite naît sa volonté ; mais, comme par prescience il sait tout, tandis qu’une chose n’est pas encore, (il sait) comment il doit la faire, et dans quel temps, et pour quels besoins ; il ne fait rien confusément qu’il regrette ensuite, et (lui fasse) détruire ses propres créations. Il n’a besoin de personne, il ne prend rien de personne, et n’attend rien de personne ; mais il a en lui-même suffisamment tout pouvoir de faire, et d’établir tout, et de (le) conserver intact. Il n’a personne avec lui associé, comme frère, ou comme compagnon, ou comme un coopérateur étranger ; mais (il a) seulement sa puissance et sa sagesse qui est née de son essence, et (lui est) coéternelle, et l’esprit de sa nature qui (procède) de lui, et est toujours auprès de lui, indestructible et sans division possible.

17. D’après tout cela, il est évident qu’aucun ὑλη, c’est-à-dire matière, n’était auprès de Dieu, d’où les sages de la Grèce disent qu’il a fait les créatures, d’elle (matière) les maux sont entrés dans le monde, comme disent les sectes qui d’eux ont pris des raisons (pour) diviniser la matière, et mettre Dieu opposé à Dieu. Et nul autre ne fut créateur des maux, comme les mages le débitent faussement (en disant) que Araman fit les maux ; mais un seul Dieu est créateur, (créateur) des biens, et non des maux, et créateur éternel ; car, tandis qu’il n’avait pas encore fait les créatures, il avait dans l’esprit, par la prescience, le plan de la composition des créatures. Et il ne fut jamais (un temps) où il n’était pas créateur, par cela même qu’il avait en lui la puissance suffisante à la production de tous.

Et bien des raisons étaient (devant) Dieu, pour qu’il vînt faire les créatures. D’abord la science de la vérité, il ne fallait pas la laisser inerte, de peur que, comme un être impuissant, Dieu même ne fût trouvé, pour n’avoir pu faire les créatures, dont il avait en lui le savoir-faire par (l’effet de) sa science préconçue ; deuxièmement, comme (Dieu) est bienfaisant par nature, il n’avait pas le droit de garder sa bienfaisance inutile. Et il y avait encore pour Dieu bien d’autres raisons semblables, pour lesquelles il donna commencement à la composition du monde.

Comme quelqu’un, s’il connaît l’art de certaines choses, soit de la musique, soit de la médecine, soit de la menuiserie, et que par des effets il ne montre pas la vérité (de ses talents), en vain il a tous les détails de la science, d’où (il suit que) lui-même n’en jouit pas, et ne montre pas aux autres la connaissance de son art ; de même aussi quiconque serait bienfaisant, si de sa bienfaisance on ne jouit pas, à qui servirait sa bienfaisance ? car de la bienfaisance la vertu est telle : (elle existe) quand les autres en jouissent. S’il n’y a personne qui jouisse de la bienfaisance, quelle utilité y aurait-il (à retirer) de la bienfaisance ?

De même aussi Dieu qui avait en lui habileté, art consommé, s’il n’avait pas fait les créatures, penserait en vain avoir l’habileté, quand il n’y aurait pas de sujets qui résultassent de son habileté. De plus, sa bienfaisance ne se montrerait pas bienfaisance, s’il n’avait pas fait les créatures qui jouissent de sa bienfaisance ; mais il est ainsi bienfaisant que, non-seulement il a octroyé à ses créatures leur création, mais aussi (la faveur) de jouir des joies de ses perfections.

Puis, si Dieu n’avait pas fait les créatures, nul ne saurait même qu’il est Dieu, quand il n’y aurait pas là d’êtres qui possédassent le pouvoir de la connaissance (de Dieu). D’où (il suit que), comme Dieu a voulu nous amener à sa connaissance, et qu’il est lui-même (là pour) la montrer, il a disposé ses créatures à leur présenter la connaissance (de sa personne), afin qu’elles jouissent de sa bienfaisance. Et il a fait les fonctions du monde pour l’homme, (propre) au service de toutes les choses nécessaires ; et l’homme, (il l’a fait) pour sa gloire, afin qu’il glorifiât son Seigneur, et connût sa bienfaisance.

Et ainsi jamais Dieu n’était vide de création, car toujours il avait (tracées), peintes dans l’esprit (les créatures) qu’il devait faire, et, comme il n’était pas à propos qu’en volonté seulement et en pensées il eût cette puissance, pour cela, afin de manifester sa volonté et ses pensées, il mit au jour ses créatures, pour que sa puissance apparût, et que ses créatures jouissent de sa bienfaisance.

Or, que nul ne puisse croire le monde constitué de lui-même, ni rien (de préexistant) auprès de Dieu, pour ne pas renverser la grandeur de sa puissance ! Mais à tous il accorda l’être, (à tous les êtres) qui n’étaient pas auparavant. Pourquoi voudrait-on supprimer sa puissance, et le regarder seulement (comme) l’habile metteur en œuvre de quelque matière, et non pas, (comme) de rien amenant à être toutes choses ? Il n’y avait rien de coéternel à Dieu, ni aucune matière d’où il ait pris et composé ses créatures ; mais lui-même est créateur de toutes natures ; et non-seulement il arrange les formes, mêle l’essence des êtres essentiels, mais encore il est l’auteur et créateur de l’existence des êtres existants.

Tel (est ce que) doivent dire les hommes touchant Dieu, et de ces histoires être les historiens. Par là Dieu est glorifié, et les hommes ne se nuisent point.

Mais, selon les mérites de Dieu, (quels sont les hommes) qui seront dignes d’être historiens de Dieu, si ce n’est les amis de Dieu, qui, pour l’amour de lui, ont méprisé la vie du monde, et, préférant la mort pour l’espérance de la vie qui est auprès de Dieu, se sont livrés à la perte du corps, (perte) d’où se trouve (résulter) le salut des âmes ?

Or, en vain les sages de la Grèce s’efforcent de discourir sur Dieu, par cela même qu’ils n’ont pu distinguer le créateur et les créatures, (ces sages) qui, (la raison) obscurcie par les ténèbres des démons, ont imaginé d’introduire plusieurs lignées de dieux innombrables.

Comme Hésiode, un certain sage d’entre eux, comptait beaucoup de générations de dieux, et Homère le rapsode, marchant à la suite d’Hésiode, en discours pompeux redit les mêmes erreurs, et beaucoup d’autres des philosophes, avec des paroles fabuleuses extravagant, promettent d’accomplir l’histoire de Dieu ; (ces gens), qui ne connaissent pas Dieu, et ne savent pas séparer le créateur des créatures, comment ont-ils la pensée de discourir sur Dieu ? et surtout celui qu’ils regardent (comme) plus sage que tous (les autres), Platon qui, au sujet de Dieu, et au sujet des âmes, et au sujet des créatures a voulu parler.

Et maintenant contre Platon, il nous faut combattre avec des paroles hardies, (contre Platon) qui (plus) que tous les philosophes grecs paraît adorateur du vrai Dieu ; car il se trouve ne pas connaître Dieu, ni la création des créatures ; car, quand nous aurons retracé les passions de cet homme fameux, et que nous l’aurons ensuite retiré des yeux de ses dupes, nous montrerons ensuite qui est Dieu, et ce que sont ses créatures.

Une chose que Platon tient surtout pour indicible, c’est que Dieu a toujours été, et n’avait pas de créatures. J’aime la volonté de Platon à chercher Dieu, et, son orgueil, je ne le loue pas.




LIVRE QUATRIÈME.

RÉFUTATION DE LA SECTE DE MARCION.




1. Marcion, égaré, introduit l’étranger contre le dieu des lois, admettant avec lui aussi ὑλη, (matière) en essence, et trois cieux. Dans l’un, disent (les marcionites) habite l’étranger, et dans le second le dieu des lois, et dans le troisième ses forces, et sur terre ὑλη, et ils l’appellent puissance de la terre.

Et ainsi (Dieu) dispose du monde et des créatures, comme disent les lois ; mais aussi Marcion ajoute qu’en communauté avec ὑλη, (Dieu) a fait tout ce qu’il a fait ; et, comme si femelle et femme (propre) au mariage était ὑλη, (il dit) : Et, après avoir fait le monde, Dieu monta avec ses forces dans les cieux, et ὑλη et ses enfants restèrent sur la terre ; et ils prirent chacun leur principauté, ὑλη sur la terre, et le dieu des lois dans les cieux.

Et le dieu des lois, ayant vu que le monde était beau, pensa à y faire l’homme ; et, étant descendu près de ὑλη sur terre, il dit : Donne-moi de ton argile, et de mon côté je donne le souffle, et nous ferons l’homme selon notre ressemblance. Ὑλη, lui ayant donné de sa terre, Dieu la façonna et souffla en elle le souffle, et Adam fut (créé) au souffle vital ; et pour cela, il fut nommé Adam, parce que de limon il a été fait. Et, ayant créé Adam et sa femme, et les ayant placés dans le paradis terrestre, comme disent les lois, ils allaient sans cesse, et lui obéissaient ; et ils étaient joyeux en lui comme dans leur fils commun.

Et, dit (Marcion,) le seigneur des lois, qui était le maître du monde, ayant vu qu’Adam était (un être) excellent et digne de service, s’ingénia comment il pourrait le soustraire à ὑλη, et l’attacher à son parti. L’ayant pris à part, il (lui) dit : Adam, moi je suis Dieu, et il n’y en a pas d’autre ; et hors moi, qu’il ne soit point pour toi d’autre Dieu ! Si tu as quelque autre Dieu que moi, sache que tu mourras de mort (certaine). Et, quand il lui eut dit cela, et qu’Adam se rappela le nom de mort, frappé d’épouvante, il commença un peu à se séparer de ὑλη.

Et ὑλη, étant venu lui donner des ordres selon sa coutume, voyait (bien) qu’Adam ne lui obéissait pas, mais réfléchissant se tenait à l’écart, et ne se rapprochait plus de ὑλη. Alors étonné en son esprit, ὑλη comprit que le Seigneur des créatures lui avait dressé des embûches. Il dit : dès l’orifice de la source, corrompue est son eau. Qu’est-ce que ceci ? Adam n’a pas encore multiplié en générations, et (Dieu) me l’a enlevé par le nom de sa divinité. Puisqu’il m’a haï, et n’a pas gardé avec moi le traité ; moi je ferai beaucoup de dieux, et j’en remplirai le monde avec leur entité, afin qu’il cherche qui est Dieu, et qu’il ne le trouve pas.

Et ὑλη fit, disent-ils, beaucoup d’idoles, et les nomma dieux, et en remplit le monde. Et englouti fut le nom de Dieu, qui est (le nom) du maître des créatures, au milieu des noms de beaucoup de dieux, et (Dieu) ne se trouvait nulle part ; et la postérité (d’Adam) s’égara avec ces (dieux), et ne conservait pas (le vrai Dieu), car ὑλη attira tous à lui, et ne donna pas même à un seul d’entre eux permission de cultiver (Dieu). Alors, disent-ils, fut irrité le maître des créatures de ce qu’elles le laissaient et obéissaient à ὑλη. Et l’une après l’autre, (les âmes) qui sortaient des corps, il les jetait par colère dans la géhenne ; et il jeta Adam dans la géhenne à cause de l’arbre ; et ainsi il jetait dans la géhenne tous les (hommes) jusqu’à vingt-neuf générations.

Ce qu’ayant vu, disent-ils, le Dieu bon et étranger, qui était assis aux troisièmes cieux, que tant de générations étaient perdues et persécutées, entre deux êtres rusés, le maître des créatures, et ὑλη, s’émut de pitié pour les (malheureux) tombés dans le feu et les supplices ; il envoya son Fils les sauver, et prendre la ressemblance de l’esclave, et se produire sous forme d’homme au milieu des enfants du Dieu des lois. Guéris, dit Dieu, leurs lèpres, ressuscite leurs morts, ouvre (les yeux à) leurs aveugles, et fais en eux les plus grandes guérisons gratuitement ; tant enfin que le maître des créatures te voie, qu’il devienne jaloux de toi, et qu’il te mette en croix ; et puis, à ta mort, tu descendras dans les enfers, et tu en tireras (les victimes) ; car les enfers ne sont pas accoutumés à recevoir au milieu d’eux la vie. Et pour cela tu seras élevé en croix, afin que tu ressembles aux morts ; et l’abîme ouvrira la bouche (pour) te recevoir, et tu entreras au milieu de lui, et tu le feras vide.

Et quand (Dieu) eut élevé (son Fils) en croix, disent-ils, (celui-ci) descendit dans les enfers et les vida ; et, en ayant retiré les âmes, il les porta aux troisièmes cieux à son Père. Et le maître des créatures (tout) irrité, par colère déchira son manteau et le voile de son palais ; et il obscurcit son soleil, et il vêtit de noir son monde, et il s’assit dans le deuil par tristesse.

Puis une deuxième fois, Jésus étant descendu avec la forme de sa divinité auprès du maître des créatures, engagea jugement avec lui à cause de sa mort ; et le maître du monde, voyant la divinité de Jésus, sut qu’il était un autre Dieu que lui, et Jésus lui dit : Mon jugement est sur toi, et que nul ne soit juge entre nous, mais que tes lois que tu as écrites (prononcent). Et, quand il eut mis les lois en présence, Jésus lui dit : N’as-tu pas écrit dans tes lois que celui qui tuera, mourra, et que de celui qui répand le sang du juste, on répandra son sang ? Et (le maître du monde) dit : Oui, je l’ai écrit. Et lui dit Jésus : Livre-toi entre mes mains, afin que je te tue et répande ton sang, comme tu m’as tué et tu as versé mon sang ; car je suis juste en droit plus que toi, et j’ai fait d’immenses bienfaits à tes créatures. Et Jésus commença à énumérer les bienfaits qu’il a faits aux créatures (du maître du monde).

Et, quand le maître des créatures vit que (Jésus) l’avait vaincu, il ne savait quoi dire ; car, par ses lois mêmes il était condamné, et ne trouvait pas de réponse à donner ; car il était passible de mort, en représailles de la mort de (Jésus). Puis, se jetant dans les supplications, il implorait (Jésus, disant) : Attendu que j’ai péché, et que je t’ai fait mourir sans le savoir, car je n’ai pas su que tu étais Dieu, mais je te croyais homme, je te donne en expiation tous ceux qui voudront croire en toi ; mène-les là où tu voudras. Puis Jésus, ayant laissé le maître des créatures, prit et ravit Paul, et lui découvrit la rédemption, et l’envoya prêcher (et annoncer) que : Nous sommes rachetés (par la rédemption), et quiconque croit en Jésus a été vendu par le juste à (l’être bon).

C’est là le commencement de la secte de Marcion, en laissant de côté bien d’autres futilités. Tous ne savent pas cela, peu (de ses disciples) le savent, et se transmettent cet enseignement de bouche en bouche les uns aux autres. Ils disent : L’étranger nous a rachetés du maître des créatures, mais comment et avec quoi nous a-t-il rachetés ? (C’est) ce que tous ne savent pas.

2. Réponse. Justement comme le bienheureux apôtre dit que : * La sagesse de ce monde est folie devant Dieu. Que prennent-ils, ou que mêlent-ils, ou, par le verbe de qui parlent-ils ? Si, pour Marcion, véritable est le dieu des lois, de qui il suppose (émanées) les créatures, l’étranger qu’il introduit comme son auxiliaire ne devait pas convoiter ses créatures, quoiqu’elles fussent dans les tourments ou en repos : car, s’il était Dieu, il était lui-même digne de faire des créatures, et (ne devait) pas convoiter les créatures d’un autre. Mais, comme il ne fit rien, il est évident que lui n’était pas du tout ; car, s’il était comme Dieu, il lui fallait avoir en lui toute puissance. Et si, de lui-même, il n’avait pas semblable sagesse, du moins, en contemplant le créateur du monde, (il eût su) comment apprendre de lui l’art ; mais s’il ne pouvait devenir semblable au (créateur du monde), du moins (il fallait) qu’il fût semblable à ὑλη qui était étendu sur le sol, et fût participant de la création du créateur. Mais il est évident que sottises sont (les doctrines de) cette secte, et non pas vérité.

Mais d’abord, admettre le dieu des lois, et ὑλη égal à lui, (c’est) un système volé des philosophes, qui imputent l’impuissance à Dieu, disant que : De rien il n’a pu faire quelque chose, mais (qu’il a tout tiré) de la matière présente (devant lui). Et, quoique de mille manières dans le nom de l’étranger et de son fils Jésus, qu’ils appellent bienfaiteur, ils se réfugient, ils ne sont pas séparés des païens ; car, comme ceux-là disent (qu’il y a) plusieurs dieux, de même aussi ceux-ci prêchent les mêmes dieux. Et ils sont mille fois passibles de mort ; car, créés par le dieu des lois, au nom de l’étranger ils s’encouragent comme des félons, (au nom de l’étranger) qui parmi les hommes n’est pas adoré ; car le serviteur du roi des rois ne peut pas se vouer à César, ni le serviteur de César se vouer au Sassanide ; sinon, il est trouvé digne de la peine capitale.

Puis ceux-là (les païens) disent (qu’il y a) des lignées de plusieurs dieux ; et ceux-ci (les marcionites) du mariage du dieu des lois et de ὑλη (ou la matière), ils disent procréées toutes les créatures. Et que sont-ils (donc) plus que les mages qui, par mariage, supposent (issus) tous leurs dieux ? Qu’ils montrent donc quel esprit leur a donné ces lois ; car, l’Esprit saint, qui parla aux prophètes et aux apôtres, ils l’ont renié.

3. Mais Paul, disent-ils, a été ravi aux troisièmes cieux, et a entendu ces paroles indicibles que nous prêchons.

Voici (ce que) dit Paul : (Paroles) * qu’il ne faut pas que l’homme parle. Or, (quant à Marcion, s’il est homme, pour lui indicibles étaient ces paroles ; lui qui, en effet, est homme, est pire que tous les hommes. Laissant (de côté) la vérité de l’Esprit (saint), il s’assoit dans (l’erreur des) fables qu’il débite. Et tellement il est possédé de l’esprit satanique, qu’il ose faire un triage dans les préceptes de l’Esprit saint, extraire une partie de l’Évangile, et en laisser une partie (comme chose) inutile ; de même aussi, (il faisait) des épîtres apostoliques. L’ancien Testament, il le niait entièrement, comme s’il était donné par (un être) insensé, et non pas par (un être) bon.

Et l’apôtre dit : * Inénarrables sont les paroles que j’ai entendues. Et Marcion dit : Moi, je les ai entendues. Or, est-ce l’apôtre, qui croit ces paroles inénarrables, (qu’il) faut écouter, ou Marcion qui, les rejetant, les met au néant ?

4. Puis, si éternel était le dieu des lois, il lui faudrait être aussi prescient et omniscient, et, s’il n’était pas prescient et omniscient, il n’était donc pas parfait. Voilà qu’il paraît parfait, par cela même qu’il a fait les cieux et toute la terre, et non-seulement un ciel, mais deux (cieux) et beaucoup de forces. Et lui qui à tout cela suffit, comment ne pouvait-il pas savoir cela, qu’il y a quelqu’un au-dessus de lui dont il aurait quelque soupçon ? et, s’il le savait, pourquoi ne fortifia-t-il pas sa place, afin qu’il n’y eût pas entrée pour l’adversaire qui se tenait là, et faisait révolter ses créatures contre lui ?

Et puis l’(être) bon qu’ils appellent ainsi, si, comme ils disent, par nature était bon, et que la méchanceté ne fût pas en lui, puisqu’il pensait à (faire du) bien aux autres, pourquoi pensa-t-il à (se faire du) mal à lui, à se faire contrister par ses créatures ? car celui-ci, continuellement, fait des hommes, et celui-là, en les détournant toujours de lui, le fait misérable ; ce qui est l’œuvre non du bon, mais du méchant.

5. Puis encore, celui qu’ils disent le juste, s’il était vraiment juste, après avoir partagé ses principautés, fait pour lui les deux cieux, et à ὑλη et à ses fils laissé seulement la terre, comment était-il (possible) que, une autre fois, convoitant son monde, il dit : Donne-moi de ton argile, et moi, de mon côté, je donnerai le souffle, et nous ferons l’homme selon notre ressemblance ; ce qui est l’œuvre, non pas du juste, de convoiter le monde d’un autre, mais bien l’œuvre d’un (être) injuste ?

Ou bien ὑλη (matière), comment était-elle frappée de cette idée, une fois séparée du (dieu des lois), d’avoir de nouveau communauté avec lui, de se ruser elle-même, de donner entrée à l’étranger dans son monde, afin qu’il y fasse Adam et sa compagne, (Adam) qui tantôt donnait la main à celui-ci, et tantôt à celui-là ?

Mais aussi le maître des créatures, comment l’appellent-ils seulement le juste ? car, en premier, comme ils disent, il n’a pas seul fait quelque chose, mais (lui et ὑλη) ont fait en commun ce qu’ils ont fait ; et, en second, de matières communes ils ont fait l’homme, et tous deux ensemble ils se réjouissaient en lui ; car si, comme ils disent, juste était seul le dieu des lois, il est évident qu’il donnerait des ordres de justice à ὑλη, et, si méchant seul était ὑλη, il fallait qu’il donnât (au dieu des lois) seulement des avis de méchanceté.

Et comment était-il (advenu) que tous deux se réjouissaient en l’homme, (eux) qui contrairement l’un à l’autre donnaient des ordres ? L’un (des ordres) de bien, comme (être) bon, et l’autre (des ordres) de mal, comme (être) méchant ; car ni au juste, puisqu’il était juste par nature, il ne peut (convenir) de donner des ordres mauvais, ni au méchant, puisqu’il était méchant par nature, de donner des ordres pour le bien.

Mais encore être joyeux, d’où était (venue cette disposition) au méchant, (lui) qui toujours était ténébreux et morose ? Ou, ruser, (d’où venait cette pensée) au juste, qui naturellement était très-juste, et animé de pensées d’équité, à qui il n’était pas possible de penser (et croire) seulement sienne (créature), l’homme créature (faite en) commun ? mais, comme juste, c’était un devoir pour lui de penser que : Comme nous avons fait l’homme ensemble, il nous faut aussi en commun jouir en lui ; mais (ce n’est) pas comme être infiniment juste, mais comme être rusé et soupçonneux (que), ayant pris l’homme à part, il le séduisait (en disant que) : Moi, je suis Dieu, et il n’y en a pas d’autre, hors moi. Et il convenait à Adam de dire que : Quand tu as voulu me faire, il était un autre Dieu, lorsque tu lui demandais de la terre, et, maintenant, comment veux-tu que je pense que je suis seulement à toi ; qui serais seul Dieu, et qu’il n’y en a pas d’autre ?

Mais peut-être (Adam) fut-il effrayé par l’annonce de la mort, que cependant il subit, qu’il le voulût ou qu’il ne le voulût pas. Et il ne savait pas cela, (le dieu des lois), que ὑλη lui dressait piége sur piége, engloutissait son nom unique au milieu de beaucoup de dieux, qu’il faisait le scandale de l’homme ; de ce dommage ne fut pas cause le dernier pécheur, mais (la cause fut) celui qui d’abord rusa ; car, s’il ne lui avait pas montré un tel art, ὑλη ne l’eût pas imaginé ; mais lui-même fut le précepteur de ses propres embûches, et de la fourberie de ὑλη.

6. Comme il vit que nul ne l’adorait, il fit les hommes mortels ; et ceux, dont les âmes sortaient des corps, il les jetait l’un après l’autre dans la géhenne.

Or, plutôt que de les jeter dans la géhenne, pourquoi, celui qui les trompa, ne le jetait-il pas dans la géhenne ? Est-ce parce qu’il ne pouvait le vaincre ? Si donc ὑλη était plus dominateur que lui, pourquoi ὑλη lui donna-t-il ses dupes à tourmenter ?

Mais encore le juste, si vraiment il était juste, ne devait pas dorénavant faire des hommes ; car il savait que ὑλη devait les tromper ; mais, comme juste, il lui fallait penser (à cela) : Quelle utilité y a-t-il que je fasse (des créatures), tandis qu’un autre les détourne de moi ? De plus, les tourmenter n’était pas équitable, puisqu’il savait que, par le fait des autres, elles péchaient.

7. Mais encore une autre chose, qu’ils disent, est plus impie que tout (le reste) : c’est que, quand le bon (principe), qui siégeait aux troisièmes cieux, vit les âmes de ces vingt-neuf générations tourmentées dans la géhenne, compatissant à leur sort, il envoya Jésus, son fils, aller prendre la ressemblance de l’esclave, et se produire sous la forme des hommes.

S’il était si compatissant, de suite pourquoi n’envoya-t-il pas son fils sauver (les hommes) ; mais (il ne l’envoya) qu’après (avoir vu) les âmes de vingt-neuf générations tourmentées dans la géhenne.

Mais d’abord, dire trois cieux, d’où est (venue cette idée) à Marcion ? car Moïse dit deux cieux ; mais, comme en tout ont extravagué les sectaires, de même aussi en ce (point) ; car l’un dit dix cieux, un autre sept, Marcion trois ; et, d’après les livres saints, ils veulent établir leur erreur, (soutenant) que les livres (saints) disent les cieux et les cieux des cieux, d’une manière multiple.

Quand les sectaires ne sont refrénés par personne, en dehors des livres saints, ils extravaguent ; et puis, lorsqu’ils sont en péril, dans les livres saints ils se réfugient ; mais cieux, et cieux des cieux, nous trouvons (ces mots) dans l’Écriture, parce que dans la langue des Hébreux on ne peut pas dire ciel, comme dans la langue syriaque (on ne dit) pas eau, ou ciel ; mais un se dit pluriellement.

Et de là, il est évident que par les Septante (il a été) traduit (ainsi) en grec, disent-ils : * Dès le commencement Dieu a fait le ciel et la terre, montrant ainsi (qu’il est question) d’un (seul) ciel ; et dans la langue syriaque, comme on ne peut pas dire ciel, il est dit : Dès le commencement Dieu fit l’élément cieux et l’élément terre. Quoiqu’on ne puisse pas dire au singulier un ciel, cependant en disant hatn, c’est-à-dire élément, la traduction indique comme un élément d’un ciel. De plus, le firmament, qui est séparé des eaux, les Septante l’ont traduit ciel ; d’où il est évident que le ciel supérieur et le ciel intérieur sont deux cieux, et non pas trois ou plus.

Mais ils disent, Paul a dit que : * il fut ravi tel (qu’il était) jusqu’aux troisièmes cieux, et ils ne savent pas cela qu’il n’est pas même certain que (Paul) dise jusqu’aux troisièmes cieux, ou jusqu’à la troisième partie des nombreuses parties d’un ciel, et surtout que, sans article, il dit * qui est ; car il ne dit pas jusqu’au troisième ciel, mais jusqu’au troisième du ciel, dit au singulier. Donc Paul donne (comme) acception, que dans une partie troisième du ciel fut ravi Paul. C’est pourquoi après cela il dit qu’il fut ravi tel (qu’il était) dans le Paradis terrestre ; et le Paradis terrestre n’était pas dans les troisièmes cieux, ni nulle part dans les cieux, mais sur terre. C’est ce qu’ils témoignent eux-mêmes, disant que : ils firent l’homme, et le mirent dans le Paradis ; lequel (Paradis) est sur terre, et non pas aux cieux.

Mais l’élévation est aussi appelée cieux, comme quand l’Écriture dit * Les oiseaux des cieux, et les rosées des cieux, les nuées, et les vents des cieux ; non pas que (tout cela) soit dans les cieux, mais parce que c’est dans l’élévation, (les oiseaux, etc.,) sont appelés (oiseaux, etc.) des cieux. De plus, des arbres qui sont à quelque hauteur, nous disons qu’ils sont élevés jusqu’aux cieux ; et de la fumée, (nous disons qu)’elle se mêle au ciel. D’après cet exemple, il faut entendre cette expression de Paul : * troisièmes cieux.

Commence par le premier, et descends au second, et arrive au troisième air qui, par les livres (saints,) est appelé ciel, et tu trouves ce que dit le bienheureux apôtre : * Et il entendit des paroles indicibles que personne ne doit proférer. Quoique l’Apôtre fût un vase d’élection, cependant il était compagnon de Pierre, compagnon de joug des fils du tonnerre, coprédicateur avec Barnabé. Comment était-il (arrivé) qu’à lui seul il lui fallût entendre, et proférer des paroles indicibles, et à ses compagnons, non (cela n’était pas donné) ? N’y avait-il donc pas mêmes grâces en tous, et un seul et même esprit en eux ? Mais indicibles (étaient) ces paroles ; non pas qu’elles fussent pour lui possibles à dire, et, pour ses autres compagnons, indicibles ; mais, selon ce que, dans sa première épître aux Corinthiens, l’apôtre dit : * Ce que l’œil n’a pas vu, que l’oreille n’a pas entendu, et qui n’est pas tombé dans le cœur de l’homme, (c’est) cela que Dieu a préparé pour ses amis.

Il est aussi (bon) d’entendre ainsi : * Non pas que moi j’ai été seul digne de ce mystère, moi qui suis le dernier des apôtres, mais, quoique Pierre, (lui) qui est le chef des apôtres, voie cela, il ne peut le redire ; quoiqu’il l’entende, il ne peut le raconter ; car inénarrables sont ces (choses) et au-dessus de l’intelligence et de la langue des hommes. Et pour cela, dit l’apôtre, * quoique j’aie vu, je ne puis raconter ; quoique j’aie entendu, je ne puis le redire.

Puis quel Dieu, des créatures de quel Dieu était le soutien, que (ces créatures fussent dans les tourments ou en paix ; ou, quant au passage de Jésus dans son monde, comment (ce Dieu) ne le sut-il pas lui-même, (ni lui) ni quelqu’un d’entre ses troupes, ni des autres, (pas plus qu’ils ne surent) la sortie de Jésus hors (de ses domaines) ? Et si, touchant lui, comme (étant) Dieu, ils ne pouvaient rien savoir, de tant d’âmes qu’il attira près d’eux dans ses cieux, comment ne percevaient-ils pas quelque bruit ; ou les gardiens des prisons de ces âmes comment ne faisaient-ils pas (parvenir) avis à leur maître ? Mais il est évident que vains sont ces discours, et incroyables ces histoires.

8. Et si, en ressemblance seulement, Jésus fut fait homme, et en forme seulement étaient sa croix, et ses tourments, et sa mort, donc le salut n’a point été opéré. Mais aussi pourquoi sauvait-il les créatures d’un autre, créatures qu’il n’avait pas faites ? (car) c’est l’œuvre, non pas d’un (être) bon, mais d’un (être) pervers de pénétrer furtivement, d’entrer dans la maison d’autrui, et de lui tendre des embûches.

Mais nous demanderons encore ceci : Jésus était-il (un être) corporel ou incorporel ? S’ils disent qu’il était incorporel, qu’ils écoutent ceci : Si Jésus vint (comme être) incorporel, et qu’ici-bas, ainsi qu’ils disent, il ne revêtit pas un corps, il est évident qu’il en donna rien, et ne prit rien, ne mourut pas, et ne sauva pas. Et absurde est ce dire de Marcion, que du sang de Jésus nous sommes le prix ; car son sang ne fut pas répandu, et les hommes ne furent pas rachetés, par cela même qu’ils disent que, en forme et apparence étaient sa croix, et sa mort, et non en réalité ; et les juifs les réfutent, eux qui, jusqu’aujourd’hui, sont assurés que leurs pères ont mis Jésus en croix. D’où il est évidemment démontré que, non pas en apparence Jésus fut élevé en croix, mais bien en réalité ; car de notre véritable (ou de la vérité de notre) résurrection, il a donné sa propre résurrection pour exemple.

9. Et si, comme ils disent, Jésus demanda les lois du juste pour juge et médiateur (de sa conduite), d’après ces lois même, il se trouve déjà passible de mort, puisque, avant son crucifiement, il a (capté) beaucoup de monde. Non-seulement (il a fait cela), mais il a choisi beaucoup d’autres hommes d’entre eux, et les a envoyés afin qu’ils fissent des disciples, et les lui attirassent.

Et non-seulement (il fit) tout cela, mais encore il revêtit leur propre force pour fouler aux pieds les forces de leur maître, et jeta le glaive et la division dans sa maison, et alluma le feu contre ses créatures ; (il alla) jusqu’à abroger, à détruire ses lois, aux jours de Jean-Baptiste, jusqu’à évangéliser (ou publier) son propre règne, lançant partout beaucoup de prédicateurs pour prêcher (sa foi), beaucoup de moissonneurs pour moissonner ce que lui-même n’avait pas semé ; et cela, quand nul n’avait encore péché contre lui, ni (qu’il n’avait pas été) mis en croix, ni (n’avait pas) répandu son sang, il dévasta la maison (du maître des créatures), et ruina son royaume, et lui restait silencieux, et ne faisait aucun mal à (son ennemi).

Et comment, disent-ils, (advint-il) que, par son crucifiement, Jésus racheta Marcion, puisque toutes ces multitudes, tandis qu’il n’était pas encore élevé en croix, il se les concilia ?

Mais, disent-ils (ces multitudes), il les gagna pour prix de guérisons. Il guérit les malades, et il purifia les lépreux ; il ressuscita les morts, il rétablit les paralytiques, et il fit fuir les démons. Et est-il un médecin (qui), quand il guérit le fils d’un individu, ne reçoive pas de récompense ? mais, pour principal prix de sa cure, réclame son malade guéri, et nous consignerons ici que, (pour lui), ses malades guéris lui étaient (attachés) à cause de ses bienfaits. Quant à ceux qu’il n’a pas guéris, pourquoi les a-t-il détachés de leur maître ? Ce qui est le fait, non d’un (être) bon, mais d’un (être) rusé.

Et ces lois, comment (Jésus) pouvait-il les demander pour juges ? (les lois) de celui à qui, avant sa mort, il avait fait tant de tort dans sa maison, surtout qu’il savait que ces lois le condamnaient à mort et ne le justifiaient pas. Or si, sous la forme d’un Israélite, il vint en sa maison, cependant il devait être condamné, car il était écrit dans ces lois * que tout juif qui rompra les lois soit tué, et celui qui ne sera pas circoncis, et ne gardera pas le sabbat, meure. Et (Jésus) a rompu les lois, ruiné la religion ; il était (donc) condamné par les lois, et, si sous la forme d’autres nations il vint chez (les juifs), précédemment il leur était ordonné d’exterminer les étrangers, et non pas de les épargner. Et puis sur les étrangers et les hôtes pesait cet ordre : * S’ils ne gardent pas le culte des lois, qu’ils meurent de mort certaine. Ainsi, d’après toutes les lois, il était passible de mort.

Est-il quelqu’un qui entrerait furtivement dans la maison de son compagnon (pour y) dérober quelque chose, (et qui), pris sur le fait, ne soit pas condamné à mort ? Ou est-il quelqu’un qui, s’approchant, dispose les fils d’une autre personne, ou ses esclaves à l’insolence et à la perversité, (et à qui, si on arrive sur lui), on ne fasse perdre la tête ? Ou est-il quelqu’un qui, entrant comme un espion, espionne furtivement le royaume d’un autre, espion (une fois) connu, ne soit promptement exterminé ?

De même aussi Jésus, avant son crucifiement, fit beaucoup de dommage dans la maison du juste, et, selon les lois qu’il demanda pour juges, il se trouva passible de mille morts ; car, (comme) un étranger venu dans la maison d’autrui, il lui a fait (subir) les plus grands désastres, a brisé ses lois, les prophètes, et a proclamé son propre royaume.

Qui donc était celui-là qui put faire de si grandes choses, si ce n’est le Seigneur de tout, qui a dit que : * Tout m’a été donné par mon Père ? D’où il est évident que, non pas comme un étranger pour la dilapidation, mais par un père (tout lui) a été donné, et comme Seigneur des lois, il a fait cesser les lois ; et, avant d’être élevé en croix, il a montré son royaume.

Ô insensés ! comment n’avez-vous pas compris que le Père de Jésus est le maître de tout, par cela même qu’il lui a tout donné dans les mains ? Il est le maître du monde, et non pas celui que vous pensez, et qui n’était pas même ; car quiconque en dehors de lui est nommé Dieu, n’est pas naturellement Dieu. Et il est encore bien d’autres (choses) par lesquelles il est démontré que notre Seigneur est venu parmi les siens, et non parmi des étrangers ; et lui et son Père sont un seul (et même) maître du monde ; et de plus, par (l’exemple du) * blessé qui, pendant qu’il descendait de Jérusalem à Jéricho, fut blessé par des bandits, il est démontré que le Christ n’était pas un étranger pour le blessé, mais un voisin, un médecin. Comme aussi lui-même dit au pharisien : * Tu as jugé droit (et juste). Et par (l’exemple de) la brebis et de la pièce d’argent, qui étaient perdues et ont été trouvées, il est évident que chez les siens il est venu, et non chez des étrangers.

10. Puis cette autre parole de l’apôtre, qui est si justement dite, ils la renversent. Quand (dit l’apôtre) * il aura détruit tous les royaumes et toutes les principautés, car il lui faut régner, si bien que ses ennemis soient mis sous ses pieds. Et ils disent que le maître du monde se détruit lui-même, lui et son monde, dans l’éternité.

Ô insensés ! si dans sa main est (le pouvoir d’) édifier et (de) briser, et qu’il brise son monde parce qu’il devient vieux et caduc, pourquoi n’en fait-il pas un autre nouveau et plus beau que celui-ci ? Si, quand le monde n’était pas, il sut le méditer, et le faire par sa parole ; maintenant qu’il a appris et a été informé qu’il est un autre monde étranger plus beau, plus excellent que le sien, comment n’en fera-t-il pas un plus parfait que celui-là ? de sorte que les gens de l’étranger portent envie à son monde, à cause de sa beauté et de sa splendeur ; car, comme il a été (assez) puissant (pour) faire son premier (monde), ainsi, s’il veut, il est (assez) puissant (pour) en faire un autre plus excellent que celui-là. Et lui, qui est ainsi puissant, pourquoi se réduira-t-il lui-même à être escabelle sous les pieds d’un autre ? et ne fera-t-il pas son monde nouveau et plus beau que le premier, et il y régnerait dans l’éternité ?

Mais si l’étranger l’en empêche, et si (l’étranger) est plus fort que lui au point qu’il puisse l’empêcher ; donc lui, il n’est pas le maître de tout, comme il dit lui-même, mais l’esclave d’une autre domination.

Ou (bien), d’où montrerez-vous que le Dieu des lois doit briser son monde ? Si c’est parce qu’il est écrit dans les prophètes que * les cieux seront roulés comme du parchemin, et que * la terre comme la cire fondra ; mais il a aussi écrit, dans ses prophéties : * Je ferai des cieux nouveaux et une terre nouvelle. D’où il est évident, selon la prophétie, qu’il briserait ce (monde), mais en ferait un nouveau, comme vous-même en avez témoigné.

Mais encore, à cette autre question, faites réponse. Quel est celui qui brisera sa puissance et sa domination ? Et ne savez-vous pas, d’après l’apôtre, que * le Christ renverse les puissances, et met tous ses ennemis sous ses pieds ? Et non pas celui-là dont vous parlez, qui n’est même pas, et n’a rien fait et ne fait (rien) ; mais Notre Seigneur et son Père, qui sont (assez) puissants (pour) faire tout, et soumettent toutes les inimitiés sous leurs pieds.

11. Et puis, si assez puissant était l’étranger, comme ce Marcion dit, pour affranchir les âmes de ces tourments, pourquoi, par force, ne mit-il pas la main (dessus), et n’attira-t-il pas à lui les âmes de ces victimes ? Mais, d’abord, il donnait (comme) permission qu’elles soient tourmentées, puis il les tirait (de peine). Et cela, non avec audace, mais avec (crainte et) soupçons, et par un rachat au prix de son sang.

Mais, disent-ils, (Dieu) fit cela, à cause de sa miséricorde. Ayant vu les âmes des victimes tourmentées dans les enfers, il envoya son Fils les sauver. Si (Jésus) les sauva ; les dernières, que seront-elles, (ces âmes) qui doivent tomber dans les enfers ? Si, par miséricorde (Dieu) a fait ce qu’il a fait, que n’a-t-il gardé la venue de son Fils jusqu’à la fin du monde, puis envoyé (ce Fils) ; car, (alors), sur tous il faisait miséricorde, et (de l’abîme) les attirait (tous) à la vie, plutôt que de se hâter d’envoyer (ce Fils) au milieu des siècles, et (alors) il n’est pas possible aux derniers qui sont tombés (dans l’abîme) d’en sortir ; car, désormais, sur ses gardes s’est mis leur persécuteur.

Mais, très-égarés sont ces (gens-là), et ils ont oublié qu’il n’est pas d’arbre mauvais qui fasse du fruit bon : et qu’on ne recueille pas de raisin des épines, ni la figue du buisson, et le sien contient le sien.

Et encore une autre chose qu’ils disent, c’est que les enfers ne contiennent pas la vie ; pour cela, (Jésus) est monté en croix, afin que, descendant comme mort, les enfers le reçussent.

Or donc, personne n’y sera-t-il envoyé vivant, ou les hommes pécheurs, ou Satan, et les démons de Satan vivant. S’il en est ainsi, les enfers ne les reçoivent pas.

Ou Jésus comme mort, où est-il allé ? est-ce dans le tombeau de la terre, que l’Écriture appelle enfers, et là ne sont pas les âmes, ni le feu qui les tourmente ; et, s’ils disent qu’il est allé dans la géhenne comme mort, il n’y a pas lieu à leurs discours, car l’Apôtre ne donne pas (à croire) que Jésus mourut de deux morts, mais d’une seule (mort), qu’il subit corporellement, (la mort) de la croix, et fut soumis à la mort de la croix ; et (l’Apôtre) ne met pas qu’un autre le jugea et le jeta dans la géhenne, mais que son Père le livra à la mort, et puis qu’il se livra lui-même comme rançon pour plusieurs, par la mort du corps, et non par les tourments de l’âme.

12. Mais, si fort contraires, disent-ils, sont les lois du juste aux grâces de Jésus, que là * le bonheur est donné aux riches, et la misère aux pauvres ; ici * le bonheur aux pauvres, et le malheur aux riches ; ici (le juste) dit : * Ne tue pas ; et là, Jésus dit : * Celui qui se met en colère contre son compagnon injustement, est passible de la géhenne ; ici (le juste) dit : * Ne fornique pas ; et là, (Jésus) dit que : * Celui qui regarde une femme par concupiscence, a déjà forniqué dans son cœur ; ici (le juste) dit : * Ne jure pas en vain, mais paye au Seigneur (le prix de) tes serments ; et là (Jésus) dit : * Ne jurez point du tout.

Et maintenant comment ces lois et les grâces sont-elles contraires les unes aux autres ? car Abraham, pour avoir reçu les étrangers et les pauvres, a été appelé ami de Dieu ; et le Christ dit que : * Le pauvre dans le sein d’Abraham est allé, et le riche dans les tourments du feu. Le Christ donne le bonheur aux pauvres et aux miséricordieux, (en disant) * qu’ils trouveront miséricorde. Et le Dieu des lois montre tant de miséricorde, que * la bête d’un ennemi tombée sous le faix, il ne veut pas qu’on l’abandonne, que (le maître) soit du peuple (juif) ou de nation étrangère ; * et le chevreau (encore nourri) du lait de la mère, il ne veut pas qu’on le fasse rôtir, * et la poule assise sur ses œufs ou sur ses petits, (il ne veut pas qu’on les prenne ensemble) ; là Dieu dit : * Tu aimeras ton compagnon comme toi-même ; et ici (Jésus) dit : * Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, et tu aimeras ton compagnon comme toi-même ; car de ces deux commandements dépendent les lois et les prophètes. Et il dit : * Je ne suis pas venu dissoudre les lois et les prophètes, mais les remplir.

Or, comment serait-il contraire aux lois, celui qui est venu remplir les lois et les prophètes ? Et il disait au lépreux, qu’il avait purifié : * Va, offre sacrifice pour ta purification, comme Moïse a ordonné dans ses lois. Et au légiste qui lui demanda * que dois-je faire, afin que j’hérite de la vie éternelle ? (Jésus) dit : * Tu sais les commandements des lois : et interrogé de nouveau, quels (sont ces) commandements ? Il dit : * Ne fornique point, ne vole point, ne tue point. Par là, il a fait évident que non pas contraire aux lois (était ce qu’) il enseignait, mais (bien) conforme à ces (lois).

Puis, ne pas s’emporter n’est nullement contraire à ne pas tuer, mais extrêmement conforme ; car, si quelqu’un ne s’emporte pas, il ne conçoit pas l’œuvre d’assassinat. De même aussi ne pas convoiter (la chair), n’est nullement contraire à ne pas forniquer, mais encore mieux ; car, si quelqu’un ne convoite pas (la chair), il n’est pas porté à l’œuvre de fornication ; et ne pas jurer du tout, n’est nullement opposé à ne pas se parjurer, mais (c’est chose) très-corrélative ; car, si quelqu’un n’est pas accoutumé à (jurer souvent), il ne jure jamais faux. Là, comme (les hommes) juraient au nom des idoles, (Dieu) dit : * Paye (ou fais) au (nom du) Seigneur tes serments. Il dit (encore) : * Par moi tu jureras, (par moi) qui suis (l’être) vivant, et ne jure point au (nom des) idoles qui ne sont pas (êtres) vivants. Ici, pour rendre parfaits ses disciples, le Christ dit : * Ne jurez pas du tout, mais que pour vous le oui soit oui, et le non, non ; et ce qui est plus que cela, est du mal. Si ce qui est plus que oui et non est du mal, combien plus encore (fait mal) celui qui jurera faux au nom terrible (de Dieu) !

Et puis, par (le précepte de) ne pas s’emporter, et ne pas convoiter (la chair, précepte) qu’a enseigné Jésus, il est évident qu’il tient tellement pour Dieu le dieu des lois, qu’il affermit ses paroles dans l’Évangile, et ils extravaguent (en disant que) Jésus enseigne le contraire de ces (paroles). De même aussi, au sujet des aliments, dans l’ancien et dans le nouveau Testament nous trouvons qu’ils sont donnés par Dieu pour l’entretien (de la vie). Là, (Dieu) dit : * Immole et mange toute brute et les oiseaux mangeables. Et ici (Jésus) dit que : * Tout ce qui entre par la bouche de l’homme ne le souille pas, mais ce qui sort de la bouche, cela souille l’homme. Et de tout (aliment) le produit est une seule (et même chose), la chair. Et, si impurs étaient quelques aliments, d’abord (Jésus) n’en eût pas mangé lui-même, et puis n’eût pas donné aux autres ordre d’en manger.

Or, si nulle part nous ne trouvons cette parole dans le nouveau Testament : * Ne mangez pas ceci, il est évident que les distinctions d’aliments, qui selon les lois étaient établies, il les a fait cesser, par cela même qu’avec les pécheurs, et avec les publicains, et avec les pharisiens il mangeait et buvait. Et, (au sujet) de la Pâque, il disait à ses disciples : * J’ai désiré ardemment manger cette Pâque avec vous. Est-ce qu’au sujet de la Pâque ils diront que c’était du poisson, et non de l’agneau ? car le Christ mangeait indistinctement toute espèce d’aliments, comme il est évident dans l’Évangile.

Or, s’ils disent que le Christ, après sa résurrection, mangeait du poisson, et non de la chair, pour cela nous aussi nous mangeons du poisson, et non de la chair ; il faut dire que : ils ne doivent pas à présent manger de poisson, mais (seulement) lors de la résurrection, comme le Christ, après sa résurrection, mangea du poisson qu’il trouva chez des pêcheurs.

Mais le poisson est chair, cela à tous est évident ; car (tout être) qui a corps et sang, graisse et os, il faut qu’il soit charnu et vivant ; et il est un poisson sur les côtes duquel, comme sur les côtes du cochon, se trouve une épaisse couche de graisse, et le sang en jaillit autant que d’une brebis. Et ce poisson mange des aliments immondes que même les animaux féroces et les brutes ne mangent pas ; et ce poisson, il faut plutôt l’appeler bête féroce, lui qui mange indistinctement ses semblables ; et, comme bien plus pures que lui (poisson) sont les brutes, (quelques-unes) d’entre elles en sacrifices et holocaustes sont offertes à Dieu, et parmi les poissons, aucun.

Mais, dans ce symbole et exemple du grand mystère qui devait se révéler, les animaux, de petit, de gros bétail, figuraient, et non les poissons. Comme * l’agneau par le sang duquel ont été rachetés les aînés des fils d’Israël en Égypte, * et le bélier qui a été égorgé en place d’Isaac, étaient la pensée (figurante) du véritable * Agneau qui enlève les péchés du monde ; et aussi * la génisse qu’en dehors du camp on immolait en holocauste : à l’exemple de ces animaux, le Christ aussi, en dehors de la ville fut supplicié. Et David dit : * Qu’il soit agréable au Seigneur, comme le veau tendre (et délicat), et non pas comme le poisson délicieux ; car le poisson, quoiqu’il vienne en apologue, vient en apologue (figuratif) du tombeau, non de la vitalité : selon ce que le Seigneur dit que : * Comme fut Jonas dans le ventre d’un poisson trois jours et trois nuits, de même aussi il faut au Fils de l’homme entrer dans le cœur de la terre et y être trois jours et trois nuits ; et ainsi nous ne trouvons pas dans les livres saints que (le Seigneur) ait sanctifié le poisson, et (l’ait) donné en nourriture, et ordonné de s’abstenir de viande comme d’une nourriture impure et immonde.

Mais même dans les lois, il est écrit que : * Je vous ai donné à manger les brutes et les oiseaux comme les légumes et les herbes ; mais seulement l’animal mort (de lui-même) * et le sang, n’en mangez point ; car le souffle de la brute, c’est son sang. Et les apôtres, dans l’épître que de Jérusalem à Antioche ils écrivirent, confirmèrent ce (précepte) * de vous garder du sang et de tout animal étouffé, et d’animal mort (de lui-même), et de fornication ; et ils n’ont pas dit de chair. De plus, dans ces (mêmes) lois, les brutes mangeables, (Dieu) les appelle * pures, et (celles) non mangeables, impures ; non pas qu’impures par nature fussent (ces brutes), mais celles non agréables au jugement des hommes, Dieu les appelle impures ; car il savait qu’il est certaine bête qu’on a plaisir à manger, et certaine qu’on n’aime pas à manger ; et selon cela, il institua ses lois.

Mais rien d’impur (ne vient) des aliments : du Seigneur même écoutons cela : * Il n’est rien qui entre dans le ventre de l’homme qui puisse souiller l’homme ; mais ce qui sort de l’homme, cela souille l’homme. Et l’apôtre, d’avance ayant en vue par (effet de) prophétie l’injuste orgueil des sectaires, dit : * Ils retranchent des aliments, ils prohibent le mariage que Dieu a fait pour la consolation des fidèles, qui avec reconnaissance en jouissent ; car (c’est chose) sanctifiée par la parole de Dieu et par les prières. Non pas qu’il y ait quelque chose impure, et puis sanctifiée ; mais ce qui à eux paraissait impur à cause de l’immolation, (au sujet) de cela, l’apôtre dit que : * c’est sanctifié par la parole de Dieu et par les prières. Pour cela, dans une autre épître, il dit que : * quand quelqu’un des infidèles vous conviera, et que vous irez, de tout ce qu’on mettra devant vous, mangez, et n’ayez pas scrupule. D’où il est évident que parmi tout (cela) était (comprise) la chair. Et puis il dit que : * De tout ce qui est vendu au macellum, c’est-à-dire au marché à la viande, mangez, et n’ayez pas scrupule.

Mais ils disent que l’Apôtre dit que : * Mieux est de ne pas manger de chair, ni de boire de vin, afin que par là mon frère ne soit pas scandalisé ; et puis que : * Je ne mangerai pas de viande à tout jamais, par quoi mon frère serait scandalisé.

Nous dirons : Si, par le poisson aussi est scandalisé le frère, donc il ne faudrait pas en manger.

Car, à cause du scandale, il ne faut pas manger, et non, parce que quelque impureté serait (provenant) des aliments, et surtout pour le vin par l’ (influence du)quel beaucoup même trébuchent. La viande ne fait pas autant pécher que le vin, (qui) déprave les buveurs, et scandalise les spectateurs. Et comment est-il (possible) qu’ils se gardent de la chair, et ne se préservent pas du vin, ces marcionites ? car cette parole (de l’apôtre), sur les deux (substances, la chair et le vin), repose : Il dit de * ne pas manger de chair, et ne pas boire de vin ; et de ce (précepte) produisant les motifs, il dit : * (afin) que par là mon frère ne soit pas scandalisé ou ne faiblisse pas. Par là, il est démontré qu’à cause du scandale, (l’apôtre) a émis cette pensée, et non parce qu’il tenait pour impurs ces aliments, lui qui dit que : * Il est celui qui croit (pouvoir) manger de tout. * Si tu crois, dit-il, que par la parole de Dieu, et les prières sont sanctifiés les aliments, mange, et ne distingue pas. * Mais, si tu es faible en foi, et que tu aies scrupule, mange seulement des végétaux, et ne te scandalise point, * et, quand tu ne crois pas (pouvoir) manger de tout, comme (aliment) pur, ne juge pas celui qui en mange : comme aussi celui qui en mange ne doit pas te blâmer, comme (homme) faible qui ne crois pas (pouvoir) manger de tout, comme (aliment) pur ; car ce n’est pas que les aliments nous mettent devant Dieu, ou nous retirent de sa face, mais c’est ou la foi, ou le scrupule des esprits et le scandale.

13. Or, vos religieux, disent-ils, pourquoi sont-ils privés de chair ? Nos religieux s’abstiennent de (certains) aliments, non pas pour cela qu’ils regardent ces aliments impurs, et produits de la matière comme d’une chose impure. Si, pour regarder comme impurs ces aliments, ils avaient fait vœu, leur vœu ne compterait pour rien. Mais ils s’abstiennent de ces aliments, afin que la sainteté qu’ils ont résolu de garder, ils la gardent plus facilement.

Pour cela aussi, nos pères les saints évêques ont établi des canons ; (statuant) : Si quelque fidèle ne mange pas de viande, et que des légumes soient cuits avec la viande, et, si de ces légumes il ne veut pas manger, qu’il soit excommunié : pourquoi ? d’abord parce que des aliments donnés par Dieu, il ne peut pas les regarder (comme) abjects ; et ensuite, afin qu’il ne se nuise pas par un injuste orgueil, comme si par là il était plus que les (autres) hommes.

De plus, les vierges de la sainte Église gardent leur virginité, non pas à cause de cela qu’elles tiennent le mariage, donné par Dieu, (comme) souillure, comme (font) Marcion, Mani, et les impudiques ; car, si dans cet esprit elles faisaient des vœux, leur virginité ne serait pas dans une honnête virginité ; mais, pour mieux aimer Dieu, elles renoncent aux bonnes créatures de Dieu, afin que, ressemblant aux anges de Dieu, chez qui il n’y a ni mâle ni femelle, elles montrent sur la terre la même vertu ; selon ce qui (est dit) que * Il y a des eunuques qui se sont faits eunuques pour le royaume des cieux, (afin d’) être, lors de la résurrection, pareils aux anges ; et l’apôtre appelle homme fidèle les vierges. Mais, eu égard à la nature, il ne peut donner un ordre formel ; mais par un coup d’œil (de préférence) il dispose, comme fait aussi le Seigneur, mais il ne presse pas.

14. Tout ceci pour la secte des marcionites a été dit, (pour) eux qui rejettent le mariage, et l’usage de la viande : et, voués avec les laïques à la virginité, ils faussent leur vœu ; car, pour ne pas (pouvoir) résister à la concupiscence, ils les jettent encore une fois dans la pénitence.

Or, s’ils ne croient point aux lois (de celui) qui dit que : * L’homme laissera son père et sa mère, et ira après sa femme, et ils seront deux dans un seul corps ; pourquoi ne croiraient-ils pas à Jésus, qui confirme ce (commandement), et ajoute : * Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare point ! Or, pour les fidèles qui veulent démontrer la vérité, d’abord leur affaire est celle-là ; comme sont les choses, qu’ainsi ils les confessent. Puis, s’ils deviennent (des hommes) d’élite dans la vertu, cela est admissible. Et non pas (qu’ils fassent) comme ces gens-là qui anéantissent ce qu’il y a de plus grand, (sous prétexte) que dès la piscine (du baptême) nous faisons vœu de nous abstenir de chair, et du mariage ; et puis rompent leur vœu, et s’en vont entrer dans la pénitence.

Et, si tu demandes si des tourments existent (de la part) de l’être bon, ils disent : il n’en existe pas. Et, s’il n’y a aucune crainte de tourments, n’est-il donc pas évident que des tourments ils ne craignent rien, et qu’ils sont indifférents dans le péché ? Mais de celui de qui il n’y a pas de tourments (à craindre), il n’y a pas de dons (à espérer).

Mais nous, disent-ils, pour cela nous avons fui loin du juste ; car, d’effrayantes menaces il menace dans ses lois, (disant) que : * Le feu est allumé dans ma colère, et consumera (tout) jusque dans les abîmes intérieurs ; et tout ceci était gardé dans mon trésor. Et ailleurs : * Dieu juge par le feu.

Ô (hommes) insensés et égarés ! si, à cause d’effroyables menaces, vous fuyez loin du dieu des lois, quand Jésus, de menaces encore plus terribles, (menace) du feu inextinguible, du ver immortel, et des tourments éternels, où aurez-vous à fuir ? Et, lorsque dans l’ancien et dans le nouveau Testament, nous trouvons les mêmes menaces et les mêmes promesses de biens, n’est-il donc pas évidemment démontré qu’un seul donateur est (donateur) de l’ancien et du nouveau Testament ?

15. Mais, ne pas croire à la résurrection des corps, d’où est (venue cette pensée) à Marcion, à Mani, et autres gens pareils ?

Ils disent : l’apôtre a dit que : * Le corps et le sang n’héritent pas du royaume de Dieu, et que la corruption (n’hérite pas) de l’incorruptibilité.

Puis, que : * J’ai désiré (ardemment) sortir du corps, et être avec le Seigneur ; par quoi il est évident, disent-ils, que, puisque de matière est le corps, pour cela il n’est pas fait digne de la résurrection.

Et que, parce que de matière est le corps, il ne sera pas fait digne du royaume, puis, parce que du juste sont (émanées) les (âmes), (il ne faut) pas qu’elles soient dignes du royaume de (l’être) bon. Mais il les réfute, ce même apôtre, ici dans le même passage. Montrant comme du doigt le corps, il dit que : * Il faut à notre corruption revêtir l’incorruptibilité, et à ce (corps) mortel revêtir l’immortalité ; d’où il est évident que (ce ne sont) pas les âmes qu’il appelle corruptibles et mortelles, mais les corps. Et dans une autre épître, il dit que : * À nous tous, il est (réservé) de comparaître devant le trône du Christ, afin que chacun reçoive avec son corps, (selon) ce qu’il a fait avant, soit (en) bien et soit (en) mal. Vois-tu qu’avec le corps il dit porter les biens ou les maux, et non pas seulement avec l’âme.

Mais ils disent : l’apôtre a dit que * la corruption n’hérite pas de l’incorruptibilité.

Ô collecteur de passages, ô Marcion ! il écoute une chose, et rejette l’autre. Si, avec un esprit droit, il écoutait cela, (savoir) que * la corruption n’hérite pas de l’incorruptibilité, il pourrait se tenir (sur les limites de) la vérité, car l’apôtre confirme tellement la résurrection des corps, que même il en apporte plusieurs exemples.

D’abord, le premier (exemple), c’est la propre résurrection du Christ, (disant que) : * Le Christ mourut selon les Écritures, et fut enterré, et ressuscita le troisième jour. Et, bien affermi (à ce sujet), il montre plusieurs circonstances pour la constatation de cette résurrection ; et plus encore, voilà ce qu’il crie à l’oreille de Marcion et de Mani, et il dit : Si les morts ne ressuscitent pas, que feront ceux qui pour les morts auront été baptisés ? Vous, dit (Marcion), vous dites que les corps, parce que de matière ils sont (formés), ne ressuscitent pas ; si les corps mortels ne ressuscitent pas, les âmes, (elles) vivantes, pour les corps morts, pourquoi font-elles profession (de foi) ? Ou les corps mortels avec les âmes vivantes, pourquoi seront-elles baptisées, si, comme vous dites, ne doivent pas ressusciter les corps mortels ?

Ainsi il faut entendre cette parole, et non pas comme Marcion, (qui) extravague (en disant) que : Au lieu d’un enfant mort, il faut baptiser son voisin vivant, afin que (le baptême) à lui mort soit compté ; ce que font, en effet, les marcionites ; mais elle les condamne, cette parole du Seigneur, (qui dit que) : * Si quelqu’un ne naît pas de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Et puis : * Si quelqu’un ne naît pas de l’eau et de l’esprit, il n’entrera point dans le royaume des cieux. Par quoi il est évident qu’il faut baptiser chaque individu, et non pas l’un pour l’autre.

Et puis, d’après l’apologue des semences, évidemment démontrée est la résurrection des corps. * Comme la semence que tu as semée, (ainsi est le fruit). Il n’en vient pas un autre pour un autre, quoiqu’il revête mille aspects charmants. Mais jamais tu n’as semé de l’orge, et moissonné du froment ; et jamais tu n’as semé du mil et moissonné du seigle ; mais (à) ce que tu as semé, tu as moissonné pareil. * Selon cet exemple, dit (l’apôtre), aussi le corps qui est tombé, le même doit ressusciter.

Puis encore, ce dire de l’apôtre que : * Le corps et le sang n’héritent pas du royaume de Dieu, et que la corruption n’hérite pas de l’incorruptibilité, ne doit pas être compris dans le sens dans lequel Marcion le prend, (savoir) que : parce que de matière sont les corps, ils ne ressuscitent pas ; mais de deux autres manières.

L’une en ce (sens) que : quand dans les pensées du corps et dans ses œuvres est encore l’homme, animés sont aussi le corps et le sang ; et, comme selon le corps seulement (l’homme) pense et agit, il n’est pas digne d’entrer dans le royaume des cieux ; comme aussi dans une autre épître, l’apôtre écrit à ses disciples que : * Ceux qui sont en corps pensent les pensées du corps ; mais vous, vous n’êtes pas en corps, mais en esprit. Est-ce que, quand il a écrit cela à ses disciples, la moitié était en corps, et la moitié n’y était pas ? D’où il est évident qu’en corps ils étaient tous, mais non pas tous dans les œuvres du corps, et (ni tous dans les œuvres) de l’esprit.

Puis, dans un autre sens, il faut entendre que : non pas gonflés de chair et de sang ressuscitent les corps, mais renouvelés par la résurrection ; (de) corruptibles qu’ils étaient, ils héritent de l’incorruptibilité ; comme aussi (l’apôtre) l’avance par ces (paroles, en disant) que : * La trompette résonne, et les morts, qui (sont morts) dans le Christ, ressuscitent incorruptibles, et nous sommes renouvelés.

Par là, il est démontré que les corps renouvelés par la résurrection, affranchis de tous les besoins, ressuscitent ; et la mort est engloutie dans la défaite, quand (ces corps) corrompus revêtent l’incorruptibilité, mortels (revêtent) l’immortalité, semés par la faiblesse (revêtent) la force, jetés dans le mépris (revêtent) la gloire. Et il n’est pas de corps qui restera dans la terre. Mais l’âme de chacun, revêtant le corps de chacun, en un clin d’œil, (tous) se dresseront devant le terrible tribunal, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour les punitions du jugement.

16. Ce Marcion était issu du pays du Pont, fils d’un évêque ; et, ayant corrompu une vierge, il s’enfuit, parce que son père lui-même l’avait séparé de l’Église, et, étant allé à Rome chercher la pénitence en ce temps-là, et n’y étant pas parvenu, il s’emporta contre la foi. Et, mettant en avant trois (propositions), il enseigne (et traite) du bien, du juste, et du mal ; et, le nouveau Testament, il l’estime différent de l’ancien, et, d’après ce qui était dit dans celui-ci, il méprise (et rejette) la résurrection des corps. Et le baptême, il n’en donne pas un seul, mais trois après avoir péché ; et, en place des enfants morts, il en presse d’autres de recevoir le sceau (du baptême). Et il est tellement impudent qu’il ordonne aux femmes de donner le baptême, ce que personne n’a pu faire dans les autres sectes, ni donner le baptême deux ou trois fois, ni prendre des femmes pour prêtres.

De plus, d’où lui est venu le sacerdoce, (à lui) qui, ayant corrompu une vierge, fut rayé de l’Église par son père, quand il ne fut pas même digne d’arriver à la pénitence ? Et bien justement il n’en fut pas digne, car, sur les ordres du St -Esprit il osa jeter la main, en retrancher, rejeter une partie comme (chose) inutile, et choisir, et prendre l’autre (partie) comme utile. Et il ne sait pas cela que : quand on coupe un doigt du corps, cette petite partie coupée affecte toutes (les parties) du corps. Plus encore, (Marcion) est condamné par (Jésus-Christ) venant parfaire les lois, qui disait : * Je ne suis pas venu dissoudre les lois et les prophètes, mais les remplir. Et par l’apôtre, qui dit que : * Le Christ est notre paix, lui qui fit les deux en un : Gloire à lui dans l’éternité de l’éternité ! Amen.


FIN.

CONSEILS
DU
MÊME DOCTEUR EZNIG GORHPATZI.




1. Celui qui aime Dieu, de ses propres volontés comme d’un ennemi se garde.

2. Mieux vaut dans de pures pensées dormir, que, avec des pensées impures, offrir des prières (à Dieu), et ne pas recevoir salaire, et en vain travailler.

3. Mortifie ton corps par la rigueur (de la pénitence), et ton cœur par la crainte de Dieu, afin que tu sois sans crainte des flèches mortifères de Satan.

4. Celui qui aime la crainte (de Dieu) élève une statue d’amour à Dieu, et une inimitié irréconciliable à Satan.

5. L’amour et la crainte (de Dieu) fais en pour toi une (seconde nature, afin) que pour illusion tu ne travailles pas.

6. Autant tu éprouveras de privations, fatigues, peines, si tu supportes (tout cela, autant) tu te prépares d’incorruptibles trésors dans les cieux ; mais, si tu murmures, et (si tu) as le cœur serré, en vain tu travailles, et sans rémunération tu restes.

7. Fortifie-toi par la pensée de la passion du Christ, et supporte (tout) pour lui, afin que tu jouisses de ses immuables bienfaits.

8. Celui qui, le printemps, se tient en repos, l’hiver par la faim et le froid glacial est accablé.

9. Celui qui ici (bas) engraisse son corps, dans le repos éternel n’entre pas.

10. Obéis avec amour, prie avec espérance, travaille avec foi, et tu seras glorifié aux célestes noces.

11. Ce que Dieu te donne de grâces, aux besoins des malheureux fais-le servir, afin que les grâces jaillissent (sur toi), et que tu sois glorifié.

12. Le religieux sensuel est semblable au pourceau ; dans une mer de péchés il se plonge.

13. Les larmes sont (comme) l’eau qui lave les péchés, et les soupirs (comme) la pénitence. Donc, celui qui passe tout son temps dans (l’observance) des règles religieuses, dans le deuil et dans la tristesse, celui-là, de quelle gloire bienheureuse héritera-t-il ?

14. Un religieux hypocrite est (comme) le voile (trompeur) de Satan ; ayant Satan tout autour de lui, il cache la laideur de ses membres, et, par un voile enluminé, il trompe les spectateurs. Ces gens-ci sont des loups couverts de peaux d’agneaux que menaça le Christ de classer parmi les incrédules.

15. Celui qui voit son frère, et reste triste, est vaincu par l’hypocrisie ; celui qui s’assoit seul, (de son côté), et est gai, est prisonnier de Satan.

16. Nos bouches sont (infectées de l’) odeur des jeûnes, et nos langues engourdies par le chant des psaumes ; et, ce que Dieu demande, nous ne l’avons pas, l’amour et l’humilité ; des lèvres nous aimons Dieu, et en vain nous travaillons.

17. Ils ne mangent pas la chair de la brute, et ils mangent leurs frères insatiablement ; ils ne boivent pas de vin, et ils souillent leur âme de sang ; ils haïssent les (personnes) mariées, et, par leur pensée impure, sans cesse ils forniquent ; ils revêtent des habits infimes, et par l’avarice ils sont consumés. De telles gens il faut s’éloigner, et n’avoir pas (avec eux) communication.

18. Il ne faut pas à un moine être en vie commune avec de jeunes garçons ; car le tir des flèches, qui vient d’eux, est pire que le venin des vipères.

19. Un religieux enjoué est le démon * Gergéséen.

20. Un jeune religieux qui n’est pas aux pieds des vieillards est la facile proie de Satan.

21. À un plus jeune religieux (que toi) ne dis point tes secrets, car c’est sa mort.

22. L’éclat des yeux, la fumée l’offusque ; et la gloire du religieux, la fréquentation des jeunes garçons (l’offusque). S’il ouvre les cieux n’entre pas ; s’il a des mœurs angéliques, ne le crois pas.

23. N’aime pas à satiété les aliments et les boissons, sinon ton corps, tu l’édifies (en) ville de fornication, et (en) forteresse de Satan.

24. Le vin réveille une foule de maux, et chasse la crainte de Dieu.

25. N’aime pas ton frère, (en le tuant) avec des aliments, des boissons délicates, des habits magnifiques, afin que tu n’hérites pas de la punition de Caïn.

26. Ne contriste personne, et ne sois contristé par personne.

27. Ne te fâche pas contre un disciple qui a failli ; car un malade n’est pas, par sa volonté, malade.

28. L’amour de Dieu est (comme) le reproche particulier (de nos fautes).

29. N’injecte pas le poison (de la colère) contre un frère, sous prétexte d’admonition.

30. Un remède délicat guérit la blessure, et la bienfaisance (guérit) les maux.

31. Le travail avec satisfaction (et gratitude) sans couronne (ou sans récompense) ne demeure pas.

32. Le religieux luxueux est (comme) l’habitation du démon.

33. Celui qui convoite les biens corporels, est fornication.

34. Si, pour Dieu, tu es persécuté, ne garde pas rancune.

35. Quand tu pries, choisis tes pensées, et puis psalmodie.

36. Si, pour ton ennemi, tu ne pries pas comme pour toi, mieux vaut ne pas prier.

37. Si tu reçois quelque chose de quelqu’un, ajoute-le à tes prières habituelles.

38. Les démons dans les biens se concentrent, et les anges (se plaisent) à les distribuer.

39. L’amour des biens est (comme) attaché au joug de l’idolâtrie.

40. Les prières (émanées) d’un cœur saint font le salut du sacrifice.

41. Ne cherche pas la saveur des aliments.

42. Celui-là voit le Christ, qui hait les biens (terrestres).

43. Pour un religieux, une place fortifiée, c’est la tranquillité.

44. Un religieux, ami de ses frères, a parenté avec le Christ.

45. Un religieux pacifique est la torche brillante de la fraternité.

46. Celui qui a de la rancune contre son frère, est lié de pacte avec Satan. Celui qui avec haine s’endort irrite Dieu.

47. Le soir, quand tu montes dans le lit, pense que tu es descendu dans le tombeau.

48. Laisse là les pensées, et les choses qui marchent (futiles et) vaines, et cloue-toi à la crainte de Dieu, et médite le jour du jugement.

49. Celui qui prive son frère de la nourriture corporelle, n’est pas désireux de la table du Christ.

50. Celui qui se hâte de prendre quelque chose de quelqu’un, n’a point d’espérance au Christ.

51. Si quelqu’un demande de toi quelque chose, et (que tu la lui) donnes, remercie Dieu, car tu as plus gagné que celui-là.

52. Ne sois pas jovial et bouffon, afin que tu n’hérites pas des pleurs interminables.

53. Avec humilité et espérance obéir, et avec science travailler, c’est (là) la perfection.

54. Autres sont les vertus, et autres sont les (vases d’) élection.

55. Le pain du jour, il t’a ordonné de le manger à la sueur de (ton front), et toi, tu veux dans le sommeil hériter de la vie éternelle. Soixante-dix ans sont assignés à ta vie, et même dans les douleurs et l’affliction. Toi, tu veux posséder mille ans de vie sans douleur.

56. Aux gens fatigués il a ordonné le repos, et non pas aux hommes sensuels, pâture engraissée pour les vers.

57. Réprime ton caractère morose par l’abstinence, adoucis la dureté de ton cœur par une vigilance (continuelle), dessèche l’humide (impureté) de ton corps par le travail, et ensuite tu peux porter la croix du Christ. Apprends à ton cœur à aimer son frère. Et ainsi, aime ton corps, comme un frère insidieux.

58. Haïr la crainte (de Dieu), aimer à ne rien craindre, c’est un seul et même mal.

59. Si avec compassion tu n’aimes pas ton frère, tu ne peux rien avec lui.

60. Mortifie ton corps par (ton application à) la connaissance des livres (saints, et l’observance de leur) témoignage.

61. Il y a des vertus qui ne sont pas agréables à Dieu : c’est tromperie du mal.

62. Délicatesse et repos, hais (tout cela).

63. Ce dont a besoin (chacun) des frères, donne-le-lui.

64. Demain tu dois aller dans ta patrie, là, repose-toi.

65. Quand tu pries, sache bien avec qui tu parles, ou ce que tu demandes. (Tes) pensées en toi, recueille-les.

66. Quand Dieu t’envoie délicieuse nourriture, ou pain pur (froment), la part du Christ à un malheureux frère, donne-la avant ton repas, afin que le Christ soit ton commensal.

67. Quand tu t’assois à table, baisse la tête ; ne vois rien autre chose que toi seul, et mange avec reconnaissance.

68. Ne cherche pas la suavité des mets, et la satiété, mais seulement ce qui (de la faim) supprime le danger.

69. Que tes habits ne soient pas (faits) pour orner ta personne, mais seulement pour les besoins de ton corps ; mais, si le superflu, le déshonnête, tu l’aimes, tu es privé des ornements célestes.

70. Si tu es malade ou fatigué, ne te conduis pas avec autorité.

71. Si l’on te fait amitié, remercie Dieu, et, si on ne te fait pas (amitié), ne sois pas contristé, et ne contriste personne ; mais mortifie-toi un peu par le silence ; car celui qui combat a besoin de résignation.

72. Médite (en toi-même) le jour du jugement qu’a préparé Dieu.

73. Cette vie est un combat.

74. Celui qui est bon paraît gai.

75. Cherchons ce que le Christ a promis de donner, (en disant) que : * Où je suis, là aussi mes serviteurs seront.

76. La vieillesse et la maladie sont un combat temporaire ; car la force du corps est défaillante, le danger multiplié, le repos peu (durable) ou (il n’y en a) pas du tout : et Satan enflamme la fournaise de sa colère, et fait haïr l’ordre, blasphémer le supérieur, murmurer contre les frères ; ici il est besoin d’amour et de pitié, d’être longanime, et de prendre la couronne du martyre.

77. Celui qui s’irrite contre son frère, et n’est pas pour Dieu, l’ange impitoyable se dresse devant lui.

78. Celui qui, en psalmodiant, rit, ou entremêle des paroles mondaines, qu’il soit (mis) en dehors des choses saintes, jusqu’à ce qu’il soit devenu bien portant !

79. Il est mieux d’élever les mains vers Dieu quand on prie, mais plus précieux (en œuvre) est celui qui, aux besoins de ses frères, servira.

80. Si confiant tu es en ton frère, obéis-lui ; mais sinon, de la coutume ne sors pas.

81. Il faut à un religieux, au prix même de son sang, résister contre les désirs charnels, et ainsi, sacrifice (vivant) se faire à Dieu.

82. Le Christ a dit : * Je suis la voie, et la vérité, et la vie ; et, celui qui veut venir à moi, qu’il renonce à sa personne, et prenne la croix, et vienne après moi. Et celui qui ne se renonce pas lui-même, ne peut porter la croix du Christ, et n’est pas (participant) de la vérité. Et celui qui n’est pas (participant) de la vérité, ne peut posséder la vie dans l’éternité, mais dans l’ombre il se tient et dans les ténèbres il erre.

83. Et celui qui cultive ses propres volontés, ne peut accomplir l’œuvre mondaine, moins encore (l’œuvre) spirituelle, quoique dans de grandes fatigues il passe sa vie, il ne peut arriver à la règle religieuse. Obéissant, quoique mou et lâche, il est religieux, (c’est vrai, mais) il est en servitude dans la maison de Dieu.

84. L’abeille inoccupée vaut mieux que la guêpe en travail.

85. Celui qui s’est renoncé lui-même, et sous le joug du commandement est entré, en portant la croix du Christ, ne doit pas faire choix des ordres du supérieur, mais (bien) obéir avec crainte ; car même Pierre a été ceint par le commandement ; et, si tu es fautif envers le supérieur, rien n’est possible avec lui, car tu perds ton âme. Tantôt tu te plains, tantôt tu blasphèmes, tantôt tu luttes, tantôt près des autres tu médis ; l’amour et l’obéissance, tu les enlèves (du cœur) des frères, à tous tu enseignes l’impiété. D’un tel (homme), l’alliance est déjà (titre de) condamnation.

86. Sans savoir, sans discernement, un supérieur en (voulant) guérir, blesse, et, en voulant redresser, brise. Au lieu d’amour, il montre haine, et au lieu de haine, amour. Et, en perturbant (ainsi) les frères, il les laisse sans mérite (aucun).

87. Celui qui est la colonne (principale) et en lui constitue tout l’édifice, s’il est renversé, (entraîne et) met tout en bas ; de même aussi le supérieur, si, selon les volontés de Dieu, il ne conduit point toute la réunion des frères, il la livre à Satan, et, au lieu d’une (sage) direction, de perdition il devient cause. Grand déchirement, inguérissables maux est une telle direction ; car les hommes à l’exemple regardent plus qu’à la vérité.

88. Celui qui scandalise un (seul) d’entre les petits n’est pas digne du tombeau ; or, celui qui pour beaucoup est cause de perdition, que dis-tu de lui ? N’a-t-il pas été coopérateur de Satan, et, avec lui, il doit être tourmenté dans la géhenne.

89. Le supérieur spirituel est un feu divin, il brûle, (consume) le mal corrupteur, dessèche l’humidité (impure des cœurs), et par la règle religieuse éprouve comme l’or dans le fourneau, et dans un (état de) sanctification, sans souillure offre les frères à Dieu, et lui-même (supérieur) * selon le fidèle serviteur, règne sur dix villes.

90. Un supérieur avare, ce qui est (même chose qu’) idolâtre, est un chef de brigands ; les brigands sont nombreux dans le monde, et ils ne sont pas tous assassins ; mais lui (supérieur avare) tous les jours commet assassinat. Le corps, non-seulement il l’assassine, comme (ferait) un voleur, mais de Satan il se fait coopérateur, et perd l’âme qui lui a été confiée. Tout le mal, facilement il l’exécute, et jamais le bien.

91. Si la maladie de tous (et de chacun des) frères ne t’afflige point, ne sois pas supérieur.

92. Si ce qui est indigne, selon le besoin, tu ne le reprends pas, ne sois pas docteur.

93. Le miel est doux, mais au corps des malades il fait dommage ; utile est l’avis et la réprimande, mais pour celui qui a la face (tournée) vers l’occident, il est inutile.

(Ici) sont finis les préceptes.



fin.

  1. On pensera sans doute qu’Eznig est fort modéré dans ses expressions en parlant de Marcion, si l’on se rappelle le portrait qu’en fait Tertullien. « Rien, dit-il, n’est si horrible pour la Kolkhide que d’avoir donné naissance à Marcion, qui est plus sombre qu’un Scythe, plus versatile qu’un Sarmate, plus inhumain qu’un Massagèhte, plus audacieux qu’une amazone, plus obscur qu’un nuage, plus froid que l’hiver, plus fragile que la glace, plus trompeur qu’un Istriote, plus escarpé que le Caucase. »