Réflexions sur la jurisprudence universelle

Œuvres de Condorcet
Didot (Œuvres de Condorcet, Tome 7p. 11-34).
RÉFLEXIONS
SUR
LA JURISPRUDENCE CRIMINELLE.
1775.
RÉFLEXIONS
SUR
LA JURISPRUDENCE CRIMINELLE.

Il faut que l’homme soit longtemps le jouet de l’erreur, avant de parvenir à ce point fixe où repose la vérité. S’aperçoit-il qu’il en est éloigné, les efforts qu’il fait pour y revenir l’emportent au delà, et l’on pourrait comparer sa marche à celle d’un pendule, qui n’arrive enfin au point de repos qu’après un grand nombre d’oscillations dans les deux sens contraires.

Longtemps les anciens ont été regardés comme des hommes d’une espèce supérieure : on croyait ne pouvoir trouver que chez eux la vérité et la beauté. Ensuite on a passé de cette sorte de culte à un mépris exagéré.

Les arts mécaniques, la pratique des sciences ont été longtemps méprisés comme des occupations indignes de tout homme qui savait penser. Les sciences spéculatives étaient seules en honneur. Ensuite on a jugé, avec raison, qu’il ne fallait honorer que ce qui était utile, et les sciences spéculatives, regardées injustement comme inutiles, sont trop négligées.

Autrefois, enfin, on ne croyait, on n’agissait que d’après des autorités ; maintenant on ne veut admettre pour guide que sa propre raison. Les particuliers regardaient les lois comme des oracles. Ils semblaient croire qu’on ne pouvait oser y trouver des défauts, à moins que d’en avoir reçu la mission du législateur. Maintenant un rédacteur de lois n’est qu’un homme, et les lois qu’il propose sont, comme tout autre ouvrage, soumises à l’examen et à la censure.

Mais n’est-ce pas aller trop loin ? Ne pourrait-on pas supposer que des hommes qui ont rempli des places importantes, qui ont montré de grands talents, qui surtout ont vieilli dans l’administration, ont été plus à portée d’apprécier les bons effets d’une loi, qu’un sage qui ne la juge dans son cabinet que d’après l’idée qu’il s’est faite de la nature et des droits de l’homme ? On entrevoit la nécessité de réformer la jurisprudence criminelle ; et quel objet est plus digne en effet d’occuper tous les hommes, puisque, sans une bonne législation, il ne peut y avoir dans un pays ni sûreté, ni repos, ni bonheur ! On commence même à en sentir toute l’importance dans les États monarchiques, quoiqu’il n’y ait guère que le peuple sur qui l’empire des lois s’y exerce avec liberté ; enfin, on s’est aperçu que les hommes de tous les ordres ont intérêt de n’être point soumis à une jurisprudence obscure, incertaine et secrète, ou à des lois équivoques, dont le crédit puisse abuser pour perdre un innocent.

On a donc beaucoup écrit sur cette matière ; et Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/15 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/16 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/17 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/18 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/19 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/20 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/21 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/22 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/23 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/24 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/25 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/26 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/27 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/28 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/29 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/30 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/31 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/32 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/33 Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/34