Réclamation de D. B. Warden

RÉCLAMATION.


Paris, 12 novembre 1830.


Au Directeur de la Revue des Deux Mondes.

Permettez-moi, Monsieur, de réclamer contre une erreur qui me concerne personnellement, et qui se trouve dans l’article de votre dernier numéro, intitulé : Des Différends de la France avec les États-Unis. On y lit (p. 256) : « La mort de M. Barlow en décembre 1812 laissa momentanément le gouvernement américain sans représentant. » Les faits suivans prouveront, je crois, l’inexactitude de cette assertion. J’étais le seul secrétaire appartenant à la légation américaine, à Paris, lorsque je fus nommé, sans aucune sollicitation de ma part, consul et agent des prises, par feu le président Jefferson, et confirmé dans cette place, en 1812, par la voix unanime du sénat des États-Unis. La mort de M. Barlow me laissa le seul agent accrédité auprès du gouvernement français, qui me reconnut, comme autrefois, en qualité de consul-général, ainsi que le prouve la lettre de M. le duc de Bassano, du 13 janvier 1813, dans laquelle ce ministre m’invita à entrer en relation avec lui pour les affaires de mon gouvernement. Je sentis la nécessité de me charger de ces nouvelles fonctions que je remplis jusqu’à ce que le retour de l’empereur permît à notre nouveau ministre, M. Crawford, de présenter ses lettres de créance.

J’entretins, durant cette époque, une correspondance des plus actives, tant avec le gouvernement français qu’avec celui de mon pays, et nos ministres et les consuls des villes et des ports de l’Europe, touchant les affaires de commerce, les prises maritimes, l’échange des prisonniers, la délivrance des passeports, la légalisation et l’enregistrement des actes : enfin, sur tout ce qui pouvait regarder les intérêts des États-Unis : je refusai seulement d’entrer en négociation sur le traité des indemnités réclamées, parce que, dans une matière pareille, des instructions spéciales étaient indispensables. Bien loin donc d’invalider ma commission, la mort de M. Barlow ne fit naturellement qu’accroître mes attributions et leur donner plus d’importance

Je finirai par deux faits qui établissent nettement ma situation dans cette circonstance. Ce fut d’après la décision de l’empereur et sur l’invitation formelle de M. le duc de Bassano, que j’eus l’honneur de présenter à la cour ceux de mes compatriotes les plus distingués qui se trouvaient alors à Paris.

En second lieu, me trouvant le seul représentant d’une puissance neutre dans la capitale, j’étais appelé à légaliser une foule de pièces pour des étrangers détenus ou résidant en France, et j’ai gardé en dépôt les archives de l’ambassade de Russie, sur la demande que m’en fit l’ambassadeur prince Kourakin.

Au reste, j’ai mis (en janvier 1830) sous les yeux de notre président actuel, le général Jackson, par l’entremise du dernier ministre, M. Brown, l’exposé de ma conduite pendant que je remplissais ces fonctions importantes, et les extraits d’une des correspondances les plus étendues qui aient jamais été tenues par un agent américain.

Ayez la bonté, Monsieur, d’insérer cette réclamation, à laquelle l’enchaînement des faits m’a fait donner plus d’extension qu’elle ne le méritait, et agréez, je vous prie, l’assurance de ma haute considération.

D. B. Warden.