Réclamation d’un prolétaire à un grand seigneur.
RÉCLAMATION d’un PROLÉTAIRE
à un grand seigneur.
Ô vous ! dont le coursier rapide
Aux piétons inspire l’effroi,
Modérez sa course homicide ;
Monsieur, de grâce, écoutez-moi ; (bis.)
Sachez qu’au temps de votre enfance,
De grand cœur j’ai souscrit pour vous :
Mais vous nagez dans l’abondance :
Veuillez me rendre mes vingt sous. (bis.)
Votre père, aux bords de la Loire,
Posant son glaive redouté,
Ne fit ses adieux à la gloire
Que pour servir la liberté. (bis.)
Ah ! combien de projets sinistres
N’ont osé braver son courroux !
Vous, vous dînez chez les ministres,
Veuillez me rendre mes vingt sous. (bis.)
Ce passé ne vous sourit guère ;
Oh ! je suis certain, qu’à vos yeux,
Ceux qui regrettent votre père,
Sont devenus des factieux. (bis.)
Qu’est-ce, en effet, que la patrie ?
En cheminant sur les genoux,
On peut rencontrer la pairie :
Veuillez me rendre mes vingt sous. (bis.)
La voyez-vous, cette ombre austère,
La nuit, soulevant son tombeau,
Aspirer la brise légère
Que lui jette son vieux drapeau ? (bis.)
Le sang en a rougi l’étoffe ;
Mais pour d’autres, comme pour vous,
Juillet n’est qu’une catastrophe :
Veuillez me rendre mes vingt sous. (bis.)
Pourtant (soit dit, sans apostrophe),
Aux gargantuas de l’impôt,
Cette fâcheuse catastrophe
A fait mettre la poule au pot. (bis.)
Mais, moi, grâce à Monsieur…
(Bonhomme, soit dit entre nous),
Le diable a cassé ma marmite :
Veuillez me rendre mes vingt sous. (bis.)
La rose que le temps outrage
Se sent renaître en ses boutons ;
L’orme, renversé par l’orage
Peut revivre en ses rejetons (bis.)
Mais où fut un chêne superbe,
Dont notre sol était jaloux,
Qu’avons-nous vu ? Croître un peu d’herbe :
Veuillez me rendre mes vingt sous. (bis.)