Questions scientifiques - L’Heure légale/02


Questions scientifiques - L’Heure légale
Revue des Deux Mondes4e période, tome 148 (p. 685-700).
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QUESTIONS SCIENTIFIQUES

L’HEURE LÉGALE

II.[1]
LES FUSEAUX HORAIRES. — LE MÉRIDIEN INITIAL

Il n’y a de naturelle que l’heure locale. Elle est la seule qui convienne aux besoins des observatoires et de la science proprement dite. En revanche, elle ne convient nullement aux besoins de la vie sociale. La preuve est faite, puisque, sans entente préalable, tous les pays l’ont successivement abandonnée. L’Autriche, qui d’abord l’avait empruntée à l’Allemagne, en 1874, la rejeta après deux ans d’essai ; et la Prusse elle-même, qui s’était entêtée dans ce système et qui avait mis à son service l’organisation la plus méthodique et le personnel le mieux discipliné qu’il y ait au monde, dut y renoncer définitivement en 1893.

L’exemple universel suffit à montrer que la réforme de l’heure n’est pas le résultat d’une agitation factice. Sans doute cette réforme n’est point faite pour les géodésiens et les astronomes, et aussi bien elle ne sera point faite par eux, puisqu’en France, huit au moins, quelques-uns lui sont contraires. Mais la majorité dans le monde savant lui est acquise ou s’en désintéresse. Il n’est pas inutile de rappeler à ce propos, que, déjà en 1855, M. Faye acceptait que l’on se servît du temps de Paris pour l’organisation du service des chemins de fer, et par voie de conséquence qu’on l’étendît aux usages civils dans la France entière : ce sont ces idées qu’il faisait triompher quarante-six ans plus tard en défendant devant le Sénat, en qualité de commissaire du gouvernement, la loi de 1891.

Quand on dit, avec les astronomes, que le système de l’heure locale, aujourd’hui abandonné, est cependant le seul qui soit naturel, encore faut-il s’entendre. Naturel, il ne l’est que par rapport à ce qui ne bouge pas, à la méridienne fixe de l’Observatoire, à la floche du monument, au clocher immobile, à tout ce qui est attaché au sol de manière immuable ; il ne l’est plus pour l’homme, à moins d’imaginer le sédentaire absolu, l’homme terme, ou encore le nomade systématique qui s’interdirait de changer de méridien. Il ne s’applique pas à l’être mobile qu’est l’homme moderne.

Du moment où les habitans d’une même ville acceptèrent, pour régler leurs continuels rapports, une heure commune, ce fut déjà une infraction au système naturel ; ce fut un premier compromis. Tout déplacement entraîne un changement d’heure ; en toute rigueur, on devrait, à chaque déplacement, corriger sa montre et en pousser les aiguilles. De combien ? D’un nombre d’heures, de minutes, de secondes quinze fois plus petit que le nombre de degrés, de minutes, de secondes d’arc qui exprime le mouvement en longitude, puisque la rotation diurne fait défiler le soleil devant les méridiens successifs à raison de 15 unités d’arc (degrés) pour 1 unité de temps (heure). Un Parisien qui se rend de l’Observatoire au Panthéon devrait avancer sa montre de deux secondes, exactement de 2 secondes, 3, puisque la longitude de ce monument est de 0°0’35 E. Sur une piste orientée de l’Est à l’Ouest, le coureur, cavalier ou cycliste, devrait ajouter ou retrancher une seconde à l’heure de sa montre chaque fois qu’il a parcouru trois cents mètres. Autant dire qu’il faudrait renoncer à la mesure du temps et au bienfait de l’invention des horloges. Une telle rigueur est, dans la pratique, évidemment outrée ; mais elle montre bien qu’il y a incompatibilité entre le régime de l’heure astronomique ou locale et le déplacement de l’homme, les voyages, les communications de lieu à lieu, c’est-à-dire l’entretien des relations économiques et sociales. Tant que la vie locale se maintint prédominante et que les rapports commerciaux et autres restèrent confinés dans un cercle étroit, au temps des diligences, avant le télégraphe, le téléphone, les chemins de fer, ce vice de l’heure locale fut à peine aperçu. Il devint sensible dès l’établissement des chemins de fer et intolérable après le développement des télégraphes et des téléphones. L’heure urbaine commune avait marqué, comme on l’a vu, un premier pas dans la voie des compromis : elle unifiait la mesure du temps de quartier à quartier, parce qu’alors les relations n’étaient fréquentes, étendues et rapides que d’un quartier à l’autre. L’heure nationale a marqué un second pas dans la voie des conventions horaires, lorsque le progrès des communications a fait des différentes provinces comme autant de quartiers d’une cité plus grande, le pays. Il restait un nouveau progrès à accomplir aujourd’hui que les divers pays sont, en ce qui concerne la fréquence et la rapidité des rapports, mieux reliés entre eux que jadis les provinces d’un même État ou les parties d’une même ville. Une dernière convention horaire était devenue nécessaire, qui établît sur toute la surface du globe un régime de coordination internationale de l’heure. C’est à ce besoin qu’a répondu le système des Fuseaux horaires. Le monde entier l’a adopté plus ou moins expressément. Trois États seulement, la France, l’Espagne et le Portugal sont restés en dehors de ce mouvement. La question qui s’agite aujourd’hui est de savoir si la France doit persister dans son isolement.


V. — LA COORDINATION INTERNATIONALE. — L’HEURE UNIVERSELLE

L’unification nationale du temps qui a été réalisée en France en 1891 et qui a imposé partout l’heure de Paris faisait disparaître l’inconvénient de la diversité des heures locales à l’intérieur de notre pays. Elle la laissait subsister pour les relations avec le dehors. Au moment où l’on franchit la frontière, l’heure subit un saut brusque. Avant l’adoption, par nos voisins, du régime des fuseaux, ce saut d’heure variait suivant que l’on passait dans un État ou un autre. Traversait-on la Manche, il fallait retarder de y minutes 21 secondes ; si l’on allait à Bruxelles, il fallait avancer de 8 minutes 6 secondes, et de 13 minutes (i secondes, s’il s’agissait de l’heure des chemins de fer ; si l’on traversait l’Alsace, le coup de pouce donné aux aiguilles devait être (entre 1891 et 1893) de 23 à 27 minutes. C’était dans chaque direction nouvelle une correction nouvelle, une addition ou une soustraction d’un nombre de minutes et de secondes que rien ne fait connaître a priori ou ne permet de fixer dans la mémoire.

Dans les petits États l’inconvénient s’exagérait encore. Ils étaient empêtrés dans un réseau inextricable d’heures différentes. Le grand-duché de Luxembourg avait, par exemple, en outre des heures locales, l’heure normale de Luxembourg en usage sur quelques lignes (Prince-Henri et lignes secondaires) ; le contact de l’heure française (en retard de 15 minutes) dans la direction Luxembourg-Longwy ; le contact de l’heure belge (en retard de 7 minutes) dans la direction Arlon-Bruxelles ; sur les lignes allemandes, l’heure de Berlin (en avance de 29 minutes), pour le personnel technique. Un même train était indiqué, suivant l’horaire que l’on consultait, comme partant à des heures différentes. Sur les lignes de l’État hollandais, peu étendues cependant, on avait affaire à quatre espèces d’heures différentes. Sur le lac de Constance, dont cinq États sont riverains : la Suisse, le grand-duché de Bade, le Wurtemberg, la Bavière et l’Autriche, les voyageurs d’une rive à l’autre se trouvaient aux prises avec cinq heures officielles discordantes.

L’Orient-Express dans son trajet de Paris à Constantinople traverse dix États différens. Avant la réforme des fuseaux il rencontrait huit heures diverses. Les horloges de l’Alsace avançaient sur celles de Paris de 23 à 27 minutes ; à Kehl, nouvelle avance de 2 minutes ; à Mülhbacher (frontière wurtembergeoise) de 3 minutes ; de 10 minutes à Ulm en Bavière ; de 11 minutes à Simbach (Autriche) ; de 19 minutes à Bruck (Hongrie) ; de 6 minutes à Belgrade (Serbie) ; de 34 minutes à Tsaribrod pour la Bulgarie et la Turquie. C’est, au total, une avance de près de deux heures (1 h, 52 minutes) qui se faisait en huit reprises ou, comme on l’a dit, « qu’il fallait avaler en huit gorgées. » On se rend compte de la confusion des horaires, des embarras du service de la voie ferrée, et enfin des ennuis du voyageur qui n’est plus sûr de sa montre ni d’aucune heure ; il n’est plus certain qu’une dépêche envoyée en cours de route arrivera à temps, avant la fermeture d’un bureau éloigné, avant la fin d’une cérémonie, avant l’ouverture d’une séance, avant ou après la fermeture de la Bourse. Sans doute il n’est pas donné à tout le monde d’aller à Constantinople ou de lancer des dépêches à travers l’Europe. Il y a peut-être une majorité de braves gens qui ne sortent pas de leur trou et qui peuvent confier le règlement de leur vie immobilisée à la simplicité de l’heure locale ou de l’heure nationale. On conçoit, d’autre part, que les administrations de chemins de fer, de paquebots, de télégraphes, de câbles sous-marins, de téléphones, n’aient aucun souci de respecter les convenances de ces sédentaires. Elles aussi ont par le monde une immense clientèle à satisfaire. C’est pour les besoins de ces négocians, de ces banquiers, de ces armateurs, de ces ingénieurs, de ces industriels, de ces voyageurs, de ces diplomates, de ces hommes politiques, en un mot pour les exigences de la vie internationale, que la coordination des heures a été instituée.

D’ailleurs, cette unification intérieure n’était pas même applicable à tous les pays. Elle convenait sans doute assez bien à la plupart des États européens, dont l’étendue est restreinte. Elle ne s’adaptait plus aux pays tels que la Russie, les États-Unis, le Canada, qui atteignent un immense développement en longitude. La raison en est simple. Elle réside dans cette condition essentielle imposée par la nature des choses, à savoir que l’heure conventionnelle, quelle qu’elle soit, par laquelle on remplace l’heure solaire vraie, ne doit pas différer notablement de celle-ci. Il ne faut pas que l’écart dépasse quelques minutes, et, par exemple, trente ou quarante-cinq au maximum. Les habitudes de la vie journalière sont réglées sur le cours du soleil, plus ou moins exactement. Le jour est consacré au labeur, la nuit au repos : notre lever, notre coucher, nos repas, le début et la fin de nos occupations répondent à peu de chose près aux mêmes phases du cours du soleil. Il est donc nécessaire que, dans chaque lieu, à ces phases solaires identiques, ramenant les mêmes actes de la vie civilisée, répondent des désignations horaires identiques, ou du moins peu différentes. Une convention horaire qui nous amènerait à dire : « Il était neuf heures du soir ; le soleil se levait à l’horizon ; le paysan commençait son labour, » serait condamnée du coup[2]. Nous accomplissons les mêmes actes aux mêmes momens du jour, aux mêmes périodes de la course du soleil ; il est naturel que la notation horaire de ces momens soit sensiblement homonyme. À cette condition, la connaissance de l’heure devient un renseignement plein d’utilité. Si je sais qu’à l’instant présent il est minuit à New York, je me représente la grande cité endormie, et si l’on me dit qu’il y est 2 heures du soir, c’est au contraire l’image de la ville active et affairée qui s’offre aussitôt à mon esprit.

Jusqu’à quel degré faut-il que cette concordance de l’heure conventionnelle avec le temps local soit respectée ? C’est ce qu’il est difficile de dire. Ce n’est pas à quelques minutes près, que les faits journaliers de la vie publique et privée se règlent sur le soleil. Il y a une certaine élasticité dans le jeu des habitudes sociales. Elles ne sont d’ailleurs pas uniformes chez tous les hommes ; la journée ne commence pas aux mêmes heures pour le campagnard et le citadin ; elle ne finit pas non plus aux mêmes heures. On admet généralement qu’une différence d’une demi-heure n’est pas sensible et n’aurait pas d’inconvénient. M. Forel, de Genève, s’est déclaré prêt à soutenir cette gageure, que, si l’on reculait toutes les horloges d’une demi-heure sur le temps local sans en prévenir le public, personne, sauf quelques spécialistes, ne s’apercevrait du changement. Tout au contraire, M. Fœrster, le directeur de l’observatoire de Berlin, prétendait qu’une différence de quelques minutes est déjà très appréciable, et que tout le monde est en état de se rendre compte de l’écart de 15 à 16 minutes qui se produit au mois de novembre entre le temps moyen et le temps vrai. En 1890, l’Académie des Sciences de Belgique exprimait un avis analogue. L’expérience a montré que cette opinion est entachée de quelque exagération. Le paysan lui-même, dont les travaux sont le plus étroitement liés à la régularité solaire, n’a besoin de l’heure qu’à une demi-heure près : il ne lui faut une plus grande précision que pour les affaires qui l’appellent à la ville.

Cette obligation fondamentale d’un faible écart entre le temps conventionnel et le temps vrai est suffisamment respectée par l’adoption de l’heure nationale unique, dans les pays de faible étendue en longitude, comme la France et la plupart des États européens. Mais déjà on est bien près de la limite où la différence deviendrait excessive. À Brest, par exemple, l’heure normale avance de 27 minutes sur le temps vrai, et cet excès s’accroît, au milieu de février, de la différence du temps moyen au temps vrai : la culmination du soleil (le passage au méridien), s’y produit à midi 43 minutes et par conséquent la matinée dure environ trois quarts d’heure de plus que la soirée. À Bastia, aux environs de la Toussaint, la situation est inverse et le midi vrai arrive à 11 heures et quart.

La discordance serait décidément intolérable pour les pays qui présentent une plus grande extension dans le sens des parallèles. C’est ce qui arrive pour l’Autriche-Hongrie, qui couvre, en longitude, une étendue de 17° environ. Lorsque ce pays abandonna, en 1876, le système de l’heure locale, il dut adopter, au lieu d’une heure nationale unique, deux heures normales : l’heure de Prague pour ses provinces occidentales ; l’heure de Budapest, en avance de 19 minutes sur la précédente, pour les provinces orientales. L’impossibilité de l’heure unique devient encore plus flagrante pour la Russie, le Canada et les États-Unis, dont les points extrêmes présentent des différences de plusieurs heures en temps local. Il a fallu, pour les cas de ce genre, imaginer des solutions nouvelles. On en a proposé deux : le régime de l’heure universelle et l’expédient des fuseaux horaires.

L’Heure universelle. — Le regimbe de l’heure universelle est quelque peu chimérique. M. Faye renvoyait naguère son adoption au siècle à venir, et ce n’est pas assez dire. Il se heurte à des difficultés presque insurmontables. Au lieu de s’accorder à peu près avec le temps local, conformément à la règle que nous posions tout à l’heure, il est en opposition radicale avec celui-ci. Il offre surtout un intérêt théorique. Les ingénieurs l’utilisent pour l’établissement des horaires, le règlement des parcours, et la correspondance des trains ; c’est un instrument de calcul. On ne peut, en effet, définir l’exacte durée d’un trajet par la différence des temps de départ et d’arrivée, puisqu’il y a, en cours de route, des solutions de continuité de l’heure. Il faut supprimer ces écarts et rétablir les soudures, c’est-à-dire, en définitive, supposer l’heure unique et continue, l’heure universelle. Les calculs faits, on revient à la réalité ; les résultats sont traduits dans le système usuel.

Le système de l’heure universelle consiste à adopter arbitrairement l’heure d’un lieu déterminé, dont le méridien devient le méridien initial, et à attribuer cette seule et même heure à tous les points du globe. Ce lieu, ce pourrait être Paris, Rome ou Berlin ; c’est ordinairement Greenwich. D’après cela, quand il est midi à Greenwich, il est midi partout. Il n’y a plus aucune corrélation entre la notation de l’heure et la position du soleil ; la même heure universelle correspond à toutes les heures locales imaginables. On renonce à donner aux noms et aux numéros des heures une signification en rapport avec les phases de la révolution diurne. Il est 9 heures du soir (21 heures) au Japon quand le soleil s’y lève ; il y est 3 heures du matin au moment de son passage au méridien. Il est difficile de se faire à ce langage. Sans doute, personne n’ignore que depuis la réforme de 1816, la culmination du soleil ne se fait nulle part à midi juste ; mais on sait aussi qu’il ne s’en faut pas de beaucoup. Du même, on sait que le lever du soleil n’est pas attaché à une heure déterminée, qu’à Paris, par exemple, il se produit à toutes les heures depuis 4 heures du matin à la fin de juin, jusqu’à 8 heures du matin (7 h. 56) à la fin de décembre ; mais on n’est pas habitué à l’idée qu’il puisse avoir lieu à 21 heures, c’est-à-dire à 9 heures du soir, — et cela surtout à cause de ce mot de soir, appliqué à un phénomène essentiellement matinal. La difficulté n’est que dans les mots ; elle n’en est que plus insurmontable pour la grande majorité du public.

L’adoption de l’heure universelle, si elle était possible, ferait disparaître, entre autres bizarreries, la classique correction du saut du jour que doivent opérer les navires au moment où ils traversent l’anti-méridien de Paris ou celui de Greenwich, c’est-à-dire la partie inférieure ou les antipodes de ces méridiens initiaux. Cette correction a pour but la conservation de la date. On se rappelle l’étonnement des compagnons de Magellan lorsque, achevant avec son lieutenant Sébastien del Cano le voyage de circumnavigation au cours duquel le grand navigateur trouva la mort, ils constatèrent, en revenant au point de départ, une différence de date d’un jour. Ils étaient partis en 1519 et avaient constamment fait voile à l’occident : l’un d’eux, Antoine Pigaffetta, gentilhomme de Vicence, avait écrit exactement le journal de l’expédition. En abordant à l’île Saint-Jacques du cap Vert, ils apprenaient, à leur grand ébahissement, et à la confusion de l’annaliste, que ce jour qu’ils dataient le mercredi 9 juillet 1522 était, en réalité, le jeudi 10 juillet. De telles discordances ne se produiraient plus. Elles sont évitées, grâce à une convention en usage dans toutes les marines, et que voici : Si le bateau traverse l’anti-méridien en marchant vers l’est, on fait, au moment du passage, rétrograder le nom du jour et le chiffre du quantième ; par exemple, si le passage a lieu le mardi 2 août à 3 heures de l’après-midi, le reste de la journée, sera noté lundi 1er août. — Si, au contraire, le passage s’effectue en naviguant à l’ouest, on avance brusquement la date ; on datera, mercredi 3 août. Grâce à cette convention, le bateau, en revenant à son point de départ y retrouvera la date qu’il apporte lui-même.

L’heure universelle supprimerait encore d’autres singularités, qui se rattachent aux mêmes causes. Imaginons un télégramme parti de Paris le lundi 1er août à minuit une minute, passant par Saint-Pétersbourg, Tobolsk, Pékin, New York, pour revenir à Paris, et supposons que sa transmission n’exige aucun temps appréciable. L’employé de Saint-Pétersbourg aura noté son passage le lundi 1er août à 2 heures du matin ; celui de Pékin à 8 heures ; de Tokio à 9 heures ; de San-Francisco à 3 heures de l’après-midi ; celui de New York l’aura daté, lundi 1er août 7 heures du soir ; il sera 11 heures et demie quand il passera à Valentia (Irlande), et minuit quand il sera à Paris. Il aura fait le tour du monde en un éclair de temps et il arrivera cependant postdaté de 24 heures 5 mardi 2 août, minuit une minute), selon les indications de transmission. Au contraire, si le télégramme instantané avait circulé en sens inverse, il arriverait antidaté de 24 heures, c’est-à-dire du dimanche 31 juillet à minuit ; c’est une différence de 48 heures. Il faudrait une convention analogue à celle du « saut du jour » dont nous venons de parler, pour faire disparaître ces difficultés, à moins d’adopter l’heure universelle.

Une autre simplification réelle, mais qui heurterait les habitudes et le langage et par suite serait regardée comme une insupportable complication, est relative au changement de date. Ce changement est attaché maintenant, — après avoir beaucoup varié, — à l’heure de minuit ; c’est elle qui sépare la « veille » du « lendemain ; » c’est elle qui donne le signal du remplacement du quantième et du jour de la semaine. Dans le système de l’heure locale, le saut de date s’opère à des momens différens suivant les lieux. Il est déjà accompli dans une localité alors qu’il ne l’est pas encore dans une autre située à l’ouest de la première. On notait mardi 2 août à Paris, au même instant où l’on datait encore lundi 1er août à Brest. Un phénomène météorologique, apparition de bolide, etc., qui se montrerait au même instant physique en des lieux divers y serait rapporté, par conséquent, à des dates différentes. Il faut, pour se rendre compte de l’extension d’un phénomène de ce genre, dépouiller les observations locales et les traduire en quelque sorte dans le langage de l’heure universelle. De même, si l’on veut suivre la marche d’un cyclone ou d’un tremblement de terre. Avec l’heure universelle, cette transposition serait entièrement supprimée.

Dans ce système le changement de quantième s’opérerait simultanément dans le monde entier à l’instant précis où sonnerait minuit à l’horloge de Greenwich ou à celle de Paris. Mais, à ce minuit du méridien initial, il serait, en temps solaire, 5 heures un quart du soir à Mexico, 3 h. 40 à San-Francisco, midi à la Nouvelle-Zélande, 10 heures du matin à Sydney, 9 heures au Japon. C’est à ce moment que les habitans de ces pays devraient opérer le changement du jour civil. C’est à cette heure inaccoutumée, en plein éclat du soleil, que le Japonais, le Néo-Zélandais ou l’Australien devraient passer de la veille au lendemain, d’une date à une autre, dire lundi le moment d’avant et mardi l’instant d’après. Cela n’aurait sans doute rien que de rationnel ; mais les habitudes sociales en éprouveraient une gêne et une désorientation intolérables.

Pour toutes ces raisons, l’heure universelle préconisée par des savans éminens, comme M. Oppolzer (de Vienne), est décidément inacceptable pour le public. Et comme le système directement contraire de l’heure locale l’était aussi, c’est dans un tempérament, un compromis entre les deux régimes opposés et impossibles qu’il a fallu chercher la solution du problème de l’heure. Le système des fuseaux représente cette tentative de conciliation.

Les fuseaux. — On connaît maintenant tous les élémens du problème, les circonstances qui ont donné naissance au régime des fuseaux et les conditions auxquelles il doit satisfaire.

Il reste à voir comment il y satisfait précisément.

Le premier auteur de cette réforme est M. Sandford Fleming, le célèbre ingénieur du « Canadian Pacific. » Il avait été vivement frappé des inconvéniens et de la confusion des heures locales dans le service des immenses voies ferrées qui traversent le continent américain. On n’y employait pas moins de 75 heures différentes. Une réforme était urgente. M. S. Fleming l’avait conçue dès 1876 ; il acquit à ses vues le « Canadian Institute » en 1878 et 1879 : il réussit à les faire accepter par les administrations des chemins de fer des États-Unis et du Canada en 1883. La « General Railway Time Convention » date, en effet, du 18 octobre de cette année. M. Fleming ne se contenta point de ce premier succès. Il étendit sa propagande jusqu’en Europe. Au Congrès de géographie réuni à Venise en 1881, il proposait de généraliser le système des fuseaux au monde entier. Il rencontrait bientôt des auxiliaires très actifs et très autorisés, parmi les ingénieurs, les géographes, les astronomes, les économistes : MM. W. F. Allen en Amérique, Schram à Vienne, E. Pasqaier, F. Alexis, en Belgique, en France : MM. de Nordling, A. Poulain, Mareuse, Ch. Lallemand ; et enfin dans les Administrations des télégraphes et des Chemins de fer et dans le Parlement où MM. Gabriel Deville et Boudenoot ont pris l’initiative des projets de loi destinés à en préparer ou en assurer l’adoption.

Le système consiste à diviser la terre en 24 fuseaux et à attribuer à chacun d’eux le temps de son méridien médian. Imaginons le cercle de l’équateur partage en 24 parties égales ; chacune correspondra à 15° de longitude ou encore à une heure de temps de la révolution diurne. Par chacune de ces divisions et par la ligne des pôles faisons passer des plans. Le globe se trouvera ainsi distribué en 24 fuseaux sphériques, semblables, suivant la comparaison familière à Arago, à des tranches de melon, égaux entre eux, larges à l’équateur et graduellement appointis vers les pôles arctique et antarctique. On convient que toutes les régions comprises dans un même fuseau auront une seule et même heure, comme si elles appartenaient à un même pays, à une même nation. Seulement cette heure commune, au lieu d’être celle d’une capitale, est celle du méridien qui passe dans le milieu. La surface de celui-ci s’étend donc à 7° 30’ à l’est et à 7° 30’ à l’ouest de ce méridien médian ou horaire.

Il en résulte que dans une localité quelconque, l’heure conventionnelle ne peut différer, de l’heure locale ou naturelle, que d’une demi-heure au maximum. Pour les lieux qui sont situés sur le méridien horaire, l’heure du fuseau est celle même du lieu ; pour les lieux situés à l’est, c’est l’heure locale augmentée d’un nombre de minutes qui ne peut dépasser trente ; pour les lieux situés à l’ouest, c’est l’heure locale diminuée dans les mêmes proportions. On voit par là que l’écart entre le temps conventionnel et le temps local restant contenu entre des limites raisonnables le système des fuseaux participe suffisamment, — et certainement mieux que le système de l’heure nationale, — des avantages du régime naturel, c’est-à-dire du temps local ou du temps astronomique.

Il ne participe pas moins des avantages de l’heure universelle. L’heure d’un fuseau diffère de celle du fuseau voisin, exactement d’une heure, puisque les méridiens horaires qui la fixent sont à 15° d’arc l’un de l’autre. Quand il est minuit (zéro heure) dans le fuseau initial, il est i heure du matin dans celui qui le touche à l’Est, 2 heures dans le second, 3 heures dans le troisième, et ainsi de suite. De cette manière, le temps n’est sans doute pas unifié à la surface du globe, mais les heures s’y coordonnent et s’y enchaînent de la manière la plus simple et la plus commode pour tous les calculs chronologiques.

Il y a « coordination » de l’heure et « unification » de ses subdivisions, minutes et secondes. Un voyageur qui marcherait vers l’est, n’aurait jamais à toucher à la grande aiguille de son chronomètre, l’aiguille des minutes ; il devrait seulement faire avancer l’aiguille des heures d’une division chaque fois qu’il passerait d’un fuseau dans le suivant. Les horloges du monde entier concordent donc quant aux minutes et aux secondes. Au moment où les horloges de Londres marquent midi 10 minutes, par exemple, on sait qu’il est exactement 2 heures 10 minutes à Saint-Pétersbourg, qui se trouve dans le second fuseau vers l’est après le fuseau fondamental ; il est exactement 6 heures 10 minutes à Calcutta, qui se trouve dans le sixième fuseau. Au lieu d’une heure de plus, c’est une heure de moins qu’il faut compter, si l’on marche à l’ouest : on retranchera cinq heures pour avoir l’heure de New-York, qui est dans le cinquième fuseau à l’Occident ; il y sera donc 7 heures 10 minutes.

Telle est l’économie du système, au moins en théorie. En pratique, on se départ quelque peu de cette rigueur. On modifie la configuration des fuseaux pour l’adapter à celle des pays. Si une petite portion d’un pays empiète sur un fuseau, plutôt que de lui assigner une heure différente de celle de la masse principale, on fait fléchir la limite du fuseau de manière à contourner la frontière nationale.

Quand l’Espagne aura adopté le système des fuseaux et qu’elle aura l’heure de Paris et de Londres, c’est-à-dire du fuseau initial, on appliquera cette même heure à la Galice et à une partie de la côte cantabrique qui est en dehors de ce fuseau. De même, procédera-t-on, en France, pour la petite portion des Alpes-Maritimes qui est à l’est du fuseau initial. En d’autres termes, on remplace, toutes les fois qu’il y a lieu, les limites trop rigides du fuseau théorique par les frontières politiques ou naturelles des différens pays. Et par là, le système des fuseaux, sans rien perdre de ses avantages, participe en même temps de la commodité du système de l’heure nationale.

En ce qui concerne l’Europe, elle est tout entière comprise dans les trois premiers fuseaux : la France, l’Angleterre, la Hollande, la Belgique, l’Espagne, le Portugal dans le fuseau fondamental ; les États Scandinaves, l’Allemagne, l’Autriche proprement dite et l’Italie, dans le suivant ; la Russie occidentale, la Hongrie, les États balkaniques, la Grèce, la Turquie, dans le troisième. MM. Strecker et de Bussehere ont désigné ces fuseaux, tout aussi africains qu’européens, par les noms de fuseau de l’Europe orientale, de l’Europe centrale, de l’Europe occidentale qui ont été généralement adoptés.

On a essayé de rendre la nomenclature des fuseaux la plus rationnelle et la plus significative qu’il fût possible. Plusieurs systèmes ont été successivement proposés par MM. Fleming, J. W. Allen, Schram et de Nordling. Le fuseau initial, fondamental, a reçu le nom de fuseau universel ; son heure est appelée temps universel. Il est désigné par la lettre u. Les autres pourraient être désignés par des numéros d’ordre, l, 2, 3, 4,... 22 et 23 en allant vers l’est. Le numéro d’un fuseau indique l’heure qui y règne (c’est-à-dire l’heure locale de son méridien médian) au moment où il est midi dans le fuseau initial, à Paris et à Greenwich. M. Sandford Fleming, au lieu de chiffres, a utilisé les 23 lettres de l’alphabet latin (l’u qui n’en fait point partie étant réservé au fuseau fondamental ; . Ces fuseaux sont donc désignés par les lettres A, B, C, D, E, V, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, V, X, Y, Z, correspondant aux vingt-trois premiers nombres. A l’u répond le chiffre zéro. Il s’agit de savoir le rang de chaque lettre dans l’alphabet pour avoir la correspondance de l’heure dans le fuseau qu’elle désigne avec celle du fuseau initial.

Cette notation fut trouvée trop abstraite. Les Américains lui préférèrent celle de W.-F. Allen, qui consiste à donner à chaque fuseau un nom géographique qui s’y rapporte. De ces dénominations les seules usuelles sont celles qui désignent les quatre fuseaux de l’Amérique du Nord, à savoir, en procédant de l’occident à l’orient : Pacific-Mountain (Montagnes Rocheuses) Central, Eastern et La Plata ou Intercolonial.

La nomenclature qui semble préférable ; v toutes les autres est celle de M. Schram. Les fuseaux y sont désignés par un nom géographique qui s’y rattache ; mais en outre, ce nom est symbolique, en ce qu’il est choisi de façon que les lettres initiales suivent l’ordre de l’alphabet latin, si l’on énumère les fuseaux, en marchant vers l’est. Le fuseau fondamental, hors rang, porte le nom de fuseau universel, son heure s’appelle temps universel : son symbole est U. Le premier fuseau, à l’est de celui-ci, est appelé Adriatique, son symbole est A : son heure avance d’une unité sur le temps universel. Vient ensuite le fuseau du Bosphore, dont le symbole est B ; son heure est on avance de deux heures sur le temps universel. Il répond à Constantinople, Saint-Pétersbourg, c’est-à-dire à l’Europe orientale, comme les deux précédens à l’Europe centrale et à l’Europe occidentale ; et l’on voit maintenant pourquoi M. Pasquier critiquait ces dénominations très expressives sans doute, mais qui rompent la convention symbolique, dont nous allons dire l’utilité. Viennent ensuite, toujours plus à l’est avec les symboles c, d, e, f, g, h,... etc., les fuseaux désignés par les noms : Caucase, Daria, Elephanta, Fakir, Gobi, Hoang-Ho, Japon, Kouriles, Loyalty, Milieu ou Medium correspondant à l’antipode du fuseau fondamental, Nounivak, Otahiti, Pitcairn, Quadra, Rocky-Mountain, Supérieur, Tolima, Saint-Vincent, ces quatre derniers répondant respectivement, dans l’Amérique du Nord, aux fuseaux appelés par Allen : Pacifie-Mountain, Central, Eastern, Intercolonial. Enfin, les trois derniers qui couvrent une grande partie de l’Atlantique, sont les fuseaux de Xingu (au nord du Brésil), Young Baie (Groenland), et Zighinchor (côte d’Afrique).

L’utilité du symbole alphabétique devient évidente dans les usages télégraphiques. On ajoute, comme indication de service, à l’heure d’envoi de la dépêche la lettre-symbole du fuseau de départ ; par exemple pour un télégramme expédié de Constantinople à Paris à 10 heures 32 minutes, on écrit B. 10.32. Au reçu de la dépêche, on sait qu’il s’agit du fuseau B, second fuseau (B = 2), où l’heure est en avance de deux heures sur le fuseau universel de Paris. Le destinataire, sait donc qu’il était 8 heures 10 minutes à Paris, au moment de l’expédition, l’heure d’arrivée lui apprend la durée de transmission. Les adversaires du système des fuseaux disent avec M. Caspari qu’il n’est pas nécessaire que les particuliers puissent connaître, sans calcul, la durée de transmission. A quoi l’on peut répondre, avec M, A. Poulain, que tout au contraire il y a pour le destinataire intérêt à avoir ce renseignement, par exemple pour se rendre compte si sa réponse, exigeant une égale durée de transmission, pourra arriver à temps, avant le départ d’un train ou d’un bateau. D’ailleurs, la question est tranchée en fait par les pétitions des chambres de commerce et des unions commerciales, réclamant précisément que les télégrammes portent des indications de ce genre.

La traduction facile, dans le système des fuseaux, du temps local en temps universel, permet aux météorologistes, en groupant les indications locales, de reconstituer facilement la marche et de déterminer la vitesse de propagation d’un orage ou d’un tremblement de terre.

En ce qui concerne les chemins de fer, il n’est pas besoin de longues explications pour faire comprendre les simplifications apportées par l’usage des fuseaux. Au lieu des huit changemens d’heure et minutes qu’il fallait subir quand on allait de Paris à Constantinople, il n’y en a plus que deux, au moment où l’on passe la frontière allemande, c’est-à-dire où l’on entre dans le fuseau A de l’Europe centrale ; et au moment où l’on passe, à la frontière bulgaro-turque, dans le fuseau B de l’Europe orientale ; et ces deux changemens consistent dans une avance d’une heure chaque fois, sans qu’il y ait à toucher aux minutes.

Tous ces avantages permettent de comprendre le succès rapide et presque foudroyant du système des fuseaux horaires. M. Sandford Fleming l’imagine en 1876 ; les États-Unis l’adoptent en 1883 ; le Japon l’introduit, le 1er janvier 1888, pour tous les usages de la vie civile. En 1891, c’est le tour de l’Autriche qui prend l’heure de l’Europe Centrale (Greenwich + 1) ; à la même date, Ier octobre 1891, la Roumanie et la Bulgarie, pour le service de leurs voies ferrées, se règlent sur le fuseau de l’Europe orientale (Greenwich + 2). Le l’"" avril 1892, l’Alsace-Lorraine, le duché de Bade, le Wurtemberg et la Bavière, prennent l’heure de l’Europe Centrale. Un mois après, le 1er mai 1892, la Belgique et la Hollande, comprises dans le fuseau fondamental, exécutent la correction nécessaire pour faire concorder leur heure avec le temps universel ; l’Italie a, depuis le 1er novembre 1893, l’heure du fuseau de l’Europe Centrale (Greenwich + 1). La Suisse avait agi de même le 1er juin de la même année. Elle avait hésité, étant à cheval, en quelque sorte, sur les deux fuseaux, entre l’heure universelle c’est-à-dire la nôtre et l’heure de l’Europe Centrale. La Bosnie et l’Herzégovine à partir du 1er janvier 1892 ; la Hongrie et Budapesth depuis le 1er juin ; le Danemark le 1er janvier I894 ; la Norwège le 1er janvier 1895, l’Australie et la Nouvelle-Zélande le 1er février 1895 ; l’Afrique méridionale, le Cap enfin se sont ralliées au système des fuseaux horaires. Si l’on considère que l’Angleterre depuis 1848, la Suède, depuis le 1er septembre 1879, jouissaient de ce régime et que la Russie occidentale, par un heureux hasard, était en accord avec lui à une minute près, on constatera, en fin de compte, que la France reste seule, avec l’Irlande, l’Espagne et le Portugal, en dehors de l’accord universel ; on comprendra l’étendue de notre isolement et l’urgence qu’il y a à le faire cesser.

Qu’attendons-nous davantage ? L’avènement d’un régime plus parfait ? L’application du système décimal à la mesure de l’heure et à celle des longitudes ? Mais il est à peu près certain que la décimalisation de l’heure aura pour base la division de la circonférence en 240 degrés, c’est-à-dire qu’elle laissera subsister les 24 fuseaux actuels comprenant à l’avenir 10 degrés au lieu de 15. L’heure n’éprouvera donc aucun changement, de ce fait ; et ses subdivisions pourront concorder avec le régime des fuseaux.

La résistance vient d’ailleurs. Le système des fuseaux exige comme point de départ un méridien initial qui serve d’axe au fuseau fondamental et qui règle le temps universel. En théorie, ce méridien peut être quelconque ; ce pourrait être celui de l’île de Fer, comme l’avait voulu Richelieu ; celui de Behring, comme l’a proposé M. Janssen, au Congrès de Washington ; celui de Jérusalem, comme le demandait l’Institut de Bologne ; enfin celui même de l’Observatoire de Paris. Il n’en a pas été ainsi. En fait, et par suite de la manière même dont les choses se sont successivement établies, c’est le méridien de Greenwich qui a servi de point de départ. Il y a maintenant possession d’état. Au lieu de promener par le monde un chronomètre en désaccord avec tous les autres, retardons-le de 9 minutes 21 secondes, comme le propose le projet soumis au Sénat ; cela suffira pour nous rallier au système des fuseaux, adopté par le monde entier, et nous faire bénéficier de ses avantages. On prétend que ce serait implicitement trancher en faveur de Greenwich la querelle relative au méridien initial et que cette solution est inacceptable. C’est là un point qui exigera un examen approfondi.


A. DASTRE.


  1. Voyez la Revue du 1er juillet.
  2. C’est précisément à ce résultat qu’aboutirait le système de l’heure universelle de Greenwich appliqué à des pays éloignés tels que le Japon.