Quelques poèmes français de Louisa Paulin/Étoiles

Quelques poèmes français de Louisa Paulin (p. 13-15).

Étoiles


Au Docteur G. Rieunau.


Viens, allons voir la nuit qui sourit au couchant,
La voix du rossignol s’élève souveraine
Et la terre n’est plus dans sa courbe sereine
Qu’un fruit d’amour issu de cet unique chant.
Nous entendrons le soupir de l’eau vive,
De l’herbe en fleur qu’un souffle heureux vient enivrer,
De la mort que la vie a voulu délivrer
Et de la vie, ô mort, que tu retiens captive
Et puis, dans cette nuit du limpide juin,
Blottis dans l’humble paix du terrestre jardin
Des astres, nous suivrons l’ardent troupeau sensible
Sur les voies où le mène un berger invisible.

Oh ! Viens, les belles nuits ne sont pas au sommeil !
La Terre nous convie à la danse des mondes,
La même loi d’amour mène leur pure ronde
Et tient magiquement notre cœur en éveil.
Le secret, que la voix du rossignol devine,
Sous nos fronts obstinés tremblera de désir
Et ce qui dort en nous de poussière divine

Rêvera de s’épanouir.
Nous serons dans la nuit deux ombres bienheureuses,
Noyant des univers dans leurs yeux trop étroits
Cependant, pour bercer la pauvre âme peureuse
Si tu veux, nous joindrons les doigts.

Ne te tourmente plus de cette neuve étoile :
Ce matin, le soleil a reconquis l’azur.
Béni soit-il, d’avoir sur nous, tendu ce voile
Candide et caressant et d’un vide si pur !
Ce matin, mon amour, est un matin d’enfance
Tout est vif et léger.
Et nous aurons au cœur la jeune confiance
Des arbres du verger.


Le matin vient à nous frémissant d’allégresse,
Oublions cette nuit qui nous laisse accablés :
Rassurons nos regards à la splendeur des blés
Qui balancent au vent leur tranquille richesse.

Cette nuit sans pitié fourmillante de mondes
Dans nos âmes a réveillé la vieille peur
Mais le rayonnement de ce matin vainqueur
Nous berce ingénument dans la paix de ses ondes.

Industrieux matin qui retisse sa toile
D’un bleu naïf sur nos vignes et sur nos bois !
La fanfare des coqs ébranlant nos vieux toits
Met en fuite, là-bas, une dernière étoile.

Notre âme que la peur, cette nuit, avait close,
Sent la lourde terreur peu à peu s’apaiser
Tandis que sur nos fronts passe comme un baiser,
Le chant du rossignol éveillant une rose.