Quelques documents relatifs à la discipline établie par M. Darby et d’autres frères en Angleterre vis-à-vis de l’assemblée de Béthesda/Introduction


Quelques documents relatifs à la discipline établie par M. Darby et d’autres frères en Angleterre vis-à-vis de l’assemblée de Béthesda
James Attinger (p. 3-13).


Chers frères,

Le Seigneur ayant permis que l’on s’occupât de nouveau de la discipline que vous avez établie en Suisse depuis quelques années, discipline établie dans le principe envers les assemblées d’Angleterre qui auraient eu des communications avec Béthesda, à Bristol, je crois qu’il est de mon devoir de porter à votre connaissance certains faits et divers documents ignorés de la plupart d’entre vous.

Il est impossible de méconnaître la grande ignorance des assemblées, soit quant à notre doctrine, soit quant aux faits qui ont plus ou moins déterminé le jugement des assemblées de la Suisse dans cette affaire. Sans doute, les principes devraient suffire ; mais vous avez été influencés par divers faux bruits, et par plusieurs détails exagérés qu’il importe d’éclaircir par la connaissance des documents qui s’y rapportent. Vous n’avez entendu que les accusations sans entendre les accusés. Si ce que je vais dire n’avait d’autre résultat que de vous pousser à vous en tenir à la Parole de Dieu et au témoignage des saintes Écritures, mon but serait atteint. J’admets joyeusement que vous n’avez pas besoin de connaître toutes ces choses pour exercer une discipline selon la Parole, et je consentirais de tout mon cœur à passer sous silence ce qui va suivre, abandonnant toute justification personnelle jusqu’à la journée de Christ, si je pouvais savoir d’avance que vous abandonneriez vos traditions en matière de discipline, pour vous tenir collés avec foi aux commandements de la Parole. Mais d’autres ont parlé, et nous sommes contraints de parler à notre tour. C’est une triste et douloureuse nécessité.

Du reste, si j’ai été obligé de parler de moi-même dans les pages qui suivent, c’est avec regret. Je ne cherche point une justification personnelle, mais je désire que vous connaissiez la vérité de certains faits qui ont été dénaturés, afin que vous puissiez au moins tenir votre jugement en suspens, et retourner à cette parole divine qui sera une lampe à vos pieds et une lumière sur votre sentier.

On a affirmé que nous sommes tellement sous la puissance de l’ennemi que ni la droiture naturelle, ni celle qui est selon la grâce, ne peut exister chez nous et que nous cachons le mal au dedans de nous, mais Jésus-Christ a dit « qu’il n’y a rien de caché qui ne vienne en lumière. » Ne pensez donc pas que vous ayez besoin de soupçonner les intentions du cœur ; Dieu seul les connaît. « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits, » dit le Seigneur, en parlant de ces loups revêtus d’habits de brebis. Nous ne pourrions donc pas nous cacher à la longue, quand même nous le voudrions.

Toute discipline basée sur de telles affirmations doit nécessairement porter de mauvais fruits. L’homme ne peut et ne doit juger que ce qui est manifesté.


La question ecclésiastique. La discipline.

Avant toutes choses, mes frères, et avant de vous faire connaître les documents ayant trait à l’histoire de cette discipline, disons un mot sur les principes reconnus parmi vous et pratiqués dans vos assemblées. Au commencement de la carrière des frères, on avait tellement peur de ce qui ressemblait à de l’autorité dans l’église, que la plupart d’entre eux ne voulaient pas appeler les assemblées autrement que par le nom de « Gatherings, » c’est-à-dire rassemblements. Il y en avait même qui écartaient presque l’idée de la discipline. Dans tous les cas, on a maintenu le principe que ces rassemblements ne sont pas des églises, que l’apostasie étant survenue, tout effort pour organiser ces rassemblements de chrétiens est vain et inutile, et même on a dit que puisque l’autorité était tombée entre les mains de l’ennemi, ce serait presque un péché de vouloir rétablir le gouvernement reconnu de tous dans les églises. Il ne restait que l’autorité du don. Et ici soyons justes, cette autorité a toujours été reconnue parmi nous. Nous n’avons pas été sans conducteurs, comme aussi nous n’avons pas été sans avoir des ministres de la Parole.

Jusqu’à l’année 1845, les assemblées avec leurs conducteurs légitimes se respectaient mutuellement. Cette année, fatale dans l’histoire des frères, vit la scission de l’assemblée de Plymouth et la lutte entre MM. Newton et Darby qui donnèrent lieu à la publication d’une brochure de 80 pages par ce dernier frère, intitulée : Narrative of facts. Dans cet écrit, les détails de cette lutte sont racontés avec une minutie regrettable pour celui qui désire être animé de cette charité qui couvre une multitude de péchés. Qu’on se souvienne que la question de l’hérésie, imputée à M. Newton, n’avait pas encore surgi. Ce ne fut qu’en 1847 qu’elle parut. De sorte que, pour des raisons secondaires, la scission complète des frères existait deux ans avant qu’il eût été question d’hérésie. Je vous donnerai tout à l’heure la traduction des sept motifs allégués par M. Darby pour justifier sa sortie de la primitive église des frères, celle de Plymouth. Ce que je voudrais vous faire remarquer ici, c’est le système de discipline qui a été pratiqué depuis lors parmi les frères. M. Darby s’étant séparé de M. Newton, de l’assemblée de Plymouth, ceux qui l’approuvaient commencèrent à voir de mauvais œil toute marque de sympathie donnée à cette fraction de l’assemblée de Plymouth qui resta attachée à M. Newton. En 1847 parut l’affaire de l’hérésie, puis le refus de l’assemblée de Béthesda, à Bristol, de juger et les écrits de M. Newton et l’assemblée de ce dernier en masse. Je vous fournirai des documents ayant trait à cette partie de la discipline. M. Darby prit sur lui le jugement de cette affaire, comme il avait pris sur lui de juger ce qu’il appelait le cléricalisme de M. Newton. Il publia une circulaire enjoignant aux frères de se séparer de Béthesda, de n’admettre aucun de ses membres à leur communion, sous peine d’être eux-mêmes exclus de la communion du corps. Vous savez, mes frères, ce qui en est résulté. Mais avez-vous jamais réfléchi aux principes admis par ceux qui pratiquent une telle discipline ?

Dès lors, tout a été changé parmi nous. Il n’était pas difficile de prévoir qu’on en viendrait à ériger sur les ruines de cette apostasie que quelques-uns se sont attachés à proclamer, un système de gouvernement plus despotique encore que ceux qui ont précédé. Cela a été fait au nom de la fraternité.

Ce qui n’était qu’une tendance est dès lors devenu un principe.

Lorsque tous peuvent s’attribuer de l’autorité, c’est le plus fort ou le plus hardi qui arrive au pouvoir, et cela sans contrôle.

Ne voulant rien des églises avec leurs conducteurs reconnus, on crée un système d’église universelle, avec un ou deux chefs. Peut-être ne vous en rendez-vous pas compte ; néanmoins, c’est ce que vous avez pratiqué depuis l’affaire de Plymouth et de Béthesda ; c’est ce que vous pratiquez encore à l’heure qu’il est. Parmi les autres dénominations de chrétiens, les églises sont toujours représentées par des conférences ou un synode ; le pape même s’entoure de ses cardinaux et de ses évèques ; mais vous, qui avez professé de croire à la présence du Saint-Esprit dans les assemblées, vous ne respectez nullement le jugement de ces assemblées. Non ! pour vous une fraction de l’Église, et même on peut presque dire un seul homme, en matière de jugement et d’autorité, possède le Saint-Esprit pour vous, mes frères, qui parlez de l’unité du corps ! — Vous ne reculez pas devant un tel système de discipline, même quand il s’agit d’exclure des milliers de vos frères, et vous consentez à traiter comme blasphémateurs tous ces chrétiens qui ne peuvent pas admettre votre discipline. Vous prétendez juger les moindres faits, des faits qui se sont passés à des centaines de lieues de votre localité, comme si vous en aviez la connaissance la plus étendue. Mais la présence du Saint-Esprit dans les assemblées !… qu’en avez-vous fait ? Dans l’absence de conducteurs reconnus, vous auriez dû au moins, en toute humilité, respecter le jugement des frères réunis dans chaque localité ; votre propre principe l’exigeait.

Quand je pense que quelques-uns des plus excellents de la terre ont adopté ce système de discipline, ces traditions, mon cœur saigne. Le système que vous avez adopté est suicidal dans ses conséquences. Vous commencez à le sentir, car vous n’osez plus appliquer la discipline d’une manière régulière, et sans vouloir être prophète, on peut juger d’avance ce qui en résultera. Ou vous serez forcés à être inconséquents dans vos principes, et de cette manière la discipline mourra d’elle-même ; ou cette épée vous dévorera, en se tournant contre vous-mêmes.

Mes frères, quelques-uns parmi vous sentent ces choses ; la conscience parle malgré le système que vous avez accepté ; la lettre de M. Guinand en est une preuve. Mais n’aurez-vous pas le courage de mettre votre conduite en harmonie avec vos convictions ? — On cherche à satisfaire sa conscience en disant que les dégâts qu’on avoue sont la conséquence inévitable d’une telle lutte. Vous ignorez ou vous oubliez qu’ils ne sont pas l’exception à une règle, mais la rigoureuse conséquence de votre principe. Ces dégâts, cette confusion n’iront qu’en augmentant, tant que vous maintiendrez le principe que vous avez adopté.

Pourquoi donc ne pas avoir le courage, l’humilité d’aller à la source du mal, de faire ses premières œuvres. Mais, patience, il est dur de regimber contre des aiguillons, et Dieu qui est non seulement admirable en conseil, mais magnifique en moyens, dispose de tous les moyens nécessaires pour rendre l’œil net, pour amollir ces cœurs, qui souvent hélas ! s’endurcissent par l’abondance des bénédictions de Dieu !

Nous ne savons que trop que c’est là l’histoire du peuple de Dieu, de l’humanité toute entière. Si les grâces que Dieu nous avait accordées au commencement dans une si riche abondance, nous ont endurcis à l’égard des autres chrétiens, si nous nous sommes attribué un titre aussi prétentieux que celui de « L’assemblée de Dieu. » « Le témoignage, » le Seigneur nous en a montré la folie en permettant que nous nous dévorions les uns les autres, que les divisions, que les animosités se manifestent parmi nous à un degré effrayant.

Que le Seigneur lui-même nous guérisse et nous délivre de tant d’égarements, pour l’amour de son nom.


Je commence donc par la publication de quelques documents relatifs à la discipline exercée par M. Darby, depuis l’année 1845.

À la page 75 du Narrative of facts, Récit des Faits, publié par M. Darby après sa lutte avec M. Newton, il allègue les sept motifs suivants pour justifier sa sortie de l’assemblée de Plymouth.

1° L’attente actuelle de la venue du Seigneur a été pratiquement rejetée et mise de côté.

2° La vocation céleste, vérité qui avait été spécialement confiée aux frères, et la gloire de l’Église avec Christ, ont été mêlées à des principes terrestres, renversées et mises de côté.

3° On a détruit et renversé dans les assemblées des saints la foi sincère à la présence du Saint-Esprit pour guider et pour agir dans l’exercice du ministère.

4° L’unité du corps de Christ, en tant que ce corps est rassemblé par la présence du Saint-Esprit, à cette époque actuelle de l’Église sur la terre, a été également détruite et renversée[1].

5° M. Newton est accusé ici d’avoir déifié les saints, c’est-à-dire, d’avoir enseigné qu’ils auront dans la gloire le pouvoir de diriger les événements de la terre, comme s’ils participaient à la toute sagesse ainsi qu’à la toute puissance de Dieu.

6° D’un côté, une tendance continuelle à diminuer le sentiment du mal dans le Papisme, de l’autre, l’absence du Christ dans l’enseignement, tandis qu’on élevait les saints « à une presque égalité avec Dieu. »

7° L’Antichrist personnel a été présenté comme revêtu de tant de gloire et de beauté, contrairement à ce qu’en dit l’Écriture, que les saints en ont été troublés et alarmés.

Sans vouloir ni approuver ni condamner l’état de l’assemblée de Plymouth, on peut néanmoins se demander si les motifs allégués par M. Darby, quand même ils seraient confirmés par quelques faits, autoriseraient un chrétien quelconque à se séparer d’un corps de croyants reconnus comme tels. Mais il n’est pas possible de lire le Récit des faits sans arriver à la conviction qu’il y a des exagérations déplorables dans les affirmations de l’auteur. Du reste M. Batten, qui a été témoin oculaire de toutes ces discussions à Plymouth, et dont le témoignage doit avoir du poids pour nous, a entièrement confirmé mon appréciation du Récit. — On oublie de nos jours, avec une facilité étonnante, que l’Église est un rassemblement de personnes, de membres vivants de Christ et non pas la manifestation de tel ou tel principe. Il est évident qu’on n’est pas chrétien sans avoir des principes. Les frères s’étaient rassemblés comme chrétiens au commencement de leur histoire. Or, les quatre premiers motifs allégués par M. Darby pour se retirer de l’assemblée, traitent de certaines vérités particulières qui ne sont pas fondamentales, quelque précieuses qu’elles soient en elles-mêmes.

Les trois derniers motifs se rapportent aux vues prophétiques de M. Newton.

Il me semble qu’on peut voir ici le germe de tout le mal, au point de vue de la discipline dont les assemblées ont été abreuvées depuis lors. C’est un abandon de la simplicité de la foi. Vous êtes chrétien, mais comme vous ne manifestez pas telle ou telle vérité, nous ne pouvons pas marcher ensemble ! C’est ainsi que Christ est rejeté dans la personne de ses frères.

Il est évident qu’un des grands griefs de M. Darby contre M. Newton était ce qu’il appelle son cléricalisme, cléricalisme qu’il impute aussi au corps des frères enseignants à Plymouth. — Voici ce que nous lisons, page 18 du Récit des faits.

« Je voyais les progrès du cléricalisme… Au commencement cela me paraissait être le résultat de certains arrangements matériels. Les personnes sourdes étaient placées près de la table, et ceux qui parlaient devaient nécessairement s’en approcher, ce qui bientôt les mit en évidence. Je vis la tendance, je me tins au milieu de la congrégation et je parlai de là. On me fit des remontrances, mais je maintins la position que j’avais prise. »

L’extrait suivant, tiré d’une brochure publiée par notre frère M. Haffner, et datée de Londres, le 20 décembre 1847, vient à l’appui de ce que j’affirme ici.

« Je suis aussi maintenant pleinement convaincu que l’autre erreur à laquelle lui (M. Darby) résistait, savoir le reniement pratique de la présence du Saint-Esprit dans l’Église, existait à Ebrington Street (assemblée de Plymouth), et c’est avec tristesse et avec une profonde humiliation que je confesse le péché que j’ai fait en ne voulant pas en parler plus tôt. Mon assurance à cet égard vient d’un entretien que j’eus avec M. Newton au moment de quitter Plymouth, sur le sujet de la préparation pour le ministère. M. Newton me dit à cette occasion, qu’avant de venir à la table du Seigneur (à la réunion), il ne trouvait pas qu’il y eût du mal à être préparé, pour l’exercice de la Parole parmi les saints ; qu’il croyait que c’est de cette manière que Dieu enseigne par son Esprit, quand les saints sont dans un bon état spirituel, pourvu que les membres de l’assemblée et ceux qui enseignent s’attachent à Lui avant de venir à la réunion. Toutefois il ajoutait que lorsqu’il entourait la table du Seigneur, il désirait toujours se laisser détourner vers d’autres sujets, si le Saint-Esprit agissait dans ce sens. »

« Cela, bien-aimés frères, me troubla extrêmement, déjà quand il me communiqua ces choses, et ôta ma confiance. Mais, oh ! avec quelle humiliation ne comparais-je pas maintenant dans la présence de Dieu, pour avoir si longtemps gardé dans mon sein la connaissance que j’avais que notre pauvre frère reniait ainsi pratiquement les influences et la conduite actuelle de l’Esprit de Dieu, quelle qu’ait été sa théorie. Je m’humilie de ce que j’ai fait cela, sans avoir jamais demandé à d’autres de se joindre à moi pour prier pour lui, sans lui avoir jamais parlé à ce sujet jusqu’à ce jour, et je crains par dessus tout le reste, sans avoir prié avec ferveur pour lui dans mon cabinet, devant le Seigneur. C’est en vérité que je demande pardon à mon frère d’avoir ainsi manqué d’amour envers lui, mais plus particulièrement je demande pardon au Seigneur, afin qu’Il me donne dans sa grâce d’avoir au dedans de moi un sentiment plus profond de mes manquements, de ce que j’ai participé à tant d’erreurs, puisque maintenant, dans sa grâce, Il a ouvert mes yeux en me délivrant d’une telle tromperie du Diable[2]. »

À Dieu ne plaise que je critique les sentiments de piété exprimés par notre frère M. Haffner ; mais il est permis de faire cette simple remarque, que cette lettre ne fut pas adressée à M. Newton comme elle aurait dû l’être, mais aux frères demeurant à East Coker et à Yeovil. Il est également permis de ne pas être de l’avis de notre frère quant au mal qu’il voit dans cette préparation pour le ministère de la Parole, comme si l’action du Saint-Esprit était toujours impulsive et jamais réfléchie.

Si j’ajoute cet extrait, c’est afin qu’on puisse voir plus clairement de quoi il s’agissait à Plymouth. Les uns voulaient un certain ordre et certaines vues prophétiques, d’autres ne voulaient ni cet ordre ni ces vues prophétiques. Cela ressort clairement de la lecture du Récit des faits. M. Trotter lui-même le comprend ainsi, car il dit dans sa brochure intitulée Affaire de Plymouth et de Béthesda, page 14 : « Jusqu’ici le mal s’était borné au renversement de toutes les vérités qui, par la grâce du Seigneur, avaient été remises en lumière parmi les frères ; à l’établissement, dans une mesure alarmante, des prétentions et du pouvoir cléricaux ; » puis il ajoute cette accusation de mauvaise foi et de « perte complète de l’intégrité morale, » que nous avons appris à apprécier à sa juste valeur, depuis que M. Darby et ceux qui le suivent ne se sont fait aucun scrupule d’employer cette arme à travers toutes les péripéties de cette discipline.

Donc, il ne s’agissait pas des fondements de la foi, mais de quelques vérités spéciales remises en lumière parmi les frères. Je croyais que la vérité spéciale qui, au commencement, avait réuni les frères, était la réunion de tous ceux qui sont de Christ. C’est la seule bannière que j’ai connue, sans méconnaître toutefois la saine discipline qui doit régir les rassemblements des croyants. Si M. Trotter et d’autres ont voulu ériger les grâces que Dieu nous avait accordées, dans la voie que nous suivions, en drapeau spécial, ils renient par cela même le véritable commencement des frères.

Encore une fois n’oublions pas que l’Église se compose de personnes, de membres vivants, et ce qui caractérise ces chrétiens, c’est d’être un seul corps, comme aussi il y a un seul Esprit ; ils ont un seul Dieu et Père de tous, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, une seule espérance de leur vocation ; ces choses étant communes à tous, il ne s’agit pas de tel ou tel principe. En un mot, c’est Dieu qui nous a faits ce que nous sommes comme chrétiens ; on ne peut ni y ajouter quelque chose, ni y rien ôter ; reconnaître ces chrétiens, c’est garder l’unité de l’esprit ; les rejeter, c’est tomber dans le schisme.

Quoi qu’il en soit, non-seulement M. Darby est sorti lui-même de l’assemblée de Plymouth pour les motifs allégués ci-dessus, mais il ajoute, page 77 du Récit des faits : « Il y a une œuvre directe de Satan que peu de personnes peut-être apprécieront distinctement … mon témoignage non équivoque est : « Sortez du milieu d’eux, et soyez séparés. »

» Ils ont cherché, ajoute-t-il (en parlant de M. Newton et de ses amis), à rendre le chemin des pauvres difficile … en leur demandant des textes pour justifier leur séparation, etc. »

Il ne faut pas oublier que M. Darby tenait ce langage non pas en vue de l’hérésie imputée à M. Newton (elle n’avait pas encore paru), mais en vue de son cléricalisme et de son système prophétique. Ainsi que je le dis plus haut, l’hérésie imputée à M. Newton ne parut qu’en 1847 ; la séparation s’opéra à Plymouth en 1845, et le Récit des faits fut publié en 1846.

Le bruit de ces tristes débats, avec toutes les personnalités qui s’y rattachaient, telles que les révélait M. Darby dans sa brochure extrêmement confuse de 80 pages, n’était pas de nature à inspirer de la confiance aux autres assemblées des frères. À Béthesda (assemblée de Bristol) surtout, on était moins disposé qu’ailleurs à accepter cette douloureuse séparation, car, dès le commencement, il avait existé dans cette assemblée un bon ordre que les autres réunions de frères étaient loin de présenter.

Quand donc la question de l’hérésie imputée à M. Newton parut dans l’année 1847, les conducteurs de l’assemblée de Béthesda n’admirent pas les prétentions de M. Darby de faire la loi aux autres assemblées du Seigneur. Les faits qui se sont passés depuis lors ont abondamment prouvé que quiconque n’admettait pas la discipline telle que M. Darby l’entendait, était exclu du corps ; tous les membres de cette assemblée devaient subir le retranchement du corps comme s’ils eussent été des pécheurs scandaleux. Remarquez, mes frères, qu’il ne s’agissait pas de rompre l’association des églises qui existait de fait parmi les frères, mais de rompre la communion personnelle et individuelle avec tout enfant de Dieu faisant partie de ladite assemblée de Béthesda. Si tant est qu’il y eût du péché, le péché était ecclésiastique, et la peine de ce péché n’aurait jamais dû dépasser la faute commise. Une question de discipline ecclésiastique ne peut jamais exiger que les membres de telle ou telle assemblée soient traités comme des pécheurs scandaleux. Il est même étonnant que le simple bon sens chrétien ne reconnaisse pas l’erreur fondamentale d’une telle discipline. Il est plus étonnant encore que la conscience chrétienne ait permis et permette une mesure qui ôte le caractère chrétien à des milliers d’enfants de Dieu.

De plus, si les assemblées des saints avaient des intérêts communs, le seul moyen de régler ces intérêts eût été une conférence où toutes ces assemblées auraient été représentées.

Dire que « l’énergie de l’Esprit de Dieu a été introduite par le ministère de M. Darby, » Affaire de Plymouth et de Béthesda, page 10, n’est qu’une affirmation dont il est permis de discuter la valeur. Et dans tous les cas, quelle qu’eût été la valeur du ministère de M. Darby dans cette occasion, son jugement, son activité ne pouvaient pas, ne devaient pas être acceptés par les églises, si ce n’est dans une conférence régulière. Si l’opinion de la conférence eût été favorable au jugement de M. Darby, on aurait pu priver Béthesda, dans le cas où cette assemblée aurait continué à se mettre en opposition avec cette opinion, des avantages de l’association, et cette assemblée aurait été traitée comme tout autre rassemblement chrétien en dehors de l’association ; c’est-à-dire que les chrétiens venant de là auraient été examinés et reçus individuellement et non pas comme venant d’un corps accrédité auprès de l’association des églises. C’est ainsi que vous agissez, mes frères, envers les églises nationales et envers les autres églises qui ne nous donnent pas comme corps toutes les garanties que vous pourriez désirer.

Quoique mon but spécial soit de donner connaissance des principaux documents qui peuvent faire comprendre l’établissement de la discipline établie en Angleterre et son application aux assemblées de France et de Suisse ; néanmoins, il peut être très utile aux frères de connaître très-brièvement l’ordre dans lequel les événements se sont accomplis depuis la sortie de M. Darby de l’assemblée de Plymouth.

Je donne donc ici cet ordre chronologique des principaux faits qui ont précédé l’application de la discipline à Béthesda.

1o M. Darby se retire de l’assemblée de Plymouth, par le motif que Dieu était mis de côté et l’homme mis à sa place. M. Newton ayant refusé de se justifier devant toute l’assemblée, quelques centaines de frères se retirent et commencent à rompre le pain à Raleigh Street, à Plymouth (1845).

2o En avril 1846, assemblée de prière et d’humiliation à Londres, à laquelle M. N. et ses amis refusent d’assister. Ils publient leurs raisons pour cela, et M. Darby son Récit des faits.

Dans l’automne de cette même année, série de réunions tenues à Rawstorne Street, à Londres. Cette assemblée exclut M. Newton de la Cène. Publications des deux camps et assemblée importante à Rawstorne Street, en février 1847.

3o Bientôt après, M. Harris de Plymouth, l’ancien collaborateur de M. Newton, publie une méditation de ce dernier sur le Psaume VI, qui avait été prêtée à sa femme par une amie. Si je ne me trompe, il s’agissait plutôt de quelques notes sur ladite méditation, qui circulaient sans avoir été soumises à M. Newton, notes non autorisées par M. N. Alarme générale. Deux traités de M. Newton. Puis le 26 novembre 1847, « Déclaration et aveu relativement à certaines erreurs de doctrine, » par M. Newton. Confessions de MM. Soltau, Balten et Dyer. M. Newton retire ses deux premiers traités pour les examiner et en publier quelques mois après un autre intitulé : Lettre sur des sujets relatifs à l’humanité du Seigneur.

4° En mai 1848, une centaine de frères de diverses localités se réunissent à Bath ; plusieurs désavouent le système et les doctrines de M. Newton.

5° Enfin, en juin 1848 établissement de la discipline par rapport à Béthesda, c’est-à-dire son commencement. Circulaire de M. Darby au mois d’août.

Abordons maintenant l’examen des documents qui traitent plus particulièrement de la discipline établie au sujet de l’hérésie imputée à M. Newton.



  1. C’est M. Darby qui souligne les expressions mises en italique.
  2. Les mots mis en caractères italiques ont été soulignés par l’auteur.