Quelque six mille proverbes/Proverbes turcs
Julien, Lanier et Cie, (p. 159-174).
PROVERBES TURCS
A–B
- Bois et mange avec ton ami,
Mais n’aie point d’affaires avec lui. - Mille amis, ce n’est pas trop ; un ennemi, c’est beaucoup.
- Qui cherche un ami sans défauts, reste sans ami.
- Qui veut être aimé, se rende aimable.
- L’animal blessé se plaint bien haut.
- Ne meurs pas, mon âne, le printemps viendra, et alors l’herbe poussera.
- Le bât ne compte pas dans la charge de l’âne.
- Qui joue avec l’âne, ne doit pas se piquer s’il pette.
- Âne qui sent la douleur,
Dépassera le cheval en vigueur. - Qui apprend à jouer d’un instrument à quatre-vingts ans,
Se fera entendre le jour du jugement. - Demander à l’avare, c’est creuser dans la mer.
- La dépense de l’avare finit par égaler celle de l’homme généreux.
- Que désire l’aveugle ? — Deux yeux.
- Celui-là est vraiment aveugle, qui tombe deux fois dans le même fossé.
- Dans le pays des aveugles, ferme les yeux.
- Nul qui ne soit un peu aveugle sur ses défauts.
- Deux baladins ne dansent pas sur la même corde.
- Il faut savoir sacrifier la barbe pour sauver la tête.
- La blancheur de ta barbe viendrait-elle du moulin ?
- Un bienfait
Doit être parfait. - Fais du bien à qui te nuit ;
Tu seras aimé de Dieu, et même de ton ennemi. - Ne regarde pas à la blancheur du turban,
Peut-être le savon était pris à crédit. - Les cornes ne pèsent pas au bœuf.
- Qui boit à crédit, s’enivre doublement.
- La bouche ne reste pas ouverte, sans avaler quelque chose.
- Je te le dis, à toi, ma fille ; entendez-le, ma bru.
- Auprès de ce qui est sec, ce qui est humide brûle.
C
- S’il y a un homme sans chagrins, ce n’est pas un homme.
- Quand le chariot est brisé, beaucoup de gens vous diront par où il ne fallait point passer.
- Le chariot n’avance pas s’il n’est graissé.
- Le chasseur, au bois ; le piéton, à la chaussée.
- Deux chats peuvent tenir contre un lion.
- C’est aujourd’hui jeûne, dit le chat, en voyant du foie qu’il ne peut atteindre.
- La route pour cheminer ;
Et pour aller au bois, la cognée. - Qui voit le village, n’a que faire de demander son chemin.
- Est-ce quand le cheval a été volé, que tu fermes l’écurie ?
- Parce qu’un cheval a bronché,
Faut-il le tuer ? - Trop d’avoine fait crever le cheval.
- À cheval leste, on augmente sa ration d’avoine.
- Qui monte le cheval d’autrui, sera bientôt à terre.
- Le chien aboie, la caravane passe.
- Chien qu’on mène à la chasse contre son gré,
Ne prendra pas de gibier. - Le cœur est un enfant, il désire tout ce qu’il voit.
- Ne regarde ni la monture, ni le vêtement ; regarde le cœur.
- Qui se lève avec colère, se couche avec dommage.
- Rien de plus inutile que conseils à un fou, et savon à un nègre pour se blanchir la peau.
- Le conseil d’une femme, n’est bon que pour une femme.
- Qui n’est pas content,
Reprenne son argent. - Quels sont les plus jolis oiseaux ? demandait-on à la corneille. — Ce sont mes petits, répondit-elle.
- Avant que la corneille ait atteint la perdrix, elle aura oublié son chemin.
- Un doigt coupé justement,
Ne cause pas de tourment. - Qui court trop vite, reste en chemin.
- Renouvelle ton sang, mais non pas tes coutumes.
- N’étends tes pieds que selon la longueur de ta couverture.
- Ce qui croît vite,
Meurt vite.
D–G
- Ce qui a franchi trente-deux dents, courra dans trente-deux armées.
- Si tout ce qu’on désire arrivait,
Le mendiant deviendrait bey. - Nul ne profite de ce que le destin réserve à un autre.
- Deux patrons font chavirer une barque.
- Le diable ne détruit pas sa maison.
- Pense à ce que tu veux dire, et parle en conséquence.
- Tout ce que tu donnes, tu l’emporteras avec toi.
- Donner aux riches, c’est porter de l’eau à la mer.
- Qui ne sait pas avoir ce qui lui est dû, ne saura pas payer ce qu’il doit.
- Eau qui ne coule pas, crève ses conduits.
- Gagne et mange, mais n’économise pas sur la nourriture de ton âne.
- Ce qui enrichit, c’est encore moins le travail que l’économie.
- Écoute mille fois, ne parle qu’une.
- L’écrivain (l’employé) ne fait pas de rapports à sa charge.
- L’ennemi ne sait pas ce qui se passe chez son ennemi.
- Ce n’est pas trop de mille amis,
Mais c’est trop d’un ennemi. - Tiens pour un homme ton ennemi,
Ne fût-il qu’une fourmi. - Avant d’entrer, songe à la sortie.
- L’envoyé ne répond pas de ce qu’on lui fait dire.
- Les roses croissent sur les épines ; et les épines, sur les roses.
- L’homme qui a des épreuves, accroît son savoir ; celui qui vit sans épreuves, accroît ses fautes.
- L’érudition n’est pas plus la science, que les matériaux ne sont l’édifice.
- C’est degré par degré, qu’on monte l’escalier.
- Je suis aux ordres de qui m’estime ; et qui me méprise, je me mets au-dessus de lui.
- Un épervier ne vit pas, s’il n’a de la viande.
- Quand l’épine est sale, ne l’approche pas.
- Si l’étoffe est là, l’aune est ici.
- Qui entre dans l’étuve, sortira en sueur.
- Trop de façons
Gâte affection. - La face du mendiant est poudreuse, mais souvent sa besace est pleine.
- Il a pu faillir, mais je dois lui pardonner.
- Qui s’éloigne de la feinte, s’approche de Dieu.
- C’est la femelle qui fait le nid.
- Souvent on se jette dans le feu pour éviter la fumée.
- Où le feu tombe, le feu prend.
- Prends l’étoffe d’après la lisière,
Et la fille d’après la mère. - Si la mère ne se montre pas, la fille ne prépare pas la table.
- Le flambeau n’éclaire pas son pied.
- L’aigle a été percé avec la flèche faite de sa plume.
- Le capital du forgeron
Doit être en charbon. - Ne lutte pas contre plus fort que toi.
- Un jour au bout de l’autre, amène la force.
- Pour un sage, on trouve deux fous.
- Pour le fou, c’est tous les jours fête.
- À un fou, ne dis pas où sont les pierres.
- Quand les ailes viennent à la fourmi,
C’est tant pis. - Arbre qui ne porte pas de fruits, on ne lui jette pas de pierres.
- Mange le fruit, sans t’occuper de l’arbre.
- Mon affaire est de fuir,
Et la tienne de me saisir. - Si tu n’as pas de dettes, fais-toi garant (caution).
- Ne te fie pas aux discours des grands,
À la durée du calme de la mer,
À la clarté du jour qui baisse,
Ni à la vigueur de ton cheval. - Baisse la tête devant plus grand que toi.
- Qui n’écoute pas les grands,
Est plus mort que vivant. - Pour se gratter, il faut des ongles.
H–L
- Un habit déchiré ne va pas avec des boutons d’or.
- L’herbe que le serpent hait, naît justement sous son nez.
- L’ignorant est l’ennemi de lui-même, comment serait-il l’ami d’un autre ?
- Quand l’iman s’oublie, l’assemblée perd le respect pour lui.
- Mieux vaut se faire désirer, que d’être importun.
- Moyennant informations,
On trouve son chemin à travers monts. - Le maître donne, et l’intendant refuse.
- Si l’on t’invite à table servie, un refus te fera prendre pour un ingrat.
- Une heure de justice vaut soixante dix ans de prières.
- Une femme vaut mieux qu’un lâche.
- La lance ne se met pas dans le sac.
- Langue douce, tire le serpent de son trou.
- Qui garde sa langue, garde sa tête.
- Plaie de cimeterre se guérit ;
Plaie de langue, non pas. - Le fou tient son cœur sur sa langue,
Le sage tient sa langue dans son cœur. - Le lièvre en veut à la montagne, et la montagne ne lui en garde pas rancune.
- Il dit au lièvre : Sauve-toi ; et au chien : Prends-le.
- On prend parfois le lièvre avec une charrette.
- Une fois le lion mort, il ne manque pas de braves pour lui arracher la crinière.
- Le loup ne pille pas ses voisins.
- Quand ce qui est lourd, s’abaisse,
Ce qui est léger, s’enlève.
M–O
- Si tu te présentes les mains vides, on te dira : Le maître dort ;
Si tu viens avec un présent, on te dira : Le maître vous prie de vouloir bien entrer. - Une main que tu ne peux pas couper,
Baise-la, et mets-la sur ta tête. - Une main toute seule ne fait pas de bruit.
- Tends la main à qui tombe, Dieu te la tendra aussi.
- Le mal atteint celui qui le fait.
- Le mal de l’an prochain,
Ne t’en inquiète point. - Ne cherche jamais à abaisser l’homme malheureux ; un jour vient où Dieu le relève.
- Qui mange peu, profite beaucoup ;
Qui mange beaucoup, dépérit. - Qui mange le pain et le sel d’autrui sans en garder mémoire, est au-dessous d’un chien.
- Pour manger fer, il faut dents d’acier.
- Il ne faut pas en savoir long pour manger,
Mais bien pour être cuisinier. - L’un ne mange pas de gras, et l’autre ne veut pas de maigre.
- Ceux-là trouveront à manger, qui se trouveront à leur chambrée.
- Il demande au maquignon l’âge du cheval.
- Marche rapide,
Prompte fatigue. - La langue d’un muet vaut mieux que celle d’un menteur.
- La mer n’achète pas de poissons.
- Mesure-toi à ton aune.
- Ce n’est pas à force de dire miel, miel, que la douceur vient à la bouche.
- Le miel est bonne chose, mais le prix la gâte.
- Le voleur de miel se lèche les doigts.
- Si la montagne ne veut pas venir, on ira la trouver.
- L’homme mort laisse un nom,
Le cheval mort laisse une charogne. - Qui voit un mouton blanc,
Le croit plein de graisse au dedans. - Ce qu’on ne croyait pas nécessaire,
On en a parfois affaire. - Mille cavaliers ne sauraient dépouiller un homme nu.
- Oiseau rapide, tiens-lui les deux pieds.
- Selon l’oiseau, la queue.
- L’œuf d’aujourd’hui vaut mieux que la poule de demain.
- Il y a plus de profit à manger seul un œuf, qu’à manger une poule entre plusieurs.
- Le coup d’œil du maître vaut pour le cheval un pansement.
- L’outil se donne du mal ; et c’est la main qu’on vante.
P
- La chair la plus maigre trouve à se marier avec le pain.
- Qui veut vivre en paix,
Doit être sourd, aveugle et muet. - Le paresseux dit : Je n’ai pas la force.
- Parle au peuple la langue qu’il entend.
- Assieds-toi de travers, si tu veux ; mais parle droit.
- Au doux, parle doucement.
- On connaît l’oiseau par son nid ;
Et par les paroles, l’esprit. - Qui n’est pas homme de parole,
N’est pas un homme. - Bonne parole au soldat, lui vaut mieux que sa solde.
- L’animal se mène par la bride, et l’homme par la parole.
- Il y a des paroles qui ressemblent à des confitures salées.
- La patience est la clé de la joie.
- La patience doit être mise en tête de tout projet.
- La patience mène à bien ;
Et la précipitation, à mal. - Moyennant patience, l’amer devient doux, et la feuille de mûrier devient velours.
- Au riche, la bastonnade ;
Au pauvre l’amende. - Qui donne aux pauvres, donne à Dieu.
- Accueille le pauvre avec bonté, fût-il un infidèle.
- Pense d’abord à ce qu’il te faut faire, et puis mets-toi à la besogne.
- À la perruche, du sucre ; et au pourceau, des glands.
- Le petit fait la volonté du grand.
- Qui a peur des moineaux, ne doit pas semer du millet.
- Une pierre, pour casser la tête, n’a pas besoin d’être grosse.
- Avec une pierre, on ne fait pas un mur.
- Qui pleure pour tout le monde, finit par perdre les yeux.
- Enfant qui ne pleure pas, n’aura pas à téter.
- L’un pleure, et l’autre rit.
- Plutôt que de passer sur le pont d’un vilain homme,
Fie-toi au torrent. - Ne frappe pas à la porte d’un autre, si tu ne veux pas qu’on frappe à la tienne.
- La poule du voisin nous paraît une oie.
- Un pourceau n’en blesse pas un autre.
- N’accepte aucun présent ; on te le redemanderait soit aux jours de noces, soit aux jours de fête.
- Servir un jeune prince, et panser un cheval fringant,
Deux métiers compromettants. - L’homme trop prudent finit par se blesser l’œil contre une poutre.
R
- Assieds-toi en haut, et regarde en bas.
- Tête coupée ne se raccommode pas,
Repentir tardif ne répare pas. - Une demande fait un mauvais visage ; un refus en fait deux.
- La fin ordinaire du renard, est la boutique du pelletier.
- Qu’est-ce qui peut amener un renard au marché ?
- Renard qui trotte, vaut mieux que lion qui dort.
- Le respect que tu veux obtenir, c’est toi qui en décideras.
- Si nous n’avons point de richesses, ayons de l’honneur.
- Un riche sans générosité, est un arbre sans fruits.
- Ne t’associe pas à plus riche que toi.
- La richesse donne le droit de parler.
- Mieux vaut être l’esclave d’un riche, que le fils d’un pauvre.
- Qui rit beaucoup, pleure beaucoup.
- Un roi sans justice, est un fleuve sans eau.
- Roitelet apprivoisé, vaut mieux que rossignol effarouché.
S
- Qui sait beaucoup, se trompe encore souvent.
- Un homme doit savoir ce qui lui convient.
- Richesse de l’Inde, science des Francs, faste des Osmanlis.
- Le sang ne se lave pas avec du sang, mais avec de l’eau.
- On a ouvert la veine à l’un, et quarante ont saigné.
- Je donnerai ma tête, si l’on veut ; mais mon secret, jamais.
- Que le ragoût soit salé,
Mais que le sel soit modéré. - Tu dis ton secret à ton ami,
Mais ton ami a un ami aussi. - Soleil qui doit me réchauffer,
Je m’en aperçois dès son lever. - Bien des choses sont sur pied
Avant le soleil levé.
- Selon la face, le soufflet (pour un double visage, il faut double soufflet).
- Ce que tu souhaites à ton prochain, t’arrivera à toi-même.
- Les vieux souliers se jettent à la porte.
- Il n’est soulier qui ne se crotte.
T–V
- On couvre de beaux mets la table de l’iman. — Que t’importe à toi, pauvret !
- Quand la tête se perd, les pieds ne portent plus (ou : Quand la tête tombe, les pieds ne soutiennent pas le corps).
- L’homme à la tête légère, perd son bonnet dans la foule.
- Il y a un temps pour chaque affaire.
- L’oiseau ne vole qu’à l’aide du temps.
- Si tu n’es pas riche, pourquoi tant de toilette ?
- On passe un torrent furieux,
Mais non un fleuve silencieux. - Il n’y a que Dieu qui ne se trompe pas.
- Savoir beaucoup, n’empêche pas de se tromper un peu.
- Ici des vaisseaux ont été submergés, qu’y viens-tu faire avec ta frêle nacelle ?
- Le vaisseau est recourbé, mais il fait droite route.
- On ne vend pas le poisson qui est encore dans la mer.
- Qui dit la vérité, se fait exiler.
- Ce n’est pas à vivre longtemps, mais à voir beaucoup, que l’on apprend quelque chose.
- Je viens pour tes beaux yeux, et je fais mon affaire.
- On vient comme on veut,
Et l’on s’en va comme on peut. - Vieux coton ne fait pas bonne toile.
- Ne mets pas le pied sur la queue de la vipère, si tu ne veux qu’elle te morde.
- L’influence d’un mauvais voisin se fait sentir jusqu’au bout de la ville.
- Le voleur qui ne se laisse pas surprendre, passe pour le plus honnête homme.
- Vivre est quelque chose pour apprendre, mais voyager est mieux.