Quand vous m’aurez tué…

Le Divanannée 32, janvier-mars 1940 (p. 194).

3. — quand vous m’aurez tué…

 
Quand vous m’aurez tué, dans le beau cimetière,
De rien ne servira la phrase ni le pleur,
Ni la foule qui suit, front nu, dans la poussière,
Ni la couronne avec ses perles de couleur.

Voici l’heure aujourd’hui, si vous voulez m’entendre,
De faire le silence autour du voyageur ;
Je ne suis là qu’un jour, demain je vais reprendre
La route qui conduit vers un autre auditeur.

Mon message est divin, ma force n’est qu’humaine,
Le loisir de tout dire est bien plus qu’entamé ;
Quand mon corps glissera dans l’ombre souterraine
Vous songerez trop tard que vous m’auriez aimé ;

Et j’avouerai là-haut que ma course fut vaine.