Quand notre jardin clair

Mercure de France (p. 175-176).

XX


Quand notre jardin clair dardait toutes ses fleurs,
C’était en des instants de fièvre
Que le regret d’avoir diminué nos cœurs
Nous jaillissait des lèvres,
Et le pardon offert, mais mérité toujours
Et l’étalage exagéré de nos misères
Et tant de pleurs, mouillant nos tristes yeux sincères,
Exaltaient notre amour.


Mais, en ces mois de lourde pluie
Où tout se tasse et se réduit,
Où la clarté même s’ennuie
À refouler de l’ombre et de la nuit,
Notre âme n’est plus assez vibrante et haute
Pour confesser, avec transports, nos fautes.

Nous les disons à lente voix
Certes, avec tendresse encore,
Mais c’est au soir tombant et non plus l’aurore,
Parfois même, nous les comptons sur nos dix doigts
Comme des choses qu’on dénombre
Et qu’on range dans la maison,
Et pour diminuer leur folie ou leur nombre,
Nous raisonnons.