Quand les violons sont partis/In Memoriam

Quand les violons sont partisLibrairie Léon Vanier ; A. Messein, SuccrPoésies complètes d’Édouard Dubus (p. 89-90).

IN MEMORIAM

Pour E. P. de L.

Si le Temps et l’Oubli, vieux conquérants brutaux,
Épuisent contre moi leur guet-apens sans trêves,
Reine farouche du royaume de mes rêves !

L’œuvre de clairs de lune et d’éclairs de métaux,
Que bâtit follement sur le sable des grèves
Ma Foi sereine, dont les nuits furent si brèves,

Demeurera, sous des nuages radieux,
Un monument de symbolique architecture,
Debout pour vous chanter devant l’ère future.

Mais y pénétreront ceux-là seuls, dont les yeux
Sauront en évoquer l’ineffable aventure
D’un Autrefois, qui nous enchante et nous torture.


Pour eux : la chevelure en nimbe, les regards
Éternisant les ciels en gloire de l’Attique,
Se dressera votre fantôme hiératique,

Et vos mains sur un large essor d’anges hagards,
Chœur blême vous louant d’un terrible cantique,
Effeuilleront le sang d’une rose mystique.