Quand les violons sont partis/Aurore

Quand les violons sont partisLibrairie Léon Vanier ; A. Messein, SuccrPoésies complètes d’Édouard Dubus (p. 35-36).

AURORE

Pour Stuart Merrill.

L’or rosé de l’aurore incendie
Les vitraux du palais où se danse
Une lente pavane affadie
Aux parfums languissants de l’air dense.

L’éclat falot de la bougie agonise,
À l’infini, dans les glaces de Venise.

Les rideaux mal rejoints sont, aux franges,
Allumés des splendeurs de l’aurore ;
La musique a des sons bien étranges :
On dirait un remords qui pérore.

Mourants ou morts déjà les sourires mièvres ;
Les madrigaux sont morts sur toutes les lèvres.


On s’en va, deux à deux, sans étreinte,
Sans cueillir un lambeau de dentelle,
Écoutant tout rêveur, mais sans crainte,
Le bruit sourd de son cœur qui pantèle.

Pour défaillir, ne faut-il pas qu’on oublie
Le triste éveil d’une ancienne folie ?

Dans la salle de bal nue et vide
Reste seul un bouquet qui se fane,
Pour mourir du même jour livide
Que l’espoir des danseurs de pavane.

L’éclat falot de la bougie agonise,
À l’infini, dans les glaces de Venise…