Quand chantait la cigale/Postface

Édition Privée (p. 107).


Celle qui naguère, aux clairs jours d’été chantait comme une folle cigale près de la vieille maison blanche n’est plus. Elle s’est éteinte par un gris et brumeux matin d’octobre à l’heure où s’éveillent les premiers travailleurs.

Ses lèvres sont closes, son sourire s’est éteint.

Son âme joyeuse, toute vibrante, s’est envolée, mais la mort n’a pas flétri ses traits et, sur l’oreiller de satin blanc du cercueil, près des fleurs funéraires, au lourd parfum, sa figure plus séduisante que jamais semble dormir. Elle dort en effet d’un sommeil sans rêve et sans fin, sourde aux sanglots des siens.

Elle est partie en pleine jeunesse. Son lumineux sourire, sa grâce, son charme et sa gaieté ne sont plus qu’un souvenir. Elle laisse quelques cahiers de chansons, deux ou trois robes éclatantes comme l’aile des papillons, de petits objets de toilette en argent, des riens charmants qui exprimaient sa personnalité, et des regrets que le temps ne peut adoucir.

Au milieu d’un silence oppressant, l’on a descendu dans une fosse de terre brune le cercueil renfermant son corps frêle et gracieux. Et la tombe a été recouverte d’un amas de couronnes de roses, de lis et de chrysanthèmes. Puis le groupe noir des parents et des amis s’est lentement, péniblement dispersé.

C’est lorsque l’auto a démarré pour nous ramener à la maison, lorsque la voiture s’est mise à rouler sur le gravier que, pour moi, la déchirure s’est produite. C’est à ce moment que j’ai senti se faire la séparation définitive, sans retour. L’être de beauté, de grâce qui avait été notre joie était disparu à jamais, était entré dans la nuit éternelle. Son image terrestre s’était effacée de l’univers.

Des larmes lourdes coulent sur ma figure.

Adieu, Cigale !