Quand au temple nous serons

Quand au temple nous serons
Les Odes, Texte établi par Hugues VaganayGarnier3 (p. 347-348).

ODE XXIX.

Quand au temple nous serons
Agenouillez, nous ferons
Les dévots, selon la guise
De ceux qui pour louer Dieu
Humbles, se courbent au lieu
Le plus secret de l’Eglise.
Mais quand au lict nous serons
Entrelassez, nous ferons
Les lascifs, selon les guises
Des Amans, qui librement
Pratiquent folastrement
Dans les draps cent mignardises.
Pourquoy donque quand je veux
Ou mordre tes beaux cheveux.
Ou baiser ta bouche aimée,
Ou toucher à ton beau sein

Contrefais-tu la nonnain
Dedans un cloistre enfermée ?
Pour qui gardes-tu tes yeux
Et ton sein délicieux,
Ta joue, et ta bouche belle ?
En veux-tu baiser Pluton
Là bas, après que Charon
T’aura mise en sa nacelle ?
Apres ton dernier trespas
Gresle, tu n’auras là bas
Qu’une bouchette blesmie :
Et quand mort, je te verrois
Aux Ombres, je n’avou’rois
Que jadis tu fus m’amie.
Ton test n’aura plus de peau,
Ny ton visage si beau
N’aura veines ny artères :
Tu n’auras plus que les dents
Telles qu’on les voit dedans
Les testes des cimeteres.
Donque tandis que tu vis,
Change, Maistresse, d’avis,
Et ne m’espargne ta bouche :
Incontinent tu mourras.
Lors tu te repentiras
De m’avoir esté farouche.
Ah, je meurs ! ah, baise moy !
Ah, Maistresse approche toy !
Tu fuis comme un Fan qui tremble
Au-moins souffre que ma main
S’esbate un peu dans ton sein.
Ou plus bas, si bon te semble.