Qu’est-ce que l’unité de l’Église


QU’EST-CE QUE

L’UNITÉ DE L’ÉGLISE

ou

QUELQUES REMARQUES

sur

LA BROCHURE DE M. F. OLIVIER,

intitulée



VEVEY
Ch.-Fr. Recordon, éditeur.

1869

QU’EST-CE QUE
L’UNITÉ DE L’ÉGLISE ?

Je n’aurais jamais parlé de la brochure de M. F. Olivier, s’il n’y avait pas eu en elle des principes bien arrêtés sur quelques points importants et un but dont tous ne s’aperçoivent pas. Si ce n’était que le désir de jeter du mépris sur ses frères qui s’y manifestât, rien de plus facile que de passer outre. Chacun peut juger jusqu’à quel point M. Olivier a profité des lumières des frères qu’il se plaît à traiter avec un certain mépris. Je ne trouve pas le procédé très noble ; mais si l’on veut donner un coup de pied par derrière pour renverser l’échelle par laquelle on est monté, certes il ne vaut pas la peine d’écrire une brochure, quelque petite qu’elle soit, pour le signaler. M. O. nous dit qu’il a suivi son chemin en tâtonnant. Quand on se soumet à ce qui se trouve dans la Parole, on ne tâtonne pas. On tâtonne avec des pensées d’homme. Avec la Parole on peut être encore ignorant sur bien des points ; mais si l’on reçoit, et avec joie, le joug de la Parole, on ne tâtonne pas.

Le but de M. O. est d’établir ou de diriger des assemblées indépendantes, et de justifier le relâchement dans la discipline. Il ne comprend absolument rien encore à l’unité du corps. Dans le sens pratique, sa brochure est dirigée contre cette unité. Ce sont là les seuls points que je relèverai, en présentant ce que la parole de Dieu dit des assemblées, et quelques nouvelles lumières que Dieu m’a accordées. Celles-ci ne sont pas d’une grande importance, mais ce que la Parole dit est toujours intéressant pour le chrétien. On est heureux de savoir que, si l’on se base sur la Parole, les nouvelles lumières que nous recevons ne renversent jamais les anciennes ; elles les complètent et les rendent plus claires.

Premièrement, qu’il me soit permis de dire que les assemblées de frères, dits de Plymouth, sont si loin de se dire l’assemblée ou « l’église de Dieu » dans une localité, qu’elles se sont toujours formellement opposées à ce titre. Cette insinuation est si peu vraie que c’est la principale chose qui a empêché ces frères de faire partie des troupeaux Rochat. Ils croient qu’eux seuls se réunissent sur le vrai principe de l’église de Dieu, ce dont je ne doute nullement ; mais ils croient que l’église est en ruine, et que la prétention d’être l’église de Dieu dans un endroit serait une prétention fausse. J’ajoute que, si tous les chrétiens d’un endroit se trouvaient réunis, ce qui formerait, dans l’ordre, l’assemblée de l’endroit, je ne lui accorderais pas ce titre, parce que l’église universelle n’est pas rassemblée, et je ne crois pas à des églises indépendantes ; je crois qu’il y a eu autrefois des églises locales, représentant, dans un certain sens, le tout, dans leurs localités, mais nous sommes bien loin de là maintenant. Tous ceux qui ont voulu se donner la peine de s’en enquérir, savent ou ont pu savoir que, dès le commencement, les frères en question se sont fondés sur le principe de Matth. XVIII, comme ressource donnée de Dieu dans la ruine générale. La prétention d’être l’assemblée de Dieu a toujours été repoussée par les frères en question. Toute assemblée réunie par la volonté de Dieu autour de la personne de Jésus, soit en son nom, est une assemblée de Dieu, s’il ne s’agit que de la force des mots ; mais quand il s’agit d’être — l’assemblée de Dieu d’une localité, elle ne l’est pas dans le vrai sens du mot, ni ne saurait l’être vu l’état de l’église universelle. Elle peut se réunir sur le principe de l’église de Dieu, trouver la bénédiction promise, être la seule qui se réunisse selon ce principe dans la localité, et y attacher une immense importance : et elle devrait y attacher une immense importance, si elle veut être obéissante et fidèle ; mais elle est le témoignage de Dieu, seulement en tant que, par sa marche à part, elle rend témoignage à la fidélité de Dieu, aux principes divins qui gouvernent sa marche, et à l’état véritable où l’Église se trouve comme un tout. Dans ce cas elle sera le témoignage de Dieu. Il est certain qu’elle devrait l’être.

M. Olivier veut que la totalité des églises, c’est-à-dire des assemblées, aient constitué l’église où l’assemblée. Il n’en est rien. Numériquement parlant, cela n’est pas vrai. Bien des chrétiens étaient dispersés çà et là, prêchant l’évangile, convertis sans être associés à un troupeau, comme le trésorier de la reine Candace, comme Paul, et Silvain, et Timothée et Tite, dans leurs travaux. Mais ce qui est plus important, le principe est entièrement faux, et la question qui nous occupe y est tout entière. L’assemblée ou le corps se composait d’individus et non d’églises, soit d’assemblées. Voici les paroles de M. O. à la page 11 : « assemblées unies toutes entre elles par une même foi et un même culte et formant, par leur totalité, l’église, le corps de Christ sur la terre. » Aucune idée semblable dans la Parole. Le corps avait des membres. Or les assemblés n’étaient pas les membres, mais les chrétiens individuellement étaient les membres, et, bien que les assemblées eussent la même foi et le même culte, ce n’était pas là le principe constitutif de l’unité du corps : ce principe était la présence du Saint-Esprit qui unissait tous les croyants, Juifs et Gentils, dans un seul et même corps. Le XIIme de la première aux Cor. rend la doctrine de la Parole parfaitement claire à cet égard. Le corps de Christ sur la terre se compose d’individus et non d’églises. Or, dans ce cas, il n’y a d’unité que dans l’ensemble ; il n’y en a dans aucune assemblée locale, si l’on détache cette assemblée du tout comme un tout : si l’on envisage cette assemblée comme une église indépendante. Elle n’a rien à faire avec le corps ; elle n’est pas en principe une assemblée de Dieu. Au commencement de l’épître aux Corinthiens, il est dit : « à l’assemblée de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui sont sanctifiés en Jésus-Christ, saints par appel, avec tous ceux qui en tous lieux invoquent le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, le leur et le nôtre. » Ainsi l’apôtre a pu dire : « vous êtes le corps de Christ. » L’assemblée à Corinthe représentait, à Corinthe, cette seule et unique unité, celle de tous les individus unis à Christ dans un seul corps par le baptême du Saint-Esprit. Tout se rapportait au corps unique, corps composé de tous les membres de Christ. Il n’y avait pas d’action qui ne se rapportât à tout le corps, pas de souffrance d’un membre qui ne fût ressentie de tous les membres du corps. 1 Cor. XII ne laisse aucun doute sur ce point. Les ministères s’exerçaient dans ce tout (1 Cor. XII, 27–28). Leur but était premièrement le perfectionnement des individus, ensuite l’édification du corps de Christ (Éphés. IV, 12).

Le but de cet effort pour faire des troupeaux indépendants, c’est le désir d’être indépendant, de faire sa volonté sans se soumettre à la discipline de l’église en tant que corps unique. M. O. en dit autant (p. 43). Chaque assemblée étant indépendante, unie seulement par une même foi et un même culte (p. 11) est à même de juger les procédés de discipline d’une autre assemblée (p. 43). L’unité du corps n’existe donc point. L’action est l’action d’une église indépendante, ne se rapporte nullement au tout, n’oblige pas les autres assemblées ou les autres chrétiens. On peut exclure quelqu’un d’une assemblée, et une autre assemblée peut recevoir celui qui est exclu. Que ce soit du désordre, c’est évident. Le dehors et le dedans, ce n’est pas le monde et l’église de Dieu. Tout cela est perdu. C’est le dedans d’une petite assemblée volontaire et indépendante qui n’exerce sa discipline que par rapport à elle-même. Il est de toute évidence que le dehors et le dedans de 1 Cor. V n’est pas seulement le dehors et le dedans d’une assemblée particulière, de sorte que le méchant peut être dehors à Corinthe et dedans à Éphèse. L’épître enseigne soigneusement l’unité du corps sur la terre et ne connaît l’action locale que dans cette unité, unité composée d’individus et non d’églises. Envisagez l’action disciplinaire d’un autre point de vue, et vous verrez l’énorme différence des principes, et comment ce système d’églises indépendantes détruit les vérités scripturaires sur ce sujet. Quelle est la vraie force, la vraie source d’autorité dans la discipline ? La présence de Jésus ; non que cette discipline soit l’acte d’une société volontaire qui exclut l’un de ses membres de son sein, mais elle est l’acte d’une assemblée selon Dieu, unie au nom de Jésus et agissant en son nom et par son autorité, pour maintenir la sainteté qui se rattache à ce nom. Si l’église indépendante n’est qu’une société qui agit pour elle-même, une autre assemblée peut juger tout ce qu’elle a fait. Il n’y a pas trace ni de l’unité ni de l’autorité de l’église de Dieu.

Est-ce qu’un troupeau donc est lié mains et pieds dans ces cas, si une autre assemblée a agi précipitamment ? Nullement. Justement, parce que l’unité du corps est vraie et reconnue, et qu’en fait de discipline les membres de ce corps, qui se rassemblent ailleurs, s’intéressent à ce qui se passe en chaque endroit, ils sont libres de faire des réclamations fraternelles, ou de suggérer quelque motif scripturaire : en un mot, capables de toute activité fraternelle à cet égard. Si c’est une assemblée indépendante, cela ne la regarde pas. Elle n’a rien à y voir. Si ces choses se font dans l’unité du corps, chaque chrétien est intéressé à ce qui se passe. Il peut arriver qu’on ne reconnaisse pas la discipline d’une assemblée ; mais alors on la rejette comme assemblée, et l’on nie la présence de Jésus donnant autorité à ses actes, chose très grave, mais qui peut arriver. M. O. a entièrement faussé l’unité du corps, et veut des églises indépendantes et une unité de foi et de culte, l’ensemble des églises formant selon lui l’unité du corps. La Parole ne sait rien de ce système. Le lecteur peut en juger en lisant 1 Cor. XII, Éph. IV, 1 Cor. I, et d’autres passages de la Parole.

Mais il est un autre but qu’on se propose partout où est adopté ce système moitié frères de Plymouth, moitié indépendant ; car ce n’est pas seulement en Suisse qu’on a voulu se placer sur ce terrain. On veut être libre d’appuyer la discipline Béthesdienne, ou des neutres, de ceux qui condamnent l’exclusisme absolu, comme M. O. l’appelle (p. 41), — expression que, je l’avoue, je ne comprends pas. Tout le monde n’est pas exclu, je le suppose. On exclut quelques personnes dans les églises indépendantes de M. O. Les assemblées des frères, dits de Plymouth, en excluent aussi. Il s’agit de savoir si les limites qu’on a mises à l’exclusion sont scripturaires. L’expression d’exclusisme absolu peut servir à jeter de l’opprobre sur des assemblées, avec lesquelles on n’est pas d’accord ; c’est du non-sens. Mais nous avons des expressions un peu plus intelligibles : « des voies disciplinaires qui dépassent de beaucoup l’Écriture » (p. 42). Encore, « pour combattre tel enseignement, nous n’excommunions pas, par grandes masses, des chrétiens qui y sont étrangers » (p. 43). On ne saurait s’y méprendre ; M. O. condamne la discipline des assemblées, dites des frères de Plymouth, et il veut la discipline de Béthesda ou des neutres. C’est le but de sa brochure, et de l’appui qu’il donne aux églises indépendantes. Je ne veux pas fatiguer ni mon lecteur ni moi-même par l’histoire de cette question ; mais le point dont il s’agit réellement est de toute gravité pour l’église de Dieu. Une assemblée peut-elle être corrompue ? Nous avions rompu avec ce que nous considérions comme des outrages et des blasphèmes contre Christ. Jusque-là il n’y a pas eu grande difficulté, des choses pénibles, mais vidées sans grand délai. Mais voici une assemblée qui reçoit ceux que nous avions exclus comme blasphémateurs. Pouvait-on marcher avec cette assemblée, prenant la cène avec ces excommuniés ? Voilà la première question. Pour ma part, je ne le pouvais pas, et ceux qui les admettaient, le sachant et le voulant, n’étaient pas une nouvelle pâte (1 Cor. V). Cela a soulevé cette question : Une assemblée est-elle corrompue quand, le sachant et le voulant, elle admet le péché ou le blasphême ? Nos adversaires ont maintenu qu’une assemblée ne peut être souillée ; que les individus qui sont dans le péché sont souillés, mais que l’assemblée ne pouvait l’être. Ils ont insisté là-dessus dans maints traités. Non-seulement cela, mais les principaux frères d’une réunion dite neutre ont signé une circulaire imprimée, affirmant que, si une assemblée admet la fornication, le sachant et le voulant, nous n’en devrions pas moins reconnaître cette assemblée, et recevoir des lettres de recommandation de sa part. Nous avons jugé que si une assemblée, non par surprise, ce qui peut arriver partout, ou par négligence, ce dont nous sommes tous capables, mais le sachant et le voulant, admet le péché ou le blasphême, elle n’est pas une nouvelle pâte ; que pour être une nouvelle pâte, elle devrait se purifier du vieux le vain (1 Cor. V, 7) et que c’est en le faisant que les autres membres se sont montrés purs dans cette affaire (2 Cor. VII, 11). Autrement ils ne l’auraient pas été. Voilà le principe en question. Plusieurs individus sont allés plus loin, en soutenant que, en aucun cas, le blasphême ou une doctrine quelconque ne donne lieu à la discipline.

Les effets ont été, à mon avis, des plus funestes, mais je me borne à constater la question, sauf que j’en communiquerai le résultat dans un cas qui peut réveiller les consciences suisses. La doctrine en question dans les États-Unis n’a pas été celle de M. Newton, mais la dénégation de l’immortalité de l’âme. Il y a à Philadelphie une réunion (et même deux) sur le principe neutre, qui ne suit pas la discipline dite exagérée, et blâme la sévérité des frères. Ceux qui reçoivent la négation de l’immortalité de l’âme ont été admis dans la réunion ; puis la doctrine y a été enseignée. Nous avons rompu, ou plutôt refusé toute relation avec ces réunions. Les personnes qui blâment notre sévérité n’ont pas voulu se tenir ainsi à l’écart, et à présent les principaux instruments de la mission suisse ou de la Grande-Ligne nient l’immortalité de l’âme. J’espère que tous n’en sont pas là. Dieu le sait. Je n’entre pas davantage dans les détails, ce serait trop pénible, et de peu d’utilité. Ce qui est sûr, c’est que le manque de discipline fidèle, le système relâché, prôné par M. O., le manque d’exclusisme absolu à l’égard de ce qui est faux et mauvais, a jeté la mission suisse dans la doctrine qui nie l’immortalité de l’âme. Il se peut qu’ils disent : nous ne la prêchons pas ; mais la doctrine court : on va demander au ministre ce qu’il en pense : il pense que c’est la vérité, et les âmes y entrent. Eh bien, nous avons refusé ceux qui n’ont pas voulu rompre avec ce système et j’en bénis Dieu. Voilà un beau champ de travail ruiné, précisément par le système que prône M. O. Des réunions neutres, se prévalant de l’absence de l’exclusisme absolu et approuvées en cela par Béthesda, et par les neutres, et par les Olivier, sont des trappes pour les âmes simples qui se rendent à New-York et à Philadelphie. La question n’est plus Béthesda, mais : est-ce qu’une assemblée, qui admet sciemment de graves erreurs, peut être reconnue comme une assemblée de Dieu et ceux qui sont complices de la chose, tenus pour innocents, quoiqu’ils appuient le mal, parce qu’ils ne sont pas des blasphémateurs eux-mêmes ? Dans 2 Tim. II, il nous est enjoint de nous purifier des vases à déshonneur. Est-ce se purifier que d’être en pleine communion avec eux ? 1 Cor. V et 2 Cor. VII décident la question pour moi, quant à la condition de ceux qui appuient le mal, sans être personnellement coupables.

J’aurais bien des choses à relever dans le traité de M. O., mais ce n’est pas là mon but. Quand il est dit (p. 2) : « l’Église est engendrée de Dieu, » aucun passage cité ne parle de l’église. Elle n’est pas engendrée de Dieu. Ce sont les individus qui le sont. Ce n’est pas l’engendrement qui les fait membres de l’église, mais le baptême du Saint-Esprit. Je ne sais pas en quel sens M. Olivier veut que l’apôtre ait dit à l’église de Corinthe : « vous êtes le corps de Christ. » Mais je ne m’occupe pas de ces choses. Je tiens seulement à constater que le traité est un programme d’adhésion à un système qui nie la vraie unité de l’église, qui établit des églises indépendantes, et qui justifie une discipline, ou plutôt un manque de fidélité à Christ, ce qui fait, de ce qu’on appelle de saintes assemblées, un piége pour les simples pour les enlacer en des doctrines fausses et délétères, et pour détruire l’intégrité de la conscience, résultat certain de toute fausse doctrine.

Je ne crois pas que l’apostasie publique soit arrivée, mais je crois que, dans l’esprit de la chose, elle a eu lieu il y a longtemps, comme il y avait plusieurs anti-christs, quoique l’Anti christ ne fût pas là. Or, l’Anti-christ, au moins l’homme de péché, se rattache à l’apostasie. M. O. veut le démembrement. Ce serait une impertinence de ma part que de contester avec M. O. sur la valeur des mots français ; mais, dans les choses de Dieu, il y a plus que les mots. Je trouve celui qu’il a choisi le plus malencontreux possible. Le sens propre de ce terme est l’acte d’arracher un membre d’un corps. Il est employé pour la division d’un état, d’un royaume, etc. Mais dans le figuré quelque chose de la signification propre reste toujours. C’est la force majeure, venant du dehors, qui divise. On a démembré la Pologne, la Bavière, et si l’on parle du démembrement d’une société, de sorte qu’elle se divise en plusieurs parties, toujours est-il que cela laisse l’idée d’un effet produit sur la société. Peu importe que les membres s’entendent pour cela, la société souffre violence : il reste toujours quelque chose de l’idée originelle. Maintenant j’admets que l’apostasie, dans le sens plein et entier du mot, n’est pas arrivée, et que l’application de ce terme au système de Rome, application faite par la masse des écrivains protestants[1], dépassait la vraie force du mot. Mais remarquez que l’apostasie est la faute de l’église sur la terre ; elle avait perdu son premier amour ; elle avait eu du temps pour se repentir, et ne s’était pas repentie ; elle avait un bruit de vivre, et elle était morte ; elle allait être vomie de la bouche du Sauveur. C’était un état moral dont l’église était responsable, et si l’apostasie n’est pas arrivée, on en est venu à un tel point dans cette voie que la distance qui nous en sépare n’est guère appréciable ; seulement l’Esprit de Dieu agit d’une manière remarquable. Au reste M. O. admet maintenant la chute de l’église, qui est la chose importante. Mais le démembrement (affreux mot quand il s’agit du corps de Christ), dont M. O. peut se servir parce que la vraie idée du corps n’a pas de place dans ses pensées, — le démembrement n’est qu’un fait. L’apostasie ou la tendance à l’apostasie exprime la pensée — écrasante, si la grâce du Seigneur n’était pas révélée : — de l’infidélité de l’église à Celui qui l’a tant aimée. Mais il y a une autre chose ; s’il s’agit du corps de Christ, et de membres unis au Chef dans le ciel, le démembrement de l’église est une horreur. Si l’église sur la terre est une simple société, alors elle se démembre, ou se divise, se décompose. Or M. O. n’a pas la moindre idée de l’unité du corps, ni de la responsabilité de l’église à maintenir cette position qu’elle n’a jamais eue à ses yeux ; c’était une société composée de plusieurs sociétés locales. Se diviser était peut-être un mal, mais un mal qui arrivait à une société terrestre. « L’église à Corinthe, malgré ses désordres, n’était pas démembrée au temps de Paul, et il pouvait encore leur dire : « Vous êtes le corps de Christ » (p.3). Si M. O. avait la moindre idée du corps de Christ, cette phrase eût été impossible. Elle n’a pas de sens pour celui qui comprend ce qu’est le corps.

Je me permets d’ajouter quelques mots à l’égard des deux points de vue sous lesquels la Parole envisage la maison. Christ (Matth. XVI) bâtit la maison et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. C’est Christ qui bâtit, la maison n’est pas achevée encore. En 1 Pierre II, les pierres vivantes s’ajoutent, il n’y a pas d’architecte humain. En Éph. II, l’édifice bien ajusté croît pour être un temple saint dans le Seigneur. Mais en 1 Cor. III, nous trouvons tout autre chose : Paul est un sage architecte. Chacun doit prendre garde comment il bâtit. Voilà la responsabilité de l’homme, bien que l’édifice soit appelé l’édifice de Dieu. Celui qui, étant chrétien, bâtit bien, a une récompense ; celui qui, étant chrétien sur le fondement, bâtit mal, perdra ses peines, mais il est sauvé. Il y a une troisième catégorie. Celui qui corrompt sera lui-même détruit. Or le papisme et le système ritualiste ont confondu le temple que Jésus-Christ bâtit, ce qui croît pour être un temple, avec ce qui dépend de la responsabilité de l’homme ; erreur grave et fatale. Ils en font autant quant au corps. Mais il y avait responsabilité de maintenir l’unité de l’Esprit, et ainsi la manifestation de l’unité du corps, et l’église y a manqué ; puis elle a confondu le corps avec ce que l’homme a bâti. L’unité de Jean XVII n’est pas l’unité du corps ; Jean ne parle jamais de l’église. Il s’agit d’une unité de frères ou de disciples, ce que manifesterait en effet la puissance de l’Esprit de Dieu.

M. Olivier nous renvoie à une autre brochure sur les Anciens, etc. Il voudrait en nommer quand l’esprit des frères serait préparé pour les recevoir. Comme autorité pour cela, les vieux principes dissidents étant rejetés, il n’a que ce raisonnement, savoir, que les apôtres ont dû nécessairement pourvoir à l’avenir de l’église, point déjà discuté avec M. de Gasparin, et qui n’est qu’un raisonnement, et un raisonnement faux, car il suppose que Dieu a voulu donner à connaître aux chrétiens que l’église devait subsister longtemps sur la terre, c’est-à-dire détruire l’attente présente du Seigneur, ce que sa parole évite de la manière la plus remarquable, en insistant sur cette attente. Je crois avec beaucoup de chrétiens que les sept églises donnent une histoire de la chrétienté ; mais Dieu a pris des églises qui subsistaient alors pour ne pas faire sortir les chrétiens de cette attente continuelle. Les vierges qui s’endorment sont celles qui se réveillent. Les serviteurs, qui reçoivent les talents au départ du Maître, sont ceux qui sont jugés à son retour. La durée du délai ne dépasse pas la vie d’un homme. « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, » dit le Seigneur. « Nous qui vivons et restons jusqu’à la venue du Seigneur, » dit l’apôtre ; et : « Vous, comme des serviteurs qui attendent leur Maître, » dit encore le Seigneur. Une attente de tous les jours, voilà non seulement une idée, mais ce qui caractérisait les premiers disciples. Ils étaient convertis pour attendre son Fils du ciel, et Dieu n’est pas tardif pour ce qui regarde sa promesse. Mais quant à un arrangement qui suppose une longue durée de l’église sur la terre, il n’y en a pas trace dans la Parole. Pour appuyer cette fausse idée, M. O. a recours à un passage de Clément de Rome — fatal signe, quand il faut sortir de la Parole pour Soutenir sa thèse. — Mais la phrase, par laquelle Clément veut expliquer ses vues à cet égard, est des plus obscures. Un des termes employés est un mot inconnu, si ce n’est dans un tout autre sens en Plutarque et ne se trouve pas du tout dans le dictionnaire d’Alexandre. La force même de la phrase est contestée. En général elle est appliquée à la mort des anciens nommés par les apôtres ; mais il y a des théologiens sérieux qui appliquent les mots : « quand ils seraient endormis, » aux apôtres et insistent sur le passage comme preuve de l’épiscopat, admettant qu’il n’y a rien de cela dans la Parole, mais, que les apôtres, en vue de leur délogement, ont disposé que d’autres hommes éprouvés leur succéderaient dans leur autorité ; position que M. O., si je l’ai bien compris, s’arroge en se mettant au rang de ceux qui ont remplacé les apôtres comme έλλόγιμοι ἄνδρες:. Je n’accepte pas cette interprétation du passage de Clément, qu’on appuie par les δεύτεραι διάταξεις d’un passage d’Irénée, si toutefois le fragment est de lui, et de la nomination de Siméon comme successeur de Jacques par une convention des apôtres qui vivaient encore, de laquelle parle Eusèbe et d’autres autorités patristiques. Mais quel pauvre fondement que tout cela au prix de la Parole de Dieu donnée pour tous les temps par Dieu lui-même, la divine lumière au milieu des ténèbres de ce monde.

Du reste, voici le fond de la question. Ce qui a donné lieu à l’existence des frères, dits de Plymouth, c’est la grande vérité, le grand fait de la descente du Saint-Esprit, le jour de la Pentecôte, pour former le corps de Christ en unité ; puis la venue du Sauveur, comme attente continuelle du chrétien. Ces deux vérités, la brochure de M. O. les nie. Il y a trois positions principales de Christ comme Sauveur. Sur la croix, accomplissant la rédemption ; à la droite de Dieu, d’où il envoie le Saint-Esprit ; revenant pour nous chercher et pour juger le monde. La première vérité, c’est l’évangile annoncé à l’homme pécheur. Les deux dernières ont été remises en évidence dans ces derniers temps et ce sont elles qui ont réveillé l’attention et qui ont placé les frères, dits de Plymouth, dans la position où ils se trouvent. Elles jettent une immense lumière sur la première vérité aussi. Le monde évangélique ne veut pas les recevoir. Dès lors lutte et opprobre, comme il en arrive toujours avec des vérités nouvellement mises en lumière. M. O. admet bien des conséquences de détail, mais sa brochure nie complétement le fond de la vérité sur ces points. Il veut une unité formée d’églises locales et indépendantes, ayant une même foi et un même culte, et il veut démontrer par des raisonnements, ou supposer plutôt, que les apôtres ont enseigné les chrétiens à s’attendre à une longue durée de siècles avant que le Seigneur vînt. C’est-à-dire, il nie encore les grandes vérités nécessaires pour les chrétiens dans ces temps-ci. Je constate le fait, parce que je le crois important pour les chrétiens, en priant M. O, de s’assurer qu’il n’y a pas une trace d’hostilité dans mon cœur. Quand le mal monte à grands flots, ce n’est pas le moment, pour les chrétiens, de se déchirer l’un l’autre, quelque ferme qu’on puisse être à maintenir les principes qu’on est sûr d’avoir puisés dans la Parole.

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  1. On a amplement discuté la question, ainsi que le sens dans lequel le mot apostasie s’applique à l’Église ; on ne s’en est ému que quand j’ai montré par Rom. XI, que s’il y avait apostasie dans l’église de Rome, il n’y avait pas de rétablissement de l’église. Ce qui reste toujours vrai pour le fond.