Œuvres complètes de François CoppéeLibrairie L. HébertPoésies, tome II (p. 319-320).

PURGATOIRE


J’ai fait ce rêve : — J’étais mort.
Une voix dit : « Ton âme impie,
En un très misérable sort,
Va revivre, afin qu’elle expie.

Dans le bois, qu’octobre jaunit
Et que le vent du nord flagelle,
Deviens le passereau sans nid.
— Merci ! Je vais voler vers elle.

 
— Non ! Sois plutôt l’arbre isolé,
Et, dans l’ouragan qui s’irrite,
Tords ton feuillage échevelé,
— Soit ! Il se peut que je l’abrite.

— Alors, cœur plein d’amour humain,
Sois le caillou que broie et roule
Le chariot sur un grand chemin.
— Qu’importe ? si son pied me foule.
 
— Insensé, » dit enfin la voix,
Qui gronda pour cet anathème,
« Sois donc homme encore une fois,
Et revis, mais sans qu’elle t’aime ! »