Psychologie politique et défense sociale/Livre II/Chapitre II

Texte établi par Les Amis de Gustave Le Bon,  (p. 50-59).


CHAPITRE II

Les méfaits des lois


Pour justifier les propositions énoncées dans le précédent chapitre, il ne sera pas inutile d’examiner les conséquences de quelques-unes de ces lois improvisées par les cerveaux fantaisistes des législateurs.

Xerxès, dit la légende, fit fouetter la mer pour la punir d’avoir détruit ses vaisseaux et, sans doute, lui ôter l’envie de recommencer. La mentalité de l’illustre roi semble un peu rudimentaire aujourd’hui. Elle est très proche pourtant de celle des législateurs qui prétendent transformer au gré de leurs rêves les nécessités de toutes sortes régissant l’évolution des sociétés.

Ces nécessités sont cependant aussi immuables que les lois physiques. On ne les voit pas toujours, mais il faut invariablement les subir et vainement essayons-nous de leur opposer la codification de nos ignorances.

L’avenir seul, montrera combien sont dangereuses les tentatives actuelles de rénovation sociale des collectivistes révolutionnaires et des législateurs qui les suivent.

De telles illusions ne perdent leur puissance que le jour où en apparaissent les conséquences. Il fallut Sedan pour nous révéler les dangers du césarisme impérial. Des expériences analogues seront nécessaires pour dévoiler ceux du césarisme socialiste.


En étudiant les illusions législatives, nous avons sommairement retracé les lignes générales de la vie du droit et de la genèse des lois, et montré comment ces dernières naissent de la coutume et sont modifiées lentement, chaque jour, suivant les besoins, par la jurisprudence. La loi nous est apparue comme une codification momentanée d’un droit évoluant sans cesse. L’existence sociale, contrairement à ce que supposent les métaphysiciens du collectivisme, ne s’organise pas à l’aide de décrets improvisés, mais sous l’action des nécessités économiques, et du caractère des peuples.

Sans doute, on peut remarquer, et l’illusion socialiste n’a guère d’autre appui, que de Solon à Napoléon surgirent brusquement dans l’histoire, des codes semblant issus de toutes pièces du cerveau d’un seul législateur. L’examen attentif de ces codes, celui de Napoléon, par exemple, démontre vite qu’ils sont simplement au contraire, la condensation et la simplification de coutumes antérieures fixées par l’usage. Les codes supposés nouveaux sanctionnent et n’improvisent pas. Ils n’improvisent pas davantage quand devient nécessaire d’imposer à des contrées, jadis séparées, des lois générales destinées à remplacer leurs droits particuliers. C’est ce qui arriva pour la France à la fin du XVIIIe siècle et, beaucoup, plus récemment, pour l’Allemagne et la Suisse. Ces grands pays ont fini par fondre en un seul texte les codes divers de provinces d’abord très dissemblables, puis rapprochées et enfin identifiées par la similitude des intérêts.

Depuis l’extension du collectivisme révolutionnaire, les théoriciens paraissent s’être formé une conception du droit bien différente. Suivant eux, une société se referait avec des codes. La puissance surnaturelle attribuée aux lois a remplacé celle attribuée aux dieux.

De telles croyances n’étaient défendables qu’à l’époque où de savants théologiens enseignaient que les divinités, intervenant sans cesse dans les affaires humaines, révélaient aux peuples leur volonté par l’intermédiaire des rois. De lois naturelles inflexibles il ne pouvait alors être question. La théologie socialiste n’en tient pas compte davantage aujourd’hui. Les apôtres de la foi nouvelle ignorent les nécessités sociales tout autant que les prêtres des divinités antiques.

Contrairement à ces chimériques doctrines, nous apercevons clairement aujourd’hui que les phénomènes historiques les plus considérables sont engendrés par des causes lointaines, nombreuses et étroitement enchaînées. C’est parfois de l’accumulation de petites causes que naissent les grands effets. En histoire, le pondérable sort souvent de l’impondérable. Les milliers de petits faits, parfois inaperçus, dont les grands événements sont la synthèse, finissent par s’orienter dans une même direction, en vertu de lois rigoureuses analogues à celles qui obligent un astre à suivre une certaine trajectoire ou le gland à devenir un chêne. Ainsi canalisés, tous ces petits événements journaliers engendrent des courants qui, très faibles à l’origine, et pouvant être facilement détournés, deviennent irrésistibles plus tard, quand leur force s’est suffisamment accrue. Alors, les grandes digues sociales sont renversées, et l’évolution d’un peuple se transforme en une révolution.

Dans toutes les transformations lentement créées par le temps, le rôle de la raison, nous l’avons dit déjà, fut toujours très faible. Les vrais maîtres de l’histoire, les fondateurs de grandes religions et de grands empires l’ont d’ailleurs tous pressenti. Jamais ils n’essayèrent d’agir sur la raison des hommes, mais bien d’influencer leurs sentiments et de conquérir leur cœur.

Mais cette phase héroïque du monde semble en voie de s’évanouir. Avec l’évolution de la science et de l’industrie où l’humanité est entrée, les codes des nécessités économiques remplacent les codes religieux devenus impuissants.

Il importe de ne pas ressusciter, sous forme d’une théologie socialiste la doctrine antique nous montrant les peuples gouvernés par de divins caprices. La grande utopie des réformateurs est précisément d’attribuer à des lois le pouvoir magique maintenant refusé aux Dieux. Leur rêve de rénovation sociale ne tient aucun compte des nécessités naturelles. Mais, si les vieilles divinités excusaient parfois nos faiblesses et se montraient accessibles à la pitié, les lois naturelles restent inflexibles et ne pardonnent jamais. Vouloir leur opposer d’artificiels décrets est toujours une dangereuse entreprise. Il ne serait pas plus vain d’essayer d’arrêter une locomotive avec des discours.

Voilà, pourtant, la tâche que nous nous obstinons à tenter chaque jour avec les lois accumulées par d’imprudents législateurs. L’expérience peut seule agir sur les esprits hallucinés par leur foi. Or, ces expériences se multiplient et nous apercevons de mieux en mieux les conséquences des mesures précipitées, entassées pour remédier aux imperfections de l’état social. On commence à constater que la presque totalité de ces mesures n’a fait qu’augmenter les maux qu’on voulait guérir, et cela, simplement parce qu’elles prétendaient entraver le cours naturel des choses.


L’énumération de ces lois nuisibles et de leurs répercussions remplirait un volume. Je vais donc me borner à en citer quelques unes avec la concision que le défaut de place m’impose. Il ne s’agira point ici, de contester les intentions du législateur, sans doute excellentes, mais de montrer les résultats de ses actes.

Lois sur tes primes à la marine marchande.

Coût annuel actuellement, 41 millions. Résultat : accélération rapide de la décadence de notre marine et rentes importantes servies à des compagnies allemandes.

L’énormité de cette double conséquence est telle qu’il faut entrer dans certains détails. Je les emprunte au livre récent de Jules Huret sur l’Allemagne. La compétence de son interlocuteur, monsieur Platé, n’est pas discutable, puisqu’il est directeur du Norddeutscher Lloyd, une des deux ou trois plus grandes compagnies de navigation du monde.

Je dis à monsieur Platé : « Vous qui assistez et participez à la prospérité extraordinaire des ports allemands, comment expliquez-vous notre arrêt et vos progrès ?

— C’est bien simple, me répondit-il assez brutalement, votre système de primes à la navigation, c’est la mort. Vous donnez de l’argent pour ne rien faire : on ne fait rien ! Mais le résultat le plus cocasse de ce système, c’est que l’argent que vous distribuez ainsi a profité jusqu’à présent à des Allemands et à des Anglais.

« Je ne devrais pas dire cela, ajouta-t-il, puisque ce sont mes compatriotes qui bénéficient de vos erreurs. Mais, puisque vous me demandez mon avis, je vous le donne en toute honnêteté. »

Monsieur Platé explique ensuite comment des groupes étrangers fondèrent en France des sociétés de bateaux avec des capitaux allemands et anglais. L’État français payait, comme on le sait, des primes pour les kilomètres parcourus même par les bateaux vides. « On fit donc des tours du monde bien rémunérateurs aux frais du budget français. »

Un armateur me disait qu’en huit ans, en promenant ainsi son bateau vide, il avait regagné le prix de sa construction.

Monsieur Platé cite des bateaux refusant des chargements pour ne pas perdre de temps, trouvant plus de bénéfice à circuler vides. Monsieur Huret ayant fait observer que la loi avait été modifiée et qu’il fallait maintenant que les bateaux fussent chargés pour toucher la prime, le directeur du Lloyd lui fit observer que presque rien n’avait été changé en réalité puisqu’il suffisait d’un quart de fret pour profiter de la prime. Pour contre-balancer les primes françaises, quelques Allemands avaient réclamé aussi des primes, mais les directeurs des grandes Compagnies les refusèrent énergiquement. « C’eût été, dit le directeur du Lloyd, la mort de notre initiative et de notre activité et le commencement de la déchéance de la marine commerciale allemande. Votre exemple nous suffit. Les primes d’encouragement sont des primes de mort. Nous ne recevons des subventions que pour des services rendus : transports de la poste, etc. Nous demeurons dans l’inaction… Pendant ce temps, les autres pays marchent, et c’est ainsi que la France se voit chaque jour distancée… »

Loi de 1900 limitant le travail des jeunes dans les manufactures.

Résultats 1°/ Disparition de l’apprentissage et crise prochaine très menaçante pour la main-d’œuvre dans l’industrie. 2°/ Augmentation de la criminalité infantile qui a doublé depuis l’application de cette loi.

Ces conséquences, monsieur le sénateur Touron les a très nettement rappelées dans un récent rapport au Sénat.

« Il est universellement reconnu aujourd’hui, écrit-il, que l’application de cette loi a amené bon nombre de chefs d’industrie à supprimer dans leurs usines l’emploi des jeunes ouvriers. »

Après avoir constaté qu’à Paris le nombre des adolescents devenus apaches a doublé (2.273 au lieu de 1.174), il ajoute « L’une des causes principales de ce phénomène réside précisément dans les rigueurs d’une réglementation du travail qui, en éloignant les jeunes gens de l’atelier, les a jetés à la rue, abandonnés à tous les dangers de la promiscuité. »

Loi sur le privilège des bouilleurs de cru.

Cette loi autorise les propriétaires récoltants à distiller sans payer de droits. Il ne leur reste plus ensuite qu’à écouler leurs eaux-de-vie, opération facile et permettant de bénéficier de 220 francs de droits par hectolitre d’alcool pur. Résultats : 1°/ Perte pour le Trésor évalué à plus de 100 millions par an. 2°/ Accroissement énorme de l’alcoolisme dans les familles qui auraient reculé devant le coût des eaux-de-vie commerciales.

Loi d’expropriation des congrégations.

Résultat final encore inconnu, mais facile à prévoir. Devait produire un milliard. Paraît ne pas devoir rapporter plus de 10 millions. N’a servi qu’à enrichir une armée de gens de loi. En compensation, nécessité de créer un nombre immense d’écoles, d’établissements hospitaliers, etc., pour remplacer ceux entretenus par les congrégations. Au lieu d’un milliard de recettes, ce sera sûrement des centaines de millions à dépenser. Je ne parle pas des conséquences sociales de cette très immorale opération : exaspération de milliers de citoyens, développement chez les socialistes de cette idée que l’État peut par une simple loi s’emparer des propriétés privées ou des usines, comme il l’a fait, par exemple, pour celle des Chartreux. Ce dépouillement de toute une classe de citoyens a provoqué une violente indignation chez les nations étrangères et nous a davantage nui dans leur esprit que la perte de plusieurs batailles. Le sujet sera repris dans un autre chapitre.

Lois sur les primes aux fabricants de sucre.

Lois abolies après avoir coûté à l’État des centaines de millions. Les résultats furent uniquement une surproduction artificielle du sucre et cette conséquence admirable que les fabricants français vendaient en France leur sucre 4 à 5 fois plus cher qu’aux Anglais. Ils eurent tous d’ailleurs le temps de s’enrichir aux dépens du consommateur.

Loi décrétant la liberté des cafés, cabarets, débits de boissons.

Cette loi n’a rien coûté en apparence à l’État, mais fort cher aux citoyens, par le développement considérable de l’alcoolisme. En peuplant les hôpitaux et affaiblissant les forces françaises, elle a indirectement été très onéreuse.

Loi du rachat des Chemins de fer de l’Ouest.

Cette loi n’étant qu’à ses débuts, les effets ne s’en feront sentir complètement que dans quelques années. Dès le lendemain du vote, les employés se réunirent pour demander des augmentations de salaire mais elles ne sont pas acceptées encore. Actuellement, l’élévation des dépenses, c’est-à-dire la perte annuelle de l’État, s’élève pour 1910, d’après le rapport de monsieur Doumer, à 50 millions. Ce n’est d’ailleurs qu’un tout petit commencement. Par les faits observés à la Ville de Paris, on peut juger ce que devient un service dont le personnel est transformé en fonctionnaires.

« Chaque fois, écrivait récemment monsieur Delombre, que la Ville a » municipalisé « un personnel, le rendement de la main-d’œuvre a diminué pendant qu’augmentaient, au contraire, les salaires et les frais accessoires. N’a-t-on pas vu, dans certains services, les frais de maladie tripler d’une année à l’autre, simplement parce que le personnel de ces services avait été assimilé au personnel municipal ».

Ces coûteuses vérités ne sauraient, bien entendu, ébranler la foi socialiste.

Lois destinées à remédier à la crise viticole du Midi.

Ces lois, déjà innombrables et toujours impuissantes, montrent clairement l’incapacité du législateur à lutter contre des nécessités naturelles. Par la culture exagérément développée de ses vignes, le Midi est arrivé à une surproduction de vins, de qualité souvent douteuse, et dont il augmentait encore la quantité par l’addition de sucre. Que faire en pareil cas ? Simplement ce que firent jadis les cultivateurs de garance quand fut découverte l’alizarine. Ils renoncèrent à la garance et plantèrent autre chose. On n’avait pas heureusement à cette époque lointaine, la même confiance qu’aujourd’hui dans la puissance de l’État, autrement la fabrication de l’alizarine économique eût été supprimée pour assurer la vente de la très coûteuse garance.

Mais nous avons fait des progrès et c’est à l’État que les Méridionaux demandèrent d’acquérir le vin dont le public ne voulait plus. Ils prétendaient l’obliger à acheter sous forme d’alcool ou, ce qui revient exactement au même à donner aux viticulteurs des primes à la distillation. L’histoire de la crise du Midi restera dans l’avenir comme un mémorable exemple de la mentalité d’un pays où s’est épanoui l’Étatisme. Inutile d’ajouter, je pense, qu’une crise analogue eût été impossible dans des contrées comme l’Amérique et l’Angleterre où les particuliers sont habitués à compter sur leur initiative et jamais sur l’intervention de l’État.

Loi sur le repos hebdomadaire forcé.

Résultats : 1°/ Augmentation d’au moins 10% de la plupart des objets de consommation. 2°/ Troubles tellement profonds dans l’industrie et le commerce qu’il fallut apporter immédiatement une foule de tempéraments à la loi. Mais c’est surtout pour les ouvriers qu’elle est coûteuse. Dans la plupart des industries, sévissent annuellement plusieurs mois de chômage qui constituaient un repos très suffisant. Ces catégories d’ouvriers perdent maintenant leur salaire du dimanche, sans parler de la dépense au cabaret. J’ai entendu plusieurs d’entre eux évaluer à un déficit de trois ou quatre cents francs par an le coût de la nouvelle loi pour eux.

Loi sur les retraites ouvrières.

Cette loi n’est pas encore complètement appliquée, mais on peut facilement en prévoir les conséquences. Repoussée par la majorité de la classe ouvrière elle sera l’origine de troubles incessants. Les mutualités dues à l’initiative privée suffisaient à créer ces retraites qu’elles avaient commencé à constituer partout. En les rendant obligatoires, c’est-à-dire en obligeant patrons et ouvriers à verser au Trésor des sommes relativement élevées le législateur a simplement établi des impôts nouveaux qui vont lourdement grever notre industrie déjà si accablée. Cela sans grand profit puisqu’on estime qu’une faible partie des ouvriers arriveront à l’âge de la retraite. La majorité aura donc payé pour rien. Avec les formes actuelles de mutualités au contraire un versement rapporte toujours quelque chose et n’est jamais perdu.

Pour récupérer le montant de ses sacrifices, écrit le Temps, et pour parvenir à cette terre promise de la retraite, le travailleur devra remplir diverses conditions, dont une au moins ne dépend pas de lui : Il devra atteindre l’âge de 65 ans. S’il vient à décéder avant cet âge, il aura été dépouillé purement et simplement d’une grande partie de son épargne. La belle façon d’enseigner la prévoyance !

Pour assurer que ces prévoyants malgré eux ne puissent pas éluder l’obligation à laquelle ils se voient soumis, la loi ordonne que les patrons retiendront sur les salaires les sommes dues par les ouvriers. C’est l’organisation de la lutte de classes. À chaque paye, les mêmes résistances s’élèveront.


Arrêtons-nous dans cette énumération qui pourrait être beaucoup plus longue. Aux conséquences indiquées, il faudrait ajouter une impopularité parlementaire croissante dont je parlerai dans un prochain chapitre. Le malade ne pardonne guère au médecin l’insuccès de ses remèdes.

D’une façon générale, il est permis de dire que la plupart des lois prétendues humanitaires accumulées par des législateurs peu éclairés ont produit d’abord de désastreux effets particuliers. Elles commencent maintenant à engendrer des conséquences générales de plus en plus sensibles et que révèlent d’indiscutables statistiques.

Les ruines industrielles provoquées par elles retomberont de tout leur poids sur les ouvriers chaque jour davantage guettés par le chômage et la concurrence étrangère qui possède une autre conception de l’organisation du travail. Ils seront alors victimes de ces grandes lois naturelles que l’étroitesse d’esprit des législateurs ne leur permet pas de comprendre.

Bien d’autres que nous ont signalé les méfaits de ces lois malfaisantes et ruineuses.

Les charges énormes résultant de ce qu’on appelle la politique sociale, écrit Paul Delombre, ne déterminent pas le moindre apaisement et nous conduiront à la faillite avant d’avoir désarmé la cogère professionnelle des démagogues socialistes. Les députés, élus au scrutin d’arrondissement, donnent la mesure de la valeur du système, en gaspillant sans merci les ressources publiques.

Nos parlementaires ont créé à ce pays, écrit monsieur Jules René, ce que nous appellerons la mentalité miraculaire, l’état d’esprit messianique. Et l’on étonnerait bien les esprits positifs, qui rient de Lourdes et de ses prodiges en leur démontrant qu’ils attendent de la part de l’État des miracles politiques et sociaux plus étonnant encore que ceux de la Vierge des Pyrénées. Dans les masses profondes, la croyance s’est fortifiée et enracinée, que le Parlement n’a qu’à le vouloir pour changer l’eau en vin, le bronze en or, le pain en gâteau et la misère en richesse. Et si cette transmutation merveilleuse tarde à se produire, la chose ne tient qu’aux lenteurs du Sénat et à la négligence de l’autre Chambre. Mais, que les députés apportent un peu plus d’application et les sénateurs un peu plus de hâte à la confection des textes, la face de la France sera aussitôt changée !

Avertissements justes mais sûrement inutiles. Ce n’est pas seulement dans le monde antique que Jupiter aveuglait d’abord ceux qu’il voulait perdre. Les conséquences de tant de lois votées au hasard se retourneront de plus en plus contre leurs instigateurs. L’histoire est remplie de ces incidences. Il est rare, comme l’a dit Bossuet, que « la pensée humaine ne travaille pas pour des fins qui non seulement la dépasse, mais qui sont le contraire même de son dessein. »