Proverbes dramatiques/L’Étranger

Explication du Proverbe :

Proverbes dramatiquesLejayTome IV (p. 69-98).


L’ÉTRANGER

CINQUANTIEME PROVERBE.


PERSONNAGES.


M. TROTBERG, Banquier Allemand. Habit verd, à brandebourgs d’or, boutonné, perruque à nœuds, chapeau & épée, haute, avec cravatte.
M. DU BREUIL, Banquier François. Habit de velours de Printems, de plusieurs couleurs, perruque à nœuds. À la seconde Scène, canne & épée.
M. DU BREUIL, fils. En habit de campagne, & couteau-de-chasse.
LA PIERRE, Laquais de M. du Breuil. Habit gris-de-fer, petit galon de livrée.


La Scène est chez M. du Breuil, dans une Chambre à coucher.

Scène premiere.


M. TROTBERG, M. DUBREUIL, pere.
M. DUBREUIL, pere.

Monsieur, voilà votre appartement.

M. TROTBERG.

Appartement ?

M. DUBREUIL, pere.

Oui, votre logement.

M. TROTBERG.

Ah, logement, c’est appartement ; je comprends fort bon. Il est fort joli.

M. DUBREUIL, pere.

Monsieur, je voudrois que vous vous trouvassiez bien chez moi, je vous ai tant d’obligation, d’avoir bien voulu recevoir mon fils à Nuremberg, que je ne puis assez vous en marquer ma reconnoissance.

M. TROTBERG, écrivant sur des tablettes.

Monsieur, vous dites logement ; c’est appartement ?

M. DUBREUIL, pere.

Oui, Monsieur.

M. TROTBERG.

C’est que j’écris à mesure que je entend, pour garder dans le mémoire.

M. DUBREUIL, pere.

C’est une très-bonne façon d’apprendre le François.

M. TROTBERG.

Oui, c’est que comme cela, on apprend meilleur, & j’ai commandé de même à Monsieur votre fils, dans sa voyage d’Allemagne.

M. DUBREUIL, pere.

C’est un bon avis que vous lui avez donné.

M. TROTBERG.

Avis ?

M. DUBREUIL, pere.

Oui, Monsieur.

M. TROTBERG.

Je n’ai rien donné qui soit avis.

M. DUBREUIL, pere.

Je vous demande pardon ; avis, c’est conseil, avertissement.

M. TROTBERG.

Ah, permettez que j’écrive avertissement, conseil, c’est avis. (Il écrit.)

M. DUBREUIL, pere.

Oui, Monsieur.

M. TROTBERG.

Tiaple ! je croyois, à Nuremberg, savoir bien la Langue du François, je vois à présent que c’est bien autrement encore que je disois.

M. DUBREUIL, pere.

Vous parlez bien, cependant.

M. TROTBERG.

Ah ! comme cela, pas trop autrement, & je suis impatientement que Monsieur votre fils, il soit ici, pour me expliquer mieux.

M. DUBREUIL, pere.

Il arrivera bientôt, il n’est qu’à trois lieues d’ici, il sait que vous devez venir, & je l’ai envoyé querir.

M. TROTBERG.

Querir ? Est-ce courir ?

M. DUBREUIL, pere.

Non, querir, c’est chercher ?

M. TROTBERG.

Chercher, c’est querir ? il faut que je écrive aussi querir, chercher, querir. (Il écrit.)

M. DUBREUIL, pere.

Monsieur, je vous prie de vous regarder ici comme le maître de la maison ; ordonnez, & l’on vous donnera tout ce que vous voudrez.

M. TROTBERG.

À moi ?

M. DUBREUIL, pere.

À vous.

M. TROTBERG.

Pour mon besoin ?

M. DUBREUIL, pere.

Tout ce qui vous sera nécessaire.

M. TROTBERG.

Nécessaire ? cela veut dire ?…

M. DUBREUIL, pere.

Besoin.

M. TROTBERG.

Tiaple ! vous avez toujours deux mots pour un, je comprends pas cela : vous dites besoin ; c’est nécessaire ?

M. DUBREUIL, pere.

Oui, nécessaire.

M. TROTBERG.

Je écris aussi.

M. DUBREUIL, pere.

C’est très-bien fait.

M. TROTBERG.

Allons, je ne veux parler que françois quand je reste dans cette pays, même quand je suis avec moi tout seul, cela il me apprendra.

M. DUBREUIL, pere.

C’est un bon moyen.

M. TROTBERG.

Un bon moyen ?

M. DUBREUIL, pere.

Oui, une méthode très-bonne.

M. TROTBERG.

Encore moyen ; c’est méthode ?

M. DUBREUIL, pere.

Oui, dans ce cas-là ; mais il vaut mieux dire, méthode.

M. TROTBERG.

Je écris donc méthode, puisqu’il est le meilleur.

M. DUBREUIL, pere.

Oui, oui, mettez méthode.

M. TROTBERG.

Je suis fort obligé, je demande bien pardon.

M. DUBREUIL, pere.

Vous vous moquez de moi.

M. TROTBERG.

Moi, non, je ne moque pas de vous ; moquer c’est comme rire, n’est-ce pas ?

M. DUBREUIL, pere.

Oui.

M. TROTBERG.

Oui ? j’ai écrit déja plusieurs fois, & vous voyez bien que je ne ris pas.

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Scène II.

M. DUBRUEIL, M. TROTBERG, La PIERRE.


La PIERRE.

Monsieur, il y a un Monsieur, dans votre cabinet, qui vous attend.

M. DUBREUIL, pere.

C’est bon ; je vais y aller.

M. TROTBERG.

C’est un affaire, peut-être, il faut aller, marcher. Je suis fort bon ici.

M. DUBREUIL, pere.

Voilà du papier, de l’encre ; je reviendrai vous tenir compagnie bientôt.

M. TROTBERG.

Je suis ici avec ma porte-feuille, je lis tout cela.

M. DUBREUIL, pere.

Si vous avez besoin de quelque chose, appellez la Pierre.

M. TROTBERG.

Besoin, c’est nécessaire, je me souviens. Et la Pierre ?

M. DUBREUIL, pere.

C’est cet homme-là.

M. TROTBERG.

Cet homme-là, on l’appelle une Pierre ?

M. DUBREUIL, pere.

Oui ; c’est son nom.

M. TROTBERG.

Je entend bien ; c’est comme nous disons un arbre de noix, arbre d’olive.

M. DUBREUIL, pere.

Oui, du noyer, olivier.

M. TROTBERG.

Du noyer, noix ; olivier, olive. Je écris, permettez. (Il écrit.) Je finis.

M. DUBREUIL, pere.

Vous aurez tout ce que vous voudrez. Si vous voulez envoyer quelque part, dites où.

M. TROTBERG.

Où ? (Il écrit.)

M. DUBREUIL, pere.

Oui. Si vous voulez manger, dites quoi.

M. TROTBERG.

Quoi ? (Il écrit.)

M. DUBREUIL, pere.

Oui. Si vous voulez boire, dites-le.

M. TROTBERG.

Le ? (Il écrit.)

M. DUBREUIL, pere.

Si vous voulez sortir, dites quand.

M. TROTBERG.

Quand ? (Il écrit.)

M. DUBREUIL, pere.

Oui.

M. TROTBERG.

C’est pour sortir ? fort bon.

M. DUBREUIL, pere.

Si vous voulez vous coucher, dites l’heure.

M. TROTBERG.

Pour coucher ?

M. DUBREUIL, pere.

Pour lever, de même.

M. TROTBERG.

C’est fort singulier. Voilà un pour deux à présent. (Il écrit.)

M. DUBREUIL, pere.

J’espere que mon fils va arriver, & il vous tiendra compagnie.

M. TROTBERG.

Oh, j’ai pas besoin, j’ai ici ma occupation.

M. DUBREUIL, pere.

La Pierre va rester dans votre antichambre. Tu entends bien, la Pierre ?

La PIERRE.

Oui, Monsieur.

M. DUBREUIL, pere.

Et tu feras ce que Monsieur te dira.

La PIERRE.

Oui, oui, Monsieur.

M. DUBREUIL, pere.

Ah ! ça ! Monsieur, je vous laisse, je suis bien votre Serviteur.

M. TROTBERG.

Serviteur, Monsieur, Serviteur.

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Scène III.

M. TROTBERG, rêvant.

Je vous laisse. Laisse. Je comprends pas laisse. Pourquoi j’ai pas demandé. Laisse ! Laisse ! Il faut que je sache à ce moment pour écrire. La Pierre ?

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Scène IV.

M. TROTBERG, LAPIERRE.
La PIERRE, de la porte.

Monsieur.

M. TROTBERG.

Entre ici.

La PIERRE.

Me voilà, Monsieur.

M. TROTBERG.

Qu’est-ce que c’est que laisse il veut dire ?

La PIERRE.

Laisse ?

M. TROTBERG.

Oui, laisse ?

La PIERRE.

Lesse ? je ne sais pas, Monsieur.

M. TROTBERG.

Monsieur Dubreuil, il a dit, laisse.

La PIERRE.

Lesse ? Ah ! Monsieur, c’est à votre chapeau.

M. TROTBERG.

À mon chapeau, laisse ?

La PIERRE.

Oui, Monsieur, je vais vous montrer. (Il prend le chapeau de Monsieur Trotberg.) Tenez, voilà ce que c’est qu’une lesse.

M. TROTBERG.

Cela, il est une lesse ?

La PIERRE.

Oui, Monsieur.

M. TROTBERG.

Monsieur Dubreuil, il ne m’a point parlé de chapeau.

La PIERRE.

C’est pourtant cela.

M. TROTBERG.

Allons, va-t-en, je demande à lui-même, quand il viendra.

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Scène V.

M. TROTBERG.

C’est un langue de tous les tiables. La fils de M. Dubreuil, il sera fort bon pour moi ici. (Il regarde toutes ses lettres de recommandation.) Ah ! je trouve ici un lettre qu’il faut que j’envoie tout présentement. La Pierre ?

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Scène VI.

M. TROTBERG, La PIERRE.
La PIERRE.

Monsieur.

M. TROTBERG.

Tiens, où. (Donnant une lettre.)

La PIERRE.

Qu’est-ce que vous voulez, Monsieur ?

M. TROTBERG.

Où.

La PIERRE.

Où ? Qu’est-ce qu’il faut faire ?

M. TROTBERG.

Je te dis, où.

La PIERRE.

Où ; mais je n’entends point l’Allemand.

M. TROTBERG.
Mais, c’est français, où. Il est sur mon tablette.
(Il regarde.)
Oui, où.
La PIERRE.

Non, Monsieur, où ne veut rien dire.

M. TROTBERG.

Ce tiaple de François, ils ne savent point la langage de leur pays. Monsieur Dubreuil, il m’a dit, où, quand on veut envoyer quelque part.

La PIERRE.

Pour envoyer, on ne dit point, où ; on dit, allez là.

M. TROTBERG.

Allez là ?

La PIERRE.

Oui, Monsieur.

M. TROTBERG.

Il faut donc que j’écrive allez là, aussi ; mais je demanderai. Attends à cette moment. (Il écrit.) Allez là.

La PIERRE.

Là, c’est sur la lettre.

M. TROTBERG.

Sur la lettre, là ? Non, c’est l’adresse.

La PIERRE.

Eh bien ! oui.

M. TROTBERG.

Là ; c’est l’adresse ?

La PIERRE.

L’adresse est dessus, dessus la lettre.

M. TROTBERG.

Oui. Je comprends pas jamais. Revenez sur la moment.

La PIERRE.

Je vais l’envoyer par quelqu’un ; parce que je ne dois pas vous quitter.

M. TROTBERG.

Fort bien, fort bien.

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Scène VII.

M. TROTBERG.

Il faut un bon patience avec cette domestique ; je ne sais pas pourquoi il m’a donné, comme cela, un bête pour mon service. Je suis tout en échauffement de cette garçon qu’il ne m’entend pas. J’ai envie de faire porter un glas de bier, non, non, un verre de bierre qu’il faut dire en François. Je veux parler autrement jamais à présent. La Pierre ? La Pierre ?

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Scène VIII.

M. TROTBERG, La PIERRE.
La PIERRE.

Monsieur, qu’est-ce que vous voulez ? Votre lettre est partie.

M. TROTBERG.

Je veux, le.

La PIERRE.

Le ?

M. TROTBERG.

Oui, je dis, le.

La PIERRE.

Le quoi ?

M. TROTBERG.

Je veux pas quoi, je veux, le.

La PIERRE.

Le ? je ne sais pas ce que vous voulez dire, dites quoi.

M. TROTBERG.

Je veux pas dire quoi, je veux dire, le.

La PIERRE.

Je ne peux pas vous deviner.

M. TROTBERG.

Que tiaple ! est-ce que je ferois un faute ? (Il dans ses tablettes.) Non, c’est, le.

La PIERRE.

Le quoi ?

M. TROTBERG.

Eh bien ! donne moi quoi ? Tu donneras après le ; puisque tu veux donner quoi.

La PIERRE.

Je ne vous entends pas, Monsieur.

M. TROTBERG.

C’est pourtant Monsieur Dubreuil, qui m’a dit de dire, le.

La PIERRE.

Le quoi ?

M. TROTBERG.

Quand je dis le, je dis pas quoi : quand je dis quoi, je dis pas le.

La PIERRE.

Je ne puis vous donner que ce que vous me dites.

M. TROTBERG.

Je dis le ; mais faites marcher ici Monsieur Dubreuil, il dira si je dis pas bien.

La PIERRE.

Il vient de sortir.

M. TROTBERG.

Sortir, c’est quand.

La PIERRE.

Quand ? tout-à-l’heure.

M. TROTBERG.

L’heure, c’est coucher, il m’a dit.

La PIERRE.

Je ne dis pas qu’il est couché, je dis qu’il vient de sortir.

M. TROTBERG.

Eh bien ! sortir, quand.

La PIERRE.

Quand ? je vous dis tout-à-l’heure.

M. TROTBERG.

L’heure c’est coucher, je sais fort bon ; mais on ne peut pas être couché & être sorti, je puis pas souffrir le mensonge.

La PIERRE.

Mais je ne dis pas qu’il est couché, non plus.

M. TROTBERG.

Que tiable dis-tu donc ?

La PIERRE.

Je dis qu’il vient de sortir.

M. TROTBERG.

Quand ?

La PIERRE.

Tout-à-l’heure.

M. TROTBERG.

Je tiens plus, je vais quand, aussi, moi, de cette logis.

La PIERRE.

Tenez, j’entends Monsieur Dubreuil, le fils, il sait l’Allemand, il vous entendra.

M. TROTBERG.

Je parle François encore : c’est un grand impatientement que cette garçon-là !

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Scène IX.

M. TROTBERG, M. DUBREUIL, fils, La PIERRE.
M. DUBREUIL, fils.

Ah, Monsieur Trotberg, je suis charmé de vous voir à Paris. (Il l’embrasse.)

M. TROTBERG.

Je suis bien content aussi, véritablement.

M. DUBREUIL, fils.

Je comptois que vous n’arriveriez que demain, je vous demande bien pardon de n’avoir pas été ici à votre arrivée.

M. TROTBERG.

J’ai vu Monsieur votre pere ; mais il m’a mis de l’embarras avec cette garçon ; parce que les miens ils sont tous malades de la poste, & puis ils savent pas la langage de cette pays, & je puis pas expliquer à cette Pierre, qu’il n’entend pas.

M. DUBREUIL, fils.

Cette Pierre ?

La PIERRE.

Oui, c’est moi, la Pierre, qu’il veut dire.

M. TROTBERG.

Est-ce qu’il n’est pas François, la Pierre ?

M. DUBREUIL, fils.

Pardonnez-moi.

M. TROTBERG.

Il ne sait donc pas les mots de son pays ?

M. DUBREUIL, fils.

Comment ?

La PIERRE.

Monsieur, il me dit le, quoi, quand, l’heure ; je ne sais pas si c’est Allemand ou François.

M. TROTBERG.

Vous voyez bien qu’il dit lui-même.

M. DUBREUIL, fils.

Je n’entends pas non plus. Mais si vous voulez quelque chose, dites-moi, & vous l’aurez.

M. TROTBERG.

Eh bien ! je veux le.

M. DUBREUIL, fils.

Le quoi ?

M. TROTBERG.

Eh ! il dit aussi lui, la Pierre, quoi, pour lors que je dis, le.

M. DUBREUIL, fils.

C’est singulier cela. Dites-moi, en Allemand, ce que vous voulez.

M. TROTBERG.

Non, j’ai juré de parler toujours François dans cette pays. Et Monsieur votre pere il m’a dit de dire, le.

M. DUBREUIL, fils.

Le quoi ?

M. TROTBERG.

Non, ce n’est pas quoi, c’est le.

M. DUBREUIL, fils.

La Pierre, dis à mon pere que je le prie de monter.

M. TROTBERG.

Monsieur votre pere, il est quand & l’heure, à ce qu’il dit.

M. DUBREUIL, fils.

Quand & l’heure ?

La PIERRE.

Oui. Je ne sais pas ce qu’il veut dire.

M. TROTBERG.

Ni moi non plus, je croyois savoir mieux le François, il m’a pourtant dit de dire comme cela, Monsieur Dubreuil.

M. DUBREUIL, fils.

Le voilà, nous allons savoir ce que cela veut dire.

M. TROTBERG.

Vous verrez que j’ai dit raisonnablement.

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Scène X.

M. TROTBERG, M. DUBREUIL, pere, M. DUBREUIL, fils, La PIERRE.
M. DUBREUIL, pere.

Monsieur, je vous demande bien pardon ; mais j’ai été obligé de sortir…

M. TROTBERG.

Oui, je sais quand, vous voyez bien.

M. DUBREUIL, pere.

Oui ; mais ne vous a-t-il rien manqué ?

M. DUBREUIL, fils.

Voilà l’embarras. M. Trotberg a demandé tout plein de choses, que la Pierre n’a pû lui donner.

M. DUBREUIL, pere.

Parce que je n’ai pû rien comprendre.

M. DUBREUIL, fils.

Ni moi non plus.

M. TROTBERG.

Et cependant, Monsieur, vous m’avez dit de dire le, & je demande le, il veut me donner quoi. Et puis je voulois parler à vous, il m’a dit quand & l’heure ; c’est un tiable d’homme, qui me feroit être un fou, cette la Pierre !

M. DUBREUIL, pere.

Je suis aussi embarrassé que vous.

M. TROTBERG.

Mais, Monsieur, je puis bien vous dire ; j’ai écrit ici. (Il prend ses tablettes.) Ne m’avez-vous pas dit : si vous voulez envoyer quelque part, dites, où.

M. DUBREUIL, pere.

Oui.

M. TROTBERG.

J’ai dit où, aussi, il ne vouloit pas entendre ; mais après il a envoyé.

M. DUBREUIL, pere.

La Pierre, as-tu envoyé ?

La PIERRE.

Oui, Monsieur, c’étoit une lettre, & l’adresse était dessus.

M. DUBREUIL, pere.

C’est bon.

M. TROTBERG.

Oui ; mais j’ai eu un grand peine.

La PIERRE.

Il disait toujours, où, où, où. Je ne savois pas ce qu’il vouloit dire.

M. TROTBERG.

Mais j’ai dit bien, n’est-ce pas, Monsieur Dubreuil ?

M. DUBREUIL, pere.

Je crois que oui.

M. TROTBERG.

Après j’ai veux boire, je dis le, il veut me donner quoi. Moi, je veux pas quoi, je veux le.

M. DUBREUIL, pere.

Le ?

M. TROTBERG.

Oui. Je puis pas expliquer, je demander à parler à vous, il dit que vous êtes quand & l’heure. Je puis pas entendre.

M. DUBREUIL, pere.

Ma foi, ni moi non plus.

M. TROTBERG.

J’ai pourtant dit comme vous m’aviez dit de dire.

M. DUBREUIL, pere.

Moi ?

M. DUBREUIL, fils.

C’est-il vrai, mon pere ?

M. DUBREUIL, pere.

Je n’ai pas dit cela.

M. TROTBERG.

Vous n’avez pas dit, Monsieur ? J’ai pourtant écrit sur mon tablette.

M. DUBREUIL, fils.

Eh bien ! lisez-nous ce qu’il y a.

M. TROTBERG.

Quand vous voulez envoyer quelque part, dites où. J’ai dit où.

M. DUBREUIL, pere.

Où ; mais il faut dire où il faut aller.

M. TROTBERG.

Où il faut aller ? Ah ! tiable ! je savois pas. Je écrirai après. Je lis encore. Si vous voulez boire, dites-le. Je dis le, il dit quoi, je veux pas quoi moi, je veux le.

M. DUBREUIL, pere.

Cela veut dire, si vous voulez boire, dites-le, dites que vous voulez boire.

M. TROTBERG.

Ah ! je comprends. Après j’ai écrit : si vous voulez manger, dites quoi.

M. DUBREUIL, pere.

Quoi, c’est ce que vous voulez manger.

M. TROTBERG.

C’est cela, sûrement.

M. DUBREUIL, fils.

Sans doute.

M. TROTBERG.

Je pensois pas. (Il lit.) Si vous voulez sortir, dites quand.

M. DUBREUIL, pere.

Quand vous voudrez sortir.

M. TROTBERG.

Ah, je croyois que quand vouloit dire sortir, je entend présentement. Et puis, (Il lit.) Si vous voulez vous coucher, dites l’heure.

M. DUBREUIL, fils.

C’est l’heure que vous voulez vous coucher.

M. TROTBERG.

Coucher, ou vous lever ; voilà pourquoi je comprenois pas. C’est mon faute de n’être pas plus savant du Langue François.

M. DUBREUIL, pere.

Ce n’est rien que cela.

M. TROTBERG.

Ah ! je demande pardon, je dirai le chose dont je veux à présent.

M. DUBREUIL, pere.

Venez, venez souper ; vous devez en avoir besoin.

M. TROTBERG.

Je ferai avec plaisir : je suis embarrassé avec vous de mon colere.

M. DUBREUIL, fils.

En buvant, tout cela se passera.

M. DUBREUIL, pere.

Allons, allons, venez.

M. TROTBERG.

Je marche avec vous, Messieurs.


Fin du cinquantième Proverbe.
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50. L’entente est au diseur.