Prototypes Monétaires Siculo-Grecs



PROTOTYPES MONÉTAIRES
SICULO-GRECS


J’ai l’intention de présenter quelques observations sur certains types monétaires de la Sicile qui semblent mériter un intérêt particulier par leur relation avec d’autres types semblables, mais pourtant différents sous certains rapports.

Ces points de différence peuvent être d’espèces diverses. Quelquefois le sujet même différera dans quelque mesure ; ou le sujet, quoique étant le même, se présentera d’une autre manière ; une autre fois, il y aura, peut-être, quelque chose de distinctif dans la légende ; ou bien, nous rencontrerons quelques différences par rapport au poids, à la largeur et à la grosseur du flan, ou à la nature du métal. Cependant tous ces types ont en commun une même particularité : la rareté, et sans cette particularité, la prétention d’un classement particulier pourrait être difficilement démontrée en ce qui les concerne. On remarquera aussi que ces qualités caractéristiques sont presque toujours accompagnées d’un style relativement excellent, ce qui constitue un argument solide pour démontrer que ces types appartiennent à des émissions originelles et qu’ils ont servi de modèles pour des émissions ultérieures.

Pourtant, un traitement plus archaïque, ou, pour la période du déclin, une moindre décadence dans l’art, seront rarement invoqués par moi comme arguments, puisque je ne me propose pas de déterminer les premiers exemples de chaque type de monnaies greco-siciliennes. Cela pourrait être tenté au moyen d’un examen à fond des collections publiques et privées. Mais, quoique la tâche puisse être remplie d’intérêt, je doute que le résultat doive être proportionné au travail exigé[1]. Il est possible qu’un œil vif et exercé puisse aider l’investigateur à atteindre à des conclusions assez sûres par rapport à l’émission des types archaïques et transitifs, en observant soigneusement toutes les nuances d’archaïsme. Mais en arrivant à d’autres phases du développement, on aurait moins de confiance dans la tâche, car peu de ces types sont assez parfaitement conçus ; en outre, les pièces elles mêmes ne sont pas toujours tellement bien frappées ou préservées, qu’on ne puisse empêcher une divergence d’opinion au sujet de leur mérite respectif et de leur priorité d’émission. Lorsque — et de tels cas ne sont pas rares — l’élégance et la richesse du dessin, au lieu d’une beauté pure et simple, sollicitent notre jugement, nous sommes portés à émettre des avis différents selon nos préférences individuelles de formes ou de figures. Il serait difficile, par exemple, de choisir, avec un assentiment unanime, le plus beau type dans les belles séries des tétradrachmes syracusains, par la raison même qu’un très-grand nombre excellent par une élégance des plus frappantes. La tâche de l’investigateur deviendrait, peut-être, plus facile quand le beau style commence à décliner, et plus tard, en descendant après le quatrième siècle, il y aurait moins de difficultés à déterminer le meilleur spécimen existant dans chaque série. Il se peut, comme probabilité générale, que telles pièces dérivent des premiers coins pour leurs émissions respectives, et il semblerait raisonnable de leur accorder la préséance conformément à la décadence générale, selon la marche naturelle des choses. Pourtant la conclusion ne doit pas être considérée comme certaine sans l’appui d’autres raisons ; puisque le meilleur coin, même dans le déclin d’une époque, aurait bien pu être l’œuvre d’une main qui n’était pas la première ; bien qu’elle fût plus adroite que celle-ci. Certes, la qualité du style influencera mes conclusions, mais à la condition que cette qualité soit accompagnée par d’autres traits distinctifs se rapportant à l’arrangement du type, à la légende, au poids, au métal ou au flan.

Comme toutes les monnaies, dont nous allons entreprendre la discussion, sont rares, notre choix doit être assez limité. Mais puisque une grande partie en est inédite, le sujet ne manquera pas d’un attrait proprement scientifique. De plus, un autre intérêt s’y rattache. Il y a relativement peu de types signés par les artistes qui soient arrivés jusqu’à nos jours. En conséquence, si les considérations que je mettrai sous les yeux du lecteur étaient approuvées, de nouveaux points fixes pour notre compréhension de l’art ancien, tel que l’exhibent les médailles grecques, sembleraient être assurés par là, et viendraient s’ajouter à ceux déjà connus par les œuvres d’Euainetos, Kimon et autres maîtres-graveurs. Les émissions de ces types-modèles ne sont pas resserrées, comme le sont les monnaies signées, dans les limites étroites d’une seule époque. Elles s’étendent depuis les périodes archaïques presque jusqu’au commencement de la conquête de l’île par les Romains.

Les numismates ont quelquefois fait allusion au genre prototype. Ainsi, par exemple, M. Six a reconnu dans un tétradrachme de Lykkaios avec la légende (Λ)ΥΚΠΕΙΟ le prototype de monnaies semblables, à cause du mérite supérieur de cet exemplaire, et parce que l’Hercule du revers se présente dans une pose différente[2]. Mais, autant que je sache, le sujet des prototypes n’a pas encore été traité systématiquement. Je crains que mes remarques au point de vue esthétique puissent être considérées comme banales ; mais je ne dirai, sous ce rapport, que ce qui est rendu nécessaire par le cours de ces recherches.

Un arrangement chronologique étant la disposition naturelle pour une investigation de cette nature, je commencerai par quelques types archaïques.

Le trait caractéristique du style archaïque est une forme rigide, accompagnée dans la plupart des émissions par une fixité presque absolue dans la manière d’arrangement et d’exhibition des sujets. Ainsi, en choisissant le monnayage de Syracuse (qui nous a laissé plus d’exemples de monnaies archaïques qu’aucune autre ville sicilienne), une tête de femme se présente avec un caractère d’archaïsme invariablement le même, quoique ayant des degrés bien différents de dextérité technique. Mais il y a aussi une frappante fixité d’arrangement, toutes ces têtes, à de rares exceptions près, étant placées du même côté[3].

Ces facteurs pourraient étre exprimés de la manière suivante :

A. Traitement archaïque exhibant :
a) une bonne qualité technique ;
b) une qualité inférieure.

B. Fixité de l’arrangement du sujet tempérée :
α) par des inversions très-rares.

En considérant le facteur A, il ne semble pas déraisonnable de supposer que les monnaies les plus soignées d’une certaine série ou émission précédaient, comme modèles, celles d’un travail inférieur, ou, pour être bref, que le meilleur, c’est-à-dire la subdivision a soit apparue la première ; avec cette réserve pourtant qu’il n’y aurait pas de progrès marqué dans la direction d’un archaïsme diminuant.

Dirigeant notre attention vers la seconde division, nous trouvons que, tandis que le facteur B concerne, également, l’œuvre de bonne et de mauvaise qualité, la réserve α ne s’associe pas avec la mauvaise.

Je ne veux pas trop insister sur la signification de ce qu’on pourrait supposer un hasard, savoir la position changée d’une tête. Cependant, la fixité de cette règle pour ces émissions, comme l’atteste le nombre considérable des médailles existantes, est telle que je ne puis m’empêcher de penser qu’une déviation a dû marquer le commencement, plutôt que le cours des émissions. Quand, pourtant, on trouve que l’inversion est associée à l’autre criterium d’émission antérieure, c’est-à-dire la bonne qualité technique, l’argument s’élève jusqu’au niveau d’une probabilité. Conséquemment, et en accordance avec notre classification sus-mentionnée, a plus α pourrait être supposé produisant les prototypes des émissions de ces pièces archaïques.

Le monnayage archaïque de Syracuse a été convenablement arrangé en trois divisions principales. Premièrement, celle des Geomoroi, qui porte une petite tête de femme tournée à gauche dans un petit creux circulaire. La légende de cette émission est caractérisée par la lettre archaïque Σ et le travail, quoique primitif, est soigné. Secondement, l’émission au koppa (supposée de la plus grande partie du règne de Gélon) avec Niké dans le quadrige et une tête plus grande à droite. Finalement, la nombreuse série au kappa, s’étendant jusqu’à la mort de Gélon, ou même plus tard, dont la variété “ Damareteion „ fait partie[4].

Les deux premières émissions ne peuvent avoir été nombreuses, peu de spécimens, par comparaison, existant, et je n’essaierai d’établir aucune conclusion par rapport à leur priorité relative. Ceux de la première classe avec la légende ΣΥΡΑ, au lieu de ΣΥΡΑϘΟΣΙΟΝ, paraissent être un peu plus primitifs. Pourtant l’unique variété de la collection Hartmann[5], qui n’a pas la petite tête du revers, mais la légende (ΣΥ)ΡΑϘΟΣΙΟΝ[6], contredit leur priorité ; de plus, le traitement sur les monnaies avec l’ethnique complet étant généralement moins rude, on peut en inférer que la meilleure production a été la première. La seconde série au koppa peut être subdivisée en deux émissions, l’une de bon style archaïque ; l’autre avec une tête plus grande et plus grossière. Sur cette dernière, le quadrige avance à gauche. Je n’émets aucune opinion quant à la priorité de l’une ou de l’autre. On a posé en théorie que l’introduction de Niké au-dessus du quadrige faisait allusion à la victoire de Gélon dans les courses olympiques ; en adoptant cette opinion, nous sommes libres de supposer que la Monnaie s’ingénia de son mieux en cette occasion et en produisit le type plus soigné. La troisième émission est la plus importante au point de vue du nombre. Cette émission, si on en juge par l’abondance des exemplaires qu’elle nous a laissés, a dû rivaliser, sinon surpasser, la richesse du monnayage contemporain d’Athènes. Cette subite expansion a été attribuée à la conversion en monnaie du butin gagné dans la guerre victorieuse contre les Carthaginois, et M. Evans explique le style détérioré de la plupart de ces monnaies en supposant que la demande en était telle, qu’elle nécessita l’emploi de graveurs moins habiles[7]. Quelle qu’en fût la cause, le fait que ces monnaies furent produites sur une grande échelle, est parfaitement prouvé par le grand nombre d’exemplaires subsistant encore.

Comme premier chaînon dans la série au kappa, le Damareteion semblerait se suggérer[8]. M. Evans pense que c’est l’œuvre de l’artiste qui aurait produit le plus beau tétradrachme de la série au koppa, et il réunit les deux plus étroitement en arguant du cercle autour des têtes, qu’il explique ingénieusement comme un survivant du petit creux central avec la tête de femme du tétradrachme plus ancien[9]. Ceci paraît une explication convenable au point de vue technique.

Toutefois il y a des lacunes dans la transmission du cercle, par exemple sur les monnaies N.os 7, 8 et 9 du catalogue “ Sicily „ ; or, la transmission rompue, sa présence occasionnelle n’aide pas à établir une connexion directe avec l’émission au koppa, ou, à notre point de vue, une priorité d’émission par rapport à la série au kappa. Plutôt devrions-nous, ce me semble, nous appuyer dans ce but sur une monnaie qui, bien que présentant le caractère d’une émission antérieure, interromprait l’ordre conventionnel de l’arrangement du type.

Dans cette intention, je placerai sous les yeux du lecteur des spécimens des émissions, tout à la fois du tétradrachme et du didrachme, qui rempliront ces conditions.

Je commencerai par un didrachme inédit, le N.o 1 de notre planche, avec la tête à gauche et la légende ΣΥΡΑΚΟΣΙΟΝ, tracée vers la gauche ; ces monnaies, par leur nombre restreint et la simplicité du type, se prêtent plus facilement à une exacte classification chronologique. Il en existe des spécimens parallèles aux trois émissions principales du tétradrachme. Ils sont tous rares, particulièrement ceux de la première émission avec la petite tête dans le creux. Les exemplaires de la série au koppa se présentent plus fréquemment, et ceux de l’émission au kappa sont encore moins rares. Mais, comme je l’ai fait remarquer plus haut, la rareté comparative de tous, et une uniformité peu écartée de l’identité absolue dans leurs émissions respectives, rendent plus facile notre tâche, savoir le placement chronologique de notre monnaie inédite.

On verra sans difficulté que son revers s’accorde parfaitement avec la série au koppa. Le cavalier de l’une et de l’autre est jeune et imberbe ; le cheval ne touche pas terre du pied gauche de devant ni de celui de derrière. Cet ordre est changé dans la série au kappa, où le cavalier est barbu. Le mouvement du cheval, aussi, est plus libre sur cette dernière monnaie. Examinant l’avers, nous y reconnaissons, à l’exception de légères différences dans des détails peu importants, une réplique des médailles plus anciennes qui sont meilleures que celles de l’émission au kappa au point de vue du style et de la fabrique.

En dehors du Κ, notre monnaie ne se distingue en rien de la variété au koppa, et nous pourrions actuellement nous dispenser, pour atteindre notre but, de la position changée de la tête. Mais sa place, au commencement de la troisième série, ayant été confirmée par d’autres raisons, la circonstance que le commencement de cette nouvelle émission est en effet caractérisée par cette inversion, renforce notre proposition, savoir que l’inversion a la même signification pour les tétradrachmes de l’émission au kappa. L’un d’eux (le N.o 2 de notre planche) paraît inédit. Le revers s’accorde parfaitement avec celui de la monnaie N.o 4 de la planche VI de la Numismatic Chronicle de 1894. Le style de l’avers se rapproche aussi de celui de cette dernière pièce. Il est vrai que l’arrangement des cheveux diffère un peu ; mais la technique pointillée est la même. Les dauphins sont de mêmes proportions longues et minces, et le caractère des lettres, excepté pour la substitution de Κ pour Ϙ, est d’un style identique. La même chose peut être dite du style et de la fabrique de notre N.o 3. L’arrangement des cheveux est encore différent, mais la fabrique pointillée persiste. Les dauphins ont les mêmes proportions grêles, et la forme des lettres ressemble, de bien près, à celle de notre premier tétradrachme.

Ces deux têtes portent des colliers doubles (celui d’en haut uni, et celui d’en bas perlé) qui caractérisent les tétradrachmes au koppa. M. Evans a publié une monnaie pareille avec la tête à gauche[10], mais le revers n’est pas en bon état. On voit par notre reproduction qu’il est d’un beau style archaïque, la délicatesse du travail est surtout sensible pour la Niké, qui descend sur les rênes dans une course rapide, agitant gracieusement les ailes, et sa robe diaphane dessinant les formes du corps, grâce au mouvement de l’air qui la rencontre à mesure qu’elle s’avance. Cette médaille paraît accuser une expérience technique un peu plus avancée, particulièrement dans le mouvement plus libre des chevaux ; cela n’est dû qu’au dessin plus soigné. Sur les derniers exemples d’un style corrompu, nous rencontrons des quadriges qui ressemblent à celui du N.o 2. Le style des deux, comme le démontrent la perspective de l’œil, le traitement des cheveux et la forme des lettres, sont également archaïque. Une étude attentive du style de ces pièces, notamment de leur revers, convaincra le lecteur qu’elles sont plus anciennes que le Damareteion. Je me hasarde — en absence d’autres médailles provoquant un rapprochement encore plus accentué avec les émissions au koppa — à les proposer toutes les trois comme les premiers types-modèles pour la grande section troisième de l’ancien monnayage syracusain, produits sans doute (ainsi que le soin, et en partie la délicatesse de leur style nous en témoignent) par les meilleurs graveurs, et nous fournissant un type-mesure pour l’art monétaire de cette grande ville, précisément au commencement d’une émission définie.

Je possède aussi une petite fraction du N.o 2. Son authenticité est indubitable. Mais elle est assez fortement usée. Poids actuel : 40 gr. Je n’oserais dire si c’est une hémilitra, ou une obole attique. Dans ce dernier cas elle aurait perdu presque la moitié du poids normal.

Le N.o 4 de notre Planche, un tétradrachme d’Himéra, nous présente un prototype sous un aspect différent. Les monnaies de Syracuse dont nous avons parlé, sont placées en tête d’une émission partielle de la période archaïque. Mais cette pièce d’Himéra introduit un type qui s’étend depuis l’âge archaïque jusqu’à celui du plus beau style. Sa prétention à la priorité d’émission est fondée, premièrement, sur le caractère très-primitif du style. Comme elle n’a pu être émise avant la mort de Théron (472 av. J. C), l’exécution semble quelque peu indigne de l’intention, même pour cette époque reculée. C’est le premier effort assez imparfait pour introduire un type entièrement nouveau, et la rareté des exemplaires me porte à croire que ce type fut bientôt remplacé par une émission meilleure[11]. Sa seconde prétention à la première émission distinctive est fondée sur la circonstance que la légende (ΙΜ)ΕΡΑΙΟΝ se trouve placée au-dessus de la nymphe, non au-dessous du quadrige. Enfin le caractère de la fabrique, savoir la petitesse et l’épaisseur du flan, la séparé des émissions subséquentes. Notre type primitif, comme je l’avais dit, semble avoir été de courte durée. Son premier développement est à peu près marqué par la pièce N.o 8, planche VII, de la “ Numismatic Chronicle „ de 1894. Le flan de cette médaille s’est amplifié, les formes de l’homme et des chevaux deviennent d’une grandeur correspondante, et la légende assume sa place permanente sous le quadrige. Le style de l’œuvre s’est aussi perfectionné à plusieurs égards, mais non à un degré remarquable. Il existe une combinaison du revers de cette pièce avec l’avers du N.o 4, c’est-à-dire, le N.o 66 bis, pag. 414, de la “ Rivista. „

L’importance de notre médaille diffère de celle des monnaies de Syracuse, dont nous avons déjà parlé. Elle a peu de mérite artistique. Mais, malgré toutes ses imperfections, elle est instructive, faisant connaître définitivement ce que les graveurs d’Himéra pouvaient produire, quand un nouveau type fut introduit en 472 ou 471 av. J. C.

La monnaie suivante, un didrachme d’Himéra (N.o 5), est d’une importance particulière pour le but de ce Mémoire, comme le N.o 1, parce qu’elle peut démontrer clairement qu’elle occupe la position du modèle pour l’émission des didrachmes. La priorité en faveur du tétradrachme d’Himéra doit être proclamée à cause de l’archaïsme plus prononcé du dessin, de la place occupée par la légende et de la fabrique particulière du flan. Toutes ces raisons sont bonnes, mais elles seraient encore meilleures si le type était aujourd’hui représenté, comme il l’était il y a quelques années, par le seul spécimen de la collection Hunter. De récentes trouvailles ont ajouté non seulement au nombre des exemplaires, mais en même temps à celui des coins. Cependant les différences des dessins qu’ils nous montrent sont si légères, qu’il deviendrait difficile de fixer avec exactitude l’une de ces pièces comme la plus ancienne. Celle de la collection Hunter paraît posséder le meilleur titre ; toutefois, pour l’intérêt de notre illustration, j’ai choisi de préférence et grâce à l’obligeance de M. Evans, un spécimen d’une conservation exceptionnelle, car le coin Hunter laisse beaucoup à désirer sous ce rapport.

Ce didrachme peut prétendre à une priorité sans réserve[12]. L’éthnique de notre monnaie conserve la plus ancienne forme Ρ, contrairement aux autres didrachmes de la ville. Elle a aussi, à côté d’un archaïsme sensiblement plus fort, une supériorité de dessin accentuée particulièrement à l’égard du type de l’agoniste équestre. Notez que, pendant que les monnaies plus récentes nous le présentent comme descendant de toute sa pesanteur et dans une attitude raide, l’artiste de notre didrachme exprime avec intelligence la nature de l’action, et il le dessine sautant en bas, le genou légèrement ployé. Le coursier fougueux est aussi donné d’une manière bien différente de celle de la copie. L’ensemble de ce dessin est un spécimen excellent de l’art monétaire de transition. Il y a des didrachmes de Motya, d’une période un peu plus avancée, qui reproduisent ce revers.

Le N.o 6 de notre planche est une drachme rare[13] de Naxos, de la période de transition.

Quand nous aurons franchi tout-à-fait les limites des anciennes époques, les raisons qui avaient guidé notre jugement, et formé nos conclusions, cesseront d’avoir leur effet. Le style libre succédera au formalisme rigide ; et quoiqu’un ordre conventionnel, dicté par la force de l’habitude, semble parfois lier quelques types à une position forcée à droite ou à gauche, pourtant dès que la contrainte imposée par l’archaïsme est rompue, l’ordre conventionnel perd sa première signification en assumant plutôt le caractère d’un accident que d’une intention. Mais jusqu’à ce que cette liberté ait été atteinte et parfaitement accomplie, l’archaïsme, tant qu’il est en évidence, doit toujours influencer notre jugement.

Il reste bien entendu que, maintenant comme auparavant, la priorité ne sera pas adjugée à un type par la seule raison qu’il exhibe, plus qu’un autre, une nuance ou deux en plus, d’archaïsme. Un prototype doit être marqué, en outre, par quelque différence de dessin ; une telle différence le place, naturellement, en tête de la série, et non dans son parcours, alors que le type aurait acquis sa fixité. Notre monnaie remplit ces deux conditions. Quoique peut-être, de prime abord, la différence n’en saute pas aux yeux, elle diffère considérablement du tétradrachme dans les détails du sujet. Le satyre ithyphallique des médailles plus grandes, se soutient de la main qu’il appuye à terre. La figure de notre drachme n’est pas ithyphallique. La pose de son corps est d’une harmonie admirable ; la main gauche repose sans affectation, sans gêne, sur le genou un peu soulevé, l’autre jambe étant abaissée. De cette façon, la pose a changé d’aspect ; elle est complètement altérée par rapport à l’action. La légende est placée différemment. Du reste, ces derniers points ont peu d’importance. Il y a aussi des caractères distinctifs par rapport à la tête de Dionysos. Celle-ci est plus simple de dessin, mais plus accentuée même que celle du tétradrachme. Le nœud de cheveux a des contours plus arrondis et la boucle manque près de l’oreille. La barbe et les cheveux sont moins ondulés, et le dessus de la tête étant plus applati, celle-ci paraît relativement plus large. Voilà pour les différences du type. Quant à l’archaïsme de la conception et de la technique, il est suffisamment marqué par la stature plus raccourcie du satyre, une dépression déterminée dans les proportions de la tête de Dionysos, et en général par un travail plus énergique. Il est regrettable que nous ne possédions pas d’exemplaire de cette monnaie d’un poids plus élevé, car il ne faudrait qu’un plus grand coin pour faire remarquer plus clairement son excellence exceptionnelle. Elle se place, pour l’époque, au niveau d’un chef d’œuvre de l’art numismatique, et elle peut prétendre au plus haut mérite, après le fameux tétradrachme des collections de Paris et de Naples (œuvre d’Euainetos, semble-t-il), avec Dionysos imberbe. Mais le revers de notre pièce surpasse cette médaille même par la force et l’harmonie de la conception artistique et de la réalisation technique. Notez la pose parfaite du monstre, un vrai démon des forêts ! Maigre et musculeux, tout fait de nerfs et trempé de force élastique, il repose, l’oreille au guet, toujours en alerte.

Le N.o 7 de notre planche, un tétradrachme inédit de Ségesta, que je publie grâce à l’obligeance du D.r Weber, semble être le prototype de la belle série qui a été attribuée au commencement de la meilleure époque, qui coïncide, a-t-on supposé, avec l’envoi d’une flotte athénienne au secours de Ségesta en 416 et se termine avec la subjugation de la ville par les Carthaginois en 409. L’avers de notre médaille se distingue d’autres spécimens par un quadrige qui avance au pas, et cette circonstance s’accentue parce que les quadriges des pièces subséquentes excellent par la perfection de leur dessin. On pourrait donc supposer qu’un temps considérable s’est écoulé entre l’émission de notre monnaie et celle des autres pièces. Toutefois, son revers avec la figure de Crimisus, nous assure que, en vérité, il n’en fut pas ainsi, car son style n’est pas plus ancien que celui de quelques autres exemplaires. On devrait en conclure que l’avers du tétradrachme nous vient du premier coin ; qu’il a été produit peut-être par un graveur du lieu, artiste assez inférieur, production bien vite interrompue par la main d’œuvre de l’artiste grec qui avait gravé la belle figure de Crimisus. Tous les revers de ces tétradrachmes portent cette figure et l’on pourrait en déduire que la priorité prétendue par notre monnaie n’établit pas une émission postérieure pour les autres avec différents types d’avers. Quant au style, trois variétés de la figure de Crimisos peuvent être distinguées. La plus ancienne est celle de notre médaille, ou celle du N. 34o, dans le catalogue du Musée Britannique. Une autre est le revers du N. 32 du même catalogue ; une autre encore, est la variété peut-être plus exquise (à moins que la gravure n’ait flatté l’original, que je ne connais pas) de l’unique pièce publiée par M. Salinas[14]. Je n’ose me prononcer sur la précédence chronologique de l’une ou de l’autre. L’avers du type de la dernière médaille, semble avoir été essentiellement inspiré par les tétradrachmes d’Himéra dont les émissions se sont prolongées, on le présume, jusqu’à la destruction de cette ville en 409. Mais, selon moi, il n’y a aucune difficulté à croire que la première des trois variétés soit d’un style quelque peu antérieur à celui des autres.

Segesta n’était pas en vérité une ville grecque et l’on peut dire que ses types monétaires se trouvent hors de la sphère de notre sujet. Cependant plusieurs de ces types — sinon la plupart — sont les productions de graveurs grecs, et comme tels, ils ne peuvent être exclus. Si toutefois l’avers de notre pièce n’était point d’un artiste grec, on pourrait dire qu’elle ne possède pas une valeur appréciable au point de vue de l’art.

Notre pièce qui suit, un tétradrachme de Sélinonte (N.o 8), a, sous ce rapport, l’avantage sur la dernière, puisqu’elle appartient au monnayage d’une ville absolument grecque.

L’émission des tétradrachmes de Sélinonte occupe une période considérable ; mais ils se classent facilement en trois divisions principales. Premièrement, ceux de la période de transition, avec la figure de Selinos presque de profil, accompagnée de son nom. Le haut de l’autel sans feu, de ces médailles, est triangulaire. Secondement, ceux de l’époque qui s’approche de la plus belle période, ayant pour type Selinos, vu des deux tiers, près d’un autel flamboyant. Les quadriges du revers nous montrent un développement mieux gradué du style sévère s’acheminant vers le style plus libre, et ils ne présentent pas de changement sensible dans leurs détails. Enfin viennent ceux de la plus belle époque avec la figure presque de face et le feu de l’autel plutôt artistement indiqué, que dépeint, par un léger nuage de fumée. Niké, au lieu d’Apollon et d’Artémis, guide les chevaux fougueux ; l’ethnique est place des deux côtés.

Malgré leurs distinctions marquées, ces trois séries ont dû se faire suite sans interruption, comme nous le prouvent l’amalgamation des revers dans les classes 1 et 2, et le peu de différence, comme développement stylistique, entre les figures de Selinos dans la seconde et la troisième classes.

Aucun exemplaire des plus anciennes ou des plus récentes émissions n’exhibe des traits individuels susceptibles d’indiquer avec vraisemblance une priorité d’émission. Quant aux tétradrachmes de la période intermédiaire, nous sommes dans une position plus favorable. Une variété nous montre Selinos revêtu d’un léger himation. Le petit nombre d’exemplaires qui en existent porte à croire qu’ils proviennent de deux coins ; l’un, comme le N.o 29 du Musée Britannique “ Sicily „ et l’autre celui de notre spécimen. Ce dernier est certainement le meilleur, et même je pense qu’il pourrait être choisi comme le plus beau type des médailles de Sélinonte.

Ce type occupe évidemment une position intermédiaire entre les classes 1 et 2, car tandis que la perspective, le travail et la légende sont les mêmes, comme ceux des spécimens de la dernière classe, la forme de l’autel le relie à la première. Il nous introduit ainsi dans la seconde série et cette position fut, en effet, assignée à la variété moins belle du catalogue “ Sicily. „

La prétention de la médaille d’être reconnue prototype pour toute la seconde série est limitée par cette circonstance que les spécimens connus diffèrent entre eux par quelques détails. Le coq de notre pièce est place dans une direction contraire à celle d’autres exemplaires, et le quadrige tantôt à droite, tantôt à gauche. Ce dernier point de différence n’est, sans doute, pas essentiel, car nous ne devons séparer les deux classes (comme je l’ai fait remarquer) que selon le caractère de l’avers. Pourtant, si quelques numismates, en raison de ces différences, préféraient considérer le type de notre médaille comme formant une classe par elle-même, je leur ferais volontiers cette concession.

La publication de ce tétradrachme sera du moins bien accueillie, parce qu’il offre un intérêt indépendant et tout particulier, à savoir, la lettre Α qui fut frappée après la production de la pièce, dans la base, au dessous du taureau. M. Head[15] s’exprime ainsi au sujet du type : “ Le dieu du fleuve, lui-même, fait au dieu de la santé des libations formelles pour avoir purifié ses eaux ; tandis que l’image du taureau symbolise le sacrifice offert à cette occasion. „

Ce sacrifice, comme il est indiqué par le coq, était offert aux divinités de la santé, à Asklepios en particulier. Un Savant, qui observa la monnaie, a interprété l’Α comme Ἀσκληπίῳ.

Torremuzza[16] nous donne un tétradrachme que je crois être le même. Mais il n’a aucune valeur, étant misérablement changé et défiguré. En examinant la figure de cette pièce, — un gros “ Seilenos „ chauve, plutôt qu’un Selinos, avec une petite touffe de poils au menton — personne ne pourra la prendre pour autre chose qu’une de ces stupides falsifications qui faussent la valeur des planches de Torremuzza.

Notre monnaie suivante, N.o 9, un didrachme de Gela, nous amène aux confins du plus bel art. Ceci saute aux yeux par le goût exquis avec lequel est dessiné le taureau androcéphale. Il est tourné (soit dit en passant) à gauche au lieu d’être à droite, comme dans les émissions antérieures et postérieures. M. Imhoof-Blumer a décrit cette belle médaille[17]. Mais on n’en a fait encore aucune reproduction.

L’intérêt de cette monnaie se concentre surtout dans le type du revers ; c’est un homme à cheval, casqué, botté, vêtu d’une courte tunique et d’une chlamyde flottante, la tunique attachée par une ceinture qui s’enroule deux fois autour de la taille. Galopant vers la droite, il tourne la tête et repousse avec sa lance un ennemi que l’on doit supposer être derrière lui.

Notre revers fournit le prototype pour un autre didrachme qui a dû être frappé peu après. C’est le type d’un homme à cheval perçant d’un coup de lance un ennemi. L’artiste y joint la seconde figure ; mais il avait traité l’homme à cheval de notre médaille avec plus de soin et de délicatesse, que ne l’est celui de la réplique.

Quoique j’aie déjà fait observer que le type de l’avers est tourné dans une direction contraire à l’ordinaire (la longue liste du catalogue du Musée Britannique donne seulement un exemplaire avec la tête du taureau à gauche) cette circonstance ne possède pas plus longtemps sa première signification. Car avec la perfection de dessin, telle qu’elle existait dans le meilleur de l’art numismatique grec, un échange de ce genre devient plutôt fortuit, qu’intentionné.

Alors que les vieilles lois tombent en décadence, de nouvelles se présentent pour aider notre jugement. Les conditions qui doivent marquer comme prototypes les médailles de la belle période, sont — me semble-t-il — principalement de deux classes : ou (et dans ce cas le modèle ainsi que le type secondaire ayant été produit quelquefois par le même graveur, tous deux peuvent avoir un mérite égal) il devrait y avoir une expansion du sujet par rapport au type dérivé, telle que la pièce de Gela vient de l’illustrer ; ou, secondement, une excellence évidente devrait distinguer le modèle du type secondaire. En effet, cette qualité doit continuer à influencer notre jugement au delà des limites de l’époque la plus belle, acquérant plus de force à mesure que nous avançons vers le déclin. Naturellement, les restrictions ordinaires se feront valoir à présent et pour plus tard ; car le mérite artistique ne sera jamais décisif sans quelques distinctions concomitantes du type, de la légende, du poids, de la grandeur du flan ou du métal. De même, les prototypes devront toujours se signaler par leur rareté.

Le N.o 10, une monnaie en or d’Agrigente, remplit ces conditions essentielles par l’excellence de son dessin et certaines différences de type. Avers : aigle à gauche, tuant un serpent sur une montagne ; au-dessus ΑΚΡ. Revers : un crabe ; au-dessus, un dauphin tourné à gauche.

M. Salinas a publié un seul type d’Agrigente[18], qui a la légende ΑΚΡΑ et deux marques de valeur. Sur le revers, il n’y a pas de dauphin, cette partie étant occupée par le nom ΣΙΛΑΝΟΣ. Le catalogue du Musée Britannique fait mention de deux monnaies pareilles ; mais la légende se lit ΑΚΡ, comme sur la nôtre. Torremuzza publie deux variétés[19]. Il y ajoute deux autres petites pièces d’or, mais celles-ci sont évidemment des falsifications copiées sur des monnaies d’argent. Notre exemplaire est remarquable par la beauté de son dessin, la délicatesse de son style surtout pour l’avers. J’ajoute — N.o 11 — pour comparaison, un spécimen de la variété commune, d’une conservation exceptionnelle. Cette dernière, considérée à part, est une belle pièce ; mais quand nous l’étudions avec attention, la touche plus grossière du copiste est bien manifeste. Il y a un type (N.o 10 bis) qui est parfaitement d’accord avec le N.o 10, sauf qu’il porte les marques de valeur du N.o 11. Ce type aussi paraît inédit.

Nous nous approchons maintenant des confins de l’époque la plus désastreuse pour l’histoire des villes Greco-Siciliennes, quand l’invasion des Carthaginois répand la destruction de tous côtés : le monnayage de la plupart des communautés civiques s’amoindrit et disparaît presque entièrement. Syracuse seule se maintint contre le courant de barbarie, quoique nous ne puissions rien rattacher de son monnayage au but que nous nous sommes proposé. Le second type de Leukaspis pourrait être placé comme copie à côté du plus ancien, mais il n’est vraiment pas une copie, car une différence essentielle de style sépare ces médailles. Chacun d’eux paraît avoir été produit indépendamment et à assez long intervalle de temps, d’après un original de peinture ou de sculpture. Je n’ai pas non plus placé sous les yeux du lecteur le type semi-archaïque de Sélinonte avec Hypsas, quoiqu’on le rencontre encore dans la première période de la belle époque. Il y a, là aussi, une différence trop marquée dans le développement relatif du style, exprimé particulièrement par le mouvement violent de la tête du taureau, pour admettre qu’ils puissent être voisins l’un de l’autre ; en outre, la plus ancienne des deux ne pourrait satisfaire à une des exigences principales d’un prototype, la rareté, puisqu’elle est plus commune que la variété qui en dérive. Je dirai donc brièvement que quand la continuité d’émission n’est pas évidente, les types ne rentrent pas dans notre sujet, autrement une des monnaies d’or de Syracuse, frappée, présume-t-on, vers 415, pourrait être utilisée, car sujette aux lois du développement, elle reproduit le revers archaïque avec la petite tête des Geomoroi. Une telle juxtaposition, quoique le sujet soit intéressant comme exemple de restitution dans la numismatique grecque, serait évidemment puérile quant à l’objet de cet article où j’essaye de m’assurer en partant des premiers exemplaires de quelques émissions continues. Je me suis même abstenu d’introduire comme prototype l’unique tétradrachme Syracusain de la collection Hartmann, qui n’a pas la petite tête au centre du carré-creux. S’il est authentique (et je n’en doute pas) sa priorité d’émission est incontestable. Mais comme la preuve en est fondée sur un élément négatif, savoir l’absence de la petite tête de l’émission dérivée, nous ne pouvons établir une succession suffisamment étroite et précise. D’autres revers primitifs peuvent avoir été produits entre les deux classes. Des considérations semblables me décident à exclure le type de la médaille la plus ancienne et si intéressante de Zankle, publiée par M. Evans[20].

Le monnayage de toutes les villes Greco-Siciliennes, à l’exception de Syracuse, continue peu abondant, même après que le succès de Timoléon eût communiqué une nouvelle vie à beaucoup d’entre elles. Les émissions en bronze prennent — il est vrai — de plus larges proportions dans quelques villes, et un certain nombre de Monnaies entièrement nouvelles commencent leurs opérations exclusivement dans ce métal. Une raison pratique me force cependant à exclure les monnaies de bronze d’un examen qui s’appuye en partie sur les qualités du style. Les monnaies de bronze malheureusement nous sont rarement parvenues dans leurs conditions originelles. Ou elles sont endommagées par la corrosion, ou embellies par le coloris de leur patine. En conséquence, nous nous contenterons des exemplaires d’or et d’argent du monnayage de Syracuse.

Abandonnant le zénith artistique, l’age des médaillons syracusains et de leurs beaux satellites, nous descendons à un niveau inférieur. Cette décadence même, comme je l’ai déjà dit, vient s’ajouter avec grand profit au mérite artistique, comme facteur pour nos recherches, car dans une émission homogène commencée sous la tendance vers le déclin, le meilleur exemplaire, — ce me semble — a été produit le premier. Néanmoins, mon jugement ne sera nullement influencé par de pures considérations de probabilité, et je m’attacherai d’abord à l’évidence circonstancielle, conformément à nos règles ordinaires.

La monnaie sur laquelle je désire appeler l’attention, est la petite pièce d’or avec la tête de Zeus Eleuthérios, dont l’émission est attribuée au temps de Timoléon. On en connaît trois variétés (N.os 12, 13 et 14 de notre planche). La dernière qui porte le nom du dieu, près de la tête, est la moins rare. Il n’y a pas de symbole derrière la tête. Au revers, au-dessous de Pégase, qui vole, entouré en partie par la légende ΣΥΡΑΚΟΣΙΩΝ, on observe trois points, signifiant que la pièce est de la valeur de trois statères corinthiens. Près de la poitrine on lit le monogramme ΑΡ. Les deux variétés N.os 12 et 13 nous présentent les types tournés à droite. Sur l’une, derrière la tête de Zeus, il y a une massue, et sur l’autre, une foudre ; devant (écrit de haut en bas) : ΣΥΡΑΚΟΣΙΩΝ. Au-dessous du Pégase : ΣΩ. Aucun signe de valeur.

Ces pièces de trente litres se distinguent des pièces d’électrum presque contemporaines par le relief moins accentué. On assigne l’émission en électrum à l’époque de Dion (357-354 av. J. C.)[21]. Le monnayage doit avoir été abondant pour une période si courte, car deux de ces quatre types sont assez communs.

Mais essayons de déterminer laquelle des trois variétés semble avoir la priorité d’émission.

Par rapport à la différence de légende, il me semble plus probable que le nom du dieu qualifié de ΕΛΕΥΘΕΡΙΟΣ, une fois introduit avec cette épithète sur la monnaie de l’État, a dû s’y continuer : il n’est pas naturel que cet honneur, une fois conféré, ait été révoqué. Ceci admis, le problême se réduit au choix d’une des deux variétés, l’une avec la foudre, l’autre avec la massue. Toutes deux sont signées ΣΩ et doivent être à peu près d’émission contemporaine. Vu cette circonstance, et d’accord avec nos règles, je proposerai de décider en faveur du type le plus rare. De l’un et de l’autre, peu d’exemplaires sont connus, mais la variété avec le foudre est la plus précieuse par sa grande rareté. Elle fut publiée par M. Imhoof-Blumer, d’après un spécimen de la collection de St Florian.

En cette occurrence, je laisse tant soit peu dans l’ombre la question artistique, le style de ces trois monnaies étant si uniforme qu’on pourrait les attribuer au même graveur. Il m’a paru convenable de les produire toutes les trois sur notre planche, afin que le lecteur pût juger par lui-même. Quoi qu’il en soit, j’hésite peu en me décidant contre la troisième (N.o 14). Sur cette pièce, la tête monte moins haut, et conséquemment son caractère en est moins accentué ; la chevelure est moins abondante ; le front a moins de majesté. Au contraire, le choix entre les monnaies (N.o 12 et 13) est plus difficile. Mais la tête du premier type me semble plus marquée. Elle a des proportions plus larges et plus majestueuses.

Je ne puis omettre de m’en référer à l’émission de ce type en argent, qui est représentée par le magnifique statère de la collection de Naples[22]. Ce statère ressemble de bien près à notre pièce N.o 14 ; mais il est signé par Σ, qui probablement doit être le ΣΩ des N.os 12 et 13. Je pense qu’on peut supposer que les initiales qu’on relève sur ces belles monnaies sont celles d’artistes et non de magistrats, et que le graveur ΣΩ ou Σ (c’était peut-être, les métiers généralement se perpétuant dans la même famille, un petit-fils du ΣΩΣΩΝ de la plus belle époque), créa le modèle du type de la pièce N.o 12. Je m’imagine que peu après, il produisit la variété N.o 13 et le statère d’argent, et ce dernier coin étant destiné au monnayage d’un métal différent, il le distingua en renversant la position des sujets et en ajoutant le nom du dieu. Quelques temps après, un autre graveur, ΑΡ, copie ce type pour l’émission en or, et il y joint les marques de valeur[23].

Ce type de Zeus semble avoir été gravé d’après une belle sculpture contemporaine, puisque nous le rencontrons sur d’autres monnaies de l’époque. Le meilleur exemplaire, après les monnaies signées ΣΩ, serait peut-être le beau statère en or d’Alexandre d’Épire[24]. La figure y a perdu beaucoup de sa force majestueuse, et la tête, étant celle du dieu national de Dodona, est ceinte de feuilles de chêne. Mais sous d’autres rapports, il n’y a aucune différence marquée.

Malgré tout leur charme, ces têtes offrent pourtant un certain air de suffisance personnelle, qui diminue leur beauté esthétique et les place à un niveau moins élevé que les meilleures productions de l’époque précédente. À ce propos, remarquez l’œil grand ouvert de la tête N.o 12. Il y a là une tension de vue qu’un autre graveur aurait pu changer en un regard fixe. Le talent de l’artiste a su éviter ce danger. Mais les traits qui, d’après lui, expriment un sentiment, prendront bientôt un air efféminé (comme sur la pièce d’Alexandre), ou même un air affecté.

Poursuivant notre analyse nous rencontrons, un peu plus tard, l’émission en or avec la triquêtre au-dessous du bige. M. Head l’attribue à la première époque du règne d’Agathocle[25], et M. Reinach l’assigne à la période antérieure, c’est-à-dire à la seconde époque de la Démocratie[26].

Examinons un moment ces théories.

À première vue, nous sommes obligés de reconnaître dans le type de Pégase, pour les statères aussi bien que pour les autres monnaies, le signe caractéristique de l’époque de la Démocratie. Mais si la drachme en or avec la triquêtre est comprise dans le monnayage de la Démocratie, le drachme du poids attique avec la large triquêtre au revers doit être admise dans la même classe, parce que, comme nous le verrons plus tard, elle porte la même tête que la pièce d’or.

En conséquence, nous devrions supposer que la Monnaie se servit en même temps de deux systèmes de poids pour le monnayage en argent (on émettait aussi des tiers et des sixièmes, comme à Corinthe), ou que le système Corinthien fut aboli sous le régime de la Démocratie[27]. Ni l’une ni l’autre de ces suppositions ne semble probable. Avec le drachme nous devrions admettre le tétradrachme à la triquêtre au-dessus du quadrige, en raison de la ressemblance du type de ce revers avec celui de la pièce en or.

M. Reinach assigne cette monnaie à la “ fédération sicilienne „ et ce classement paraît justifié par le symbole de la “ Trinacria. „ On le trouve pourtant sur de nombreuses monnaies en conjonction avec le nom d’Agathocle qui l’avait adopté, d’après M. Head, comme signe de ses conquêtes en Sicile, pendant les premières années de sa tyrannie. Cette attribution est sûre, l’autre tout-à-fait hypothétique. La tête de l’avers ne nous dit rien non plus en faveur de l’attribution à une grande ligue nationale, car elle représente, comme on le verra plus tard, une divinité inférieure locale, et non, comme on l’avait supposé, un grand dieu, soit Apollon, Arès ou Hercule. La légende ΣΥΡΑΚΟΣΙΩΝ ne parle point contre l’attribution au temps d’Agathocle, car nous avons un type (dont nous traiterons au cours de cet article) qui joint l’ethnique au nom du tyran. La ressemblance générale de ces pièces avec les statères d’or de Philippe II a influé aussi sur l’opinion de M. Reinach. Mais de telles ressemblances ne prouvent guère une contemporanéité étroite. Les pièces renommées de Philippe continuèrent à courir très-longtemps comme monnaies internationales, de sorte que plusieurs villes de l’Asie Mineure les ont copiées encore au deuxième siècle[28], et Horace en parle comme des objets qu’il avait sous les yeux[29].

Rappelons-nous, par exemple, l’émission d’Agathocle dans le même métal. Le type de l’avers a été évidemment suggéré par les statères d’or d’Alexandre. C’est une tête de Pallas, dont le casque est muni d’une crinière et d’un griffon ; mais elle est dépourvue de la partie de l’armure qui couvre la nuque et qui avait toujours caractérisé les têtes de Pallas sur les pièces de la ville antérieures à celle-ci. Pourtant, ces monnaies n’ont pas été émises plus tôt que 307, c’est-à-dire l’année où Agathocle s’arrogea le titre royal qu’elles portent. Il y a ainsi un intervalle d’environ trente ans entre l’émission initiale des pièces d’Alexandre et celles-ci, et un espace plus long encore entre la fin des deux règnes.

À la même date, environ, Ptolémée émit une copie des statères d’Alexandre signée de son nom[30], et Mithridate Ctistès du Pont en frappa un autre en 281, ou même plus tard, comme l’a démontré M. Reinach[31]. Les émissions d’autres princes fournissent de nombreux exemples parallèles dans les autres métaux.

Il paraît aussi probable (quoique la règle ne soit pas invariable) qu’un prince, plutôt qu’une fédération républicaine, a du prendre pour modèle la monnaie d’un confrère royal.

Voilà pourquoi j’adopte dans ce cas particulier aussi bien qu’en général, la chronologie de M. Head, quoique l’émission des “ pégases „ avec la triquétre puisse, je crois, être mise en tête comme la première émission d’Agathocle, puisque ces pégases, au point de vue du poids et du type, se rattachent au monnayage précédent du régime démocratique.

Notre spécimen (N.o 15) est une variété inédite, et je me hasarde à demander pour lui la priorité d’émission, pour deux raisons essentielles. La tête de l’avers a un caractère plus vigoureux que d’ordinaire ; le flan est plus épais et conséquemment plus petit, de sorte que l’ensemble du type, particulièrement la triquêtre, est moins grand. Les chevaux sont à peine plus grands que ceux du rare tétrobole en or avec les mêmes types[32].

Pour mettre mieux en relief le caractère de la pièce, j’en ai placé une autre à côté (N.o 16).

C’est un trait particulier à plusieurs émissions greco-siciliennes des périodes de la décadence que les premiers exemplaires sont frappées sur des flans plus petits que leurs copies. Notre monnaie suivante en servira d’exemple, et le tétradrachme de Philistis (N.o 20) illustrera encore mieux cette singularité, car, quoique plus pesant, il a une surface plus petite, que les pièces de la série de poids réduit. Donc, tant pour des raisons de style, que pour la petitesse du flan et la diminution des détails, cette monnaie me paraît digne d’être considérée comme prototype de la série. La tête de l’avers a été expliquée diversement, comme étant celle d’Apollon, Arès ou Hercule. On aurait dû observer qu’elle porte les cornes courtes d’un jeune taureau. Notre monnaie nous les montre bien distinctes, sur le front, entre les cheveux. Il est manifeste que nous avons ici une divinité fluviale, peut-être celle d’Anapos, figure par l’art sous des formes juvéniles[33]. Le taureau, sur un diobole d’or et sur des monnaies en bronze de la même période, a été reconnu, par d’autres numismates, comme étant Anapos[34], et le type de notre monnaie confirme cette attribution. Les têtes sur les rares pièces d’argent et de bronze dont le revers porte une large triquêtre ressemblent tellement à notre type (particulièrement la tête de la monnaie d’argent) qu’elles peuvent être acceptées comme celles de la même divinité, quoique les cornes, peut-être à cause de la condition inférieure de ces rares médailles, ne s’y voient pas. On prenait ce type pour la tête d’Arès, parce qu’il ressemble à un type des Mamertins avec la légende ΑΡΕΟΣ[35]. Cette opinion aurait plus de force, si les pièces des Mamertins avaient été frappées avant les nôtres. La ressemblance pourrait être une de ces coïncidences que l’on rencontre dans la numismatique grecque, surtout aux époques de décadence. D’autres pièces des Mamertins avec une tête d’Arès ne peuvent guère prétendre à une ressemblance avec les têtes de ces monnaies syracusaines.

Nous arrivons maintenant au prototype d’une belle émission. C’est la monnaie dont nous avons parlé déjà, qui unit le nom d’Agathocle à celui de ses citoyens-sujets (N.o 17). Le premier, sous forme d’adjectif, apparaît comme toujours sur le revers à côté de Niké, et le second, près de la tête de Koré. Le catalogue du British Museum[36] place cette pièce en tête de la série, car elle nous conduit aux types plus communs qui ne portent que le nom d’Agathocle. Elle est frappée, comme notre dernier prototype, sur un flan relativement petit. La beauté des types de l’avers et du revers la place, pour l’époque, à un niveau très-élevé de mérite artistique. On l’assigne à la seconde période du gouvernement de l’usurpateur, c’est-à-dire après son expédition victorieuse contre les Carthaginois, à laquelle la Niké du revers fait allusion.

La pièce suivante (N.o 18, inédite) appartient à la troisième et dernière partie de ce règne. Cette pièce occupe une position exceptionnelle. Son caractère extrinsèque le plus frappant consiste dans cette circonstance que Pégase est représenté galopant et non dans son vol, ou du moins se soulevant du sol, ce qu’indique la ligne de l’exergue. Cette action, autant que je sache, ne se rencontre sur aucune autre monnaie sicilienne de cette classe. Mais la singularité la plus extraordinaire de cette pièce, c’est son poids (8,49 gr.). Elle se rattache ainsi aux statères normaux tels que les “ pégases „ antérieurs de la Démocratie et ceux de la première époque de la tyrannie d’Agathocle, bien que, en vérité, par le style du revers elle doive appartenir à la première des deux classes. Aucune de ces émissions ne se trouve sans légende ; notre pièce, au contraire, en est dépourvue. Cette circonstance la rattache incontestablement aux “ pégases „ anépigraphes plus légers. Je ne saurais expliquer ce poids anormal qu’en supposant qu’elle a été produite avant l’introduction de la pièce d’or avec la tête de Pallas, à laquelle les pièces plus légères étaient ajustées. Pour frapper le revers, un vieux coin de l’époque de la Démocratie fut peut-être utilisé, et le graveur y aura incisé la ligne de l’exergue pour le distinguer de l’ancien type. Mais cette dernière émission au poids normal a dû être de courte durée, et on ne pourrait l’admettre comme prototype que pour la raison qu’elle servit d’introduction à la classe des “ pégases „ anépigraphes.

Notre monnaie N.o 19 (inédite) peut établir plus rigoureusement son titre de prototype. Elle appartient par le poids, le type et le style à l’émission des pièces légères. Mais elle n’a pas encore de symbole (triquêtre ou étoile), s’introduisant ainsi comme une copie du type précédent, notre monnaie N.o 18.

La question de la qualité artistique n’entre guère dans la discussion d’attribution de ces pièces stéréotypées. Mais elle reprend son importance en ce qui concerne à la pièce de Philistis (N.o 20). Cette médaille en vertu de son poids irrégulier (15,51 gr.) occupe une place singulière parmi les larges pièces de la série ; elle est, on peut le présumer, une pièce de dix-huit litrae (au lieu de seize), et comme telle, on la trouve en tête des monnaies de Philistis, dans le catalogue du British Museum[37]. Cependant le premier rang doit être aussi assigné à cette belle médaille au point de vue de l’émission. Elle est d’un style excellent, harmonisant la noblesse et la force avec une grande expression de douceur. Elle présente l’individualité d’un portrait, ce qui fait un contraste frappant avec les autres pièces de la série, ordinairement jolies mais un peu insipides. Son excellence n’est pas non plus limitée à la beauté de l’avers, car le quadrige est caractérisé par la même supériorité. Les chevaux avancent rapidement d’une allure harmonieuse et rythmique dont la monotonie est coupée par l’action du premier cheval, qui, en courbant le cou avec un effort d’impatience, semble ronger son frein. Il y a ici quelque chose de plastique, et le sujet a été conçu tout-à-fait différemment de celui des monnaies postérieures où les chevaux paraissent être de bois.

Cette médaille, bien qu’elle soit plus lourde, a la surface moins large que les pièces plus légères. Je ne dis pas qu’il n’existe point d’autres cas analogues, car la série est très-nombreuse. Mais une exception quelconque devra être considérée comme accidentelle. Plus ces monnaies, émises sans doute pendant nombre d’années, sont récentes, plus elles deviennent larges de surface, et mauvaises eu égard au style. Toutes ces considérations réunies séparent donc notre pièce des autres, et la placent en tête de la série.

Notre dernière monnaie (N.o 21) nous conduit de bien près à la fin de l’indépendance syracusaine. C’est la pièce en or, — familière, mais rare —, avec Artémis au revers, que l’on attribue au court régime de la dernière Démocratie. Ce type est assez commun en argent, mais la plupart de ces monnaies sont exécutées avec peu de soin, il y en a même que l’on qualifierait de grossières. À quelques-unes seulement on pourrait accorder un certain degré d’élégance. Il faut cependant admettre que les rares pièces en or se distinguent par sentiment artistique plus délicat, et quoique n’atteignant point un haut degré d’excellence, elles nous plaisent assez. Cette supériorité saute aux yeux plus particulièrement par l’attitude de la chasseresse qui se balance avec grâce en lançant une flèche, pendant que son chiton est repoussé en arrière par le vent. Une telle supériorité de dessin et la différence du métal me décident à proposer cette petite pièce comme le prototype de l’émission en argent. Il me semble assez probable que le meilleur graveur a été chargé de produire dans le métal plus précieux le modèle pour l’abondante émission de l’argent.

Les initiales ΣΩ sur ces pièces ont été interprétées comme étant la signature d’un artiste[38]. M. Head a rejeté cette théorie, sans doute parce qu’il avait observé que les pièces en argent signées ΣΩ sont de la main d’un graveur moins habile[39]. Cette circonstance et la période avancée où nous sommes parvenus paraissent donner raison à M. Head et plaider contre leur attribution au faber aerarius Σῶσις.

C’est avec un sentiment de regret que j’arrive aux limites qui nous sont imposées par l’histoire dans un sujet aussi passionnant. Qu’on me permette encore de résumer en quelques mots les deux principaux résultats de notre investigation. D’abord, quant aux données positives : sur les dix-neuf types (ou variétés de types) discutés, il y en a dix inédits — autant que je sache —, et ceci me semble pour la science un appoint considérable dans un champ aussi bien exploité que l’a toujours été la numismatique greco-sicilienne.

Pour l’autre point de notre sujet, supposons un moment qu’aucun de ces prototypes n’ait été préservé ; notre critique par rapport à la position, dans l’art numismatique, des émissions qu’elles initient, s’appuyerait alors sur la qualité, généralement assez insignifiante, des types dérivés. Mais voilà qu’une découverte heureuse nous enrichit de monnaies d’un plus haut mérite : ne devrions-nous pas alors réviser notre jugement pour assigner à chaque type sa place de mérite ? On pourrait dire que nous avons procédé ainsi par la publication des monnaies N. 1, 8, 9, 10, 10 bis et 15.

Je ne prétends pas donner comme absolus les résultats de mes recherches, car il pourrait exister d’autres médailles inédites qui, d’accord avec les principes qui nous guident, auraient peut-être plus de droit à la position de types-modèles. Il est bon qu’il en soit ainsi, car après tout, c’est la justesse des principes qui nous importe, plutôt que quelques déductions individuelles. Nos principes dérivent de faits simples et bien connus, et il y a des pièces, comme on l’a vu, qui déjà auparavant ont été signalées comme prototypes. Séparément, ces pièces n’ont pas une valeur tout-à-fait décisive ; mais leur force démonstrative augmente en proportion de leur groupement collectif établi en vue du sujet que nous traitons.

J’ai trouvé hors de la Sicile de nombreux prototypes monétaires. Mais j’ai dû me limiter ici à la discussion de quelques types de cette île. D’autres numismates, je l’espère bien, voudront embrasser le sujet que je n’ai fait qu’esquisser, dans des limites plus étendues ; il est hors de doute, si cette étude est poursuivie avec jugement et modération, qu’elle sera fertile en résultats.

E. J. Seltman.




  1. Les catalogues du “ British Museum „ sont basés sur l’arrangement chronologique. Mais on conviendra que l’ordre des pièces, tout bien conçu qu’il soit, ne peut prétendre qu’à une probabilité générale, par ce qu’il est ordinairement fondé sur des raisons stylistiques seules — raisons qui (quoique bien assurées comme lois de développement en général) peuvent devenir trompeuses pour les différences minutieuses. Un petit nombre seulement de nos rares pièces se trouvent dans le catalogue “ Sicily „. On verra, pourtant, que celles-ci sont placées, sans exception, en tête de leurs séries, renforçant d’une manière indirecte les propositions que j’avancerai en faveur de leur priorité. Ce sont nos N.os 3, 17, 20 et 21.
  2. Numismatic Chronicle, 1875, page 22, pl. I, n.o 2 ; voyez aussi : Numismatische Zeitschrift, 1884, pl. IV, 12.
  3. Telle fixité diffère essentiellement de la régularité stéréotypée avec laquelle les têtes sur les médailles de Philippe, d’Alexandre et de leurs successeurs ont la figure tournée du même côté. Une uniformité d’exposition était de rigueur pour des monnaies qui possédaient l’acceptance du monde presque entier. Cette loi d’uniformité, une fois reconnue avantageuse, fut adoptée pour toutes les monnaies royales.
  4. Voyez le Catalogue : “ Sicily „ du British Museum.
  5. Revue numismatique, 1894, page 9, etc.
  6. Je présume une inadvertance dans la lecture (ΣΥ)ΡΑΚΟΣΙΟΝ, donnée par la “ Revue. „
  7. Numismatic Chronicle, 1894, page 199.
  8. “ The Damareteion fits on immediately to the coinage on which the Ϙ of the archaic epigraphy is stili preserved. „ Numismatic Chronicle, 1894, page 198.
  9. Numismatic Chronicle, 1894, page 196.
  10. Numismatic Chronicle, 1874, pl. VI, n.o 6.
  11. Un exemple a été publié dans le Numismatic Chronicle, 1894, pl. VII, 9 — un autre dans la Zeitschrift fur Nümismatik, 1895, pl. III, 1 — un troisième dans la collection Hunter pl. XXX, 18 — les deux derniers figurent dans la Rivista Italiana di Numismatica, 1894, pl. VII avec quelques autres illustrés dans le texte et que l’on a découverts il y a peu d’années.
  12. Collections de Berlin, Weber et Loebbecke ; trois exemplaires identiques et tous provenant du même coin.
  13. Zeitschrift für Numismatik, 1879, pl. I.
  14. Periodico di Numismatica e Sfragistica, 1871, pl. I, n. 1
  15. Historia numorum, page 148.
  16. pl. 65, n.o 4.
  17. Berliner Blaetter für Münzkunde, 1870, p. 42.
  18. Monete delle antiche città di Sicilia, pl. VIII, 21.
  19. Pl. IV, 253.
  20. Numismatic Chronicle, 1896, pl. VIII, 1 et 2.
  21. Revue Numismatique, 1895, page 510.
  22. Monnaies Grecques, pl. B, n.o 16. Cette tête paraît aussi sur le monnayage en bronze de cette époque.
  23. Il y a aussi de belles monnaies en bronze avec la tête d’un héros portant le casque, ordinairement décrit comme l’Héraclide Archias oekiste de Syracuse, et avec Pégase sur le revers. Elles sont signées Σ.
  24. Guide to the coins of the ancients, British Museum, pl. XXXIII, n.o 11.
  25. Numismatic Chronicle, 1874, page 41.
  26. Revue Numismatique, 1895, page 498.
  27. La révolution effectuée par Timoléon paraît avoir été aussi radicale pour le système monétaire que pour le gouvernement politique, particulièrement par rapport au monnayage de l’or et de l’argent. Les globules de la pièce d’or attestent que le statère de Corinthe était la mesure de valeurs pour les deux métaux, et telle étant la loi qui gouvernait les relations de cette unité avec sa pluralité, il fallait que les fractions — frappées, comme l’unité, en argent — fussent gouvernées par la même loi. Je regarde donc comme fractions du statère les petites pièces d’argent. Plusieurs de leurs types s’accordent parfaitement avec les drachmes et les demi-drachmes de la ville-mère. J’aimerais mieux ne pas attribuer à cette époque quelques pièces dont les types diffèrent de ceux de Corinthe.
  28. Catalogue “ Caria „ du British Museum, p. CVIII.
  29. Gratus Alexandro, regi magno, fuit ille
    Choerilus incultis qui versibus, et male natis,
    Rettulit acceptos, regale nomisma, Philippos.

    (Epist. II, 1, 232-235)
    .
  30. Numismatic Chronicle, 1894, pl. VIII, 5.
  31. Revue Numismatique, 1888, page 240, pl. XVI, 2.
  32. Numismatic Chronicle, 1874, pl. VIII, 2.
  33. Aelianus, Varia Historia, II, 33.
  34. Numismatic Chronicle, 1894, page 75.
  35. Monnaies Grecques, page 32.
  36. Page 195, n.o 378.
  37. Sicily, page 212, n.o 539. Une épreuve en plomb encore plus lourde, n.o 538, est placée avant notre pièce. Comme épreuve, elle est pour nous sans importance.
  38. Numismatic Chronicle, 1874, annotation, p. 71.
  39. Voyez le revers chez Mionnet, pl. 67, n.o 6.