Promenade en Amérique – Le Mexique/01

Promenade en Amérique – Le Mexique
Revue des Deux Mondes2e série de la nouv. période, tome 3 (p. 1049-1075).
II  ►

PROMENADE


EN AMERIQUE.




LE MEXIQUE.


TRAVERSEE DE LA HAVANE A VERA-CRUZ. – VERA-CRUZ. – DEPART POUR MEXICO. – LES BANDITS. – LE MARDI-GRAS DANS UN RANCHO. – ARRIVEE A MEXICO. – LA VILLE ANCIENNE ET LA VILLE MODERNE. – CLIMAT, POPULATION. – CONDITION ET SUPERSTITION DES INDIENS. – ITURBIDE. – ABSENCE DE SECURITE. – UN COUCHER DE SOLEIL A MEXICO. – L’ALAMEDA - SCENES DE L’ANCIENNE VIE AZTEQUE. – CATHEDRALE. – CALENDRIER MEXICAIN. – ARCHITECTURE MEXICAINE. - COUVENS, MOINES. – CONCERT. – ROMAN CALIFORNIEN. – EDUCATION DES FEMMES. – COLLEGE SAINT-JEAN-DE-LATRAN. – ÉCOLE DE DESSIN. – SEANCE DES CHAMBRES. – ÉTAT POLITIQUE DU PAYS.





17 janvier 1852, en mer.

Jusqu’ici j’ai toujours usé des bâtimens à vapeur, et j’avais presque oublié qu’il existât d’autre moyen de franchir les mers. La navigation à la voile semble aujourd’hui quelque chose de primitif et d’imparfait, et on n’y a recours qu’en cas d’extrême nécessité. La certitude d’être arrivé à peu près à jour fixe est un si grand avantage, et il est si incommode, au contraire, de ne pas savoir combien de temps on restera en mer ! Cependant la voile a aussi son mérite ; elle est plus pittoresque ; je suis bien aise de faire connaissance avec elle. Il y a certainement un charme, ignoré sur le bateau à vapeur, dans l’absence du bruit que font la machine et les roues, et de la trépidation qu’elles impriment au bâtiment. La vapeur est une force violente, elle marche à travers les obstacles contre vent et marée, heurtant la lame, fendant la vague, allant droit au but, comme un homme au caractère fort et dur brise tout ce qui résiste. La voile tourne les obstacles ou leur cède à demi pour les vaincre, et, s’appuyant même sur le vent contraire, avance par des manœuvres habilement concertées. C’est comme une puissance intelligente et insouciante qui conduit, au lieu d’entraîner. Il y a plaisir à sentir notre corvette onduler avec le mouvement de la mer, et obéir à l’impulsion du vent. Ces efforts concourent harmonieusement, au lieu de se contrarier, comme il arrive quand la vapeur et le vent sollicitent en sens contraires le bâtiment qui, à la faveur de la première, doit lutter contre le second. De plus, notre petit navire, avec ses huit ou dix passagers, ne ressemble guère à ces réceptacles immenses d’une foule ou plutôt d’une cohue qui se trouve emprisonnée pendant quelques jours dans la même geôle flottante. Tout le monde se connaît, tout le monde s’est parlé. Nous sommes presque des compagnons de chambrée. L’aspect du pont est différent de celui que présente le pont d’un bâtiment à vapeur. On y voit rôder un vilain petit chien de bord et quelques matous ; les poules qui gloussent, les pigeons qui roucoulent, donnent à notre habitation un certain air rustique ; on dirait presque la basse-cour d’une ferme, n’était que les pauvres canards sont un peu tristes de marcher sur des planches sèches ; une grande chèvre erre d’un air bête et ennuyé sur ce sol mouvant où elle ne trouve pas de rochers.

Tantôt lisant, tantôt sommeillant à demi, je vois s’éloigner les cimes montagneuses de Cuba, ou bien mon œil tombe et s’arrête, avec cette complaisance que donne l’oisiveté pour tout ce qui peut la distraire, sur les objets dont je suis environné, sur un chat par exemple qui s’est établi dans un pli de voile, où il fait sa toilette avec beaucoup de tranquillité. Ce premier jour de traversée se passe à regarder les ondulations de la mer, bleue auprès de nous, argentée à l’horizon, à faire connaissance avec nos compagnons de route, avec l’équipage où se trouvent deux matelots chinois, avec le capitaine, grand Espagnol, grave, simple, et, nous dit-on, très prudent. On s’établit, on s’arrange à bord pour le temps qu’on doit y passer. L’événement d’une journée en mer, c’est le coucher du soleil ; celui d’aujourd’hui a été magnifique ; en s’abaissant et s’élevant, la voile le cachait et le montrait tour à tour. La nuit venue, étendu au pied du grand mât, j’ai contemplé longtemps les étoiles qui semblaient osciller autour de lui ; l’air était doux, doux aussi le ciel et l’océan.


18 janvier.

Le temps est toujours beau ; le vent a augmenté ; souvent des poissons volans s’élèvent un peu au-dessus des flots, se soutiennent quelques instans, puis viennent effleurer la surface de la mer, et alors ricochent pour ainsi dire, c’est-à-dire se relèvent pour aller tomber un peu plus loin.

Aujourd’hui comme hier, admirable coucher de soleil ; mais jamais deux de ces merveilleux spectacles gratuits ne se ressemblent. Ce soir, on a vu d’abord comme une coupole d’or resplendir à l’occident, puis la coupole a été remplacée par des amas de nuages rouges, figurant une montagne embrasée sur laquelle deux grands lions semblaient dormir.


19 janvier.

La nuit, tout semble plongé dans le sommeil ; on dirait que la corvette marche par enchantement. Dans la blancheur de l’écume, je distingue la vive clarté des étoiles phosphorescentes qui jaillissent et fuient des deux côtés du navire, je m’endors en écoutant l’eau glisser le long de ses flancs avec un bruit pareil au gazouillement d’un ruisseau.


20 janvier.

Calme plat : je comprends maintenant l’énergie de cette expression. La mer est de plomb fondu ; elle en a la couleur et semble en avoir la densité. Le bâtiment ne marche point ; il n’est pas pour cela immobile, mais il oscille comme au hasard, s’incline tantôt d’un côté tantôt de l’autre, et bat lourdement les airs de ses voiles détendues, qui retombent sur elles-mêmes de leur propre poids ; on dirait un oiseau blessé agitant ses ailes demi-brisées sur ses flancs malades. C’est un supplice de se sentir ballotté et secoué sans se voir avancer. Rien n’est plus irritant qu’un tel calme, rien n’est plus harassant qu’un tel repos.


21 janvier.

Nous avons recommencé à marcher, et on entrevoit les montagnes du Mexique. Elles ont des formes plus frappantes que les montagnes de Cuba, ce qui tient à leur origine volcanique. C’est à une semblable origine que l’horizon de Naples et l’horizon de Rome doivent en grande partie leur beauté. Nous entrons dans l’atmosphère brûlante et malsaine de la terre-chaude. Ce soir, l’air est étouffant et l’on n’ose pas rester sur le pont, car il y a tant d’humidité que tout ce que l’on touche est ruisselant.


22 janvier.

Nous voici à quinze lieues de Vera-Cruz ; nous pouvons y être demain ; si le norte (vent du nord) soufflait, nous n’y serions peut-être que dans trois semaines, car lorsque le norte s’élève avec quelque violence, ce qui est très ordinaire à cette époque de l’année, il est impossible de débarquer à Vera-Cruz, dont la rade est la plus mauvaise du monde, en supposant qu’on puisse appeler rade un lieu exposé de telle sorte que par le vent du nord il faut s’en éloigner, à la lettre, sans perdre une minute, car une minute de retard suffit pour que le bâtiment soit entraîné sur des écueils. On recommande aux voyageurs de se hâter de débarquer leurs effets, autrement il se pourrait qu’on ne leur donnât pas le temps de les prendre avec eux, et qu’à peine mis à terre, ils vissent le bâtiment s’éloigner avec leur bagage et aller prendre le large jusqu’à ce que le norte eût cessé de souffler. Ce terrible norte est l’élément dramatique de la traversée. Menacé d’être condamné, au moment de toucher le port, de fuir pour courir devant la tempête pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines, le voyageur est dans des transes perpétuelles, et à chaque léger changement dans l’atmosphère ou dans le ciel il croit voir ce vent fatal fondre sur lui pour l’écarter du rivage qu’il est près d’atteindre. Cette fois le norte, bien que souvent annoncé, nous a été épargné, et nous arrivons au pied du château de Saint-Jean-d’Ulloa, qui nous rappelle doublement le souvenir de la France. Il a été pris vaillamment par nos soldats, et il avait été construit par un Français nommé Grandpierre. Ce château-fort n’a défendu Vera-Cruz ni contre les Français ni contre les Américains des États-Unis. Je ne sais vraiment à quoi il sert, et je suis assez de l’avis de notre capitaine, lequel disait qu’on ferait bien de jeter ce fort inutile par terre, ou plutôt dans l’eau, pour en faire un môle qui rendrait tenable la rade de Vera-Gruz. En ce moment sont étalées devant nous les carcasses d’une vingtaine de bâtimens jetés tous à la côte le même jour par ce fameux coup de vent dont on parlait tant à La Havane avant notre départ, et dont nous voyons aujourd’hui les tristes effets. Et il n’y a pas à éviter cette chance, car alors on s’expose à des chances encore plus fâcheuses. Comme le dit M. de Humboldt, pour arriver à Vera-Cruz il faut choisir entre la saison des tempêtes et la saison de la fièvre jaune : les tempêtes valent mieux, surtout quand, comme nous, on ne les rencontre point ; mais c’est vraiment avoir du bonheur, et je ne m’y attendais guère à cette époque de l’année, après avoir lu dans Volney ce formidable renseignement : « Les marins citent cette mer pour être la plus féconde de toutes celles de la zone torride en orages, en tonnerres, en trombes, en tornados ou tourbillons, en calmes étouffans et en ouragans. »


Vera-Cruz, 24 février.

Enfin nous voilà au Mexique. Malgré ce qu’on nous avait prédit à La Havane, Vera-Cruz n’est point en révolution. La représentation de la comédie révolutionnaire ou contre-révolutionnaire qu’on nous avait annoncée est retardée, peut-être de quelques semaines seulement. Il y a relâche ; mais ce serait avoir du malheur que de passer, un mois au Mexique sans y voir une révolution !

Restent la fièvre jaune et les brigands. On sait que Vera-Cruz est la terre classique de la fièvre jaune, comme la Basse-Égypte est la patrie de la peste. Heureusement pour nous, cette saison est celle où le fléau exerce le moins de ravage. Néanmoins il est toujours prudent de s’arrêter ici le moins possible. À vingt-cinq lieues de la mer, on n’est plus exposé aux atteintes de la maladie ; à deux lieues de la ville, le danger est déjà beaucoup moindre ; la ville même est le lieu du monde où cette maladie, qui porte, comme à La Havane, le nom lugubre de vomissement noir (vomito negro), attaque le plus fréquemment les étrangers. Quelquefois elle les frappe au passage comme une balle invisible. On a vu des voyageurs, venus de l’intérieur, traverser Vera-Cruz en chaise à porteur, s’embarquer sur un navire qui partait à l’heure même, et, touchés au vol pour ainsi dire, aller mourir en mer. Aussi avons-nous retenu nos places pour demain dans la diligence de Mexico ; en même temps nous les avons arrêtées pour l’Europe sur le bateau à vapeur qui partira d’ici le 7 avril, et j’ai écrit au Collège de France que j’ouvrirai mon cours le 10 mai, bien que je parte pour Mexico et que je me trouve à environ deux mille lieues de ma chaire.

Quant aux brigands, depuis qu’ils sont devenus rares en Italie et en Espagne, c’est ici que les touristes doivent venir les chercher. On exagère quand on dit que la diligence est toujours arrêtée entre Vera-Cruz et Mexico ; elle ne l’est que très souvent. À en croire une épigramme dont l’auteur est du pays, on doit, quand on voyage au Mexique, commencer par faire son testament. Cette précaution n’est point nécessaire. Il est rare que les bandits assassinent les voyageurs qui ne se défendent point : ils se contentent en général de les voler. Aussi a-t-on soin de n’emporter que ce qui est nécessaire, de ne pas prendre avec soi beaucoup d’argent ; mais il faut avoir une cinquantaine de francs pour ne point être arrêté les mains vides, ce qui mettrait les voleurs de très mauvaise humeur et pourrait attirer aux voyageurs des traitemens fâcheux. Ceux qui n’ont pas pris cette précaution s’en sont mal trouvés. Il y a quelques années, on lut affiché dans les rues de Mexico l’avis suivant : « Le général des bandes, ayant été informé que les voyageurs se dispensent d’emporter une somme raisonnable avec eux, les prévient que ceux qui ne seraient pas trouvés porteurs de douze piastres seront bâtonnés. » Quelquefois aussi les bandits vous dépouillent et vous attachent à un arbre, ou se portent à des violences encore plus grandes. Il est donc sage d’avoir sa petite contribution toute prête, à moins que plusieurs voyageurs qui se connaissent ne s’entendent pour être bien armés, auquel cas on est rarement attaqué ; mais un ou deux voyageurs qui seuls ont des armes n’imposent point à ces troupes en général nombreuses, et font courir le plus grand risque à leurs compagnons de voyage. Il faut que tout le monde soit armé, ou que personne ne le soit. Les escortes, dit-on, chevauchent en avant ou en arrière, à une assez grande distance pour ne rien empêcher, et arrivent au grand galop tout juste pour voir les voleurs s’enfuir après avoir fait leur coup. Cependant il est bon d’avoir une escorte, car ceux qui la composent s’entendent souvent avec les brigands : ils leur font comprendre qu’il ne faut pas toujours arrêter les voyageurs qu’ils sont censés protéger, sans quoi on ne se ferait plus escorter, et quand on les refuse, ils avertissent les voleurs que cette fois il n’y a rien à ménager.

Vera-Gruz, quand on y arrive par mer, n’a point le triste aspect que lui prêtait mon imagination qui l’associait à ce terrible vomito, lequel, avec le norte toujours en perspective pendant la traversée et les brigands aux aguets sur la route de Mexico, fait le fond de toutes les conversations qu’on peut avoir avec ceux qui sont allés au Mexique. Vera-Gruz est une ville régulièrement bâtie. Les rues sont assez larges, bordées souvent d’arcades ; la propreté y est entretenue par de petits vautours noirs qu’on y rencontre à chaque pas, et qui rendent ici les mêmes services qu’en Égypte, en faisant disparaître les immondices. Leurs pattes sont garnies de plumes et ils trottinent dans les rues comme un homme qui aurait des manchettes aux jambes. Ils se perchent sur le toit des maisons, vivant en paix, ce me semble, avec tous les oiseaux, car j’ai vu des hirondelles voleter familièrement et sans crainte autour d’eux. Ils n’aiment que la corruption : il y a des gens qui ont le même goût que ces vautours.

C’est ici que Cortez toucha pour la première fois la terre du Mexique. À quelques lieues du point où est aujourd’hui Vera-Cruz, il jeta les fondemens d’une ville qu’il nomma la Ville riche de la Croix, résumant dans cette dénomination expressive les deux sentimens qui poussaient ses compagnons aux aventures : la soif de l’or et l’enthousiasme religieux. En changeant un peu de place, la cité actuelle n’a gardé que la partie la plus noble de son nom.

Au sortir de Vera-Cruz, on trouve des sables entremêlés de marécages dont l’aspect est triste et fiévreux autant que possible. Pour traverser ces sables la voiture est mise sur un chemin de fer, ce que l’on reconnaît à ce qu’on avance plus lentement : puis on reprend la route, et huit mules vous emportent au grand galop, avec mille secousses, à travers de grandes prairies qui font penser à la campagne de Rome et à la prairie des États-Unis. La nuit était étouffante et humide ; tout à coup, au milieu de la solitude, les sons de la guitare se sont fait entendre ; -nous nous sommes arrêtés devant un rancho : on appelle ainsi les demeures des Indiens. Les ranchos sont formés de roseaux juxtaposés, ce qui les fait ressembler assez à des cages à poulets. Devant le rancho, on dansait en l’honneur du carnaval qui allait finir. J’avais un peu oublié le mardi-gras ; c’était lui que je retrouvais ainsi dans une forêt du Mexique. Somme toute, cette danse du rancho était plus curieuse que le bal de l’Opéra.


20 janvier.

Pendant la nuit, nous avons commencé à nous élever ; l’air est devenu plus léger. Je vois l’Orizaba resplendir aux feux du soleil levant. Sa forme volcanique et son sommet neigeux rappellent un peu l’Etna ; mais il est presque deux fois plus élevé. C’est le Vésuve en hiver perché sur le Mont-Blanc.

La route monte à travers un fouillis de végétation d’un aspect tout nouveau pour moi. Je remarque des arbres couverts de belles fleurs rouges que j’ai vues en Europe dans les serres chaudes, et qui brillent ici au soleil. De loin en loin se présentent des habitations indiennes avec leurs murs à claire-voie ; sur la route, des hommes à pied et à cheval passent enveloppés dans leur sarapé rayé, et ayant par-dessus leur pantalon un second pantalon plus large et ouvrant sur les côtés. D’autres portent des fardeaux sur la tête ; hommes et femmes, la plupart du temps, courent ainsi chargés. On dit même qu’ils ont besoin d’un fardeau pour bien courir, et que, quand ils accompagnent une voiture remplie de bagages, ils ont coutume de prendre une malle et de la mettre sur leurs épaules pour se tenir en haleine. Quelquefois une pauvre Indienne, outre le fardeau retenu par une courroie qui lui serre le front, porte sur son dos, enveloppé dans un linge, son enfant, dont on voit les petits pieds passer. C’est la première fois que je me trouve en Amérique au milieu d’une population réellement différente, par l’aspect extérieur, des populations européennes, que je vois des costumes et des habitations qui ne ressemblent pas aux nôtres. Il est si difficile aujourd’hui de se dépayser ; il faut aller si loin pour sortir de chez soi !

À travers cet amusement de la surprise et de la nouveauté, nous arrivons à Lalapa, dont les environs sont ravissans, et qui n’a qu’un inconvénient, c’est d’être la patrie du jalap. Ce nom médicinal gâte un peu pour mon imagination le charme des vallons remplis d’orangers et du frais paysage au milieu duquel la ville est placée. Après Jalapa la nature s’agrandit et devient plus sévère. Les montagnes ressemblent à celles de l’Andalousie, seulement elles sont moins arides ; à une montée, nous avions à nos pieds une vaste étendue de pays, enceintrée de pentes magnifiques, sur lesquelles glissait dans le lointain une cascade à peine visible. Au bord de la route croissaient des cactus et des aloès[1]. Au sommet était une forêt d’arbres toujours verts. À mesure qu’on s’élève, près de la végétation tropicale vient se placer la végétation des zones tempérées et même boréales. On voit en même temps des yuccas et des sapins. Du reste, le bois que nous avons traversé ne rappelait en rien l’aspect des régions septentrionales de l’Europe. Le feuillage des arbres semblait d’un vert moins sombre et d’un effet plus gracieux. Cependant, en approchant de Perrote, la température permet de songer au nord. Etrange contraste propre à un pays élevé qui est situé sous les tropiques ! hier nous étouffions dans les environs marécageux de Vera-Cruz, aujourd’hui nous grelottons sur un plateau des Alpes. Nous dormons ou plutôt nous couchons quelques heures à Perrote.

À trois heures du matin, nous remontons dans la diligence tout transis et ne nous apercevant point que nous sommes sous la zone torride ; mais quel lever de soleil ! quelle scène extraordinaire ! Les grands pics neigeux à l’horizon ; plus près, des montagnes de formes diverses s’éclairant successivement de toutes les teintes de l’aurore, depuis l’azur sombre jusqu’au lilas clair et au rose tendre. Quelques maisons dans cette vaste solitude, quelques aloès sur un terrain aride, forment les première plans de ce paysage grandiose, si différent des frais vallons de Jalapa. La route offre un changement de décoration perpétuel, sauf les sommets volcaniques qui dominent toujours de leurs masses imposantes le mobile horizon. Puis de nouveau une chaleur brûlante s’est fait sentir. Je n’ai plus vu que la poussière dont les tourbillons nous entouraient, et je n’ai plus senti que les affreux cahotemens de la voiture jusqu’à Puebla.

Ces cahotemens sont au-delà de tout ce qu’on peut dire. Chacun se souvient de quelque secousse extraordinaire, quand par accident un cocher coupe mal un ruisseau profond et vous jette sur vos voisins ou contre les parois de la voiture. Eh bien ! sauf de rares exceptions, c’est ce qui se renouvelle continuellement de Vera-Cruz à Mexico. J’admirais la solidité de ces voitures, construites aux États-Unis, et un peu la solidité de ma propre personne. Tantôt le chemin, à peine tracé, va au travers des pierres et des rochers, tantôt on rencontre quelques restes de l’ancienne roule espagnole, et alors on n’en saute que mieux. C’est ainsi qu’on atteint la seconde ville du Mexique, Puebla de los Angeles (la cité des anges), ainsi nommée parce que des anges ont, dit-on, bâti sa cathédrale. Comme en revenant je compte m’arrêter à Puebla, je remets à l’époque de mon retour ce que j’ai à dire de cette curieuse ville et de la grande pyramide de Cholula, qui est à deux lieues de Puebla.

Les Indiens que je vois sur la route ne sont pas beaux ; ils sont gros, courts, et ont un certain air de soprani. Les Peaux-rouges sont mieux taillés, leurs traits sont plus fiers et plus mâles. La peau des Indiens du Mexique est d’un jaune terreux peu agréable. Cette couleur pain d’épice m’a paru générale, sauf quelque diversité de teintes plus ou moins foncées. J’ai laissé Paris très effrayé de la république rouge, je trouve ici la république jaune.


1er mars.

Nous sommes partis ce matin de Puebla pour Mexico, où nous arriverons avant la nuit. Dans la diligence, il y a des Espagnols du Mexique et un Espagnol d’Europe. Celui-ci vante sans cesse son pays, on le laisse dire ; mais s’il met pied à terre, on profite de ce moment pour dire du mal de l’Espagne. Un Français établi au Mexique, qui a fait des affaires aux États-Unis, commence par dire des Yankees tout le mal possible : son insolentes, malos ; puis, en parlant de bateaux à vapeur, de chemins de fer, de l’activité industrielle et commerciale des Américains, il arrive à un enthousiasme sans bornes et dit : « Ils font de merveilleux progrès, c’est un grand peuple. »

Après avoir traversé un bois de plus appelé le Piñal, célèbre dans l’histoire des bandits mexicains, on arrive à un point d’où le plateau de Mexico se développe devant le regard. C’est un des plus étonnans spectacles qui soit dans l’univers. Les grands sommets neigeux qui dominent tout, les montagnes amoncelées à leur base, les lacs au pied de ces montagnes, des arbres tropicaux et des arbres toujours verts, la neige vue à travers les aloès, composent un ensemble beaucoup plus singulier que la nature des tropiques avec la majestueuse et riante monotonie de ses palmiers, de ses cocotiers, de ses bananiers. Cette végétation n’a point, au premier coup d’œil, l’air exotique de la végétation de Cuba. Voilà des arbres analogues aux arbres de l’Europe tempérée, aux ormes, aux frênes, aux peupliers ; seulement ce ne sont ni des ormes, ni des frênes, ni des peupliers ; c’est un aspect étranger, mais non pas étrange, un inconnu qui rappelle le connu, qui en diffère et qui lui ressemble.

En approchant de la capitale du Mexique, on passe entre les deux lacs de Chalco et de Tezcuco. On les appelle laguna, et ils ont en effet un air de lagune. Sur les bords, des troupes de cigognes blanches se pressent comme un troupeau de brebis. La plaine qui entoure Mexico a formé le fond d’un grand lac. Les deux qui subsistent aujourd’hui sont un faible reste de l’immense nappe d’eau qui baignait autrefois le pied de ces hautes montagnes.

Enfin nous entrons à Mexico. C’est une sensation singulière de rencontrer ainsi à deux mille lieues de l’Europe, à sept mille pieds au-dessus du niveau de la mer, une ville de cent cinquante mille âmes, une capitale dont l’aspect est européen, — de retrouver au bout du monde des souvenirs historiques, et quels souvenirs ! ceux du fait le plus extraordinaire peut-être qui ait été accompli par l’audace humaine.

L’aspect de Mexico ne frappe pas d’abord autant qu’on s’y attendait. La ville a une physionomie moins caractérisée, moins marquée du vieux type espagnol que Puebla ; mais quand on a parcouru les longues et larges rues qui traversent Mexico dans toute son étendue, en voyant sur sa route s’élever les dômes colorés des couvens et des églises, on commence à ressentir le charme de cette singulière et lointaine cité, à laquelle on arrive du climat brûlant de Vera-Cruz en montant de zone en zone l’échelle des végétations successives, et qui, à la hauteur de l’hospice du mont Saint-Bernard, jouit d’un ciel délicieusement tempéré. Ce soir, la nuit est admirable ; les vastes rues de Mexico sont blanchies par la lune ; la grande place parait immense. De deux côtés, elle est bordée de portiques ; en face de moi, la cathédrale s’élève derrière une rangée d’arbres, sur remplacement de l’ancien temple mexicain ; le palais du président et des deux chambres se prolonge à ma droite comme une longue bande blanche. Malheureusement tous ces édifices, y compris la cathédrale et le palais, ne sont pas assez élevés pour l’étendue de la place, l’une des plus spacieuses et des plus régulières qu’il y ait au monde. Ce qui en fait le charme à cette heure, c’est la grandeur de l’espace céleste que le regard embrasse, c’est cette coupole d’un bleu si pur et si doux, qui semble s’appuyer de toutes parts sur un carré de marbre blanc, et au sommet de laquelle la lune est suspendue comme une lampe d’albâtre à une tente d’azur. Dès neuf heures du soir, la place est vide, les rues sont désertes. Peu de piétons les traversent ; quelques voitures roulent dans l’éloignement et rappellent qu’on est dans une capitale, capitale endormie et muette, qui semble se recueillir dans les souvenirs de son passé et se préparer aux soucis de son avenir, car sur cette place ont défilé vainqueurs ces hommes entreprenans du nord, qui en savent maintenant le chemin et qui y reviendront.


2 mars.

Après avoir entrevu hier Mexico aux approches du soir et au clair de lune, j’ai erré aujourd’hui dans les rues et les faubourgs. Au sein de cette ville espagnole, comparativement ancienne, je retrouve la régularité à laquelle m’avaient accoutumé les cités neuves des États-Unis. Presque toutes les rues se coupent à angle droit, comme les rues de New-York, ou de Philadelphie. Chose étrange, cette symétrie, caractère des villes qu’on bâtit aujourd’hui de toutes pièces dans l’Amérique du Nord, parce qu’on n’est gêné par aucun débris du passé, comme on aligne les sillons d’un champ nouvellement défriché, cette symétrie est ici un legs de l’ancienne civilisation aztèque[2] !

Cortez, après avoir détruit la ville de Montezuma[3], fit construire la sienne sur le même plan. Les quartiers de la ville actuelle correspondent aux quatre quartiers de l’ancienne capitale et de plusieurs autres villes aztèques. Celle-ci était construite avec la plus exacte symétrie et divisée en carrés et en parallélogrammes. Cette disposition, qui est évidente sur un plan de la ville aztèque dont on possède un fragment, me paraît avoir été assez générale au Mexique avant la conquête, l’ai vu deux autres plans d’anciennes villes qui offrent la même régularité : elle est encore sensible dans l’aspect de la ville de Cholula.

Le Mexico primitif était traversé par des canaux comme Venise, ou plutôt comme les villes de Hollande, car il y avait en général un chemin latéral entre le canal et les maisons. Quoi qu’il en soit, Cervantes a pu, dans une de ses nouvelles, comparer Venise à Mexico. Aujourd’hui on a d’abord de la peine à s’expliquer cette comparaison. Les canaux ne sont visibles que dans un quartier de la ville, partout ailleurs ils ont disparu aux regards, mais ils existent encore sous le sol pavé des rues qui les ont remplacés et qui marquent la direction des canaux. Un changement pareil attend probablement Venise elle-même. Un jour, ses canaux seront comblés, et les voitures rouleront où glissent maintenant les gondoles ; partout l’extraordinaire, le singulier, tendent à disparaître ; l’uniformité et la monotonie s’emparent du monde. Quelquefois les anciens canaux, aujourd’hui transformés en égouts, se révèlent par l’odeur qu’ils exhalent. Ça et là, dans les faubourgs de la ville, je vois des amas d’ordures et des eaux stagnantes et croupissantes. Rien ne montre mieux combien fait de Mexico est salubre. Partout ailleurs ces cloaques produiraient mille maux : mais à huit mille pieds au-dessus de la mer, à une hauteur qui est celle de la moyenne région des Alpes, la pureté de l’atmosphère est telle que les maladies si fréquentes dans les parties basses du pays sont ici entièrement inconnues. Seulement la situation de Mexico est contraire aux poitrines délicates, qui peuvent difficilement respirer dans une atmosphère si rare. L’été, cette atmosphère est troublée par des orages presque journaliers. À cela près, le climat de Mexico est très sain ; il est aussi très agréable, parce qu’il n’atteint jamais les extrémités du chaud et du froid, et forme sous ce rapport un parfait contraste avec les brusques changemens de climat des États-Unis. Son plus grand inconvénient, c’est que, durant plusieurs mois, au lieu des pluies continues ordinaires dans les pays tropicaux, il tombe ici tous les jours une averse dans l’après-midi. À l’époque de l’année où nous sommes, il n’y a rien de pareil ; cependant chaque soir on s’aperçoit d’un certain trouble qui n’est pas suffisant pour altérer la sérénité du temps, mais semble toujours la menacer.

La pureté de l’air, ici comme en Égypte, est accompagnée d’une extrême sécheresse. Les cigares se cassent comme nos chapeaux de paille se cassaient sur le Nil. On ne sait ce qu’est l’humidité ; cette extrême sécheresse et les orages quotidiens de l’été l’alignent les organisations délicates et surtout les personnes nerveuses. Ces dernières ne peuvent vivre à Mexico.

Ce qui est particulier à Mexico et ne se trouve mille part aux États-Unis, c’est qu’au bout de chacune de ces rues larges et droites, on aperçoit une montagne, comme dans certaines petites villes des Alpes ou des Pyrénées ; mais ici le spectacle, frappe davantage, parce qu’où est dans une plaine et dans une ville de cent cinquante mille âmes. Imaginez qu’au bout de la rue du Faubourg-Saint-Honoré ou de la rue du Bac on aperçoive un sommet bleuâtre s’élevant à dix mille pieds : on avouera que ces rues gagneraient à la perspective.

Les faubourgs sont tristes et ont l’air assez misérable. On ne s’y doit risquer vers le soir qu’avec précaution. Il arrive parfois qu’aux portes de la ville un cavalier qui passe à vingt pas de vous, vous lance subtilement le lazo : c’est une corde enroulée au pommeau de la selle et avec laquelle il vous atteint comme un bœuf ou un cheval sauvage, vous entraîne et vous assassine un peu plus loin tout à son aise. Un voyageur anglais raconte qu’il n’a échappé qu’à grand’-peine à ce danger. Le lazo est, comme on voit, une arme qui peut être mortelle, et cela est si vrai, que pour avoir le droit d’en être muni on a besoin d’un port d’armes.

Mexico est une grande ville espagnole qui a l’air plus imposant, plus majestueux, plus capitale qu’aucune cité d’Espagne, sans en excepter Madrid. Surmonté de ses nombreux clochers et environné d’une vaste plaine terminée par des montagnes, Mexico rappelle un peu Rome. Ses grandes rues droites, larges, régulières, lui donnent une apparence assez voisine de celle qu’offre Berlin. Il a aussi quelque chose de Naples et de Turin, avec un caractère qui lui est propre. Mexico fait penser à plusieurs villes d’Europe, et diffère cependant de chacune de ces villes. Il rappelle tout et ne ressemble à rien.

Quand on va dans la rue des Plateros[4] et dans le quartier marchand, dont elle forme le centre, on a le plaisir d’entendre parler français dans presque tous les magasins. Les Français sont assez nombreux à Mexico. Ils y font le commerce d’orfèvrerie ou de modes ; ils sont bottiers, cuisiniers, coiffeurs, gagnent beaucoup d’argent en peu de temps, et selon leur habitude, quand ils ont fait fortune, quittent le pays pour retourner chez eux. Il y a aussi bon nombre de négocians anglais ; en général, ils s’établissent sur un grand pied. J’ai rencontré également des négocians allemands, surtout des Hambourgeois.

Les Indiens forment la masse de la population dans l’intérieur du pays, ils en composent la presque totalité. Les Indiens sont les paysans du Mexique. L’esclavage des noirs est aboli depuis la proclamation de l’indépendance ; mais on emploie les Indiens, sous le nom de peons ou d’engagés, à faire ce que faisaient les nègres. Ils s’engagent en effet pour un an ; mais au bout de ce temps, il se trouve souvent qu’ils ont contracté une dette envers leurs patrons. Ils ne peuvent recouvrer leur liberté jusqu’à ce que cette dette soit payée. Cette situation est à quelques égards pire que l’esclavage, car le maître n’a pas les mêmes raisons de soigner son engagé que le propriétaire de soigner son esclave. S’ils sont malades, point d’infirmerie, de médecin ; ils meurent quelquefois sur le bord d’un chemin sans que personne en prenne souci.

La condition des Indiens est en général assez misérable. L’autorité a conservé envers eux des habitudes un peu espagnoles. Le clergé, à la voix de Las Casas, se déclara leur protecteur après la conquête, des inquisiteurs même prirent leur parti avec chaleur ; mais aujourd’hui j’entends dire que les curés font peu pour les instruire ou les moraliser, et même rançonnent leurs paroissiens sans miséricorde. Les pauvres Indiens peuvent dire avec le poète mexicain Galvan : « Je suis un Indien, c’est-à-dire un ver qui se tapit dans l’herbe. Toute main l’évite et tout pied le meurtrit. » Les Indiens sont d’un naturel habituellement doux et tranquille, mais dans l’occasion capables de courage et même de férocité. Ceux qui vivent dans des lieux écartés conservent certaines superstitions dont l’origine se rattache à l’ancienne religion de leurs pères. On peut lire dans le curieux Voyage de Th. Gage, écrit au XVIIe siècle, comment ce dominicain découvrit au fond des forêts, dans une grotte obscure, une idole en bois, et comment, l’ayant apportée dans sa chaire, il la détruisit à coups de hache, à la grande indignation de quelques-uns de ses paroissiens, qui, pour venger leur dieu, tentèrent même de faire à Gage un mauvais parti. Encore aujourd’hui, certains Indiens honorent les idoles que le temps a épargnées, et qu’ils appellent les vieux saints (los santos antiguos). À Mexico même, quand il y a quatre-vingts ans on eut déterré la statue d’une affreuse divinité dont je parlerai bientôt, on observa chaque matin qu’elle avait été couronnée de fleurs pendant la nuit.

L’hôtel que nous habitons a été le palais d’Iturbide. Singulière destinée ! après avoir combattu les insurgés pendant plusieurs années, Iturbide embrassa leur cause et en décida le triomphe. Élu empereur, il entra en lutte avec les chambres et s’en débarrassa par un coup d’état ; puis, vaincu à son tour par le parti républicain, il fut banni du Mexique et se réfugia en Italie. Les dissensions perpétuelles de la patrie qu’il avait délivrée et asservie le rappelèrent dans cette patrie. Il y revint, on ne sait pas bien dans quel dessein, car étant descendu à terre, il fut arrêté et fusillé immédiatement. Il n’en est pas moins considéré aujourd’hui comme le vrai fondateur de la république mexicaine. À Puebla, une rue porte son nom, et à Mexico son sabre est placé dans la salle des représentant. Le palais qu’il a habité est très beau, et quand l’hôtel qui l’occupe sera terminé, ce sera un magnifique hôtel. On y est assez bien, et la cuisine n’y est pas espagnole. Les chambres sont disposées autour de deux grandes cours, dont l’une est entourée d’un portique soutenu par de légères colonnes. Les ornemens ciselés sur les murs du palais sont d’un goût singulier, mais qui n’est pas sans charme. L’architecture européenne a le droit d’être un peu bizarre à Mexico.

J’ai eu le plaisir de retrouver, dans le ministre de France au Mexique, M. Levasseur, ancien aide de camp du général Lafayette, que j’avais vu autrefois à Lagrange. Son accueil m’a l’appelé la cordiale hospitalité toujours offerte dans le château féodal du libérateur de l’Amérique, et rendue si douce par la respectable et charmante famille qui l’habitait. M. Levasseur m’a mené faire une promenade en voiture dans les allées qui sont aux portes de la ville. Les grands volcans qu’on aperçoit de ce lieu donnent à l’horizon un caractère de sublimité incomparable. Ici on sent la vérité de cette exclamation de M. Carpio, poète indigène, quand, s’adressant au Mexique dans le poème qu’il a consacré à célébrer sa patrie, il lui dit : « Que tu as de magnifiques horizons ! »

Che magnificos tienes horizontes !

Les horizons sont en effet la grande beauté du Mexique Partout le paysage est bordé par d’admirables sommets. Le plateau de Mexico, qu’embrasse un dédoublement de la Cordillère, est placé au centre d’un cercle de montagnes. Quand le soleil dore les cimes neigeuses qui pyramident au-dessus des nuages, on a aux portes de la ville et sous le ciel le plus doux le spectacle des plus grands tableaux que présente la nature des Alpes.

Vers le soir, la promenade est fréquentée par les voitures et les cavaliers ; des tourbillons de poussière rendent la condition de piéton peu agréable. Les voitures m’ont semblé assez lourdes ; elles sont en général fermées et sont loin de l’élégance originale des volantes de La Havane. Parmi les promeneurs à cheval, il en est qui portent le costume mexicain : le chapeau à vastes bords, le large pantalon à boutons de métal et ouvert à la partie inférieure sur le côté, les étriers énormes. Ils ont parfois un air de brigand très pittoresque, et cette apparence n’est pas toujours trompeuse. Un Français se promenait ici avant la nuit ; un cavalier, après s’être assuré qu’en ce moment personne n’était en vue, fondit sur lui et lui mit la pointe d’un sabre sur la poitrine. Le Français avait des pistolets à l’arçon de sa selle ; on ne se promène guère sans armes. Il en dirigea un contre le brigand, qui fit volte-face, se coucha sur son cheval et s’enfuit. Notre compatriote, de qui je tiens le fait, porta plainte à un personnage élevé. Celui-ci lui dit tout d’abord : « Ce ne peut être qu’un tel ; lui seul est capable d’une pareille impudence. – eh bien ! qu’on l’arrête et qu’on me confronte avec lui ; qu’on le juge. — Oh ! non, il ne serait pas condamné. C’est un homme dangereux. Pourquoi ne l’avez-vous pas tué ? »

En effet le seul moyen d’avoir justice en ce pays, c’est de se faire justice soi-même. Seulement il faut avoir soin de tuer son homme du coup ; si on se contente de le blesser, il se venge tôt ou tard, et de plus, si l’on est étranger, on s’expose à être condamné pour voies de fait contre un citoyen du Mexique. On m’a assuré qu’un Français avait été en prison trois mois pour avoir donné un coup de bâton à un Indien qui se précipitait sur lui un couteau à la main. Telle est la justice au Mexique. Un voleur ne profession disait : On n’est jamais condamné quand on a 25 piastres à donner. Aussi les vols et les meurtres abondent à Mexico. L’autre jour, un particulier a été assassiné en plein jour, chez lui, par des bandits, à deux pas du palais où réside le président et où s’assemblent les deux chambres. Hier, un médecin distingué et très aimé dans le pays est allé à cheval, visiter un malade aux portes de la ville ; il avait engagé sa femme à l’accompagner en voiture et à faire de cette petite course une promenade. Il a été tué sous les yeux de sa femme et de ses enfans. Les voleurs ont été arrêtés. Comme cette mort avait mis la ville dans la consternation, on se flatte cette fois que par extraordinaire les meurtriers seront condamnés et exécutés[5]. Voilà où en est la sûreté publique à Mexico. Aussi les soldats à cheval qui sont en faction au milieu du pasep me semblent placés là moins pour faire la police des voitures que pour garder les promeneurs.

Je ne résiste pas à la tentation d’essayer de décrire un de ces admirables couchers de soleil dont je jouis presque tous les soirs, en suivant, à l’heure de la promenade, une grande allée qui est aux portes de Mexico.

Le ciel est parfaitement pur, non pas de ce bleu foncé qu’on admire en Italie, mais d’un bleu délicat d’une extrême suavité. Les grands vallons élèvent sous ce ciel leurs sommets d’une étincelante blancheur qui devient graduellement une blancheur dorée. À gauche sont des montagnes d’un ton gris cendré très doux ; à droite, d’autres montagnes d’un bleu mat ; le ciel prend ces teintes vertes, fleur de pêcher, si rares dans nos climats, mais fréquentes sous les tropiques, et qu’a si bien décrites Bernardin de Saint-Pierre. Les cônes neigeux semblent reposer sur une pyramide violette qui s’éclaire et s’empourpre aux splendeurs du couchant. Pendant que je contemple ces métamorphoses de la lumière, j’écoute la cloche d’un couvent et le cri égaré d’un petit oiseau. La plaine est parfaitement uniforme de ton, simple et sévère. : c’est la campagne de Rome, bordée par des cimes qui ressemblent à ce qu’on imagine de l’Himalaya. Mais, nouvel incident survenu dans le magique spectacle, voici que la base de la montagne est devenue d’un gris tirant sur le bleu ; les sommets sont roses, Puis ce rose, au moment de son plus vif éclat, pâlit soudainement ; les nuages ont conservé le leur et semblent un reflet céleste des cimes terrestres qui se décolorent. Le Popocatepetl résiste plus longtemps ; enfin il blêmit, et son cratère neigeux n’offre plus qu’un blanc mat remplacé bientôt par la teinte presque livide que prennent en Suisse les glaciers quand le soleil a disparu. L’aspect de cette neige terne, après l’éblouissement que produisent les derniers jeux de la lumière, est profondément triste : c’est un brusque passage de ce que la vie a de plus brillant à ce que la mort a de plus sombre.

Près de ce lieu si imposant, je trouve un souvenir assez grotesque de la France. Dans une petite île entourée d’une eau croupissante est un misérable bouchon sur lequel le propriétaire, qui ne peut être qu’un compatriote et qui doit être un philosophe, a mis pompeusement pour enseigne : la isla de Jean-Jacques Rousseau (l’île de Jean-Jacques Rousseau). — L’eau des fossés est couverte d’une végétation si serrée, que l’on a peine à la distinguer de la verdure du sol. Hier j’ai manqué y mettre le pied comme sur un terrain solide. Cela fait comprendre l’existence des chinampas, ou prairies flottantes, sur le lac de Chalco, dont parlent les historiens de la conquête, que M. de Humboldt a encore vues, et qu’on me dit ne plus exister.

Dans l’intérieur de Mexico est une autre promenade nommée l’Alameda. Toutes les villes en Espagne ont leur alameda. Ce nom si gracieux, et qu’on serait tenté de prendre pour un nom arabe, a cependant une origine latine, et veut dire un lieu planté d’ormes. Ce ne sont pas des ormes qui font la parure des alamedas des tropiques : à La Havane c’étaient des palmiers, ici ce sont des arbres au feuillage délicat dont je ne sais pas le nom, mais que je suis bien sûr de n’avoir pas vus en Europe ; Ces arbres sont toujours verts, et cependant leurs feuilles se renouvellent, mais graduellement et insensiblement, de sorte que les rameaux ne se dépouillent jamais de leur verdure. Tous les jours, je vais de grand matin à l’Alaomeda, je m’assieds sous ces beaux arbres ; je regarde et j’écoute l’eau jaillir d’une fontaine à la forme singulière, aux ornemens capricieux, qui date du XVIe siècle, et vers laquelle viennent converger les allées. Ces allées sont pavées comme dans l’Alameda de Séville. C’est un lieu très agréable. Le matin, il est très solitaire. J’y retourne à cinq heures du soir, à l’heure de la promenade. On ne fait guère que le traverser pour aller aux grandes allées. Il y a deux siècles, on y étalait le luxe de cette époque. L’Anglais Gage, dont le voyage offre une peinture curieuse de ce qu’était alors le Mexique, nous montre à l’Alameda les gentilshommes accompagnés d’une suite nombreuse, leur voiture conduite par six esclaves nègres vêtus d’une livrée brillante chargée de galons d’or et d’argent, avec des bas de soie sur leur jambe noire, des rosettes à leurs souliers et l’épée au côté. Aujourd’hui ce luxe bizarre a disparu, mais il n’y a plus d’esclaves.

La douceur et la pureté de l’air sont pour beaucoup dans le charme des promenades de Mexico. Nulle part on ne sent l’existence si égale et si légère. Au sein d’une grande ville, on respire comme dans une haute vallée de la Suisse, et l’on sait que cette oasis aérienne s’élève au milieu d’un pays brûlant. Le calme délicieux qu’on éprouve dans cette région a quelque chose de la sérénité de l’Olympe.


Dimanche, 14 mars.

J’ai eu aujourd’hui le spectacle de l’ancienne existence aztèque. Après avoir suivi une longue chaussée presque déserte, je me suis trouvé à l’extrémité de la promenade appelée las Vigas. Là, j’ai aperçu tout à coup, sur le canal qui réunit la ville au lac de Chalco, des barques remplies d’Indiens et d’Indiennes qui portaient la plupart sur leurs cheveux noirs des fleurs rouges, parmi lesquelles figurait l’œillet mexicain, qu’on employait autrefois à parer les morts. Sur les bateaux, l’on dansait et l’on jouait de la harpe. Il en est ainsi tous les dimanches. C’est probablement un souvenir de quelque vieille solennité nationale dont l’origine est oubliée. Le canal sur lequel a lieu cette promenade traditionnelle longe une allée où, à la même heure, se rassemble le beau monde. La foule civilisée a bien aussi sa physionomie un peu sauvage : à côté des calèches élégantes et des coches qui voiturent les bourgeois de Mexico, galopent des hommes au visage et au costume de bandits ; mais cependant le contraste est grand entre le Longchamp mexicain et ce canal couvert de barques portant l’antique population du pays, avec son costume, ses fleurs, ses danses au son de la harpe et ses chansons. On assure que ces Indiens déplorent encore aujourd’hui dans leurs chants la chute de l’empire de Montezuma. Les femmes portent, sous le manteau bleu dans lequel elles sont enveloppées, des robes très peu montantes, de sorte qu’au moindre mouvement qu’elles l’ont, on aperçoit une grande partie de leur brune personne.

Dans le quartier de Mexico où les anciens canaux existent encore, on voit, certains jours de la semaine, les fleurs et les fruits qui doivent se vendre au marché arriver de grand matin sur des bateaux plats, recouverts de nattes, et conduits par des Indiens ou des Indiennes. Ce gracieux spectacle est plus frappant peut-être que celui que je décrivais tout à l’heure, car ce n’est pas à un divertissement, conservé par hasard, des temps anciens qu’on assiste : on se trouve transporté au sein de la vie quotidienne des Aztèques. Les choses se passaient exactement ainsi avant la conquête : on a devant les yeux un petit coin du tableau qui frappa les regards de Cortez et de ses compagnons. Le marché aux fruits offre un aspect du même genre. C’est le premier marché aux fruits du monde, car nulle part autant qu’à Mexico on ne peut trouver réunies les productions des diverses zones : où voit-on, par exemple, des cerises à côté des ananas et des bananes ? Il faut être pour cela dans un pays où se trouvent toutes les températures, et par suite toutes les végétations.

Comme je traverse la grande place, le tambour bat aux champs, le poste en faction au palais sort musique en tête : c’est qu’on porte à. un malade le saint-sacrement dans une voiture attelée de deux mules blanches. Tout le monde se découvre, s’arrête et fléchit le genou d’aussi loin qu’on peut entendre la clochette. Ces hommes épars sur cette immense place, agenouillés, inclinés, recueillis, forment un tableau grave et imposant. En Espagne, j’ai vu quelque chose d’analogue, mais d’un effet moins sérieux. J’étais au théâtre. Tout à coup les acteurs se turent, les spectateurs se levèrent et tournèrent le des à la scène. C’est qu’on avait entendu la clochette qui annonçait le passage du saint-sacrement, qu’on appelle sa majesté, majesté devant laquelle s’humilia l’orgueil de Philippe II le jour où, ayant rencontré le pieux cortège, il descendit de sa voiture, y lit monter le prêtre qui portait l’hostie consacrée, et suivit à pied.

Les seuls monumens dignes de ce nom qui décorent la grande place de Mexico sont la cathédrale et le Sagrario[6]. L’intérieur de la cathédrale est peu remarquable. Le sol est en planches ; des figures de moines et de religieuses en bois peint rappellent les collections de Curtius à Paris ou celle de Mme Tussaud à Londres. Au-dessus du tabernacle, des anges couleur de chair soutiennent une madone dans les nuages. Au dehors, on retrouve l’architecture espagnole surchargée des deux derniers siècles ; les ornemens de la façade du Sagrario sont particulièrement tourmentés et fouillés. L’architecture mexicaine, c’est le goût espagnol outré par le génie sauvage.

Sur l’emplacement où s’élève la cathédrale était le grand téocalli ou temple mexicain. Autour d’une pyramide surmontée d’une chapelle se groupaient soixante-dix-huit édifices, sanctuaires, habitations des prêtres, etc. Dans le mur de la cathédrale, on a encastré le fameux calendrier mexicain, trouvé près de là, avec la statue de la déesse de la Mort, et la pierre dite des sacrifices. Le premier de ces monumens parait n’être qu’un fragment d’un morceau plus considérable et ne présenter que la moitié de l’année. Tel qu’il est, son poids est évalué à près de cinquante mille livres.

Un antiquaire mexicain, Gama, a consacré à l’examen de cette pierre une savante dissertation, à laquelle je renvoie ceux des lecteurs qui désireraient faire une connaissance plus particulière avec ce curieux monument astronomique[7]. J’en dirai seulement quelques mots. Au milieu est le soleil, la grande divinité des Mexicains, représenté par une tête vue de face et tirant la langue. À l’entour sont figurés les vingt mois solaires de dix-huit jours chacun dont se composait l’année mexicaine de trois cent soixante-cinq jours, en y comprenant cinq jours complémentaires. C’était exactement l’année des Égyptiens avec les jours épagomènes, et comme l’année véritable est plus longue de près de six heures, il fallait pour ce calendrier comme pour tous les autres une correction qui au bout d’un certain temps compensât ce que chaque année mexicaine perdait sur l’année véritable. Une correction de ce genre a été le problème à résoudre dans la formation de tous les calendriers. On sait comment il a été résolu dans le notre par les années bissextiles, qui intercalent tous les quatre ans un jour de plus après le 28 février, et suppriment ce jour complémentaire dans la dernière année de trois siècles sur quatre. Les Égyptiens remédiaient à la différence de l’année de trois cent soixante-cinq jours et de l’année vraie par leur période de quatorze cent soixante ans, au bout de laquelle les deux années se retrouvaient d’accord. Les Mexicains n’attendaient pas si longtemps. Au bout de cinquante-deux ans, ils ajoutaient alternativement douze et treize jours, ce qui faisait vingt-cinq jours au bout de cent quatre ans, et ce temps écoulé, l’année de trois cent soixante-cinq jours se trouvait ramenée à l’année vraie. Ces cent quatre ans formaient le grand cycle mexicain. Alors, comme si le monde avait recommencé une nouvelle existence, ils renouvelaient tous les objets de leur culte et même les meubles et les ustensiles destinés à des usages privés ; ils rallumaient le feu sacré dans leurs temples. — Tel était le système du calendrier mexicain. Gama l’appelle le plus parlait de tous les calendriers ; on voit du moins qu’il était ingénieux et prouvait chez le peuple qui l’avait imaginé une civilisation assez avancée.

Je reviens à la description de la pierre astronomique de Mexico. Autour du soleil sont indiqués par leurs symboles les quatre autres soleils qui, dans les idées mexicaines, avaient précédé le nôtre et étaient morts avant lui. La mort de chacun de ces soleils avait été accompagnée de la destruction de l’espèce humaine. La première fois les hommes avaient été dévorés par des tigres à la suite d’une disette ; la seconde fois, de grands vents avaient renversé les maisons, et les hommes, enlevés par ces vents impétueux, avaient été changés en singes ; la troisième fois, ils avaient été attaqués par le feu et transformés en oiseaux : la quatrième enfin, submergés par un déluge et changés en poissons. Le soleil actuel devait mourir aussi, et avec lui le genre humain disparaître dans un incendie. Aussi, à la fin de chaque cycle de cent quatre ans, on craignait que la destruction de l’univers ne s’accomplit, et on recommençait le cycle suivant avec de grandes marques de joie, après que chacun avait fait couler un peu de son sang en l’honneur des dieux, et ce qui est plus fâcheux, après avoir immolé des victimes humaines. On trouve dans la plupart des cosmogonies, particulièrement dans celle des anciens Scandinaves, l’idée de ces époques successives séparées par des destructions et des renouvellemens que produisent l’eau et le feu. Il ne faut pas en conclure à un rapport historique entre les peuples qui ont eu ces idées, et voir, comme on l’a fait, dans un personnage merveilleux de la tradition mexicaine nommé Votan, le Woden ou Odin des peuples germaniques. Ces analogies peuvent avoir leur raison d’être dans l’unité de l’esprit humain, naturellement porté à expliquer par des suppositions semblables les origines qu’il ignore. La similitude des erreurs est une loi de notre nature aussi bien que leur variété. Peut-être dans cette croyance à des rénovations périodiques du monde se cache un souvenir traditionnel d’anciennes catastrophes géologiques. Les révolutions du globe terrestre, les phases de la vie organique à sa surface, semblent, d’après les opinions le plus généralement admises aujourd’hui dans la science, avoir pour causes de grands cataclysmes produits par les soulèvemens volcaniques et qui sont accompagnés de déplacemens dans le lit des mers, ce qui ressemble assez aux périodes séparées par des incendies et des déluges (elles qu’on les trouve chez les Mexicains, chez les anciens Scandinaves, chez divers peuples de l’Orient, et telles que nous les ont transmises plusieurs philosophes et plusieurs poètes de l’antiquité[8].

Le style de décoration qui prévaut dans l’intérieur de la cathédrale se trouve dans toutes les autres églises de Mexico. Partout sont des retables, c’est-à-dire des peintures séparées les unes des autres par des cadres sculptés, par des figures en demi-relief et en ronde bosse, mélange singulier qui frappe l’œil dans toutes les églises espagnoles des deux mondes. Le cadre est un objet d’art comme le tableau, et souvent tient autant de place que lui ; quelquefois l’accessoire est devenu le principal : il en résulte un ensemble qui souvent n’est pas d’un goût très pur, mais presque toujours d’une grande richesse et d’un grand effet. Quelquefois les peintures expriment un vif sentiment de ferveur ; en général elles sont peu remarquables et souvent tout à fait mauvaises. Des crèches, d’un goût puéril, ressemblent à des jouets d’enfant. J’ai vu un grand Christ dont la tunique était semée de roses qui simulaient des gouttes de sang : mélange du gracieux et du sombre qui peignait assez bien le double génie de la dévotion espagnole.

Les cloîtres abondent à Mexico ; on dit qu’il y existe cinquante-huit églises et trente-six couvens. L’enceinte de San-Francisco renferme plusieurs églises et plusieurs cloîtres entourés d’un grand mur qui donne à l’ensemble l’air d’une forteresse. Il semble que la tradition du grand téocalil mexicain, qui comprenait soixante-dix-huit édifices consacrés au culte des Aztèques, se soit conservé sur une moindre échelle dans cet entassement d’édifices religieux chrétiens. Comme la Nouvelle-France du Canada est en réalité pour nous la vieille France, la Nouvelle-Espagne est vraiment la vieille Espagne, l’Espagne avec des moines et avec tous les abus de la vie monacale dégénérée. Les moines de Mexico sont loin de mener une vie édifiante. Un légat du pape est en ce moment dans cette ville ; il y a été envoyé pour tâcher d’introduire dans les couvens une réforme dont ils ont grand besoin. On dit qu’il désespère de réussir. Le pape actuel voudrait faire ici ce qu’il a tenté à Rome : réduire le nombre des couvens en agglomérant les religieux d’un même ordre dispersés dans plusieurs maisons, dont chacune possède des fondations qu’a rendues démesurées la diminution graduelle de ceux pour qui on les avait instituées. Les moines de Mexico, malgré toutes les révolutions, sont encore trop riches ; le meilleur emploi qu’ils fassent de leur argent est de le prêter à 6 pour 100, ce qui est d’une véritable utilité dans un pays où le taux ordinaire du prêt est beaucoup plus élevé, mais ce qui est peu en harmonie avec leur vocation et avec les doctrines de l’église catholique, si peu favorable au placement à intérêt, dans lequel elle a toujours eu beaucoup de peine à ne pas voir une usure déguisée.

Pendant le carême, les spectacles sont fermés à Mexico ; mais nous allons avoir un concert au grand théâtre. Je verrai du moins la salle et le public. La salle est loin d’avoir le brillant aspect de celle de La Havane ; le carême empêche qu’elle soit remplie. On fume au parterre. De temps à autre, j’entends un petit bruit sec : c’est le frottement d’une allumette destinée à allumer un cigare. En Hollande, on fume dans les couloirs du théâtre, et à Séville des prêtres savouraient devant moi la cigarette dans la sacristie de la cathédrale ; mais fumer en plein parterre, c’est ce que je n’ai vu qu’à Mexico. On nous annonce une chanteuse qui vient de Californie. Le concert n’aura lieu que lorsque les robes de Mme *** seront arrivées ; elles se trouvent maintenant entre Vera-Cruz et Mexico, et il faut bien qu’elles arrivent, car elles sont annoncées sur l’affiche. Les toilettes successives de Mme *** y figurent aussi bien que les morceaux qu’elle doit chanter.

En attendant, on raconte son histoire. Mme *** est Française. Les parens d’un jeune homme qui l’aimait imaginèrent d’envoyer leur fils en Californie pour le guérir de son amour. Il y avait consenti et attendait à Bordeaux le moment de s’embarquer. Sur ces entrefaites, Mme *** était venue chanter sur le théâtre de Bordeaux ; le vent se trouvant contraire, le jeune homme alla un matin voir Mme ***. Le résultat fut que le soir, au lieu de paraître sur le théâtre, elle était avec lui embarquée pour la Californie. Le bateau à vapeur envoyé à leur poursuite arriva tout juste pour voir cingler vers la pleine mer le navire qui les emportait. Voilà un petit roman californien assez agréable, et qui, comme tout roman bien conduit, s’est terminé par un mariage.

Les autres plaisirs de Mexico sont le jeu et les combats de coqs. Je n’ai pas cherché à être témoin de ce cruel passe-temps, que les Mexicains aiment avec passion. Quant au jeu, je n’ai nulle envie de perdre mon argent au monte, ne voulant point avoir recours à la ressource dont parfois ont usé, m’assure-t-on, des jeunes gens de Mexico qui, se trouvant à sec, sortaient d’un salon et allaient arrêter un passant dans la rue, puis rentraient et continuaient leur partie avec les sommes qu’ils s’étaient ainsi procurées.

Il y a ici, comme en Espagne, des combats de taureaux dans lesquels les Mexicains montrent une audace qu’ils n’ont pas constamment trouvée devant l’ennemi. Il y a diverses sortes de courage : tel homme qui a l’une n’a pas toujours l’autre. En ce moment, on ne nous offrait d’autre divertissement que le combat d’un ours et d’un taureau. Il faut le désœuvrement du voyageur pour aller chercher un pareil spectacle. Cependant je dois avouer qu’il a été assez curieux par le dénouement inattendu qu’il a présenté. Comme l’ours avait tuer il y a quelques jours, deux ou trois imprudens qui s’étaient trop approchés du poteau auquel il était enchaîné, on l’a enfermé avec son ennemi dans une enceinte formée par de grandes poutres plantées verticalement, à travers lesquelles on n’apercevait que difficilement ce qui se passait. Néanmoins les spectateurs en voyaient assez pour être indignés de la couardise de l’ours, qui faisait le tour du champ clos en rasant les poutres ; les coups qu’on lui donnait à travers cette muraille à jour ne pouvaient le décider à combattre. Le taureau, de temps en temps, semblait vouloir fondre tête baissée sur son lâche ennemi ; puis, le voyant si humble, il dédaignait de le frapper. Enfin l’ours a perdu patience, il a jeté ses deux fortes pattes autour du col du taureau, qui dès ce moment est resté immobile, tirant la langue, entièrement, maîtrisé par cette rude étreinte. La nuit est arrivée avant que rien eût été changé à la situation respective des deux combattans ; mais tous les connaisseurs assuraient, en s’en allant, que l’ours certainement étoufferait le taureau.

Une autre curiosité a rassemblé la foule dans la même enceinte, l’enlèvement non d’un aérostat à gaz, mais d’une montgolfière soutenue par la dilatation de l’air échauffé. C’est l’enfance du ballon, et il faut aller à Mexico pour trouver, au milieu du dix-neuvième siècle, cette forme antédiluvienne d’un voyage aérien.

J’ai peu de chose à dire des mœurs mexicaines. Il faudrait vivre plus longtemps dans ce pays pour avoir une opinion fondée à cet égard. La vie de Mexico a été peinte dans le très agréable livre de Mme Calderon. Les scènes de l’intérieur, l’existence aventureuse qu’on mène dans les portions à peine civilisées du pays, ont été dans cette Revue l’objet d’une série de tableaux et de récits attachans qu’on m’assure ici ne pas manquer de fidélité. L’auteur de ces récits vient de finir tristement sa vie dans les flammes qui ont consumé le bateau à vapeur l’Amazone, sur lequel il s’était embarqué pour aller en Californie[9].

J’entends dire que les Mexicains ne sont pas très sociables, qu’ils se mêlent peu aux étrangèrs, quoique les négocians européens épousent souvent des Mexicaines ; qu’ils acceptent avec empressement les invitations qu’on leur fait, sans être très empressés de les rendre. Ce que je sais, c’est que M. Levasseur m’a mis en relations avec des hommes fort distingués et fort aimables. J’aurai l’occasion de parler bientôt de M. Ramirez et de M. Lacunza. J’ai vu aussi chez notre ministre M. Carpio, sénateur et, ce qui vaut mieux, poète mexicain, qui a chanté le Mexique, dont les vers ont de l’élévation, de l’ampleur et cette majestueuse harmonie de la poésie espagnole qu’on ne saurait égaler dans aucune langue vivante. M. Olagibel, avocat distingué et membre de la chambre des représentons, a été pour moi d’une obligeance rare. Sa bibliothèque, qui serait remarquable partout et où se trouvaient deux Murillos, a été mise par lui à ma disposition de la manière la plus complète ; j’étais même autorisé à m’y établir et à y travailler en son absence. Entouré de livres sur le pays, des meilleures éditions des classiques anciens et de tous les chefs-d’œuvre des littératures modernes, je me sentais à la fois au Mexique et en Europe. Il en était de même durant mes agréables et instructives conversations avec M. Olagibel. Tout le monde n’est pas aussi européen à Mexico. Un homme instruit du reste et très considéré m’a demandé un jour si le vin de Champagne ne venait pas de la campagne de Rome.

Les femmes mènent une vie tout orientale ; la promenade, le bain, la sieste, l’amour, occupent leurs momens. Le luxe est poussé ici très loin ; la façon d’une robe coûte, m’assure-t-on, de 200 à 250 fr. Il est vrai que tout est très cher à Mexico. Si les Mexicaines sont en général peu cultivées, je ne m’en étonne pas après avoir vu une maison d’éducation, tenue au reste d’une manière remarquable en tout ce qui ne concerne point l’instruction des jeunes personnes. Cet établissement, situé dans une espèce de palais, porte le nom de Saint-Ignace. Je l’ai visité avec. M. Lacunza, l’un de ces hommes distingués dont je parlais tout à l’heure, qu’on est étonné de trouver dans un pays si mal gouverné. L’établissement renferme cent cinquante jeunes filles et femmes de tout âge, on y entre à neuf ans, et on peut y finir ses jours. Les habitantes du lieu sont divisées en groupes de huit personnes ayant leur ménage à part et un dortoir commun. Les lits m’ont paru d’une assez grande élégance. Chaque groupe vit sous la direction d’une nana, présidente nommée par la rectrice [rectora), qui elle-même est nommée par la junta. C’est ce qu’on appelle en anglais le board et en français le comité. La junta se compose de deux représentans des provinces basques et de quatre représentans du Mexique. Nommés primitivement par leurs concitoyens, ils ont depuis ce temps désigné leurs successeurs, ce qui n’est, pour des raisons diverses, nullement dans l’esprit d’un board anglais ou américain ni d’un comité français. On m’a montré les portraits des trois fondateurs de l’établissement et on m’a raconté leur histoire. Ayant entendu une petite fille prononcer des paroles grossières, ils conçurent le projet de l’institution, et à l’aide de souscriptions formèrent une fondation considérable. Les jeunes personnes ont une tenue parfaite ; elles apprennent à coudre, à broder, à lire, à écrire, à compter, un peu de musique. J’ai demandé ce qu’elles étudiaient, et lisaient, une fois sorties de l’enfance ; on m’a répondu qu’elles ne lisaient et n’étudiaient point. Quelle différence de cette éducation à celle des petites filles de l’école de Philadelphie, qui connaissaient si bien l’histoire de leur pays et même les hommes et les partis du temps présent !

J’ai vu aussi avec M. Lacunza le collège de Saint-Jean de Latran. Ce collège, ainsi que deux autres, délivre des diplômes qui permettent d’exercer la profession d’avocat. On donne les diplômes au bout de huit ans d’étude dans l’établissement, sans examens définitifs ; mais chaque année on est examiné avant d’être admis à passer dans la classe supérieure. Ce privilège est menacé, car on va demander l’instruction libre : le droit possédé par les trois collèges de donner ces diplômes n’est qu’un usage et n’est fondé sur aucune loi.

Au collège de Saint-Jean de Latran est adjointe une classe d’enfans parmi lesquels j’ai eu un certain plaisir à voir toutes les couleurs confondues, même la couleur noire. C’est ce que je n’aurais, il faut le dire, trouvé nulle part aux États-Unis. Dans le collège de Saint-Jean de Latran, les études nécessaires sont le latin, la philosophie, le droit. Les études libres sont le français, l’anglais, l’escrime, la gymnastique, le dessin et l’art du menuisier (carpinteria) ; l’étude principale est celle du droit, dont la base est le droit romain, tel qu’il se trouve dans les Siete patidas d’Alphonse X, rédigées de nouveau (recopiladas) sous Charles III et complétées par les décrets des présidens. Il y a dans le collège deux bibliothèques, l’une dont les étudians ont le libre usage, l’autre qu’on ne peut consulter que sur une permission de M. Lacunza. Il ne doit pas l’accorder trop facilement, car j’y ai vu les romans de Pigault-Lebrun et Faublas à côté de la philosophie et du droit romain.

J’ai visité ensuite l’école de dessin, qui semble établie sur un assez grand pied, mais peu remplie. On y enseigne la peinture, la gravure, la sculpture. L’état envoie de jeunes artistes à Rome. Ce qui manque ici aussi bien qu’aux États-Unis, ce sont des modèles. Je n’ai pas vu un tableau de grand maître, sauf un Murillo douteux. Un élève de Tenerani a sculpté l’Hercule mexicain, dont le nom impossible à retenir, comme tous les noms aztèques, commence par tel et finit par tol. Destiné à la mort, Montezuma voulut lui faire grâce ; mais il demanda à mourir en gladiateur, ce qui était une sorte d’immolation religieuse et volontaire. J’ai eu beaucoup de plaisir à causer avec un peintre homme d’esprit et avec l’auteur de la statue. Je sympathise fort dans son admiration pour Tencrani, que j’ai eu à Rome le chagrin de voir trop immolé à Thorwaldsen, à la mode parmi les Anglais parce qu’il était Scandinave.

Enfin, pour terminer cette journée sérieuse, employée à la manière d’une journée aux États-Unis, j’ai vu un pénitencier qui m’a paru assez bien tenu ; mais ce qui là était un des intérêts principaux du voyage, l’organisation des établissemens d’utilité publique, est ici un intérêt assez secondaire. Ce qu’il faut venir voir au Mexique, ce sont les grands tableaux de la nature, dont j’ai cherché à esquisser quelques traits, et les antiquités ; mais avant d’aller étudier celles-ci au musée de Mexico, j’ai voulu visiter le sénat et la chambre des représentans.

La salle où se rassemblent les sénateurs est une bonbonnière, que j’ai trouvée à peu près vide. Dans la salle des représentans, on discutait, et il y avait quelques personnes dans la galerie publique. Au-dessus de la tête du président est une image de Notre-Dame de Guadalupe, et devant lui, sur le bureau, un crucifix. Il y a deux tribunes, l’une à gauche et l’autre à droite, apparemment pour que les orateurs aient moins de chemin à faire et leur épargner la fatigue de traverser la salle. Voilà du républicanisme bien méridional, cela seul ferait douter que les Mexicains soient très propres à cette forme de gouvernement ; ce qui parait évident, c’est que jusqu’ici elle n’a produit que des alternatives d’anarchie et de, despotisme, ce qui est la pire des conditions pour un peuple. C’est aujourd’hui le tour de l’anarchie, l’année prochaine ce sera celui du despotisme ; puis l’anarchie reviendra.

Rieu ne peut approcher de la désorganisation de cette société. Les Mexicains ont adopté une constitution modelée sur celle des États-Unis, ce qui était très déraisonnable, car rien ne se ressemble moins que les citoyens des États-Unis et les habitans du Mexique. La masse de la population est indienne, et la population d’origine espagnole n’a nullement cette énergie, cette activité, cette habitude de compter sur soi-même, sans laquelle la république n’est pas possible. De plus, chaque état est à peu près indépendant, de sorte qu’il n’y a nulle autorité dans le gouvernement, nulle union dans le pays. Deux généraux viennent de déclarer de leur chef la franchise de deux ports situés dans les provinces où ils commandent. Le journal qui relate ce fait y ajoute une réflexion trop vraie : « Rien n’est dans son centre, tout est détraqué (desquisiado), et notre existence politique est un phénomène effrayant. » Là où personne n’obéit, l’impôt rentre mal ou est gaspillé par l’administration. Ce qu’il y a de certain, c’est que les finances mexicaines ne sont pas florissantes. Le président Arista, dans son dernier discours aux chambres, a prononcé ces propres paroles : L’étal du trésor est véritablement misérable. — Cela n’est point déguisé, et le président confirme la vérité de son assertion en établissant un déficit égal à la cinquième partie du revenu, et en déclarant qu’une partie des fonctionnaires n’est plus payée. Personne ici n’a le sentiment qu’un tel état de choses puisse durer. La crise financière précipitera la dislocation inévitable de l’état. On m’assure que le gouvernement mexicain a vécu jusqu’ici sur les 15 millions de dollars que les États-Unis ont donnés au Mexique en indemnité des provinces qu’ils lui avaient prises. Cette somme a été soldée par quartiers ; les derniers sont échus tout récemment, et le Mexique est ruiné depuis qu’il n’a plus à dépenser l’argent de ses vainqueurs. Il lui faudrait une seconde invasion pour rétablir ses finances ; mais cette fois les États-Unis prendraient tout et ne paieraient rien.

Le Mexique semble un condamné à mort qui a obtenu un répit d’une durée ndéterminée ; le répit ne saurait être bien long. Cette conviction est dans tous les esprits, et j’ai lieu d’être certain qu’un personnage très haut placé a exprimé dans la conversation le désir que la France ou l’Angleterre voulût bien s’emparer du Mexique, afin que son pays échappe aux États-Unis. Si les États-Unis ont d’ici à quelque temps autre chose à faire, que deviendra jusque-là ce beau et malheureux pays, le plus beau, le plus riche en productions de tous genres qui soit au monde, le seul qui réunisse les métaux précieux aux productions végétales des climats tropicaux et des climats tempérés ? Cependant on sent qu’il va mourir, parce qu’il ne peut pas vivre. Après avoir vu aux États-Unis un peuple naître et grandir, je vois ici une nation se dissoudre et s’éteindre. Ce qui est bien frappant et bien propre à faire réfléchir, c’est qu’une agonie mortelle ne supprime pas chez un peuple les apparences de la vie. À voir cette grande ville avec son luxe, ses magasins, ses promenades remplies d’une foule insouciante et parée, il semble qu’on soit au sein d’une société régulière et durable. Et cependant on sait, à n’en pouvoir douter, que cette société, minée par la base, repose sur le vide et finira par s’y abîmer. Singulier et effrayant spectacle ! Il en était ainsi dans l’empire romain la veille de son renversement par les Barbares, quand Ausone s’amusait à décrire en vers coquets le luxe et la sécurité de l’opulence romaine aux bords de la Moselle, à quelques pas des Barbares qui allaient venir ; quand cet empire, comme disait Salvien, mourait en riant. Les peuples qui laissent se briser dans leur sein les ressorts de la vie morale et de la société sont pareils à ces arbres, creux au dedans, qui ont à l’extérieur tous les semblans de la durée, et qui, un petit vent venant à souffler, tombent tout à coup.


J.-J. AMPERE.

  1. J’appelle ainsi l’agave americana, qui porte au Mexique le nom de maguey, pour éviter en français le pédantisme d’un nom latin ou d’un nom mexicain.
  2. Aztèques était le nom que se donnaient les populations qui occupaient Mexico et gouvernaient une partie du Mexique à l’arrivée de Cortez.
  3. Le véritable nom de ce prince était Motenczuma. J’ai suivi l’usage établi. Je ne vois pas quel agrément donne à une phrase française l’introduction d’un nom bizarre et inaccoutumé. Je dirais volontiers Montézume, et je regrette le temps où Bossuet appelait M. de Fuentes le valeureux comte de Fontaines.
  4. La rue des Orfèvres, mot à mot des argentiers.
  5. C’était une illusion. Depuis mon retour en Europe, j’ai appris par les journaux qu’ils avaient été mis en liberté.
  6. C’est le lieu où l’on baptise et où l’on marie.
  7. Description historica y cronologica de las dos Piedras que… se hallanron el año de 1790, por Antonio y Léon de Gama.
  8. Gama, mais cette opinion lui est, je crois, particulière, a cru remarquer, au pourtour de la pierre de Mexico, huit trous dans lesquels il suppose qu’étaient plantés des gnomons entre lesquels on tendait, selon lui, des fils dont l’ombre projetée sur la pierre pouvait indiquer les équinoxes et les solstices. Quoi qu’il en soit, ce monument est trop curieux pour que je n’aie pas cru devoir en dire quelques mots, propres du moins à en faire apprécier l’importance.
  9. M. Gabriel Ferry de Bellemare. Voyez ses études sur le Mexique dans la Revue des Deux Mondes, — du 15 avril 1846 au 15 septembre 1849.