Promenade d’un Français dans l’Irlande/Enniskillen




L’ULTONIE ou ULSTER.


ENNISKILLEN ― L’iSLE DE MURRY ― DONEGAL ― LES MAISONS
DE SUEUR ― LE PURGATOIRE DE ST. PATRICE.



ENNISKILLEN est une jolie petite ville, située dans une isle formée par le grand lac Earn, dans un endroit ou il se retrécit et forme une riviere avec un courant assez fort : ce lac est le plus long d’Irlande, si l’on y comprend la riviere qui joint la partie supérieure avec l’inférieure, et qui n’a rééllement pas un mille, il a près de quarante milles de long et dans bien des endroits, jusqu’à dix ou douze milles de large : à Enniskillen ce n’est qu’une riviere assez considérable et un peu plus bas, pas plus large que le Lifffey à Dublin : cette ville se vante de son attachement au Roy Guillaume : elle soutint un siége contre son malheureux beaupere : j’apperçus sur la porte, cette inscription qu’on y avait placée dernierement, the glorious memory of the first of July . . je n’aime pas ces ressouvenirs, ils ne servent qu’à humilier et à aigrir les vaincus, c’est à dire point ceux qui ont rééllement tort, mais les plus faibles. Je trouverais plus généreux et plus politique de faire oublier le passé : cela me rappelle une inscription à Dublin au dessus de Nassau-Street, où on lit gravé dans la pierre, may we never want a William, to kick the breech of a Jacobite. Ces inscriptions me sont mal, je l’avoue : elles prouvent en même tems, qu’il éxiste encore beaucoup d’animosité entre des personnes, dont aucunes, n’a vu le sujet de la querelle, et qui par conséquent devrait être oublié.

Lord Belmore venait de bâtir dans ce voisinage. un palais superbe ; la maçonnerie seule du bâtiment, lui revient à quatre vingt mille livres sterlings, la colonade du frontispice est d’une architecture trop belle peutêtre, pour un simple particulier et pour une maison de campagne : l’intérieur est rempli de marbres rares et les murailles de plusieurs chambres sont couvertes de stucs précieux, qui ont été faits à grands frais, par des ouvriers venus d’Italie. On a presque entièrement sacrifié la commodité à la beauté, les chambres que l’on destine aux etrangers, ressemblent à des caves quoiqu’elles soyent aux combles ; elles ne reçoivent le jour que par de petites fenêtres à huit pieds du niveau du plafond et devant elles encore, il y a une balustrade pour qu’on ne puisse les appercevoir du dehors. Mon gout peutêtre, paraitre bizarre, mais j’avoue qu’une maison commode me parait préférable à un palais qui ne l’est pas. Il faut laisser les Temples aux Dieux.

Tout ce pays semble avoir été autrefois couvert d’un nombre prodigieux de petits lacs, à moins qu’ils ne fussent des branches du principal, que l’on a trouvé le moyen de dessecher ; il est entièrement coupé de petites collines et de vallées sans presque d’écoulement. Le grand lac Earn est encore couvert dit-on, de 365 isles, ainsi que Lough Derg, Lough Rea, et Lough Carib. Dans une de ces isles, il y a les ruines d’une ancienne Abbaye et de plusieurs eglises, que je fus visiter ; la tour n’est pas si élevée que plusieurs que j’ai vu dans la province de Connaught ; je parvins à me hisser à la porte, qui n’est guères que dix à douze pieds, au dessus du niveau de la terre. J’ai déja dit que des gens ingénieux, se sont donnés bien de la peine pour savoir de quelle maniere on pouvait parvenir au sommet de ces tours ; la simple inspection. de l’intérieur suffit pour en donner une idée. On voit quatre ou cinq pierres d’attente : d’étage en étage il est évident qu’elles devaient supporter des solivaux sur lesquels on avait formé un plancher ; il y a plusieurs clochers sur le continent, au sommet desquels, on monte de cette maniere. Au surplus cela m’est assez égal et je serais faché d’ôter aux antiquaires le plaisir de rêver. Les ruines de cette isle ont le caractere de celles de l’Est de l’Irlande, elles sont plus petites que celles des provinces de Munster ou de Connaught, et n’ont pas été bâtie dans le même gout ; il y a ici, une chapelle voutée, qui ressemble à celle que l’on appelle à Glandalogh la cuisine de St. Cavan.

On voit dans le cimetiere un cercueil de pierre, dans lequel il est d’usage pour les habitans de s’étendre, je ne sais trop de quoi il guérit ; le miracle est qu’il accomode parfaitement toutes les tailles. Je m’y suis étendu, il est sûr qu’il m’allait fort bien ; c’est une espèce de Redingotte dont les plis n’incommodent gueres et que le tailleur est toujours sûr de couper à la mode.

Les terres du dernier Prince d’Ulster, furent confisquées et lui même fut pendu à Londres, sous le regne de la Reine Elizabeth ; on assigna alors une partie de ses domaines pour maintenir l’école publique de la ville. Par la suite, la place de maitre d’ecolle à Enniskillen, est devenu une espece d’Evêché ; elle rapporte à-peu-près deux mille livres sterlings de rente ; on doit sentir que c’est un moyen, sùr de ne point avoir d’Ecolle, que de donner deux mille livres sterlings au Maitre ; c’est aussi l’effet que cela a produit à Enniskillen. Cependant la personne qui occupe cette place à présent, le Dr. Stock, (chez qui j’ai passe les deux jours que j’ai été à Enniskillen,) est un homme très instruit et qui a en outre de douze ou quinze enfans à lui, cinq ou six nièces ou neveux qu’il éléve lui même, sept à huit pensionnaires à cent guinées par an. J’ai peu vu de maisons, où il régnait tant d’ordre au milieu de tant d’enfans, mais aussi je n’a jamais vu un tél maitre d’Ecolle.

Je quittai enfin la maison hospitaliere du Docteur Stock, et suivant les bords Romanesques et escarpés dans quelques endroits de la partie inférieure du lac Earne, qui ressemble à une mer. Je m’arrêtai à Beleek, où se trouve la premiere cataracte dans la riviere qui en sort. Elle est à environ trois milles du lac ; jusques là, la riviere qui en sort, semble à peine avoir un courant et il me parait que l’eau est à peu prés au même niveau que dans le lac ; elle tombe ici tout-à-coup, dans un espace de cent pas, de plus de soixante pieds : la premiere chute peut être de douze où quinze.

Je ne parle point de rendre cette riviere navigable, parce que de là à la mer, qui n’est qu’à quatre milles, elle est presque partout un torrent furieux : mais on avait commencé à faire un canal : près de la moitié des frais sont déjà faits ; n’est il pas honteux de l’avoir abandonné. Ensuite n’est il pas évident qu’en enlevant la premiere cataracte, on déssécherait presqu’entièrement le lac inférieur. Cette opération est d’autant plus facile à Belleek, que la riviere forme avant de s’y précipiter une large nappe d’eau : l’on pourrait forcer son cours d’un côté de la cascade pendant qu’on travaillerait l’autre, couvert par une digue.

On m’objèctera que le lac est superbe et bien d’autres belles choses ; je n’aurais jamais imaginé que les Irlandais fussent de tels amateurs d’eau. Qu’ils n’ayent pas peur, ils en auront toujours assez, mais j’avoue quant à moi, que des prairies et des champs fertiles me plaisent davantage que le plus beau bras de mer de l’univers.

Je fus reçus à Ballyshannon par Mr. Gamble ; cette ville est un petit port de mer peu fréquenté dans la baye de Donegale ; elle est située à la derniere cascade de la riviere qui sort du lac Earn et qui tombe de quinze à vingt pieds perpendiculairement dans la mer ; il y a un côté où la chute n’est pas si rapide et où il est curieux de voir les efforts des saumons pour vaincre le courant ; on en prend une quantité prodigieuse au sommet et il y en a fort peu qui puissent arriver jusqu’au lac.

A une quinzaine de milles en mer à l’entrée de la baye, est une isle nommée Innis Murry, fameuse par les ruines de caves expiatoires et la pierre du soleilMuidhr qui a donné le nom à cette isle. Le général Vallancey prétend que ce Muidhr est le Mithra des persans et le Mahody des Gentous : il en tire des conclusions qui semblent assez fondées, pour prouver l’origine à laquelle les traditions Irlandaises prétendent. Il donne l’estampe de la pierre dédié à Mahody, ou le Dieu Suprême, que le capitaine Pike decouvrit dans un temple Gentou, dans l’isle d’Eléphanta aux Indes : il est sùr qu’elle ressemble fort à celle qu’il donne aussi de celle dediée à Muidhr, dans l’isle Murry. Les deux pierres sont taillées en cône, et l’une comme l’autre sont entourées d’un cercle pour prévenir toute profanation et sont placées dans des isles pour le même dessein.

Les premiers missionaires Chrétiens, qui croyaient devoir profiter des préjugés et des coutumes des peuples pour leur faire adopter plus aisément la foi, bâtirent deux chapelles, dans l’enceinte de ce temple dediées l’une à St. Molase et l’autre à St. Colum, et furent ainsi approprier au christianisme, les rîtes et les dévotions qu’ils ne croyaient pas être capables de détruire.

Les harengs fréquentaient autrefois cette baye et les côtes au Nord de Donegal : feu Mr. Burton Connymgham, qui était toujours prêt à faire des entreprises qu’il croyait pouvoir être utiles à son pays, dépensa trente mille livres sterlings de sa fortune et vingt mille du gouvernement à faire sur côtes des établissemens considérables pour la pêcherie ; bâtit même une petite ville dans une isle, pour recevoir les pêcheurs : mais les harengs furent, avec juste raison, tellement effrayés d« ces préparatifs immenses, qui semblaient menacer leur race, d’une entiere destruction, qu’ils se sont évadés au plus vite et n’ont pas reparus depuis : de sorte ces magazins, la ville et tous les établissemens, restent sans habitans dans un pays désert, où il ne va jamais personne. C’est risible à présent, mais il ne faut pas oublier que son
intention était louable et qu’on ne pouvait pas penser que les harengs déferleraient ces côtes. Il est très possible d’ailleurs qu’ils y reviennent : j’ai souvent pensé qu’ils doivent être attirés sur une côte et tantôt sur l’autre suivant la nourriture qu’ils y trouvent. Lorsqu’ils ont entièrement mangé l’herbe dont ils se nourrissent, il est fort simple qu’ils aillent ailleurs ; pourquoi, ne chercherait-on pas à connaitre quelle est cette herbe marine, et à la propager dans les endroits, où l’on voudrait les engager à venir.

Je me rendis de là près de Ballytra à Brownhall, chez Mr. Hamilton, où je passai quelques jours très agréables. Dans L’enceinte du parc, il y a un petit lac d’où sort une riviere que je regarde comme une des principales curiosités naturelles de ce pays. De tems à autres, elle coule lentement dans des cavèrnes souterraines remplies de petrifications et où l’on peut se promener à l’aise : dans d’autres c’est un torrent fougueux : Elle parait plusieurs fois au jour et se rengoufre encore : on a profité de cette voute naturelle dans bien des endroits, pour faire passer le chemin où les promenades dessus ; dans une de ces caves les pigeons ont pris asyle et y demeurent seuls ; dans une autre il y a des chauve-souris. Enfin après bien des accidens, la riviere tombe de vingt pieds de haut : quelques unes des cavernes, ont un écho surprenant. C’est le jeu de la nature le plus singulier que j’aye vu et se trouvant dans un jardin bien tenu, cela le rend encore plus remarquable ; la riviere peut ainsi couler sous terre dans différentes cavernes pendant deux milles.

J’avais entendu parler d’un usage particulier aux habitans de cette partie et je désirais m’en assurer : c’est ce que les bonnes gens appellent a sweating house et qu’ils regardent comme un remède à tous maux. Mr. Hamilton eut la complaisance de m’en faire voir une dans le voisinage : j’imagine que le lecteur doit être fort embarrasse de ce que peut être a sweating house ; qu’on se figure une espèce de four de cinq où six pieds de haut sur trois de large, avec une entrée au niveau de la terre d’environ un pied et demi, absolument de la figure d’un dé à coudre.

On chauffe ce four, avec des tourbes comme pour y faire cuire du pain ; lors qu’il est bien chaud, quatre ou cinq hommes ou femmes tout nuds, se glissent dedans du mieux qu’ils peuvent par l’ouverture, qu’on bouche ensuite avec une planche couverte de fumier. Ces malheureux restent dans cette étuve, quatre où cinq heures de suite, sans même pouvoir en sortir ; car si l’un d’eux se trouvait mal, il s’assoierait par terre, mais on n’ouvrirait pas la planche avant le tems. A peine y sont ils entrés, qu’ils sont couverts d’une sueur abondante et communément lorsqu’ils en sortent, ils sont beaucoup plus maigres qu’en y entrant. Lorsqu’il y a quatre où cinq cabanes près l’une de l’autre, on est sùr d’en trouver une : et quelque soit la maladie des paysans, ils en font usage. L’homme qui me montrait celle-cy, y avait été la veille pour mal aux yeux.

Pour savoir ce que c’était, je m’y suis glissé moi-même et quoiqu’il n’y eut pas eû de feu, depuis plus de vingt-quatre heures et que l’entrée fut ouverte : il y a peu de maladies que je ne préférasse à un tel remède : cependant il est sùr que il l’on pouvait avoir la respiration libre, une transpiration aussi violente pourrait être utile dans bien des cas ; il est certain que plusieurs paysans se sont ainsi guéris de Rhumatismes, ou autres maladies causées par des transpirations arrêtées. En sortant dela, quelques uns vont se jetter sur un lit dans la cabane et se tiennent chauds quelque tems : d’autres n’en tiennent compte, se rhabillent et vaquent à leurs affaires, comme si de rien n’était. Les volailles aiment fort la maison de sueur, c’est toujours leur asyle des que le tems est mauvais : il est sùr, qu’elles se tiennent à l’entrée, et qu’elles n’ont pas la tête dans la vapeur.

Les tuatha da dannan, qui étaient de grands sorciers suivant l’histoire et qui avaient principalement fixé leur domicile dans le nord de l’Irlande et dans le comté de Donegal, " établirent, dit le Général Vallancey, un oracle dans une isle d’un petit lac nommé Lough Gearg, Dearc ou Derg. Il y avait une caverne nommée uamh Treibh-Oin - -, la caverne de la tribu de Oin, que l’on appella ensuite le purgatoire de St. Patrice. " C’est ici le principal pélerinage d’Irlande, il s’y rend en été des bandes nombreuses de dévots des différentes parties de l’isle : on fait monter le nombre des personnes qui y viennent à trente et quelque mille : le bateau qui sert à les y passer, est affermé deux cents livres sterlings : telle est l’affluence, qu’il y a quatre ou cinq ans qu’un bateau trop chargé s’effondra dans le passage à l’isle et qu’il y périt une trentaine de personnes. On y faisait autrefois des épreuves terribles : encore à présent, les pénitences se sont sur le ventre, sur le dos et sur les genoux ; cependant " cette fameuse et ancienne caverne, fut rompue et bouchée en 1497 le jour de la fête de St. Patrice comme une chose fabuleuse, par le Gardien des freres Mineurs de Donegal et d’autres personnes, d’après les ordres du pape Alexandre VI." (Sir Richard Ware.)

Les montagnes et même les villages et territoires dans le " voisinage de ce lac, ont des noms Irlandais qui tous ont rapport à la sorcellerie ; Rughd-Cruach, Cruach-Brioct, Sceirgearg ou gearog, la montagne des Charmes, — des sorciers " la derniere le rocher de la destinée, qui a donné le nom au lac gearg ou dearg." *


  • Le Général Vallancey fait un rapprochement singulier de ces noms avec l’Arabe, et le Persan dans lesquels ils ont même la signification : il donne plu, de cinquante noms, tous tirés de cette province et surtout de cette partie du pays, ayant tous rapport au même objet. Il ajoute, " and one hundred names more, all signifying the great settlements of our Dadanian Prophets. But I must not omit that in the center of this country, the cloud capt mountain of Alt Ossain. Around him, is the whole scenery of Ossian and Fingall, which has been beautifully described by Mr. Macpherson ; " and to the Northward of Lough Dearg are the monntains, caverns and lake of Finn or Fingall, i. e. of the Finn, the Sorcerer ; and in the capital of the country stood De Ruidh, or the oracle of God, now Derry."

Les approches de ce lac, sont par des marais impraticables au travers de ces montagnes, que l’on ne peut gueres franchir qu’à pied. La description que Mathieu Paris en donne, dans un livre Latin Ecrit dans le douzieme siecle (et que j’ai lu à Brown Hall), semblerait avoir été faite pour les Mysteres d’Eleusys ou pour l’Antre de Trophonius : les choses inouïes que le Capitaine Irlandais, (à qui il donne aussi le nom de Oin) rapporte y avoir vues ont besoin d’une foi au moins aussi grosse qu’un grain de moutarde pour être crues. Il voit les diables et les damnés étendus sur des roues brulantes ou étuvant dans des chaudieres de souffre, on le fait lui même rôtir et bouillir quelque temps : après bien des épreuves de ce genre, il arrive dans les Champs Elysées où il est reçu par des Evêques et des Moines, qui lui font voir la porte du paradis, le complimentent sur son courage, le régallent de la nourriture céleste, puis le renvoient en enfer, c’est a dire le font rentrer dans le monde car,

Ce monde hélas, est bien un autre enfer.

Il n’est pas hors de propos d’ajouter, que Mathieu Paris dit aussi, qu’avant d’entrer dans cette caverne on, faisait veiller, prier confesser et jeuner le pénitent pour le préparer aux choses surprenantes qu’il devait y voir. Nous avons un vieux proverbe français, qui dit que ventre affamé n’a point d’oreilles, on pourrait dire aussi, qu’il n’a point de raison, et qu’il était fort aisé de faire voir tout ce qu’on voulait, à un homme préparé de la sorte.

Je reviens à ma promenade : je passai par la petite ville de Donegall : je tournai tout à coup à l’Ouest et passai par cette ouverture singuliere, qui se trouve dans les montagnes et qui semble avoir été faite comme si la nature eut voulu ménager une communication d’un pays à l’autre ; c’est le seul passage qui se trouve dans les montagnes du coté de la mer : on voit près du sommet, le Lac Ease, il y en a aussi un autre de l’autre côté, dont le cours est vérs Londonderry. J’apperçus un vieux chateau tout seul dans ces montagnes désertes, mon conducteur me dit, qu’il y avait autre fois des troupes, pour purger le pays des Toris, qui a ce qu’il prétendit étaient des voleurs de grands chemins, qui s’étaient établis dans ces déserts et qui detroussaient les passans.

Enfin après une journée assez fatiguante, je fus me présenter le soir chez l’Evêque de Raphoe, qui me reçut avec beaucoup de bonté. Le comté de Donegall dont j’évitai de faire le tour, en passant par la coupure des montagnes et en me rendant sur le champ à Raphoe, est un pays presque aussi peu fréquenté que le Conomara : il est cependant, au dire de personnes qui le connaissent, beaucoup meilleur. L’Irlande est tres peuplée dans les bons pays, mais si l’on pouvait parvenir à disperser la population dans ces parties recullées, elle pourrait contenir et nourrir plus du double de ses habitans : cela vaudrait certainement mieux, que de les laisser émigrer en foule pour l’Amérique, ainsi qu’ils l’ont fait longtemps.

Les catholiques depuis Sligo, commencent à être bien moins nombreux ; les habitans dans cette partie, sont divisés en trois parts à-peu-près égalle. Les Anglicans, les Catholiques et les Présbyteriens. Je suivis le dimanche, le bon Evêque qui me donnait l’hospitalité et son église était pleine ; de chez l’Evêque, je fus chez le Doyen, d’où, après un jour où deux, je me rendis à Londonderry et passai près de ce bras de mer qu’on appelle Lough Swilly. C’est une baye très considérable, très profonde et très sûre presque partout ; mais le pays sur les côtes est un peu sauvage et c’est vraisemblablement ce qui engagea la compagnie Anglaise, qui vint de Londres sous le regne de la Reine Elizabeth, à s’établir à Derry, au lieu de le faire ici. C’est depuis ce temps que cette ville a ajouté London à son nom.

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