Promenade (Henri de Régnier)

Quatre poèmes d’Italie
La Cité des eauxMercure de France (p. 76-77).


PROMENADE


Sur l’eau verte, bleue ou grise,
Des canaux et du canal,
Nous avons couru Venise
De Saint-Marc à l’Arsenal.

Au vent vif de la lagune
Qui l’oriente à son gré
J’ai vu tourner ta Fortune,
Ô Dogana di Mare !


Souffle de l’Adriatique,
Brise molle ou sirocco,
Tant pis, si son doigt m’indique
La Cà d’Or ou San Rocco !

La gondole nous balance
Sous le felze, et, de sa main,
Le fer coupe le silence
Qui dormait dans l’air marin.

Le soleil chauffe les dalles
Sur le quai des Esclavons ;
Tes détours et tes dédales,
Venise, nous les savons !

L’eau luit ; le marbre s’ébrèche ;
Les rames se font écho
Quand on passe à l’ombre fraîche
Du Palais Rezzonico.