Anonyme
Promenade à Royat,
ou le Guide de la vallée
Impr. de Thibaud-Landriot.


PROMENADE À ROYAT,
OU LE
GUIDE DE LA VALLÉE.
Séparateur


Il n’est pas de voyageur qui veuille quitter Clermont sans avoir visité de Royat la délicieuse et pittoresque vallée. Pour lui faciliter cette promenade, j’ai tracé, dans ce petit livre, l’itinéraire qu’il doit suivre, j’y ai décrit toutes les curiosités qu’il doit visiter.

Le percé de la nouvelle route, à l’ouest de la place de Jaude, ouvert depuis 1848, abrége le chemin. Celui qui ne veut point en faire la promenade à pied trouve, à toute heure [1] de la journée, des voitures à volonté, stationnant sur la place de Jaude, qui le transporteront à Royat en dix minutes.

Celui au contraire qui fait la promenade à pied jouit librement des délices que ce parcours offre aux amateurs, toujours avides d’interroger les merveilles qu’étalent les sites variés de cette poétique vallée. A peine a-t-il dépassé la barrière qu’il aperçoit à gauche, dans les jardins, un reste de construction d’un ancien temple romain. Un peu plus loin, à droite, il longe le Bois-de-Cros, hospice des aliénés, c’était anciennement un château fief. Du même côté s’élève, dans les jardins, entouré de murs de clôture, l’établissement de santé du docteur Pellissière, et à la suite les anciens bâtiments de l’abbaye royale de St-André, construits vers 1150. Ils renfermaient anciennement les mausolées du comte Guillaume VI d’Auvergne et de son épouse Jeanne de Calabre. Les entrailles et le cœur de Louis VIII y ont été inhumés ainsi que le corps de plusieurs dauphins d’Auvergne. Cette abbaye était autrefois occupée par des chanoines de l’ordre des Prémontrés.

Le premier village que l’on trouve sur la gauche de la route est Chamalières. Le voyageur devra, en le traversant, visiter son église fondée par saint Genès, évêque de Clermont, en 650. Son clocher est de construction récente. La place devant l’église est ornée d’une fontaine, près de laquelle existe un ormeau planté en mémoire de Sully.

L’on prétend qu’on voyait anciennement, à Chamalières, un temple dédié à Mercure, confié aux soins de jeunes filles et de jeunes garçons appelés Cameli Juvenes et Camelæ Juvenes, d’où provient le nom de Chamalières. En 881, Etienne, comte d’Auvergne, y fonda cinq églises, dont quatre n’ont laissé aucune trace de leur existence. Avant l’ouverture de la nouvelle route que le voyageur vient de parcourir, celle que l’on suivait pour aller à Royat, était le chemin de la barrière de Jaude, au sud de la place ; celui qui voudra faire sa promenade par cette barrière, visitera la fontaine d’eau minérale à gauche de la barrière ; on l’emploie avec succès en boissons contre les faiblesses d’organes. L’on prend la route à droite qui longe les jardins ; à peu près à moitié chemin de Clermont à Chamalières, l’on trouve à droite l’ancienne église des pères Cordeliers, construite en 1250 ; elle sert aujourd’hui d’entrepôt de poudre.

Un peu plus loin et après avoir dépassé les moulins, le premier chemin à gauche conduit à une nouvelle fontaine d’eau minérale, dite source des Roches ; les bons résultats obtenus par l’emploi de ses eaux accroissent chaque année l’importance de cet établissement.

En arrivant à Chamalières, l’on voit la jolie maison de campagne de Mont-Joli, devant laquelle s’étale en amphithéâtre un riche jardin, orné de plusieurs jets d’eau, d’un beau pré-verger et d’un parc qui recèle des grottes merveilleuses recouvertes des laves provenant du volcan de Gravenoire.

De Chamalières, l’on suit la route à l’ouest qui longe le mur de clôture de Mont-Joli ; on l’abandonne à gauche et l’on continue de suivre le chemin bordé à droite par le ruisseau ; en avançant, l’on aperçoit de jolies papeteries, de beaux moulins, de riantes prairies, les maisons de Saulces, de Saint-Victor, de Fontmore, enfin l’on arrive à Saint-Mart.

Le voyageur visitera à Saint-Mart les bains de César, à droite du ruisseau, et la fontaine d’eau minérale qui existe dans l’intérieur du moulin. La température de ces eaux est de 26° centigrades ; elles contiennent du carbonate de chaux et de magnésie, du muriate, du sulfate de soude, du gaz carbonique, de la silice et de l’oxide de fer. On l’emploie en boissons contre les catharres et les affections de poitrines. Les bains sont très-réputés contre les rhumatismes articulaires et chroniques. L’on voit encore des ruines qui attestent qu’un grand établissement thermal a dû exister dans cet endroit ; il aurait été détruit suivant quelques traditions par Pepin, en 761, pendant le siége qu’il fit du château de Waifre, situé au sommet de la montagne, contre laquelle sont adossés les bains de César, où les habitants de Royat indiqueront au voyageur une cavité à moitié côte qu’ils nomment Grenier de César, d’où l’on retire encore de nos jours des grains de froment et de seigle cal- cinés, mais très-bien conservés, et qui proviennent, dit-on, des greniers d’abondance de César.

De ce point, l’on commence à découvrir les beautés de cette luxuriante vallée, délices des touristes, des peintres qui l’ont visitée et qui nourrissent toujours le désir de la revoir. En effet, que de variétés dans cette végétation embaumée où le cœur se dilate et respire une vie nouvelle, où l’âme puise de si tendres inspirations ! Qu’ils sont doux et frais ces sombres labyrinthes recouverts de rameaux entrelacés, tapissés d’une riche verdure et parfumés de mille fleurs ; l’âme s’enivre, elle se sent entraînée par un charme irrésistible à l’aspect de ces sites imprévus, à chaque instant renouvelés : sous ces fraîches ombres le poète aime à rêver ; sur le sommet de ces rochers l’artiste saisit ses crayons, séduit par les attraits de cette féerique nature.


La nymphe des bosquets, pour charmer ce séjour,
Fait de sa voix touchante accourir auprès d’elle
Les oiseaux du vallon, pour chanter le retour
Des flots resplendissant d’une aurore nouvelle.


Près des bains de César, il existait autrefois une vieille chapelle qui servit d’oratoire à Saint- Mart, bénédictin, natif de Clermont ; son corps y fut inhumé.

En face, sont les beaux bâtiments des moulins de l’hôpital, adossés aux rochers de Saint-Mart, et tout hérissés de pointes, en forme d’obélisque, qui semblent suspendus sur leurs toits et les me- nacer de leur chute ; une abondante et fraîche végétation d’arbustes, entrelacés de ronces et de lierre, semblent y avoir été engendrés pour cacher à la vue l’horreur que cette masse inspire.

À l’angle de la route qui contourne au sud, l’on doit visiter le nouvel établissement thermal dont la découverte des eaux fut faite en 1843 par les remarques intelligentes du curé de Royat, qui, tous les hivers à la tombée des neiges, les voyait fondre et disparaître sur une certaine surface du sol. Dès-lors, après réflexion, il acquit la conviction que ce phénomène révélait un réservoir d’eaux minérales d’une température élevée et digne de ses recherches ; le terrain appartenant à la commune de Royat, il entreprit la découverte de ces sour-ces, aidé de ses paroissiens, fiers de le seconder dans cette aventureuse et mystérieuse entreprise.
Après quelques jours de fouilles, ils trouvèrent plusieurs canaux assez volumineux d’eau minérale qui, mêlée à une eau étrangère et froide, n’en promettait pas moins toute la récompense de leur travail assidu. Alors, redoublant de zèle et de persévérance, ils ne tardèrent pas à trouver des piscines romaines qui révèlent la primitive existence d’un grand établissement que le temps et les luttes dont ces lieux ont été le théâtre ont fait disparaître du sol. Le petit établissement que l’on voit aujourd’hui est insuffisant pour le nombre toujours croissant des malades qui viennent y chercher la santé. La commune de Royat a donné l’adjudication d’un édifice à une compagnie pour une somme de cent cinquante mille francs. Cet établissement offrira aux malades tout le confortable et les agréments que réclame leur santé.

De Saint-Mart deux routes se présentent pour aller à Royat, l’une à droite du ruisseau par un sentier à travers les prés-vergers, au pied de la montagne nord-ouest, sur un gazon tout émaillé de fleurs.


La rose, le muguet, le thim épanouis,
De leurs vives couleurs décorent la colline.
Nos avides regards enchantés, éblouis,
Admirent la fraîcheur de la blanche aubépine.


Cette route est ombragée par des arbres couverts de fruits, par des châtaigniers qui se dressent en inclinant leurs branches aux feuilles mélangées de fleurs d’un jaune tendre ; le cerisier y vient unir

son fruit vif et tranchant :

Et le zéphir naissant prélève sur les fleurs
Une onde de parfum qu’il porte dans la plaine ;
Et nos sens attendris savourent les douceurs
Que répand sur ses pas son enivrante haleine.


Lorsque le voyageur porte ses regards sur la rive droite du ruisseau, il aperçoit l’épaisse végétation qui tapisse les rochers, et dans la vallée


Les légers papillons aux corsages diaprés,
Dans leurs vols cadencés, effleurer la corolle ;
Des boutons d’or fleuris qui tapissent les prés
Butiner les saveurs de leur riche auréole.


Tout-à-coup la roche sèche et aride présente d’énormes écorchures dans lesquelles l’on découvre du bitume mêlé au grès. Arrivé à cet endroit où la roche contourne au sud, le mugissement des eaux, le bruit retentissant du marteau, annoncent au voyageur les nombreuses usines et les moulins dont l’action entretient dans ce bas-fonds un mouvement continuel.

L’air vif et froid commence alors à se faire sentir, il semble que la température ait tout-à-coup changé et que d’un climat tiède et doux, l’on ait été transporté dans une atmosphère glaciale. Le voyageur est ému, son regard interroge avec tressaillement toutes les choses surprenantes qui l’entourent, tous les merveilleux événements qui frappent son imagination, et qui semblent jeter un défi aux calculs de la science.

Arrivé sous les châtaigniers, le voyageur suivra le sentier tracé dans la pelouse, toujours sur la rive droite du ruisseau. Arrivé près et en face de l’église, il descendra derrière les petites maisons aux toitures basses et adossées aux rochers, il traversera le pont sur le ruisseau, et ainsi il se trouvera sur la rive droite, alors il suivra le chemin ouest, ayant au sud les énormes laves dans lesquelles il verra de belles grottes, dont quelques-unes ont été converties en caves excellentes pour la conserve des vins.

L’aspect des moulins groupés sur le ruisseau, leurs nombreuses roues, d’où l’eau s’élance mugissante et écumeuse, présente les croquis les plus pittoresques.

Tout-à-coup le voyageur assiste à une soudaine transformation des contes des Mille et une Nuits : il se trouve en face de la grotte, il contemple cet antre profond, d’où sept jets volumineux d’eau limpide roulent en jaillissant leur écume blanche sur le roc.

Du creux de l’énorme rocher
Vois par sept urnes différentes
Jaillir les ondes blanchissantes
Que les naïades bienfaisantes
Dans le bassin ne cessent d’épancher.

(Guide de J.-B. BOUILLET.)


Cette grotte est recouverte d’une couche de lave d’environ 20m d’épaisseur ; laquelle provient d’une coulée du volcan de Gravenoire, au sud-ouest de Royat. La largeur de la grotte est de 8m, 66, sa profondeur de 11m, et sa hauteur de 3m.

Il y a quelques années, dans une intention mal conçue, l’on fit le petit bassin à coquille au-dessus du lavoir, d’où se déverse en nappe l’eau qui s’élance du sommet de la voûte ; mais ceux qui, comme moi, l’ont vue dans toute la belle simplicité où la nature la créa, qui ont vu ces gerbes d’eau rouler blanches et impétueuses en serpentant sur la lave noire, venir en se mariant se précipiter dans le lavoir, diront qu’on a détruit tout le charme, tout le merveilleux de la création. L’on verra l’inscription gravée sur la lave par Gabriel Simeoni, en 1558 :


D. M. MUSIS ET GENIO.

ET BLANdè scarientibus ROYATiCis NYNPHIS sui nominis ÆVITernÆ memoRIÆ Gabriel si meonus FLorentinus. S. D. P. P. C.

ΕΥΔΟΚΙΑ. 1558. Kal. oct.


(Decreto municipii.) Aux muses, aux génies et aux nymphes de Royat, dont les eaux s’épanchent avec grâce pour la mémoire éternelle de son nom.

(Extraits du Guide de BOUILLET.)


La porte que l’on voit à côté renferme la grotte dite du Gros-Bouillon : elle est fort curieuse ; mais pour la visiter il faut en prévenir le fontainier de Clermont qui en a les clefs,

Toutes les eaux qui alimentent la ville de Clermont viennent de ces grottes. La conduite en fut faite en 1528 par Jacques d’Amboise, évêque de Clermont, qui en acheta a propriété en 1511 au seigneur de Royat, Louis de la Chassagne, abbé de Mozat.

En 1661, une nouvelle source fut achetée pour augmenter la quantité d’eau dont Clermont éprouvait le besoin.

Une abondante, fraîche et vigoureuse végétation s’élève à travers les fissures des rochers, et couronne toute l’étendue de cette muraille de lave.

Un peu plus haut, la jolie cascade du ruisseau sur laquelle existait un moulin que l’inondation de 1835 détruisit en renversant dans son cours un grand nombre d’usines, où plusieurs victimes perdirent la vie.

Le voyageur continuera de monter la rue étroite ; il tournera à gauche, puis à droite et se trouvera sur la place de l’église. La deuxième route qui conduit à Royat est celle des voitures, elle contourne les bains au sud, en décrivant un cercle autour des rochers de St-Mart. Le voyageur verra en montant plusieurs restaurants nouvellement construits, et notamment l’hôtel Conchon sur le plateau de Lussant. Cette position, la plus belle, la plus poétique, domine la Limagne, plaine immense, et fertile panorama de la création.

Cérès à la vallée a prodigué l’épi,
Et Flore les attraits de la suave rose,
Et Pomone, à son tour, a comblé de son fruit
Ce vallon embaumé que la Naïade arrose.

Bacchus de ses présents enrichit les coteaux ;
Il prodigue le pampre et les grappes vermeilles ;
Il cache un doux nectar sous les épais rameaux
Des ceps capricieux qui tapissent les treilles.


Que de charmes le voyageur n’éprouve-t-il pas en voyant les noyers aux formes arrondies border les routes qui sillonnent cette immensité ? Ils ressemblent de loin à des orangers ; il se croit le jouet d’une métamorphose, et transporté, comme par enchantement, sous le beau ciel du midi. C’est une plaine riche et féconde où les ondulations des blés, semblables aux vagues de l’Océan, roulent silencieuses au caprice du zéphyr.

En ramenant ses regards l’on voit des prés-vergers couverts de fruits, des coteaux où s’entrelace le pampre ; on voit des montagnes aujourd’hui couvertes de verdure, autrefois cratères embrasés par les volcans.

L’on verra près de la croix de Lussant le prernier réservoir des eaux qui alimentent Clermont. Un peu plus loin, après avoir dépassé les rochers de St-Mart, on aperçoit à droite le premier chemin qui conduit aux usines. Le regard explore avec avidité ces constructions, dont quelques-unes disparaissent dans la verdure. C’est ce qui fait dire à M. Rabany-Beauregard :


Dans cet asile solitaire,

Le monde entier disparait à mes yeux ;
Je ne vois plus l’azur des cieux,
Et de peur de troubler le Dieu qu’on y révère,
L’astre même de la lumière

N’y porte qu’en tremblant ses rayons et ses feux.
Un peu plus haut, rangé en amphithéâtre,

Royat apparaît assis sur d’épaisses laves ; chaque maison, entourée d’arbres, semble suspendue dans leurs rameaux. L’église qui se découpe sur un fond de verdure ; la montagne du Grenier de César au nord, celle de Gravenoire au sud-ouest, encadrent ce tableau et viennent, en s’inclinant, s’unir au pied de l’église. Le bois de Salagnat lui sert de fond ; les tourelles du château apparaissent dans des rameaux de feuillage au sommet du bois, et le puy de Dôme s’élève derrière, bleu d’azur et majestueux dans le ciel. Séduit, enthousiasmé, le touriste, le peintre s’écrient en le voyant : la Suisse, l’Italie ne possèdent rien de comparable à Royat ; Royat seul réunit l’étude complète du paysage.

Le voyageur continuera d’avancer, il visitera le restaurant de la Bonne-Laitière, son joli jardin, sur lequel s’élevaient d’énormes rochers, et qui aujourd’hui est un plateau qui domine la vallée et la plaine. De ce point dominant on s’écrie avec M. Rabany-Beauregard :

De la nature admirable caprice !
Tout se dispute ici nos regards incertains ;
Que ces sites sont beaux ! Que j’aime ces lointains,
Où sans se fatiguer, sur des attraits factices,
L’œil en se reposant trouve encore des délices !
Quelle profusion, quel luxe de beautés
Se présentent partout à nos yeux enchantés !

Ah ! devant ce tableau dont les yeux sont ravis,
Que sont, dis-moi, ces jardins retrécis,
Où l’art si follement outrage la nature ?
Dans ces cadres bornés dont la raison murmure,
Laissons la symétrie aligner à grands frais
Ces arbres mutilés, divisés en bosquets,
Où Flore sans appas, languissante, indignée,
Parmi les dieux des champs se voit emprisonnée.

Vois-tu, dans ces vergers, ces rochers suspendus,
Et qui sont dans leur chute à peine retenus.
Regarde autour de toi ce vaste amphithéâtre,
Qui couronne des monts le front chauve et grisâtre.
Quel contraste subit d’horreurs et de beautés !
D’un aspect rebutant nos yeux épouvantés
Viennent se reposer sur l’aimable verdure.

C’est pour le sage ici qu’à jamais la nature,
De ses convulsions et de ses changements
Elle-même a voulu dresser les monuments ;
Et dans ces lieux jadis en lambeaux déchirée,

Elle renaît encor triomphante et parée.
Celle plaine si riche et ce bassin riant
Connurent autrefois l’empire du trident ;
Et des feux souterrains embrasant les montagnes,
En longs torrents de lavee inondaient les campagnes.
Ainsi ce sol brûlé, si beau, si fréquenté,
Du globe où nous vivons montre la vétusté.

(RABANY-BEAUREGARD.)


Voici une autre citation du poème de M. Raymond qui peint la fécondité de la vallée de Royat :


Qui dirait les trésors apportés par ses ondes,
Les rouages criants sous leurs chutes fécondes,
Les grains qui, par la meule à grand bruit écrasés,
Vont rendre la vigueur aux mortels épuisés ?
Les prés sont abreuvés, la campagne est fleurie,
La riche agriculture entretient l’industrie ;
De l’orge et du houblon s’arrogeant les vertus,
L’eau va rivaliser la liqueur de Bacchus ;
Ici la noix pressée éclaire et nourrit l’homme,
Là le pauvre ravit son breuvage à la pomme[2].


Un peu plus loin, le voyageur a aussi le restaurant de la Grâce-de-Dieu, près duquel il passera pour aller à la Grotte, où bien il traversera le village de Royat ; arrivé en face du restaurant du Rendez-vous des Artistes, il prendra la rue à droite qui le conduira sur la place de l’Eglise ; il visitera la croix gothique sur laquelle les douze apôtres sont sculptés.

L’Eglise fortifiée, dit encore M. Rabany,


Que l’on prendrait à ses créneaux,
À ce cordon de meurtrières,
Moins pour un lieu de paix et de prières
Que pour un de ces vieux châteaux,
D’où les seigneurs suivis de leurs vassaux,
Jadis contre les rois…


Cette église date du VIe siècle ; elle appartenait au monastère des filles de l’ordre de Saint-Benoît. Sa sculpture et sa chapelle souterraine attestent son ancienneté. Avant 1849, il n’existait de ce temple que la partie basse mutilée par le temps et les événements. Chaque jour ajoutait

à sa destruction.

L’ouragan populaire et les rigueurs du temps,
Plus forts que le ciment ont terrassé le dôme
De ce temple bardé, dont les vieux fondements
N’ont plus de leur splendeur que l’ombre d’un fantôme.

Jour par jour, nuit par nuit ce fantôme hautain,
Le regard terne et froid interroge la tombe ;
Son orgueil impuissant sous les coups du destin
S’affaisse, s’amoindrit, se rapetisse, tombe.

Mais du temple sacré le magnifique aspect,
Sorti de ses débris la veille de sa chute,
Fait taire notre orgueil et parler le respect :
Quand le temple s’abat debout reste le culte.


Aujourd’hui, grâce au conseil municipal de Royat, cette église a repris son ancien aspect.

En quittant Royat pour revenir à Clermont, les regards du voyageur errent par-dessus les arbres, et plongent dans la vallée en s’étendant dans la plaine, comme sur une mer houleuse de verdure, dont les feuillages bercés par la brise, s’inclinent en variant leurs ondulations. Les rochers de droite et de gauche de la vallée, semblables à un détroit, encadrent cet océan immense. L’âme médite en silence, le cœur s’enivre, oublie le monde dans l’extase d’une divine contemplation, ému, attendri, il s’arrache avec regret de ces lieux, qui ont gravé dans son souvenir de si poétiques émotions.




FIN.












Clermont, imprimerie de THIBAUT-LANDRIOT frères.
  1. Depuis le 1er avril jusqu’à fin octobre, des services régulièrement établis font la course de Royat pour 50 c.
  2. La Fée de Royat, par M. Raymond.