Progrès des nègres affranchis en Sierra-Leone

SIERRA-LEONE.Progrès des nègres affranchis. — Dans une des séances du mois de mai dernier, la chambre des communes d’Angleterre a demandé un rapport sur la colonie de Sierra-Léone. Elle voulait en connaître les dépenses ; mais elle désirait surtout des renseignemens sur la situation des nègres et les progrès de la civilisation parmi eux. Un grand nombre de documens officiels, composés des rapports des gouverneurs de la colonie et des principaux employés, ont été récemment fournis à la chambre. Tous s’accordent à représenter sa situation comme très-florissante ; sa population nègre répond parfaitement au but des fondateurs, et ses progrès intellectuels ont été en général fort satisfaisans.

À partir du 1er janvier 1827, le gouvernement anglais s’est exclusivement chargé de tout ce qui concerne la surveillance et l’éducation des nègres affranchis. On n’a rien reçu de la société des missions, dont les membres ne s’occupent plus aujourd’hui que de la direction spirituelle et morale de la population. En 1827, le colonel Denham, si connu par son voyage dans l’intérieur de l’Afrique, fut chargé par le gouverneur de visiter tous les villages de la colonie, et d’y observer avec le plus grand soin l’esprit et la situation des habitans. Il fut en général frappé des progrès que les nègres faisaient chaque jour et de tout le parti qu’ils savaient tirer des faibles ressources qu’ils possédaient. « Ce qui surtout, dit-il, manque aux nègres affranchis, c’est l’instruction et l’exemple. Ils sont en général très-aptes à la culture ; et s’il était possible d’avoir dans chaque village une sorte de ferme-modèle dirigée par un nègre natif des Indes occidentales, je ne doute point qu’en peu de temps ils n’eussent infiniment amélioré leur sol, qui est d’une grande fertilité. » Partout le colonel a trouvé les nègres appliqués, laborieux et paisibles. On doit surtout attribuer ces heureux résultats au système d’éducation adopté depuis assez long-temps, et auquel le révérend M. Davy a récemment encore apporté de grandes améliorations. Le nombre des enfans qui reçoivent une instruction régulière et des leçons tous les jours ne monte pas à moins de 503 dans quatre villages seulement, et les parens montrent en général le plus vif désir de voir instruire leurs enfans ; aussi le nombre des élèves augmente constamment depuis quelques années. Un fait remarquable, c’est l’immense supériorité d’intelligence qu’ont les enfans nés de nègres affranchis dans la colonie, sur ceux des nègres encore esclaves. Cependant les parens habitent le même pays, sont nés dans la même contrée ; mais les uns ont continué leur vie sauvage, tandis que les autres ont reçu un commencement d’éducation morale et religieuse.

Un des plus grands obstacles qui s’opposaient aux progrès des nègres était l’immense éloignement et surtout le complet isolement des villages qu’ils avaient formés ; aussi le gouvernement de la colonie s’est-il constamment appliqué à rendre les communications plus nombreuses et plus faciles ; des routes, des ponts ont été construits de toutes parts. Ils sont l’ouvrage des nègres, qui se sont très-volontiers soumis à un décret qui exigeait d’eux, pour ce travail, un certain nombre de jours par mois, et pour lesquels ils n’étaient point payés. C’est une preuve de leur soumission aux réglemens de la colonie.

Dans les villages assez populeux pour être la résidence des ministres du culte, l’influence du christianisme s’est fait sentir rapidement, et l’on ne saurait trop faire l’éloge du zèle des missionnaires.

Les dépenses de la colonie ont aussi beaucoup diminué depuis quelques années, et l’on ne peut attribuer ce résultat qu’aux efforts des nègres eux-mêmes, et aux progrès de leur activité et de leur industrie. De 1812 à 1823, les dépenses ont été, année commune, de 1,425,000 fr. ; mais elles décroissent chaque année fort rapidement : en 1824, elles étaient encore de 780,000 fr. ; en 1827, elles n’étaient plus que de 275,000 fr. Le nombre des nègres affranchis est aujourd’hui de plus de 20,000, et il est probable qu’il s’accroîtra bientôt dans une très-forte proportion. Les affranchissemens se multiplient de jour en jour : du 11 novembre 1828 au 10 février 1829, on en a compté plus de 1200.

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