Problèmes internationaux et la guerre/Préface

PRÉFACE




Il y a la guerre, le choc des armes, la lutte sur le champ de bataille. Mais derrière elle il y a les conflits qui ont déterminé cette guerre et qu’elle doit trancher. Si la lutte a pu devenir universelle c’est que les causes en étaient profondes et nombreuses ; et, une fois déclarée, les nécessités mêmes de sa conduite ont amené des transformations dans l’état de choses antérieur. C’est une immense révolution qui s’accomplit dans tous les pays. Elle devra se poursuivre, sinon s’achever, au moment de la paix qui fixera les conditions de l’ordre nouveau.

La guerre, les conflits, les transformations, la révolution en marche soulèvent d’immenses problèmes internationaux.

J’en ai abordé ici l’étude, cherchant à définir le milieu extrêmement complexe où agissent les forces en présence ; à déterminer leurs composantes, leurs antagonismes et leur direction ; à préciser les termes dans lesquels se posent les questions ; à rappeler les faits, qui sont des constantes impossible à écarter de n’importe quelles combinaisons ; enfin à exposer les solutions nouvelles, ou renouvelées, qui ont été préconisées ou qui se dégagent de l’examen.

Le plan de ce livre est divisé en quatre parties.

La première partie a pour objet l’exposé des faits généraux relatifs à la Guerre.

La deuxième partie est consacrée à un examen détaillé des causes profondes du conflit et des solutions proposées. Pour procéder méthodiquement et objectivement à cet examen, chaque ordre de cause et de moyens est rattaché à l’ensemble des faits de même nature. Nous avons été conduit ainsi à exposer les Conditions et les facteurs de la vie internationale.

La troisième partie, abandonnant la simple relation des faits, tente un essai de construction. Elle expose, d’un point de vue théorique et général, comment il serait désirable et possible de réaliser l’Organisation de la Société des nations.

La quatrième partie contient des Conclusions tout à fait générales, tirées de ce qui précède, sur l’internationalisme, la sociologie internationale, les causes de la guerre et les conditions corrélatives d’une paix durable, sur l’avenir.




Les lacunes et les défauts de cet ouvrage sauteront aux yeux. Que les circonstances dans lesquelles il a été composé soient mon excuse. Privé de mes notes et de ma bibliothèque, enfermées dans Bruxelles, obligé à des déplacements continus avec toutes les difficultés qu’entraine le transport des manuscrits sous le régime militaire, je n’ai pas hésité cependant à le publier : qui veut trop bien faire, souvent ne fait rien.

Je veux ici remercier ma femme qui m’aida tant à faire que ce livre soit, et pour cela ne recula devant aucune peine, tandis que nous étions sur la « grand’route ».

Je veux aussi adresser mon souvenir reconnaissant aux amis dont la bonne hospitalité, depuis que je quittai la Belgique en novembre 1914, m’a permis de mener à bonne fin ce travail ; les de Block et les Coops à La Haye, les CHAVANNES à Lausanne, les CALMANN-LÉVY à Paris.

Avril 1916. — 87me semaine de la Guerre.





Sunt lacrymae rerum.
Novus mascitur ordo. — Mens agitat molem.
Post tenebras lux. — Sphoeram spera.



Jamais on ne réfléchira assez tôt à la nouvelle situation qui va surgir a la fin de cette guerre.

Asquith (25 septembre 1914).



Au dessus des débats où chacun s’occupe surtout à faire triompher sa cause propre, des recherches doivent être instituées qui tendent à déterminer, d’une façon purement objective, l’état de choses, les faits acquis, les suites diverses qui, selon l’enseignement, l’expérience ou les déductions de la science doivent résulter de telle ou telle mesure.

Boutroux.



On me demandera si je suis prince ou législateur pour écrire sur la politique. Je réponds que non, et c’est pour cela que j’écris sur la politique. Si j’étais prince ou législateur, je ne perdrais pas mon temps à dire ce qu’il faut faire. Je le ferais.

J.-J. Rousseau.



Il faut considérer l’organisation des affaires humaines en se plaçant au point de vue le plus élevé : d’en haut on peut apprécier assez justement ce qui se passe en bas, tandis que ceux qui regardent d’en bas ne peuvent rien comprendre à ce qui se fait au-dessus d’eux.




La Guerre, en détruisant l’équilibre, pose tous les problèmes politiques de l’Europe et conséquemment ceux du Monde ; en sévissant intensément et longuement elle met aux prises tous les antagonismes et ébranle les assises même de la vie des Peuples : la Guerre est une immense Révolution.