Principes de politique des souverains/Notice


Principes de politique des souverains
Principes de politique des souverains : Notice préliminaire, Texte établi par J. Assézat et M. TourneuxGarnierII (p. 459-460).

NOTICE PRÉLIMINAIRE




On lit dans la Correspondance secrète de Metra, à la date du 19 janvier 1776 (vol. II, p. 324) :

« Voici des notes que M. Diderot a écrites dernièrement à la marge d’une traduction de Tacite ; un ami, auquel il a communiqué cet exemplaire, m’en a laissé prendre copie. »

Suivent les pensées que nous donnons sous le nouveau titre que leur attribue Naigeon : Principes de politique des souverains.

Naigeon, dans son Avertissement à ce sujet (édition des Œuvres de Diderot de 1798), s’exprime ainsi :

« Le manuscrit autographe de cet ouvrage a pour titre : Notes écrites de la main d’un souverain à la marge de Tacite. Ce souverain, c’est le roi de Prusse, qui expose ici les principes de sa politique, celle du moins que Diderot lui supposait. Comme il n’aimait pas ce prince, dont il croyait avoir à se plaindre, il lui prête souvent des maximes et des vues que Frédéric n’aurait certainement ni avouées ni défendues. En un mot, ces notes sont une espèce de testament fait ab irato ; et que, par cela seul, il faut lire avec précaution. De retour dans ses foyers, après un long voyage ; entouré de sa famille et de ses amis qui ne lui rappelaient que des souvenirs doux, Diderot, qui savait aimer, mais qui ne savait pas haïr, oublia des torts réels ou imaginaires. La raison tranquille et impartiale prit la place de la passion qui altère, qui dénature tous les objets, parce qu’elle les exagère tous. Il relut alors de sang-froid ces notes, qu’un sentiment juste ou injuste avait dictées ; et que, dans l’un ou l’autre cas, la morale philosophique dont le premier article est renfermé dans ce vers de Voltaire,


Tous les humains ont besoin de clémence,


lui faisait un devoir de proscrire. Il refondit donc tout l’ouvrage ; retrancha tous les passages qui pouvaient donner à un simple recueil d’observations sur la nature humaine le caractère d’une satire ; et généralisant des maximes, qui, pour n’être pas directement applicables à tel ou tel souverain, ne perdent rien de leur justesse, il substitua au premier titre de cet écrit celui de Principes de la politique des souverains. On y trouve néanmoins çà et là quelques paragraphes où, sans nommer le roi de Prusse, sans même le désigner par aucune opinion qui lui soit particulière, il fait parler ce prince à la première personne, et dans les principes qu’on lui attribue assez unanimement à tort ou à droit. J’en avertis ici ; car on pourrait aisément s’y tromper, et croire que, dans ces divers passages où Diderot introduit tout à coup et même assez brusquement un interlocuteur qui expose ses idées sur le gouvernement des États, c’est lui-même qui parle en son propre nom. »

Nous ne savons jusqu’à quel point Diderot a modifié, en 1775, une rédaction que la note de Naigeon ferait remonter à une époque antérieure au voyage de Russie. Ce qui est certain, c’est que Métra avait eu entre les mains la dernière expression de la pensée de l’auteur. Il n’a pas tout donné, et l’on comprend qu’il ait supprimé une cinquantaine de pensées qui auraient pu déplaire à ses correspondants princiers ; mais ce qu’il a publié est, en général, textuel, sauf dans deux ou trois occasions où son témoignage ne nous sera pas inutile pour rétablir d’heureuses variantes.

Naigeon, fier d’être nommé correcteur en titre des œuvres de Diderot par Diderot lui-même (déclaration à Panckoucke, 1781), a pris ici son rôle au sérieux. On verra comment il gourmande son maître sur sa négligence à l’égard des citations. Il eût fallu, pour bien expliquer l’éclosion successive de ces pensées chez le philosophe, les suivre sur les marges mêmes du Tacite annoté. On aurait vu alors certains enchaînements qui sont aujourd’hui difficiles à reconstituer, qui ont échappé à Naigeon, mais qui auraient, sans aucun doute, rendu compte de l’écart qui se trouve entre le point d’arrivée et le point de départ. Le méthodique Naigeon a préféré se faire pédagogue. Nous avons conservé ses notes pour donner de lui, par lui, son véritable portrait.