Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604/Stances/Ma belle languissait dans sa funeste couche

, François d'Arbaud de Porchères
Premier recueil de diverses poésiesImprimerie Du Petit Val (p. 36-38).

STANCES.


Ma belle languissoit dans sa funeste couche
Où la mort ces beaux yeux de leurs traits desarmoit,
Et le feu dans sa moüelle allumé consommoit
Les lys dessus son front, les roses sur sa bouche.

L'air paraissoit autour tout noir, des nuits funebres
Qui des jours de la vie esteignent le flambeau :
Elle perdoit déjà son corps dans le tombeau,
Et sauvoit dans le Ciel son ame des tenebres,



Toute la terre estoit de dueil toute couverte
Et son reste de beau luy semblait odieux :
L'ame mesme sans corps, sembloit moins belle aux Dieux,
Et ce qu'ils en gagnoyent leur sembloit une perte.

Je le sçeus, & soudain mon cœur gela de crainte,
Que ce rare tresor ne me fust tout ravi,
S'il l'eust esté, je l'eusse incontinent suyvi,
Ainsi que l'ombre suit une lumiere esteinte

Nostre fortune enfin de toutes pars poussee
A force de malheur fut preste à renverser,
Ma belle en se mourant, & moi pour me presser
Moi-mesme de ce mal dont elle estoit pressee.

L'amour, qui la voyoit cruellement ravie
S'enflame de colere à voir mourir son feu,
Accourt tout aussi tost en trouve encore un peu,
L'esvente de son aisle & luy donne la vie.

Mais l'amour au voler se trouva tout estrange,
Car la douleur tenoit engourdis les Zephirs :
Je es luy r'animois du vent de mes souspirs
Et s'il a fait du bien j'ay part à la louange.

Ma belle cependant recommence a reprendre
Pour les perdus esprits, des esprits tous nouveaus
Qui pourfilent son corps de traits encore plus beaux
Et renaist tout ainsi qu'un Phœnix de sa cendre.

Au rapport bien heureux de si douces nouvelles
L'enfer de mes ennuis dedans l'air s'est perdu :
Que si j'ay du repos de l'avoir entendu
Qu'aurois-je pour l'avoir s'il me donnoit des aisles ?

N'auray-je doncques point encor que des oreilles ?
Et mes yeux seront-ils encor de vous privez ?
De vous ma belle, a qui les biens sont arrivez,
Où l'amour pour nous deux desploye ses merveilles,

Au moins triste langueur de ma longue distance

Qui m'enchaines les jours comme insensiblement
Trouvez moy quelque fin à mon esloignement
Mais ne me trouvez point de fin à ma constance.