Premières poésies (Évanturel)/La Foudre

Augustin Côté et Cie (p. 47-48).



LA FOUDRE



CET homme s’était fait tuer par le tonnerre.

Tout le jour, un vent d’ouest avait soufflé de terre.
Il pleuvait. La tempête ébranlait le logis.
Les enfants grelottaient et poussaient d’affreux cris
J’avançai. Le cadavre avait la face noire.
À la cloison pendait un crucifix d’ivoire ;
Pas de feu. La misère et le deuil à la fois.
L’ouragan descendait de la cime des bois,

Et, courant vers les flots, semblait vouloir les tordre.
Le vieux chien se dressa sous le lit pour me mordre.

J’eus peur.

J’eus peurUn nouveau-né dormait sur l’établi.
Je regardai les yeux du pauvre enseveli :
Ils semblaient demander pardon de cette affaire.
À travers quelques mots que prononça la mère,
Je distinguai ceci :

Je distinguai ceci— Mon pauvre matelot !

Je me taisais, voulant étouffer un sanglot,
Et voyant tout cela comme au milieu d’un rêve.

Je sortis.

Je sortis.Quand j’eus pris le détour de la grève,
Le cœur navré, l’oreille encor pleine de bruit,

L’ouragan fatigué se calmait dans la nuit.