Précis du météore qui a paru dernièrement près Weston, ville de l’état du Connecticut, dans l’Amérique septentrionale, et des pierres météoriques qu’on y a trouvées

Précis du météore qui a paru dernièrement près Weston, ville de l’état du Connecticut, dans l’Amérique septentrionale, et des pierres météoriques qu’on y a trouvées
Nouveau Bulletin des SciencesTome 1 (p. 135-137).

GÉOLOGIE.

Précis du météore qui a paru dernièrement près Weston, ville de l’état du Connecticut, dans l’Amérique septentrionale, et des pierres météoriques qu’on y a trouvées. Communiqué à la Société philomatique, par M. Warden.

Société philom. Ce phénomène est arrivé le 14 décembre 1807. Le météore parut au nord, entre 5 et 6 heures du matin, dans une direction à-peu-près perpendiculaire à l’horison, mais s’inclinant un peu vers l’occident ; sa direction étoit curviligne, en s’écartant quelquefois de quatre ou cinq degrés du plan d’un grand cercle. Son mouvement n’étoit pas aussi rapide que celui d’un météore ordinaire. Il étoit accompagné d’un corps moins lumineux, d’une forme conique, dont la longueur étoit de 10 à 12 fois le diamètre du corps, qui étoit très-visible quand il n’étoit pas obscurci par des nuages. Le météore disparut derrière un nuage au nord-est, à environ 15° du zénith et au même nombre de degrés environ à l’ouest du méridien. Il fut visible pendant 30 secondes. Environ 40 secondes après sa disparition on entendit trois fortes détonations semblables à celles qu’auroit faites un canon de quatre livres de balles placé à une petite distance. Les détonations se suivirent rapidement, l’intervalle n’étant que de trois secondes. Un bruit sourd et inégal y succéda. M. Staples, qui observa le météore, dit, que lors de sa disparition, il éprouva trois secousses successives, à chacune desquelles le météore s’obscurcissoit, il disparut à la dernière.

Les pierres tombèrent en différentes directions et à la distance de deux lieues les unes des autres ; M. Stoly, ecclésiastique, et M. Bronson de Grunfield, qui ont visité les endroits où les pierres tombèrent, ont publié un long détail des circonstances et des faits qui y sont relatifs, dont voici le précis.

Ils se transportèrent d’abord à Grunfield, où ils trouvèrent un trou dans la terre de 4 pieds de profondeur et d’autant de diamètre. La direction du trou étoit oblique, la pierre ayant tombé d’abord sur un rocher dont la surface se trouvoit brisée, et ensuite s’étoit enfoncée dans la terre. La pierre étoit cassée en plusieurs morceaux, dont le plus grand pesoit 6 ou 8 livres ; la totalité auroit rempli un boisseau anglais, ou à peu-près 4 décalitres. Ces messieurs en ramassèrent quelques-unes, le reste ayant été emporté par les habitans. La terre du trou avoit été jettée à 10 ou 15 mètres de distance, et l’on trouva au fond l’herbe qui couvroit auparavant la surface du sol. Le trou avoit été découvert par M. Sceley et sa femme, à 10 heures du matin, lorsqu’ils allèrent visiter leurs bestiaux. Ils avoient vu des éclairs et avoient entendu l’explosion. Tous les habitans du voisinage allèrent examiner le trou et les pierres le même jour.

Le second endroit que ces messieurs visitèrent, étoit la basse-cour de M. Prince, fermier, à une lieue et demie nord-est du premier endroit. Ils y virent un trou de 4 ou 5 pouces de diamètre, et de 2 pieds 2 pouces de profondeur, dont on avoit retiré, le 14 au soir, une pierre pesant 36 livres, pareille à l’autre , tant par la texture que par l’extérieur. M. Prince ainsi que sa femme et ses fils virent les éclairs et entendirent l’explosion et la chute de la pierre qui la suivit et qui les épouvanta beaucoup. M. Prince trouva un autre trou à 27 pieds de la maison, qui lui paroissoit avoir été nouvellement fait. Il ne vit rien dans le trou, mais ses fils ayant entendu parler de la chute de la pierre dont on vient de faire mention, retirèrent la terre et trouvèrent dans le trou une pierre pesant 11 livres, et dont quelques morceaux en avoient été détachés par d’autres pierres qu’elle avoit rencontrées dans sa chute. Cette pierre est en la possession de M. Bronson. Un nommé M. Stubel passoit par cet endroit à la distance de 130 mètres lorsqu’elle tomboit. Il vit le météore et entendit l’explosion et un bruit dans l’air semblable à celui causé par un ouragan.

Le troisième endroit où les pierres météoriques tombèrent, étoit à deux lieues nord-est de la ferme de M. Prince près d’un grand chemin. Cette portion tombant sur un rocher, étoit cassée en plusieurs morceaux dont le plus grand ne pesoit que 4 ou 5 onces. Le tout n’auroit pas rempli la mesure d’une pinte. Cette pierre tomba à 28 mètres de la maison de M. Burt qui, ainsi que sa femme, vit des éclairs et entendit l’explosion et un bruit comme si un corps étoit tombé dans un marais situé à 20 ou 28 mètres de la maison. Ils sortirent avec une chandelle pour voir ce qui étoit arrivé, mais sans rien trouver. Ce ne fut qu’au lever du soleil qu’ils découvrirent les fragmens qui avoient été brisés sur le rocher. Le marais étant rempli d’eau, n’a pas été examiné. Il paroît que le météore a été vu et l’explosion entendue d’un très-grand nombre de personnes à Weston et dans les villes d’alentour.

La pierre est fortement aimantée ; son extérieur est couvert d’une croûte lisse et polie. Sa cassure présente une couleur de plomb bleuâtre. La portion qui tomba à Sceleyo pèse environ 100 livres. Les maisons de la ville de Milford, situées à 10 lieues du point de l’explosion ont été plus ébranlées que celles du voisinage.

Il paroît que plusieurs personnes ont des morceaux de ces pierres. MM. Salmon et Jenningo, de New-Yorck, en ont montré une portion qui pèse 37 livres. J’ai vu des certificats des professeurs de mathématiques, de minéralogie et de chimie, au collège de Columbia, à New-Yorck, qui attestent que cette portion provient du météore qui parut près la ville de Weston. M. Sellimom, professeur de chimie au collège de Hale, a ramassé plusieurs morceaux de ses propres mains.

M. Bruce, professeur de minéralogie à New-Yorck, a un morceau d’une pierre qui tomba à Ensisheim, en 1492, et dont les caractères extérieurs ressemblent parfaitement à ceux de la pierre météorique de Weston.