Pour lire en automobile/La Survie assurée/02

II

Des différents modes de transmission. — Nouvelle lune de miel. — Des diverses combinaisons a la portée des gens riches.

J’ai dit qu’il faudrait une nouvelle législation pour autoriser les notaires et la Banque de France à faire le nécessaire, à remplir les formalités indispensables ; c’est entendu, mais précisément, pour se charger de toute cette cuisine matérielle et paperassière, si j’ose m’exprimer ainsi, il faudrait, à coup sûr, de grands établissements, analogues à nos compagnies actuelles d’assurances sur la vie et qui pourraient vous offrir les combinaisons les plus variées et les plus intéressantes.

Je ne veux pas les citer toutes ; mais, par exemple, les gens riches qui ne regarderaient pas à la dépense et qui seraient heureux en ménage, pourraient s’arranger pour faire entrer leur femme dans la combinaison, de manière à se retrouver sur la terre, au même moment, exactement, au bout de deux ou trois siècles et ceux mêmes qui seraient extrêmement riches pourraient charger la Compagnie spéciale de faire réincarner leur femme-âme dans un corps plus jeune. Ceux qui aimeraient le changement, toujours en y mettant le prix pour les frais de correspondance, pourraient se payer la joie ineffable de la comparaison des enveloppes charnelles différentes et assurer la survie de leur épouse, à date fixe, dans la personne d’une femme noire de couleur, d’une chinoise ou d’une japonaise.

Il est bien entendu que, le cas échéant, on pourrait faire la même galanterie vraiment royale — à sa bonne amie, si l’on avait le malheur d’être encore célibataire.

Il me semble qu’il est inutile d’insister ; le lecteur bénévole m’aura compris à demi-mot et il n’est pas douteux que l’établissement en question ne soit à même d’offrir à sa clientèle le choix, si j’ose de nouveau m’exprimer de la sorte, des combinaisons infiniment plus séduisantes que celles imaginées à l’heure présente, par la New-York elle-même.

Maintenant reste un point très grave à élucider et sur lequel, je l’avoue humblement, malgré toutes mes recherches, je ne suis pas encore bien fixé, quoi que je puisse dire, dès l’heure présente, que tout semble me permettre d’espérer une heureuse solution.

En effet le point est grave, délicat, intéressant. Voilà de quoi il s’agit : pouvons-nous à volonté garder ainsi notre fluide-âme pour nous réincarner et revivre, homme, dans le corps d’une femme, et, femme dans le corps d’un homme. Il est évident que ce serait infiniment plus intéressant à des points de vue aussi divers que variés. Supposez un instant qu’un homme de la trempe de Zola se trouve ainsi revenir dans le corps d’une femme ; le grand psychologue, après avoir analysé les sentiments de l’homme, pourra analyser ceux de la femme, après un certain laps de temps, il est vrai, avec une égale sincérité, en égale connaissance du moi, ce qui est tout, si l’on veut arriver à décrire des pages vraiment vécues et sincères sur notre pauvre humanité.

Mais, encore une fois, je le répète, je poursuis mes recherches et je ne désespère pas du tout d’arriver à vaincre cette difficulté. Ce ne serait pas du tout l’Androgyne, puisque le phénomène ne se produirait que dans le temps, successivement et non pas simultanément et à longue échéance ; mais quel monde de spéculations merveilleuses pour le penseur, le philosophe, l’observateur un peu attentif et débrouillard. Comme il serait intéressant de savoir, par exemple, par expérience, à quel sexe il est plus amusant d’appartenir, pendant la minute divine où deux âmes s’échangent dans un baiser suprême ! Je ne veux pas déflorer le sujet ; toutefois, il me sera bien permis de constater que, si j’arrive à ce résultat superbe, définitif, ma découverte sera tout à fait parfaite. Et quand je dis cela, ce n’est pas par un sentiment d’orgueil mal placé, qu’on ne le croie pas, du moins, mais simplement parce que je crois avoir la conscience très nette et très précise d’avoir fait faire, dans ces dernières années, un très grand pas à cette partie si intéressante de la physique, des sciences naturelles qui s’occupent de ces deux agents mystérieux encore mal connus à l’heure actuelle et qui cependant régissent l’univers : le fluide-électricité-matériel et le fluide électricité-âme, c’est-à-dire le fluide-moral.

Là est l’avenir et je serai heureux et fier si j’ai pu apporter un peu de lumière dans les recherches ardentes et passionnées de la science, de ce côté.