Pour la grande fête militaire donnée dans l’orangerie de Versailles, le 20 août 1859
Salut, Banquet aux forces vives !
Tout Versailles pour hôte !… et, sous mille orangers,
Cinq mille héros pour convives !…
Ah ! qu’ils soient à l’honneur !… ils étaient aux dangers !
Versailles vous reçoit, braves guerriers ; Versailles
Ne s’appellera plus la veuve des grands noms ;
Solferino lui rend les géants de Marsailles ;
Ce n’est plus le passé qu’ici nous couronnons,
Avec un saint effroi l’Europe vous regarde ;
Et l’Europe a raison : car, après cinquante ans,
C’est l’Empereur encor, et c’est encor la Garde !
Encor la Vieille-Garde, à ses premiers printemps !
Vos balles, dont le bruit au cœur des peuples vibre.
Ont ouvert l’Italie, et son air s’épura ;
Vos boulets ont creusé le sillon du grain libre…
Ce grain de l’avenir, sous les vents, germera !
Il fut, un jour, hélas ! le vaincu de l’Europe
Notre Empire français, par vingt rois assiégé ;
Mais l’Aigle, à son réveil, a pris pour horoscope :
« MIL HUIT CENT QUINZE ÉTEINT, ET WATERLOO VENGÉ ! »
Soldats réparateurs, voilà ce que vous faites !
Voilà de vos drapeaux ce qui s’élance au loin !
Voilà nos horizons… et pourquoi tant de fêtes,
Dont le monde est l’ardent… ou l’inquiet témoin !
Jamais si peu de jours n’ont vu si grand exemple
De combats triomphants, d’élan illimité !
Le mépris de la mort ne fut jamais plus ample ;
Le mépris de la mort fait l’immortalité.
De Gêne à Brescia les jardins et les lyres
Ont répandu sur vous leurs trésors alternés. —
À la France ! — ses fleurs, ses vers et ses sourires
Pour vos faits rayonnants et vos fronts basanés !
Salut, Banquet aux forces vives !
Tout Versailles pour hôte !… et, sous mille orangers,
Cinq mille héros pour convives !…
Ah ! qu’ils soient à l’honneur !… ils étaient aux dangers !