Pour Celle qui filait/1
Pour Celle qui filait.
C’est pleurer que je voudrais,
Ô fileuse de l’automne,
Dans ta robe aux parfums frais
Où ma main tâtonne.
J’ai suivi par les cités
Les pas des femmes mauvaises ;
Mes baisers sont moins comptés
Qu’au printemps les fraises.
Ces pieds maintenant si las,
Battaient-ils gaiement la ronde,
Aux jours où sous les lilas
Je riais au monde !
Mais voici que tout cela
N’est que le rêve d’un rêve ;
J’ai payé, bien au-delà,
Ma volupté brève !
Revenu, par quels chemins !
À ta paix, calme ouvrière,
Je murmure entre tes mains
La vieille prière.
Si tu sens, prise à l’émoi
De ces blanc mots de l’enfance,
Un peu de pitié pour moi
Qui suis sans défense,
Ah ! baisse en larmes tes yeux,
Ces yeux plus doux que des lèvres,
Je croirai sentir les cieux
Fleurer sur mes fièvres !